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27/02/1997 | CANADA | N°[1997]_1_R.C.S._487

Canada | Conseil de l'éducation de Toronto (Cité) c. F.E.E.E.S.O., district 15, [1997] 1 R.C.S. 487 (27 février 1997)


Conseil de l’éducation de Toronto (Cité) c. F.E.E.E.S.O., district 15, [1997] 1 R.C.S. 487

Le Conseil de l’éducation de la cité de Toronto Appelant

c.

Fédération des enseignants‑enseignantes des écoles

secondaires de l’Ontario, district 15 (Toronto),

Owen Shime, c.r., A. S. Merritt et L. A. Jones Intimés

Répertorié: Conseil de l’éducation de Toronto (Cité) c. F.E.E.E.S.O., district 15

No du greffe: 24724.

1996: 6 novembre; 1997: 27 février.

Présents: Le juge en chef Lamer et les juges La Forest, L’Heureuxâ

€‘Dubé, Sopinka, Gonthier, Cory, McLachlin, Iacobucci et Major.

en appel de la cour d’appel de l’ontario

POURVOI contre un arrê...

Conseil de l’éducation de Toronto (Cité) c. F.E.E.E.S.O., district 15, [1997] 1 R.C.S. 487

Le Conseil de l’éducation de la cité de Toronto Appelant

c.

Fédération des enseignants‑enseignantes des écoles

secondaires de l’Ontario, district 15 (Toronto),

Owen Shime, c.r., A. S. Merritt et L. A. Jones Intimés

Répertorié: Conseil de l’éducation de Toronto (Cité) c. F.E.E.E.S.O., district 15

No du greffe: 24724.

1996: 6 novembre; 1997: 27 février.

Présents: Le juge en chef Lamer et les juges La Forest, L’Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier, Cory, McLachlin, Iacobucci et Major.

en appel de la cour d’appel de l’ontario

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario (1995), 80 O.A.C. 153, qui a accueilli l'appel du syndicat intimé contre une décision de la Cour divisionnaire (1991), 52 O.A.C. 8, 83 D.L.R. (4th) 552, qui avait cassé une décision arbitrale ordonnant la réintégration sous conditions de l'auteur du grief. Pourvoi accueilli.

Christopher G. Riggs, c.r., Andrea F. Raso et Timothy P. Liznick, pour l'appelant.

Maurice A. Green et Margaret Correia, pour l’intimée la Fédération des enseignants‑enseignantes des écoles secondaires de l'Ontario, district 15 (Toronto).

//Le juge Cory//

Version française du jugement du juge en chef Lamer et des juges La Forest, Sopinka, Gonthier, Cory, McLachlin, Iacobucci et Major rendu par

1. Le juge Cory -‑ La seule question en litige dans le présent pourvoi consiste à déterminer si le conseil d’arbitrage a commis une erreur manifestement déraisonnable en ordonnant que M. Bhadauria soit réintégré, sous conditions, dans son poste d’enseignant auprès du Conseil de l’éducation appelant.

Le contexte factuel

2. Il convient d’exposer les faits en détail, car ils permettront de déterminer le caractère raisonnable de la décision du conseil d’arbitrage.

3. Le plaignant, Jagdish Bhadauria, a enseigné pour le Conseil de l’éducation appelant pendant presque 20 ans. Entre 1981 et 1984, il a postulé l’emploi de directeur adjoint à 39 reprises. Bien qu’il ait été convoqué plusieurs fois à une entrevue, il n’a jamais été promu. En 1984, il a déposé une plainte auprès de la Commission ontarienne des droits de la personne, soutenant que les pratiques en matière d’embauche du Conseil de l’éducation appelant créaient de la discrimination systémique à l’endroit des personnes d’origine sud‑asiatique. Les audiences de la commission d’enquête constituée pour trancher la plainte ont été longues, débutant en 1987 et se terminant en 1990. La commission d’enquête a rendu sa décision en avril 1990. Bien qu’elle ait indiqué que le processus d’embauche comportait des lacunes, la commission d’enquête a conclu que l’allégation de discrimination systémique formulée par M. Bhadauria n’avait pas été prouvée.

4. Le 17 octobre 1989, pendant que se poursuivaient les audiences de la commission d’enquête, M. Bhadauria a écrit une lettre à M. E. M. McKeown, directeur de l’éducation sortant du Conseil de l’éducation appelant. Une copie de cette lettre a été envoyée au président du Conseil de l’éducation, ainsi qu’aux commissaires d’école du Conseil de l’éducation et aux [traduction] «dirigeants politiques concernés». Dans cette lettre, le Conseil de l’éducation était qualifié de [traduction] «Reichstag de la persécution raciale». La lettre renfermait un certain nombre d’accusations fort troublantes visant M. McKeown et d’autres membres de la direction, notamment les accusations suivantes:

[traduction] Une personne juive condamnée aurait eu droit à plus de clémence de la part d’Hitler que vous ne m’en avez témoignée. Vous savez bien qu’Idi Amin ou que Pinochet n’ont jamais tué qui que ce soit de leurs propres mains, et que Noriega n’a jamais vendu de drogues personnellement. Le sale travail de ces tyrans était exécuté par leurs hommes de main. Selon la preuve existante, j’ai toutes les raisons de croire que vous n’avez jamais conseillé cette bande de crapules et de vauriens, notamment Hayes, Banks, Choma, Sissons, Snell, et que vous les avez encore moins réprimandés pour leurs atrocités.

. . .

Si je devais comparer le sadisme de Sissons, Hayes, Choma, Snell, Banks et autres à celui d’oppresseurs de calibre international, je dirais que leurs actes surpassent les atrocités d’Idi Amin, de Pinochet et de Marcos, et qu’ils sont comparables à ceux d’Hitler et de Staline, qui exterminaient sans pitié les dissidents.

. . .

Sous votre gouverne et votre direction, le conseil a mis sur pied une vaste machine de propagande qui a très bien su convaincre le monde entier que le Conseil de l’éducation de Toronto est un pionnier en matière de relations raciales. Même Goebbels n’aurait pas eu autant de succès.

5. Cette lettre contenait également des propos qui pourraient être perçus comme des menaces voilées de mort contre M. McKeown et d’autres personnes. Ces propos étaient formulés ainsi:

[traduction] Dans un autre article de journal que vous trouverez ci‑joint, à titre d’information, il est question du comportement humain lorsque le seuil de tolérance est atteint. Cet article s’intitule: «Disgruntled Employee kills 7, wounds 13».

Cet incident et de nombreux autres de nature similaire rapportés à l’occasion font tout simplement ressortir la fragilité de la tolérance humaine. Si je me fonde sur ma vaste expérience de la souffrance humaine, je peux sans risque prédire qu’un tel incident se produira au sein du conseil. Mais il sera alors trop tard pour essayer de comprendre les motifs de l’agresseur.

6. Par suite de ces remarques inquiétantes, on a demandé à M. Bhadauria de se soumettre à une évaluation psychiatrique qui a été effectuée à la fin d’octobre 1989 par le Dr A. I. Malcolm. Ce dernier n’a décelé aucun signe de maladie mentale. Le Dr Malcolm a conclu que M. Bhadauria avait fait montre d’un très mauvais jugement, mais qu’il [traduction] «limiterait toujours ses manifestations d’agressivité à des paroles». Il était d’avis que M. Bhadauria continuerait probablement à [traduction] «faire des commentaires très virulents dans divers médias».

7. Le 15 décembre 1989, M. Bhadauria a rédigé une deuxième lettre tout aussi offensante et plus explicitement menaçante que la première. Il parlait du récent [traduction] «massacre à Montréal» de 14 femmes; il s’identifiait aux victimes et exprimait son chagrin relativement à l’événement. Il a écrit ceci:

[traduction] Une fois surmontée la douleur, je suis devenu extrêmement déçu que le massacre se soit produit à Montréal et non au 155 de la rue College, l’épicentre de l’ouverture raciale symbolique et de l’intolérance raciale au Canada. J’aurais aimé que Lapine (sic) vous aligne contre le mur, vous et vos laquais de directeurs, dont Snell, Hayes, Sissons, Banks, Choma et autres complices, et vous descende tous. Cela aurait été la journée la plus gratifiante de ma vie. Je puis vous assurer que je n’aurais pas versé une larme sur votre disparition violente et prématurée.

. . .

Pendant huit ans, le Comte Dracula Hayes et la bande de sbires sous votre direction ont sucé mon sang et ont fait de moi un être de marbre, dépourvu de sentiments, pour qui le massacre de l’ensemble ou de certains des membres de votre bande serait une revanche juste et acceptable.

8. Dans sa lettre, il fait allusion à l’incidence, sur sa personnalité et sa capacité d’enseigner, de la discrimination dont il se sent victime:

[traduction] J’étais l’un des enseignants les plus compétents, les plus dévoués et les plus affables jusqu’à ce que ces crapules de directeurs commencent leurs haineuses atrocités à mon endroit. Huit années de persécution continuelle m’ont transformé en démon assoiffé de sang et de vengeance. Cette persécution a totalement détruit ma capacité d’enseigner, ma mémoire et ma gentillesse.

9. La conclusion de sa lettre était extrêmement troublante. Voici ce qu’il a dit:

[traduction] C’est le temps de Noël, période remplie de joie, de bonheur et de compréhension. En ce qui me concerne, j’ai vécu dix périodes de Noël remplies de douleurs. Lépine aurait dû changer cela. Peut‑être quelqu’un d’autre le fera‑t‑il dans l’avenir.

Maintenant que vous quittez le conseil, je vais m’assurer que vous n’oublierez jamais ce que vous et votre bande m’avez fait. Ce n’est pas une menace, mais une promesse que je vais vous hanter jusqu’à la fin de vos jours et vous rappeler à chaque Noël que vous avez présidé à l’enterrement de ma carrière. Vous ne pourrez jamais échapper à ce rappel annuel.

10. Il n’est pas étonnant, après cette deuxième lettre, que l’on ait de nouveau demandé à M. Bhadauria de se soumettre à une évaluation psychiatrique. Le Dr Malcolm l’a vu à la fin de décembre 1989. Dans son deuxième rapport, le Dr Malcolm a indiqué qu’il ne croyait pas M. Bhadauria lorsqu’il affirmait qu’il n’avait pas eu l’intention d’effrayer M. McKeown ou les autres personnes mentionnées dans la lettre. Le Dr Malcolm était d’avis que [traduction] «l’objet général de la lettre était de semer l’incertitude et la crainte dans l’esprit du directeur sortant et des autres membres du conseil». Néanmoins, il demeurait d’avis qu’il était improbable que M. Bhadauria ait recours à la violence, et que, quoiqu’il poursuivrait son harcèlement, ce serait verbalement. Cependant, il était préoccupé par la conclusion de la lettre et il a recommandé qu’on consulte un autre psychiatre et que l’on fasse procéder une évaluation de la personnalité par un psychologue.

11. En janvier 1990, le Dr Ruth Bray, une psychologue, a évalué M. Bhadauria. Elle a conclu qu’il n’avait aucune intention consciente de causer un préjudice physique aux personnes qu’il avait mentionnées dans la lettre. Elle a exprimé certaines préoccupations relativement à l’«adaptation» de sa personnalité, mais a estimé qu’il ne serait pas productif de recommander une thérapie ou du counseling. Elle a ensuite conclu en disant que [traduction] «M. Bhadauria continuera d’être une source d’irritation constante pour ceux qui, dans son esprit, profitent des minorités ou ne leur accordent pas ce qui leur revient». Elle était d’accord qu’il ne souffrait d’aucune maladie mentale identifiable.

12. Par la suite, M. Bhadauria a rencontré un psychiatre, le Dr G. A. da Costa. Dans son rapport, ce dernier a confirmé que M. Bhadauria ne souffrait d’aucune maladie mentale et qu’il ne présentait aucun risque de violence physique.

13. Le 25 janvier 1990, après la réception des deux lettres, le Conseil de l’éducation a congédié M. Bhadauria. Les motifs de cette décision étaient exposés dans une lettre qui lui a été envoyée par Mme Joan Green, directrice de l’éducation à cette date, et dont voici un extrait:

[traduction] Pour faire suite à ma lettre en date du 18 janvier 1990, je désire vous informer que, à sa réunion ordinaire du 25 janvier 1990, le Conseil a approuvé les recommandations suivantes:

a) que Jagdish Bhadauria, enseignant permanent affecté à l’école secondaire de West Toronto, soit suspendu avec traitement à compter du 2 janvier 1990;

b) que le Conseil mette fin au contrat d’emploi permanent de Jagdish Bhadauria à compter du 31 août 1990;

c) que Jagdish Bhadauria soit informé par écrit que son contrat d’emploi permanent est résilié parce qu’il ne s’est pas conduit de façon professionnelle, qu’il a fait preuve de mauvais jugement et qu’il a démontré une attitude indiquant qu’il n’est plus en mesure de s’acquitter de ses fonctions d’enseignant en vertu de la Loi sur l’éducation et de ses règlements d’application. . . .

14. Le 16 février 1990, M. Bhadauria a déposé un grief en vertu de la convention collective applicable, soutenant qu’on lui avait imposé des mesures disciplinaires sans cause juste. L’affaire a été entendue par un conseil d’arbitrage tripartite en octobre 1990. Le 25 août 1990, avant la date fixée pour le début des audiences du conseil d’arbitrage, M. Bhadauria a écrit au Conseil de l’éducation une troisième lettre, qui commençait ainsi:

[traduction] Bien que mes avocats m’aient conseillé de m’abstenir d’écrire quelque lettre aux administrateurs du conseil, je ne puis refréner mon désir naturel de coucher mes pensées sur papier et de les transmettre aux parties concernées à ce moment-ci.

15. Même si cette lettre était moins injurieuse et menaçante que les précédentes, elle témoignait aussi d’une amertume dévorante. Monsieur Bhadauria y exprimait sa colère relativement à son congédiement et accusait le Conseil de l’éducation de faire fi de la loi. Il faisait des comparaisons entre le Conseil de l’éducation et des régimes oppressifs comme ceux d’Afrique du Sud et de Russie. Il a comparé son congédiement à [traduction] «la peine infligée à Salman Rushdie par le défunt tyran Ayatollah Khomeini».

16. Au terme de l’audition du grief, deux des membres du conseil d’arbitrage ont statué que la décision de l’employeur de congédier M. Bhadauria devait être annulée. Ils ont ordonné sa réintégration, à certaines conditions, l’assujettissant à des mesures de surveillance rigoureuses et à un avertissement de congédiement sommaire en cas de récidive. Le membre dissident aurait confirmé le congédiement.

17. Le Conseil de l’éducation appelant a demandé le contrôle judiciaire de cette décision à la Cour divisionnaire, soutenant que les arbitres avaient commis des erreurs de compétence et des erreurs manifestement déraisonnables. À l’unanimité, la Cour divisionnaire a annulé la décision pour le motif que les arbitres ne disposaient d’aucune preuve justifiant la réintégration sous conditions de l’auteur du grief: (1991), 52 O.A.C. 8, 83 D.L.R. (4th) 552. Le syndicat intimé a interjeté appel de cette décision à la Cour d’appel de l’Ontario, qui, à l’unanimité, a rétabli la décision arbitrale: (1995), 80 O.A.C. 153.

Les dispositions législatives applicables

18. Les normes professionnelles élevées auxquelles doivent se conformer les enseignants sont énoncées dans la Loi sur l’éducation, L.R.O. 1990, ch. E.2, plus particulièrement à son par. 264(1), qui prévoit notamment ce qui suit:

264 (1) L’enseignant, même temporaire, exerce les fonctions suivantes:

a) enseigner avec application et loyauté aux classes que lui assigne le directeur d’école, et enseigner ainsi les matières que lui assigne celui‑ci;

b) encourager les élèves à poursuivre leur apprentissage;

c) inculquer, par les préceptes et l’exemple, le respect de la religion et les principes de la morale judéo‑chrétienne et la plus haute considération pour la vérité, la justice, la loyauté, le patriotisme, l’humanité, la bienveillance, la sobriété, le zèle, la frugalité, la pureté, la modération et toutes les autres vertus;

19. Les rapports entre les parties sont régies par une convention collective qui établit la procédure de règlement des griefs présentés pendant sa durée. En voici certaines dispositions pertinentes:

[traduction]

1.4.11.0.0. . . . L’arbitre ou le conseil d’arbitrage entend et tranche tout grief, rend une décision finale et exécutoire pour les parties. . . .

1.4.21.0.0. Un enseignant ne peut faire l’objet de mesures disciplinaires que pour une cause juste.

1.4.22.0.0. Si un grief porte sur une mesure disciplinaire infligée à un enseignant, y compris un renvoi disciplinaire, ou un congédiement pour incompétence, ou cause juste, le conseil d’arbitrage peut soit confirmer la décision du conseil, soit réintégrer l’enseignant dans son poste avec ou sans indemnité complète, ou encore modifier la sanction infligée.

20. Quant à la convention collective, elle est régie par la Loi sur la négociation collective entre conseils scolaires et enseignants, L.R.O. 1990, ch. S.2, qui établit un code exhaustif en vue de la négociation des conventions collectives des enseignants en Ontario. Toutes les conventions collectives visées par la Loi doivent contenir une disposition prévoyant le règlement définitif des différends par arbitrage. Les décisions des arbitres sont protégées par une clause privative solide, énoncée à l’art. 72:

72 Sauf en ce qui concerne l’article 51, sont irrecevables devant un tribunal les requêtes en contestation ou en révision des décisions, ordres, ordonnances, directives ou déclarations de la Commission, d’un enquêteur, d’un arbitre ou d’un conseil d’arbitrage, d’un arbitre des dernières offres ou de la Commission des relations de travail de l’Ontario. Sont également irrecevables les instances visant la contestation, la révision, la limitation ou l’interdiction de leurs activités, par voie notamment d’injonction, de jugement déclaratoire, de brefs de certiorari, mandamus, prohibition ou quo warranto ou de requête en révision judiciaire. Aucun tribunal ne rend une ordonnance donnant suite à une telle instance.

Les décisions des juridictions inférieures

Le conseil d’arbitrage

Owen B. Shime, c.r., (président) et L. A. Jones (représentant désigné de la Fédération)

21. Les membres de la majorité du conseil d’arbitrage ont tout d’abord souligné que la décision rendue par la commission d’enquête sur l’allégation de discrimination systémique formulée par M. Bhadauria faisait partie des faits dont convenaient les parties. Les arbitres ont donc pu prendre note des constatations exhaustives de la commission d’enquête au sujet de l’excellent dossier professionnel de M. Bhadauria jusque là. Cependant, les membres de la majorité ont aussi tenu compte de l’observation de la commission d’enquête que l’absence de promotion avait eu un effet négatif sur ce dernier, situation dont témoignait en partie le fait qu’il avait cessé toute activité parascolaire, qu’il s’était séparé de son épouse et qu’il avait consulté un psychiatre.

22. Les membres de la majorité n’ont fait état que des deux premières lettres de M. Bhadauria. Ils ont aussi pris en considération les rapports des divers professionnels de la santé qui ont évalué M. Bhadauria après qu’il ait rédigé ces deux lettres. Ils ont spécifiquement accepté le témoignage de Mme Joan Green, directrice de l’éducation, qui était d’avis que l’auteur du grief n’était pas apte à enseigner. De plus, ils ont mentionné qu’ils n’étaient pas disposés à accepter le témoignage de M. Bhadauria.

23. Néanmoins, les membres de la majorité ont dit être d’avis que M. Bhadauria avait perdu tout sens des proportions en raison de la durée des procédures de la commission d’enquête, de la déception et de la frustration provoquées par l’absence de promotion et du stress en résultant. Ils ont ensuite conclu qu’il [traduction] «y a[vait] de bonnes chances que l’auteur du grief redevienne plus calme», puisque les procédures de la commission d’enquête étaient maintenant chose du passé. Les membres de la majorité sont aussi arrivés à la conclusion suivante:

[traduction] Il est raisonnable d’inférer, à la lumière de la preuve, que la conduite aberrante de l’auteur du grief est survenue au cours d’une période de grand stress, que cette conduite était temporaire et qu’elle ne devrait pas se reproduire dans l’avenir.

24. Vu les longs états de service de l’auteur du grief dans l’enseignement et son excellente réputation, les membres de la majorité ont conclu que son congédiement était une sanction trop sévère. Ils ont souligné que même si les lettres étaient menaçantes, témoignaient d’un manque de jugement et [traduction] «révélaient une personne qui ne devrait pas être en salle de cours», ces facteurs devaient être examinés en regard des longs états de service et de l’ancienneté de l’auteur du grief. En conséquence, les membres de la majorité ont dit être d’avis que [traduction] «l’auteur du grief n’[était] pas irrécupérable», et «qu’il y a[vait] des chances que l’efficacité de l’auteur du grief comme enseignant n’ait pas été complètement détruite». La sanction -- en l’occurrence le congédiement -- a en conséquence été annulée. Monsieur Bhadauria a été réintégré, sous réserve de conditions strictes, dont une suspension sans traitement, des mesures de surveillance de ses activités d’enseignement pendant deux ans et un avertissement de congédiement sommaire en cas de récidive.

A. S. Merritt (représentant désigné du Conseil) (dissident)

25. Monsieur Merritt a fait état du caractère extrême, cruel et vitriolique des lettres en question. Il a souligné que le plaignant se décrivait lui-même comme une [traduction] «bête assoiffée de vengeance», il a mis en doute la capacité d’une telle personne d’enseigner à des enfants. À son avis, le moment auquel avaient été écrites ces lettres témoignait d’un manque de jugement flagrant, en ce qu’elles compromettaient l’audience sur les droits de la personne qui, estimait l’auteur du grief, lui permettrait de prouver le bien-fondé de ses prétentions.

26. Un facteur important pour M. Merritt était le fait que le plaignant n’avait affiché aucun remords d’avoir écrit ces lettres, que ce soit avant ou pendant la procédure d’arbitrage. Les seules expressions de regret de M. Bhadauria semblaient se rapporter au fait que ses actes avaient mis en péril son gagne-pain. Qui plus est, au cours du contre‑interrogatoire, M. Bhadauria avait admis que les vues exprimées dans les lettres étaient inconvenantes de la part d’une personne chargée d’enseigner à des jeunes.

27. Le membre dissident était aussi d’avis que la preuve ne démontrait pas que les sentiments du plaignant étaient temporaires ou constituaient des aberrations momentanées. Il estimait plutôt que le contraire avait été démontré lorsque le plaignant avait rédigé la troisième lettre à la suite de son congédiement.

28. Monsieur Merritt a examiné les normes professionnelles applicables aux enseignants, qui sont énoncées à l’al. 264(1)c) de la Loi sur l’éducation (anciennement l’al. 235(1)c)). Même s’il a reconnu que ces normes établissent des objectifs plutôt que des exigences absolues, il a néanmoins affirmé qu’elles traduisent le fait que les parents confient leurs enfants aux enseignants, pour que ceux-ci agissent en leur lieu et place, et qu’ils exigent d’eux qu’ils donnent l’exemple. Monsieur Merritt a dit craindre que la colère, l’amertume et la haine exprimées dans les lettres ne transpirent de façon subtile dans la salle de cours. En conséquence, il n’a pu accepter [traduction] «le grand acte de foi qui doit être fait pour convenir de sa réintégration». Il aurait confirmé le congédiement de l’auteur du grief par l’employeur.

La Cour divisionnaire

29. Le juge Steele, s’exprimant au nom de la cour, a examiné le droit applicable et conclu que le conseil d’arbitrage avait compétence pour annuler le congédiement de l’auteur du grief et lui substituer une sanction différente. La seule question était de savoir si la décision de le faire était manifestement déraisonnable.

30. Le juge Steele a étudié soigneusement la preuve constituant le fondement de la décision arbitrale et il a conclu (à la p. 12 O.A.C.) qu’il n’y avait [traduction] «aucun élément de preuve étayant le caractère temporaire de la conduite. En fait, il n’y en avait pas ou ceux qui existaient étaient entièrement à l’effet contraire.» Le juge a fait remarquer que les arbitres n’avaient pas ajouté foi au témoignage de M. Bhadauria. De plus, la preuve de la bonne réputation de l’auteur du grief s’arrêtait à 1984, et ce dernier a lui‑même indiqué que sa personnalité avait changé au cours de l’année en question. Qui plus est, l’auteur du grief n’a affiché aucun remords, et la preuve psychiatrique indiquait qu’il allait vraisemblablement continuer de se conduire de cette façon.

31. Le juge Steele a mentionné qu’il aurait été loisible au conseil d’arbitrage, s’il y avait eu des éléments de preuve permettant de conclure que l’auteur du grief était apte à enseigner à l’époque de l’audience, d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour décider si celui-ci devait être autorisé à le faire. Cependant, comme les lettres démontraient que le plaignant n’était pas apte à enseigner et qu’il n’existait aucune preuve indiquant que cette inaptitude était temporaire, le remplacement de la sanction par les arbitres ne pouvait être confirmé. Le juge Steele a en conséquence annulé la décision arbitrale.

La Cour d’appel de l’Ontario

32. La Cour d’appel a accueilli l’appel de la décision de la Cour divisionnaire pour le motif que, [traduction] «dans l’application du critère de la décision «manifestement déraisonnable», la Cour divisionnaire s’était permis d’examiner le fond de l’affaire d’une manière plus approfondie qu’il ne convient de le faire selon la définition de l’expression «manifestement déraisonnable» formulée par la Cour suprême du Canada» (p. 154). La Cour d’appel a statué que, même s’il était possible qu’un tribunal siégeant en révision ne souscrive pas à la conclusion des arbitres, celle-ci n’était pas manifestement déraisonnable. Elle a en conséquence rétabli l’ordonnance des membres de la majorité du conseil d’arbitrage.

La question en litige

33. La seule question en litige dans le présent pourvoi est de savoir si la décision du conseil d’arbitrage d’annuler le congédiement de l’auteur du grief par l’employeur est manifestement déraisonnable.

L’analyse

L’obligation de retenue envers les tribunaux administratifs

34. Au départ, il convient de souligner que le présent pourvoi ne soulève aucun nouveau principe de droit. Il doit plutôt être tranché par application des principes reconnus. Il pourrait être utile de revoir brièvement ces principes. Dans Pezim c. Colombie‑Britannique (Superintendent of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557, le juge Iacobucci, s’exprimant au nom de notre Cour, a examiné le degré de retenue judiciaire dont il faut faire preuve envers les diverses catégories de tribunaux administratifs. Il a décrit ainsi la position que les tribunaux devraient adopter, aux pp. 589 et 590:

Il existe diverses normes de contrôle applicables à la myriade d’organismes administratifs qui existent au Canada. Dans l’examen de la norme de contrôle applicable, il faut avant tout déterminer quelle était l’intention du législateur lorsqu’il a conféré compétence au tribunal administratif. Pour répondre à cette question, les tribunaux ont examiné divers facteurs, dont le rôle ou la fonction du tribunal. Il est également essentiel de savoir si les décisions de l’organisme sont protégées par une clause privative. Enfin, il est d’une importance fondamentale de savoir si la question touche la compétence du tribunal concerné.

Compte tenu du grand nombre de facteurs pertinents pour la détermination de la norme de contrôle applicable, les tribunaux ont élaboré toute une gamme de normes allant de celle de la décision manifestement déraisonnable à celle de la décision correcte. Les tribunaux ont également formulé un principe de retenue judiciaire qui s’applique à l’égard non seulement des faits constatés par le tribunal, mais aussi des questions de droit dont le tribunal est saisi en raison de son rôle et de son expertise. À une extrémité de la gamme, où la norme du caractère raisonnable de la décision appelle le plus haut degré de retenue, ce sont les cas où un tribunal protégé par une véritable clause privative rend une décision relevant de sa compétence et où il n’existe aucun droit d’appel prévu par la loi. . . .

À l’autre extrémité de la gamme, où la norme de la décision correcte requiert le moins de retenue relativement aux questions juridiques, ce sont les cas où les questions en litige portent sur l’interprétation d’une disposition limitant la compétence du tribunal (erreur dans l’exercice de la compétence) ou encore les cas où la loi prévoit un droit d’appel qui permet au tribunal siégeant en révision de substituer son opinion à celle du tribunal, et où le tribunal ne possède pas une expertise plus grande que la cour de justice sur la question soulevée, par exemple dans le domaine des droits de la personne.

Le très haut degré de retenue envers les tribunaux d’arbitrage en matière de relations du travail

35. L’arrêt Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941 (AFPC no 2), a fait ressortir qu’il est d’une importance capitale, dans le contexte des relations du travail, de faire preuve de retenue judiciaire dans les cas où la décision du tribunal, comme celle du conseil d’arbitrage en l’espèce, est protégée par une clause privative de large portée. Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles il y a lieu de faire preuve de retenue judiciaire dans ces cas. Le domaine des relations de travail est délicat et explosif. Il est essentiel de disposer d’un moyen de pourvoir à la prise de décisions rapides, par des experts du domaine sensibles à la situation, décisions qui peuvent être considérées définitives par les deux parties.

36. De façon plus particulière, il a été jugé que le but de l’arbitrage des griefs est d’assurer un règlement rapide, définitif et exécutoire des différends concernant l’interprétation ou l’application d’une convention collective, ainsi que les mesures disciplinaires prises par les employeurs. Il s’agit d’une exigence fondamentale de la paix dans le domaine des relations industrielles, paix qui est importante pour les parties et l’ensemble de la société. Voir, par exemple, Heustis c. Commission d’énergie électrique du Nouveau‑Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 768, à la p. 781; Blanchard c. Control Data Canada Ltd., [1984] 2 R.C.S. 476, à la p. 489, le juge Lamer (maintenant Juge en chef).

37. C’est pour ces motifs que, dans l’arrêt AFPC no 2, il a été souligné que les décisions prises par les tribunaux administratifs en matière de relations de travail, dans les limites de leur compétence, ne peuvent être annulées que si elles sont manifestement déraisonnables. Il s’agit d’une norme qui est à juste titre extrêmement exigeante, et elle ne doit pas être atténuée. Le faire entraînerait des conflits de travail interminables, qui seraient source d’agitation et d’insatisfaction. De fait, le principe de la retenue judiciaire n’est rien d’autre que la reconnaissance, par les cours de justice, du fait que les législateurs ont décidé que les conflits de travail découlant d’une convention collective devraient être réglés par un conseil d’arbitrage formé de membres possédant de l’expérience et des connaissances spécialisées en la matière.

La compétence des conseils d’arbitrage de statuer sur l’existence d’une «cause juste» et le bien‑fondé des mesures disciplinaires prises par l’employeur

38. La décision concernant la question de savoir s’il existe une «cause juste» de prendre des mesures disciplinaires contre un employé relève de la compétence d’un conseil d’arbitrage et ne peut, en conséquence, être annulée que si elle est manifestement déraisonnable. Voir les motifs du juge Beetz (au nom de la majorité) ainsi que les motifs concordants du juge Lamer dans l’arrêt Blanchard, précité, aux pp. 479, 491 et 492.

39. En l’espèce, le seul aspect particulier de l’examen de la «cause juste» et de la détermination de la sanction appropriée est que les arbitres ont dû interpréter une disposition de la Loi sur l’éducation. Le paragraphe 264(1) de la Loi énonce les normes de conduite qui doivent respecter les enseignants. C’est contre la toile de fond établie par ces dispositions que doit être examiné le concept de «cause juste» dans la convention collective. Il a été statué à plusieurs reprises que les connaissances et l’expertise que possède un conseil d’arbitrage en matière d’interprétation d’une convention collective ne s’étendent habituellement pas à l’interprétation de mesures législatives extrinsèques. Les conclusions d’un conseil sur l’interprétation d’une loi ou de la common law peuvent généralement faire l’objet d’un examen selon la norme de la décision correcte. Voir Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d’Amérique, section locale 579 c. Bradco Construction Ltd., [1993] 2 R.C.S. 316, aux pp. 336 et 337. Il peut y avoir dérogation à cette règle dans des cas où la loi est intimement liée au mandat du tribunal et où celui‑ci est souvent appelé à l’examiner. Voir Société Radio‑Canada c. Canada (Conseil des relations du travail), [1995] 1 R.C.S. 157, à la p. 187, le juge Iacobucci.

40. Cependant, il n’est pas nécessaire, pour trancher le présent pourvoi, de déterminer si les arbitres saisis du grief de M. Bhadauria étaient tenus de rendre une décision correcte lorsqu’ils ont décidé si la mauvaise conduite de l’auteur du grief violait les normes de conduite énoncées à l’al. 264(1)c) de la Loi sur l’éducation. Il en est ainsi parce que l’appelant et le syndicat intimé conviennent, à juste titre à mon avis, qu’au moment où les lettres ont été écrites, M. Bhadauria ne montrait certes pas les qualités que la loi exige d’une personne chargée d’enseigner à des jeunes. Essentiellement, le conseil d’arbitrage devait déterminer si l’absence de respect de ces normes était temporaire et si le congédiement était une mesure appropriée. Ces questions relevaient de la compétence du conseil d’arbitrage. En conséquence, sa décision ne peut être annulée que si elle est manifestement déraisonnable.

En quoi consiste une décision manifestement déraisonnable?

41. Dans un certain nombre d’arrêts, notre Cour a examiné les circonstances qui amènent à conclure que la décision d’un organisme administratif est manifestement déraisonnable. Ce critère a été formulé quelque peu différemment selon qu’il s’agit de conclusions de fait ou de conclusions de droit.

42. Lorsqu’un tribunal interprète une disposition législative, le critère applicable est le suivant:

. . . l’interprétation de la Commission est‑elle déraisonnable au point de ne pouvoir rationnellement s’appuyer sur la législation pertinente et d’exiger une intervention judiciaire?

Voir Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau‑Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227, à la p. 237.

43. Le critère varie légèrement dans le cas des arbitres interprétant une convention collective. Dans de telles circonstances, une cour de justice n’interviendra pas «dans la mesure où les termes de celle‑ci [la convention collective] n’ont pas été interprétés d’une façon inacceptable»: Bradco, précité, à la p. 341.

44. Il a été jugé qu’une conclusion ne reposant sur «aucune preuve» est manifestement déraisonnable. Cependant, il est clair que la cour ne devrait pas intervenir lorsque la preuve est simplement insuffisante. Comme l’a affirmé le juge Estey, dissident en partie, dans Douglas Aircraft Co. of Canada c. McConnell, [1980] 1 R.C.S. 245, à la p. 277:

. . . une décision qui ne serait étayée par aucune preuve pourrait être révisée parce qu’elle est arbitraire; cependant, l’insuffisance de la preuve au sens donné à cette expression en matière d’appel ne comporte pas un excès de compétence et, bien qu’à une certaine époque elle ait pu équivaloir à une erreur de droit apparente à la lecture du dossier, le droit et la pratique actuels considèrent qu’une telle erreur fait partie du domaine opérationnel d’un conseil établi en vertu d’une loi, ce que traduit l’énoncé sibyllin suivant lequel le conseil a le privilège de se tromper dans les limites de sa compétence, et son erreur n’est donc pas soumise au contrôle judiciaire.

45. Lorsqu’une cour de justice contrôle les conclusions de fait d’un tribunal administratif ou les inférences qu’il a tirées de la preuve, elle ne peut intervenir que «lorsque les éléments de preuve, perçus de façon raisonnable, ne peuvent étayer les conclusions de fait du tribunal»: Lester (W. W.) (1978) Ltd. c. Association unie des compagnons et apprentis de l’industrie de la plomberie et de la tuyauterie, section locale 740, [1990] 3 R.C.S. 644, à la p. 669, le juge McLachlin.

46. Tous ces critères sont stricts: voir Blanchard, précité, à la p. 481, le juge Beetz, et à la p. 493, le juge Lamer. Dans AFPC no 2, précité, la description suivante a été donnée aux pp. 963 et 964:

Le sens de l’expression «manifestement déraisonnable», fait‑on valoir, est difficile à cerner. Ce qui est manifestement déraisonnable pour un juge peut paraître éminemment raisonnable pour un autre. Pourtant, pour définir un critère nous ne disposons que de mots, qui forment, eux, les éléments de base de tous les motifs. Le critère du caractère manifestement déraisonnable représente, de toute évidence, une norme de contrôle sévère. Dans le Grand Larousse de la langue française, l’adjectif manifeste est ainsi défini: «Se dit d’une chose que l’on ne peut contester, qui est tout à fait évidente». On y trouve pour le terme déraisonnable la définition suivante: «Qui n’est pas conforme à la raison; qui est contraire au bon sens». Eu égard donc à ces définitions des mots «manifeste» et «déraisonnable», il appert que si la décision qu’a rendue la Commission, agissant dans le cadre de sa compétence, n’est pas clairement irrationnelle, c’est‑à‑dire, de toute évidence non conforme à la raison, on ne saurait prétendre qu’il y a eu perte de compétence. Visiblement, il s’agit là d’un critère très strict.

Néanmoins, les cours de justice ont également le devoir de protéger les parties contre une décision qui est manifestement déraisonnable.

L’examen du dossier

47. Pour déterminer si la décision d’un tribunal administratif est manifestement déraisonnable, une cour de justice peut examiner le dossier afin de découvrir le fondement des conclusions de fait ou de droit qu’a tirées le tribunal et qui sont contestées. Comme a fait observer le juge Gonthier, s’exprimant au nom de la majorité dans National Corn Growers Assn. c. Canada (Tribunal des importations), [1990] 2 R.C.S. 1324, à la p. 1370, «[d]ans certains cas, le caractère déraisonnable d’une décision peut ressortir sans qu’il soit nécessaire d’examiner en détail le dossier. Dans d’autres cas, il se peut qu’elle ne soit pas moins déraisonnable mais que cela ne puisse être constaté qu’après une analyse en profondeur.» Dans Lester, précité, notre Cour a examiné le dossier pour déterminer s’il existait quelque élément de preuve pouvant raisonnablement étayer une conclusion de fait particulière tirée par une commission des relations du travail.

48. En conséquence, dans les cas où les conclusions arbitrales en litige reposent sur des inférences tirées de la preuve, il est nécessaire que la cour de justice qui contrôle la décision examine cette preuve. Je précise que cela ne veut pas dire que la cour doit apprécier la preuve comme si elle avait été saisie de la question en premier lieu. Il faut se rappeler que, même si la cour de justice n’est pas d’accord avec la façon dont le tribunal administratif a apprécié la preuve et tiré ses conclusions, c’est uniquement dans le cas où la preuve, appréciée raisonnablement, est incapable d’étayer les conclusions du tribunal que la cour peut substituer son opinion à celle du tribunal.

L’application des principes à l’espèce

Conclure à l’existence d’une «cause juste» justifiant les mesures disciplinaires

49. La première étape de tout examen de la question de savoir si un employé a été congédié pour une «cause juste» consiste à se demander si l’employé est effectivement responsable de la mauvaise conduite que lui reproche l’employeur. La deuxième étape est de déterminer si la mauvaise conduite constitue une cause juste justifiant les mesures disciplinaires. La dernière étape consiste à décider si les mesures disciplinaires choisies par l’employeur sont appropriées compte tenu de la mauvaise conduite et des autres circonstances pertinentes. Voir Heustis, précité, à la p. 772.

50. Il ne fait aucun doute que M. Bhadauria était coupable de la mauvaise conduite reprochée. Qui plus est, les arbitres ont clairement conclu à l’existence d’une «cause juste» justifiant les mesures disciplinaires. La seule question était de savoir si le congédiement était une mesure disciplinaire trop sévère.

51. Les normes de conduite qui, comme tous l’ont reconnu, ont été violées par M. Bhadauria sont énoncées à l’al. 264(1)c) de la Loi sur l’éducation. Il est utile de les reproduire à nouveau:

264 (1) L’enseignant, même temporaire, exerce les fonctions suivantes:

a) enseigner avec application et loyauté aux classes que lui assigne le directeur d’école, et enseigner ainsi les matières que lui assigne celui‑ci;

b) encourager les élèves à poursuivre leur apprentissage;

c) inculquer, par les préceptes et l’exemple, le respect de la religion et les principes de la morale judéo‑chrétienne et la plus haute considération pour la vérité, la justice, la loyauté, le patriotisme, l’humanité, la bienveillance, la sobriété, le zèle, la frugalité, la pureté, la modération et toutes les autres vertus;

52. Le langage de cette disposition appartient à une autre époque. Les exigences qu’il fixe aux enseignants reflètent un idéal et non une norme minimale. Elles sont si idéalement élevées que même l’enseignant le plus consciencieux, le plus sérieux et le plus diligent ne pourrait à tout moment les satisfaire toutes. Les anges pourraient s’y conformer, mais non de simples mortels. Il s’ensuit que tout manquement à cette disposition ne peut être considéré comme une atteinte aux valeurs essentielles que doit respecter un bon enseignant. Cependant, cette disposition indique effectivement que l’on attend à bon droit des enseignants qu’ils maintiennent une norme de conduite plus élevée que d’autres employés en raison de la position extrêmement importante qu’ils occupent dans la société. Le rôle de cette disposition a été décrit avec justesse dans Re Etobicoke Board of Education and Ontario Secondary School Teachers’ Federation, District 12 (1981), 2 L.A.C. (3d) 265, à la p. 271:

[traduction] . . . même si l’al. 229(1)c) [maintenant l’al. 264(1)c)] ne peut être appliqué à la lettre par le recours à des sanctions disciplinaires, il exhorte néanmoins les enseignants à se montrer à la hauteur de l’impossible rôle qui leur est confié. La loi, interprétée correctement, n’exige pas des enseignants qu’ils soient des saints; cependant, elle témoigne effectivement de la nécessité d’une norme de conduite plus élevée que celle requise d’autres employés. De telles normes élevées ne sont pas rares dans le monde des professions, et il n’est pas rare non plus que le fait de ne pas les respecter entraîne la perte du statut professionnel ou d’un emploi.

53. Il s’ensuit qu’un employeur n’est justifié de prendre des mesures disciplinaires contre un enseignant qu’en cas de violation importante de la disposition. Il ne fait aucun doute que le libellé des lettres de M. Bhadauria et les opinions y exprimées constituaient une mauvaise conduite fort importante, voire extrême. Les lettres n’étaient pas simplement l’expression d’une insatisfaction à l’égard des conditions de travail; elles étaient des menaces de violence. Le fait que ces lettres ont pu être rédigées en dehors des heures d’enseignement ne saurait excuser ni atténuer la gravité de cette mauvaise conduite.

L’importance des actes de mauvaise conduite en dehors des salles de cours

54. L’alinéa 264(1)c) exige des enseignants qu’ils inculquent, par les préceptes et l’exemple, la plus haute considération pour la vérité, la justice, la loyauté, le patriotisme, l’humanité et la bienveillance. Ce sont des valeurs que tout parent désire que son enfant apprenne. Du fait de leur situation de confiance, les enseignants doivent prêcher par l’exemple et par leur enseignement, et ils donnent l’exemple autant par leur conduite en dehors des salles de cours que par leur prestation dans celles-ci. En conséquence, toute mauvaise conduite en dehors des heures normales d’enseignement peut constituer le fondement de procédures disciplinaires.

55. Dans Ross c. Conseil scolaire du district No 15 du Nouveau-Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825, notre Cour a confirmé les passages d’une ordonnance d’une commission d’enquête constituée en vertu d’une loi sur les droits de la personne qui intimait à un Conseil de l’éducation de congédier un enseignant qui embrassait publiquement et publiait des opinions antisémites extrêmes. Le juge La Forest, s’exprimant au nom de notre Cour, a souligné le caractère délicat du milieu scolaire ainsi que la nécessité de tenir les enseignants à des normes élevées de conduite professionnelle, et ce tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’école. Il a écrit ceci, aux pp. 856 à 858:

Une école est un centre de communication de toute une gamme de valeurs et d’aspirations sociales. Par l’entremise de l’éducation, elle définit, dans une large mesure, les valeurs qui transcendent la société. Lieu d’échange d’idées, l’école doit reposer sur des principes de tolérance et d’impartialité de sorte que toutes les personnes qui se trouvent en milieu scolaire se sentent également libres de participer. Comme l’a dit la commission d’enquête, le conseil scolaire a l’obligation de maintenir un milieu scolaire positif pour toutes les personnes qu’il sert.

Les enseignants sont inextricablement liés à l’intégrité du système scolaire. En raison de la position de confiance qu’ils occupent, ils exercent une influence considérable sur leurs élèves. Le comportement d’un enseignant influe directement sur la perception qu’a la collectivité de sa capacité d’occuper une telle position de confiance et d’influence, ainsi que sur la confiance des citoyens dans le système scolaire public en général. . . .

Le comportement de l’intermédiaire qu’est l’enseignant doit traduire son adhésion à ces valeurs, croyances et connaissances que le système scolaire cherche à communiquer. Son comportement est évalué en fonction de la position même qu’il occupe, et non en fonction de la question de savoir si le comportement en cause a été adopté en classe ou ailleurs. L’enseignant est perçu dans la collectivité comme l’intermédiaire par lequel passe le message éducatif, et en raison de la position qu’il y occupe, il n’est pas en mesure de [traduction] «choisir le chapeau qu’il portera et dans quelle occasion» (voir Re Cromer and British Columbia Teachers’ Federation (1986), 29 D.L.R. (4th) 641 (C.A.C.‑B.), à la p. 660); ce chapeau d’enseignant, il ne l’enlève donc pas nécessairement à la sortie de l’école et, pour certains, il continue à le porter même après les heures de travail. . . .

Les mêmes principes ont été confirmés dans R. c. Audet, [1996] 2 R.C.S. 171.

56. Une déclaration de culpabilité relativement à une infraction criminelle est un exemple courant de conduite «en dehors des heures de travail» donnant lieu à des mesures disciplinaires contre un enseignant. Voir, par exemple, l’affaire Re Wellington Board of Education and O.S.S.T.F. (1991), 24 L.A.C. (4th) 110, à la p. 115, dans laquelle il a été jugé qu’un [traduction] «Conseil de l’éducation peut, vu la position particulière qu’occupent les enseignants dans la collectivité, prendre des mesures disciplinaires contre un enseignant, voire le congédier, pour sa conduite en dehors des heures de travail.» Voir aussi Board of Education for the City of London and O.S.S.T.F., District 4, 7 octobre 1986, décision inédite (Teplitsky), confirmée à la suite d’un contrôle judiciaire de la Cour divisionnaire de l’Ontario (jugement manuscrit inédit).

57. Lorsqu’ils décident s’il existe une cause juste justifiant la mesure disciplinaire particulière choisie par l’employeur, les arbitres doivent apprécier la gravité de la mauvaise conduite dans le contexte des circonstances existantes. Parmi ces circonstances, mentionnons, dans les cas appropriés, des aspects comme l’ancienneté de l’enseignant et son rendement jusque là. De plus, il est essentiel que les arbitres reconnaissent le caractère délicat du milieu scolaire et fassent en sorte qu’une personne qui est clairement incapable de s’acquitter adéquatement de ses fonctions d’enseignant, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des salles de cours, ne puisse y retourner. Tant la vulnérabilité des élèves que la nécessité de préserver la confiance du public dans le système d’éducation commandent une telle prudence. Le fait que les membres de la majorité du conseil d’arbitrage n’ont fait aucune mention de l’incidence des lettres de M. Bhadauria sur la confiance du public dans le système de l’éducation est important. Dans l’examen de la décision du conseil d’arbitrage de réintégrer M. Bhadauria, il est donc nécessaire, de fait il est essentiel de s’assurer que le conseil était raisonnablement fondé à conclure que M. Bhadauria était apte à reprendre ses fonctions d’enseignant.

La décision de permettre à M. Bhadauria de retourner en salle de cours était‑elle manifestement déraisonnable?

58. En faisant leur «acte de foi» et en statuant que M. Bhadauria devait recevoir une autre chance de démontrer que sa capacité d’enseigner n’avait pas été «complètement détruite», la majorité du conseil d’arbitrage a tiré deux constatations de fait fondamentales, qui constituent, à mon avis, le seul fondement de la conclusion du conseil que l’auteur du grief était capable de retourner en salle de cours. La première constatation était que sa conduite inacceptable était temporaire, étant donné qu’elle pouvait être attribuée au stress et à la frustration résultant des audiences de la commission d’enquête. La deuxième ‑- connexe à la première ‑- était que M. Bhadauria n’était «pas irrécupérable». Si ces constatations étaient manifestement déraisonnables parce qu’il n’y avait pas de preuve pouvant les étayer, la décision des arbitres devrait être annulée.

59. Vu l’importance du rôle des enseignants dans notre société, il n’était tout simplement pas loisible au conseil d’arbitrage de conclure à la fois que le plaignant n’était pas apte à enseigner et qu’il devrait être autorisé à retourner en salle de cours, en l’absence de preuve qu’il était apte à le faire. S’il existait quelque élément de preuve que la conduite du plaignant était temporaire et aberrante, il était certainement loisible au conseil d’arbitrage d’exercer son pouvoir discrétionnaire et de prononcer la réintégration de M. Bhadauria, assortie ou non de conditions. Subsidiairement, le conseil d’arbitrage aurait pu conclure que la violation des normes professionnelles était si grave que l’auteur du grief devait être congédié, indépendamment de sa capacité de s’acquitter de ses fonctions. Le caractère raisonnable de la décision des membres de la majorité du conseil d’arbitrage de réintégrer M. Bhadauria dans ses fonctions d’enseignant repose entièrement sur leur inférence que sa conduite était temporaire.

60. Il est essentiel de rappeler la salutaire mise en garde faite par le juge Lamer dans Blanchard, précité, à la p. 499:

. . . les tribunaux [. . .] devraient [toujours se] rappel[er] que l’arbitre est éminemment mieux placé pour juger de l’impact de la décision. [. . .] Souvent, aussi, le «juge» administratif est mieux formé et mieux renseigné sur le milieu où s’exerce sa compétence, et a accès à des renseignements qui ne se retrouvent pas, plus souvent qu’autrement, au dossier soumis à la cour. À cela s’ajoute le fait que l’arbitre a vu et entendu les parties.

Néanmoins, je suis d’avis que, même s’ils sont suffisants du point de vue juridique, les motifs de la majorité du conseil d’arbitrage renferment un certain nombre de contradictions troublantes et difficiles à expliquer. Ces contradictions ressortent clairement de l’examen des éléments de preuve importants sur lesquels s’est fondé le conseil d’arbitrage pour rendre sa décision.

61. Non seulement les divers éléments de preuve dont disposait le conseil d’arbitrage contredisaient l’inférence de la majorité que la conduite de M. Bhadauria était temporaire, mais au contraire ils confirmaient qu’elle persistait. Premièrement, les membres de la majorité du conseil d’arbitrage ont accepté le témoignage de Mme Green, qui était d’avis que M. Bhadauria n’était pas en mesure de remplir les fonctions d’enseignant, et ils ont rejeté le témoignage de M. Bhadauria expliquant sa conduite. Deuxièmement, la preuve médicale indiquait que, même si M. Bhadauria n’allait vraisemblablement pas recourir à la violence physique, il continuerait probablement ses attaques verbales. Troisièmement, les membres de la majorité avaient devant les yeux la troisième lettre de M. Bhadauria, dans laquelle ce dernier faisait montre d’un manque de jugement épouvantable et affichait les mêmes sentiments de haine et d’amertume qui avaient inspiré les deux premières lettres.

i) Le témoignage de M. Bhadauria et de l’employeur

62. Les membres de la majorité du conseil d’arbitrage ont clairement accepté le témoignage de Mme Green, actuelle directrice de l’éducation, qui a affirmé que l’auteur du grief n’avait pas satisfait aux normes requises d’un enseignant par l’al. 264(1)c). Ils ont conclu que son témoignage était [traduction] «franc» et «difficile à critiquer». Elle a témoigné [traduction] «que l’auteur du grief était incapable de favoriser le développement émotif et l’estime de soi souhaitable qui sont requis lorsqu’on enseigne aux jeunes, et que, de ce fait, il était inapte à l’enseignement». Elle a ajouté qu’elle ne voulait pas, en tant que parent, que ses enfants aient comme enseignant une personne comme M. Bhadauria, compte tenu de ses opinions et de la haine qu’il exprimait dans les lettres.

63. À l’opposé, les membres de la majorité ont catégoriquement rejeté les explications que M. Bhadauria a données de sa conduite. Ils les ont rejetées, les disant [traduction] «superficielles» et incapables de «résister à l’habile contre‑interrogatoire de l’avocat du Conseil [de l’éducation]». En conséquence, les membres de la majorité n’étaient pas disposés à [traduction] «ajouter foi au témoignage de l’auteur du grief à cet égard». De fait, au cours du contre‑interrogatoire, l’avocat de l’appelant a soutiré à l’auteur du grief un aveu indiquant que les gestes qu’il avait accomplis en écrivant les deux premières lettres n’étaient pas des gestes qui devraient être accomplis par une personne chargée d’enseigner à des jeunes. À la lumière de cet élément, il n’est pas étonnant que les membres de la majorité aient conclu que le témoignage de l’auteur du grief n’était pas crédible.

64. Le fait que l’auteur du grief ait lui‑même affirmé, dans ses lettres, qu’il n’était pas apte à enseigner est important. Il a indiqué que huit années de discrimination avaient fait de lui [traduction] «un être de marbre, dépourvu de sentiments» et un «démon assoiffé de sang et de vengeance». Il a écrit que la «persécution a[vait] totalement détruit [s]a capacité d’enseigner, [s]a mémoire et [s]a gentillesse». En outre, à la fin de la deuxième lettre, M. Bhadauria a promis qu’il allait «hanter» M. McKeown, que chaque année, à Noël, il allait lui rappeler qu’il avait «présidé à l’enterrement» de sa carrière, et qu’il «ne pourr[ait] jamais échapper» à ce rappel annuel. Les lettres elles-mêmes tendent à indiquer que la conduite de M. Bhadauria se poursuivra, et qu’il est en conséquence inapte à enseigner.

65. Malgré cette preuve apparemment accablante, les membres de la majorité ont conclu que la conduite de l’auteur du grief pouvait être attribuée au stress des audiences de la commission d’enquête sur les droits de la personne. Ils ont exprimé l’avis que, comme l’enquête avait pris fin, il y avait de bonnes chances que l’auteur du grief «redevienne plus calme». À mon avis, cette opinion ne pourrait constituer une inférence raisonnable que si certaines des déclarations des experts qui ont examiné M. Bhadauria étaient prises hors contexte et si ce dernier n’avait pas envoyé la troisième lettre. La preuve de la bonne moralité de M. Bhadauria et de son bon dossier comme enseignant, quelle qu’en soit la durée, n’aide pas à déterminer si son incapacité à s’acquitter de ses fonctions d’enseignant était temporaire. Le fait est qu’il existait une preuve accablante ‑- ressortant des rapports médicaux et d’autres sources -‑ indiquant que même si les actes de M. Bhadauria avaient été causés par le stress des audiences de la commission d’enquête, ils ne constituaient pas un épisode temporaire. Pour reprendre les paroles mêmes de l’auteur du grief, sa personnalité avait changé radicalement. Il n’y avait aucune preuve tendant à indiquer que les sentiments d’amertume et de ranc{oe}ur de l’auteur du grief s’étaient dissipés après que la commission d’enquête ait conclu que les pratiques d’embauche du Conseil de l’éducation appelant n’étaient pas discriminatoires. De fait, toute la preuve était à l’effet contraire.

ii) Les évaluations psychiatriques et psychologiques

66. La preuve accablante que la conduite de M. Bhadauria n’était pas temporaire ressort en partie des rapports des psychiatres et de la psychologue qui ont évalué l’état mental de M. Bhadauria après ses deux premières lettres. Bien que les rapports de ces experts aient porté spécifiquement sur la question de savoir si M. Bhadauria était susceptible de devenir physiquement violent, ils renferment des déclarations se rapportant de façon générale à son état d’esprit.

67. Le premier rapport du Dr Malcolm attribue les actes de M. Bhadauria au stress créé par les audiences de la commission d’enquête et à sa perception, réelle ou imaginaire, qu’il avait été victime de discrimination. Cependant, le Dr Malcolm n’a certes pas dit que M. Bhadauria reviendrait à son état antérieur une fois les facteurs irritants éliminés. Le Dr Malcolm s’est demandé si M. Bhadauria était susceptible de recourir à la violence physique et il a conclu qu’il [traduction] «limiterait toujours ses manifestations d’agressivité à des paroles». Cependant, il a poursuivi en émettant l’opinion que M. Bhadauria continuerait probablement à «faire des commentaires très virulents dans divers médias parce que c’est son genre».

68. Ces deux affirmations, qui ne paraissent pas avoir été contestées devant le conseil d’arbitrage, constituent une forte indication que, malgré le ton menaçant de ses lettres, M. Bhadauria n’était pas susceptible de recourir à la violence physique. Néanmoins, il est clair qu’il allait continuer d’exprimer ces positions extrêmes dans des attaques verbales. C’est le ton menaçant utilisé par M. Bhadauria pour exprimer ses sentiments et ses opinions extrêmes, ainsi que l’absence totale de jugement dont il a fait preuve en envoyant les lettres, et non le risque qu’il recoure à la violence physique, qui constituaient le fondement de la conclusion qu’il n’était pas apte à enseigner.

69. C’est après avoir envoyé la lettre dans laquelle il faisait allusion au «massacre à Montréal», que l’auteur du grief a été évalué par le Dr Malcolm. Ce rapport a également été accepté par les membres de la majorité du conseil d’arbitrage. Le Dr Malcolm concluait que, en envoyant cette lettre, M. Bhadauria avait eu l’intention d’engendrer la crainte dans l’esprit de ses destinataires. Il a réitéré son opinion que M. Bhadauria n’était pas susceptible de recourir à la violence physique, mais que son harcèlement verbal allait se poursuivre. Le Dr Malcolm n’a certes donné aucune indication que cette situation allait être de courte durée. Au contraire, sa conclusion était que, quoiqu’il serait inhabituel pour M. Bhadauria de recourir à la violence physique, ce serait clairement dans son caractère d’exprimer verbalement ses sentiments et de continuer à le faire.

70. Le rapport du Dr Ruth Bray, la psychologue, a également été accepté inconditionnellement par les membres de la majorité. Elle aussi avait conclu qu’il «continuera[it] d’être une source d’irritation constante» pour ses employeurs.

71. L’ensemble de ces éléments de preuve, acceptés sans réserve par les membres de la majorité, indiquent que M. Bhadauria continuerait son harcèlement verbal.

iii) La troisième lettre

72. La troisième lettre est le dernier élément de preuve important qui mène à la conclusion que la conduite du plaignant n’était pas temporaire. Cette lettre a été rédigée plusieurs mois après la décision de la commission d’enquête, et un mois et demi après la date fixée pour le début de l’audience devant le conseil d’arbitrage. Curieusement, les membres de la majorité n’ont même pas fait mention de cette lettre.

73. Dans sa plaidoirie, l’intimée a soutenu que l’appelant n’avait pas sollicité l’autorisation de se pourvoir à l’égard de la question de l’omission de se référer à la troisième lettre, et que cette question n’avait pas été soulevée devant la Cour divisionnaire ou devant la Cour d’appel. Cependant, l’appelant a présenté avec succès une demande de contrôle judiciaire à la Cour divisionnaire sur le fondement qu’il n’y avait pas de preuve étayant les conclusions de fait du conseil d’arbitrage. On a continué de faire valoir ce même moyen devant les diverses cours d’appel. La troisième lettre faisait partie de la preuve dont disposait le conseil d’arbitrage. En conséquence, il convient d’en tenir compte pour décider si l’inférence des membres de la majorité du conseil d’arbitrage que la conduite de M. Bhadauria était temporaire était fondée.

74. Il est vrai que la troisième lettre est, dans une certaine mesure, la «preuve d’événements subséquents», puisqu’elle a été rédigée après le congédiement de M. Bhadauria. Cependant, il a été jugé qu’une telle preuve peut à juste titre être prise en considération «si elle aide à clarifier si le congédiement en question était raisonnable et approprié au moment où il a été ordonné»: Cie minière Québec Cartier c. Québec (Arbitre des griefs), [1995] 2 R.C.S. 1095, à la p. 1101. En l’espèce, non seulement aurait-il été raisonnable que les arbitres prennent la troisième lettre en considération, mais ils ont commis une erreur grave en ne le faisant pas.

75. Bien que la troisième lettre soit moins offensante que les deux premières, elle présente les mêmes opinions extrêmes et comparaisons hyperboliques, en plus de témoigner elle aussi d’une absence totale de jugement. Cette absence de jugement ressort des premiers mots de cette troisième lettre:

[traduction] Bien que mes avocats m’aient conseillé de m’abstenir d’écrire quelque lettre aux administrateurs du conseil, je ne puis refréner mon désir naturel de coucher mes pensées sur papier et de les transmettre aux parties concernées à ce moment-ci. Après un long intervalle de près de huit mois, je suis incapable de repousser et de maîtriser mon désir d’utiliser le pouvoir de la plume. . . . [Je souligne.]

76. Cette lettre est un aveu par M. Bhadauria qu’il était encore incapable de maîtriser ses sentiments ou son désir de les exprimer, aussi déplacés qu’ils puissent être. Elle est une preuve irréfutable que M. Bhadauria n’était pas redevenu «plus calme» plusieurs mois après la fin des procédures de la commission d’enquête, et que ses sentiments extrêmes et son manque de jugement persistaient. Compte tenu de cette lettre, il était manifestement déraisonnable pour les arbitres de conclure que la conduite de M. Bhadauria était temporaire, et de le renvoyer en salle de cours.

77. Outre les trois facteurs susmentionnés, qui contredisent d’une façon accablante la conclusion des membres de la majorité que la conduite était temporaire, je tiens à souligner un dernier point qui a été mentionné par le membre dissident du conseil d’arbitrage, mais dont l’appelant n’a pas parlé dans sa plaidoirie. Monsieur Merritt a fait remarquer que le plaignant n’avait manifesté aucun remords à l’égard de sa conduite ni aucune compréhension des effets de celle-ci sur les destinataires des lettres. Les regrets qu’il a exprimés étaient entièrement axés sur lui-même et sur le fait que les lettres avaient compromis non seulement les audiences de la commission d’enquête -- dans lesquelles il avait mis tellement de temps, d’énergie et d’espoir -- mais aussi son gagne‑pain. Il était incapable de se rendre compte que les lettres ne manqueraient pas d’engendrer la crainte dans l’esprit de leurs destinataires. Il ne reconnaissait pas non plus la nature extrême de ses opinions. Ce n’est que devant le conseil d’arbitrage qu’il a admis que les opinions qu’il avait exprimées étaient inconvenantes de la part d’une personne chargée d’enseigner à des jeunes. Même à cette étape tardive, M. Bhadauria n’était pas disposé à faire des excuses et il n’avait apparemment aucun repentir. Voilà encore une autre indication que la conduite de M. Bhadauria n’était pas temporaire, et que la conclusion qu’il n’était «pas irrécupérable» ne reposait sur aucun fondement.

78. La preuve que la mauvaise conduite de M. Bhadauria n’était pas temporaire paraît accablante. Néanmoins, cela ne suffit pas pour fonder la conclusion que la décision des membres de la majorité du conseil d’arbitrage était manifestement déraisonnable. Ce qui m’amène à cette conclusion, c’est le fait que je ne peux trouver aucun autre élément de preuve qui puisse raisonnablement étayer la conclusion que la mauvaise conduite était une aberration passagère. Il n’incombait certainement pas à l’employé de démontrer que sa mauvaise conduite était temporaire. Cependant, les motifs des membres de la majorité indiquent clairement qu’ils ont retenu la preuve de l’employeur qu’une cause juste avait été établie, et que l’employeur s’était acquitté de son fardeau à cet égard. Les éléments de preuve sur lesquels les arbitres ont dit s’appuyer pour fonder leurs conclusions tendaient vers la conclusion contraire. Cette absence de preuve rend la décision manifestement déraisonnable, et il n’existait tout simplement aucun fondement justifiant «l’acte de foi» selon lequel l’auteur du grief pouvait retourner en salle de cours.

Le dispositif

79. En conséquence, le pourvoi est accueilli, l’arrêt de la Cour d’appel est annulé et la décision du conseil d’arbitrage est cassée. Compte tenu de la longue période de bonne conduite de l’enseignant avant les faits en litige, il n’y aura pas d’ordonnance concernant les dépens.

//Le juge L’Heureux-Dubé//

Les motifs suivants ont été rendus par

80. Le juge L’Heureux‑Dubé — Je suis d’accord avec le résultat auquel arrive mon collègue le juge Cory, mais je ne puis souscrire à son opinion quant aux questions que le conseil d’arbitrage aurait dû se poser.

81. Le principe de la retenue judiciaire ne s’applique pas automatiquement. Le présent pourvoi commande l’application de l’analyse pragmatique et fonctionnelle exposée dans les arrêts U.E.S., Local 298 c. Bibeault, [1988] 2 R.C.S. 1048 et Canada (Procureur général) c. Mossop, [1993] 1 R.C.S. 554, et suivie dans Pezim c. Colombie‑Britannique (Superintendant of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557. Ce test permet de déterminer si le législateur entendait que la question en cause relève de la compétence conférée au tribunal administratif. La question de savoir qui du tribunal administratif ou d’une cour de justice devrait répondre à cette question repose sur l’appréciation des motifs justifiant la retenue, motifs que l’on détermine par l’examen de la loi habilitante, de la spécialisation de la commission, et la nature du problème soulevé. Même si, à mon avis, l’analyse pragmatique et fonctionnelle pourrait fort bien appuyer une norme de contrôle se rapprochant davantage de celle de la décision correcte en l’espèce, je ne suis pas en désaccord avec mon collègue relativement à la norme qu’il applique.

82. Un examen de la façon dont le conseil d’arbitrage a abordé les questions en litige s’impose. Dans le présent cas, le principal motif du congédiement n’est pas le caractère permanent de la conduite offensante, mais le fait que les deux lettres, prises isolément, constituent un événement crucial. Le fait que les deux lettres soient la cause du congédiement de l’auteur du grief a été reconnu par les trois membres du conseil d’arbitrage:

[traduction] L’auteur du grief [. . .] a été congédié [. . .] à cause de deux lettres [. . .]. [L’employeur] a considéré que le contenu des lettres était indicatif d’une personne qui, a-t-il estimé, était inapte à enseigner. [Les membres de la majorité.]

Ce fut cette [deuxième] lettre qui a finalement amené [l’employeur] à congédier l’auteur du grief. Il importe, à ce moment-ci, de préciser que [l’employeur] n’a pas congédié l’auteur du grief parce qu’il craignait qu’il se comporte violemment, ce fut plutôt le contenu de la lettre que [l’employeur] a jugé inconvenant de la part d’une personne enseignant à des étudiants, et qui était incompatible avec le concept d’éducation que [l’employeur] désirait promouvoir. [Les membres de la majorité.]

Rien ne peut réellement justifier ces déclarations on ne peut plus sanguinaires, qui témoignent du plus grave manque de jugement, d’une absence de compassion et d’une haine profonde envers des personnes innocentes. Il n’est guère étonnant que, au vu de ces lettres, [l’employeur] ait congédié [l’auteur du grief]. [Le membre dissident.]

et par la Cour divisionnaire (1991), 52 O.A.C. 8, à la p. 11:

[traduction] Le conseil [d’arbitrage] a reconnu, dans ses motifs, que [l’employeur] n’avait pas congédié le plaignant parce qu’il craignait qu’il se comporte violemment, mais parce qu’il considérait que le contenu des lettres était inconvenant de la part d’une personne enseignant à des étudiants et était incompatible avec le concept d’éducation que [l’employeur] désirait promouvoir. [Je souligne.]

83. En conséquence, il n’est pas contesté que l’employeur a congédié l’auteur du grief principalement pour le motif suivant: les deux lettres, en raison de leur contenu, sont inconvenantes de la part d’un enseignant et incompatible avec le concept d’éducation de l’employeur. L’auteur du grief a allégué ce qui suit dans son grief: [traduction] «le Conseil de l’éducation de Toronto m’a [. . .] congédié sans cause juste». En conséquence, la première question dont était saisi le conseil d’arbitrage est la suivante: «Est-ce que les deux lettres constituent, en elles‑mêmes, une cause juste de congédiement?».

84. L’employeur a aussi fait valoir un motif subsidiaire de congédiement: alternativement, les deux lettres indiquent que le plaignant n’est plus capable de s’acquitter de ses fonctions (voir les motifs de la Cour divisionnaire, à la p. 10). Par conséquent, la question subsidiaire dont était saisi le conseil d'arbitrage est celle-ci: «Si les deux lettres ne constituent pas, en elles‑mêmes, une cause juste de congédiement, alors, alternativement, est-ce que le plaignant n’est plus capable de s’acquitter de ses fonctions? S’il s’agit d’une situation permanente, il existe alors une cause juste de congédiement.»

85. Le conseil d'arbitrage a cependant omis d’examiner la première question et, plutôt que de déterminer si les deux lettres constituaient une cause juste, il s'est posé la question subsidiaire de savoir si la conduite offensante était temporaire ou permanente. Avant d’examiner cette question subsidiaire, ce que je ferai plus loin, il faut tout d’abord répondre à la question de savoir si les deux lettres constituaient, en elles‑mêmes, une cause juste de congédiement.

86. Le test de la «cause juste de congédiement» que le juge Dickson a exposé dans Heustis c. Commission d'énergie électrique du Nouveau‑Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 768, à la p. 772, est formulé comme suit:

Premièrement, l'employé a‑t‑il fait l'acte reproché? Deuxièmement, cet acte justifiait‑il une mesure disciplinaire de la part de l'employeur? Troisièmement, le cas échéant, l'acte était‑il suffisamment grave pour justifier un congédiement? [Je souligne.]

87. Ainsi, une fois qu’il est acquis que l’acte «justifie des mesures disciplinaires», la question suivante n’est pas de déterminer «si le congédiement était une mesure trop sévère», comme le dit mon collègue le juge Cory au par. 50, mais plutôt de savoir si «l’acte était suffisamment grave pour justifier un congédiement». La gravité d'une infraction donnée peut varier selon la profession ou le groupe de professions en cause. Elle peut également varier selon les circonstances et les conséquences. Pour ce qui est des enseignants, même s’il est évident que ce ne sont pas tous les types de mauvaise conduite qui seront suffisamment graves pour justifier les mesures disciplinaires les plus sévères, je dois souligner que, dans certains cas, une seule infraction peut constituer une cause juste de congédiement. En conséquence, dans le présent cas, la question principale est la suivante: «La seule infraction qui consiste à avoir écrit ces deux lettres était‑elle suffisamment grave pour justifier le congédiement de l’enseignant?»

88. À mon avis, la conduite d’un enseignant influe directement, d’une part, sur la perception qu’a la collectivité de sa capacité d’occuper un tel poste de confiance et d’influence, et, d’autre part, sur la confiance de la collectivité à l’égard du système scolaire public en général. Par conséquent, lorsqu’un enseignant accomplit des actes d'une gravité telle que son statut comme modèle de comportement est sérieusement compromis, le rapport de confiance qui doit exister entre le conseil scolaire et l'enseignant est miné et il y a alors une cause juste de congédiement, même s’il existait une preuve positive que l’enseignant pourrait être apte à reprendre ses fonctions. Ross c. Conseil scolaire du district scolaire No 15 du Nouveau-Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825; voir aussi généralement Greenaway c. Seven Oaks School No. 10 (1990), 70 Man. R. (2d) 2 (C.A.), autorisation de pourvoi refusée, [1991] 1 R.C.S. ix; Kraychy c. Edmonton Public School District No. 7 (1990), 73 Alta. L.R. (2d) 69 (B.R.).

89. Compte tenu de ce qui précède, voici les questions que le conseil d’arbitrage aurait dû se poser en l’espèce:

1. «L’auteur du grief a‑t‑il fait l’acte reproché?»

2. «La conduite justifiait‑elle une mesure disciplinaire?»

3. «L’infraction était‑elle suffisamment grave pour justifier un congédiement, c’est‑à‑dire:

3a. Les deux lettres sont‑elles d’une gravité telle que le statut comme modèle de comportement de l’auteur du grief est sérieusement compromis?» Si oui, l’infraction est suffisamment grave pour justifier le congédiement et il existe une cause juste. Si l’infraction n’est pas suffisamment grave pour justifier le congédiement, l’étape suivante consiste à se demander ceci:

4. «Est-ce que les circonstances sont telles qu’une sanction moins sévère serait justifiée?» À cette étape, la substitution d’une sanction moins sévère ne serait pas automatique: il pourrait néanmoins exister une cause juste de congédiement, par exemple si l’infraction constitue un événement culminant. S’il n’existe pas de cause juste, il faut alors se demander ceci:

5. «Quelle sanction moins sévère conviendrait‑il d’infliger, eu égard aux circonstances?»

90. Le conseil d’arbitrage a, cependant, sauté les questions 3, 3a et 4, et, sans déterminer au préalable si les deux lettres constituaient, en elles‑mêmes, une cause juste de congédiement, il s’est demandé quelle sanction moins sévère devait être infligée:

[traduction] Par conséquent, est‑ce qu’une carrière longue et fructueuse devrait, à la veille de la retraite, être réduite à néant par deux lettres que l’auteur du grief a écrites à la fin de 1989, compte tenu de son état d'esprit et des longues procédures qu’il a vécues et qui ont sans aucun doute exacerbé les difficultés. Il est indubitable que les lettres étaient menaçantes, qu’elles témoignaient d'un manque de jugement et qu’elles révélaient une personne qui ne devrait pas être en salle de cours. Mais ces lettres doivent être examinées en regard de la très bonne réputation dont l’auteur du grief a joui pendant vingt ans en tant qu’enseignant. Tout concept de cause juste doit tenir compte de sa longue période d'ancienneté et de bons états de service auprès de [l’employeur], ainsi que des incidents ayant amené son congédiement. À notre avis, l’auteur du grief n'est pas irrécupérable. L’objet des mesures disciplinaires n'est pas de punir la personne visée mais de corriger sa conduite. Si la conduite ne peut être corrigée ou si l’auteur du grief n’est pas réhabilitable, il devrait être congédié.

En l’espèce, il y a des chances que l’efficacité de l’auteur du grief comme enseignant n’ait pas été complètement détruite. . . . En conséquence, nous sommes d’avis que l’auteur du grief devrait être réintégré, mais à des conditions très strictes. [Je souligne.]

91. La question de savoir s’«il y a des chances que l’efficacité de l’auteur du grief comme enseignant n’ait pas été complètement détruite» n’est pas le test approprié en l’espèce. Si une seule infraction, considérée isolément, est suffisamment grave pour constituer une cause juste de congédiement, et ce quelles que soient les circonstances, alors le dossier professionnel d’un employé ou son potentiel de réadaptation ne peuvent transformer cette cause juste en cause injuste. En conséquence, contrairement à la proposition énoncée par le conseil d’arbitrage, un «concept de cause juste» ne comporte pas nécessairement acceptation d’emblée de l’ancienneté et des états de service d’un employé en tant que facteurs atténuants dans tous les cas. Il peut y avoir des cas où une infraction est si grave qu’aucun facteur ne justifierait d’atténuer la sanction et de ne pas congédier, et d’autres où l’infraction est si cruciale du point de vue des rapports employeur-employé que les facteurs atténuants n’entrent tout simplement pas en jeu.

92. À mon avis, dans le cas qui nous occupe, les deux lettres offensantes sont d'une gravité telle qu'elles compromettent sérieusement le statut de l’auteur du grief comme modèle de comportement, minant ainsi le rapport de confiance qui doit exister. En conséquence, ces deux lettres constituent, en elles‑mêmes, une cause juste de congédiement, et cette sanction est justifiée.

93. La gravité de l’infraction découle des considérations sous‑jacentes qui suivent. Depuis les temps anciens, notre régime politique a adopté un principe fondamental, soit celui du règlement pacifique des conflits, qui a été exprimé en ces termes: [traduction] «nul ne peut redresser les torts qu’on lui a causés avant d’avoir demandé justice aux gardiens de la paix. En conséquence, la paix est le grand frein à la pratique des guerres privées, des vendettas et de ce qu’on appelle la lex talionis»: W. Stubbs, The Constitutional History of England (4e éd. 1987), vol. I, à la p. 198. En conséquence, dans notre société moderne, pour la personne insatisfaite des mécanismes existants de règlement des conflits, l’étape suivante n’est pas de se lancer dans une vendetta personnelle, mais plutôt de susciter des changements par les voies politiques appropriées.

94. Cependant, au lieu de demander réparation comme tout bon citoyen respectueux des lois l’aurait fait, l’auteur du grief s’est comporté en hors-la-loi excédé et a décidé de [traduction] «se faire justice lui-même». Ce faisant, il a franchi la limite entre ce qui pourrait peut‑être être acceptable de la part d’un employé — c’est-à-dire poursuivre vigoureusement mais légalement son employeur devant les tribunaux — et ce qui était inacceptable de la part d’un enseignant -- soit utiliser des tactiques d'intimidation disgracieuses, destinées à offenser divers représentants de son employeur, non pas qua représentants, mais plutôt en leur capacité de citoyens ordinaires. L’auteur du grief a, de sa propre initiative, compromis sérieusement son statut comme modèle de comportement.

95. Le règlement paisible des conflits — qui, de fait, est l’une des facettes de la primauté du droit — fait partie des valeurs les plus fondamentales que le système scolaire tente d’inculquer. Il va de soi que le fait de «se faire justice soi-même» capricieusement lorsqu'une réparation tarde à venir n’est pas une matière qui devrait faire partie de quelque programme d’enseignement que ce soit. Comme l’auteur du grief l’a dit lui‑même: [traduction] «Les droits de la personne sont ma passion depuis 30 ans [. . .] Je suis un militant fervent des droits de la personne [. . .] Je ne fais aucun compromis» (je souligne). Le système scolaire tente d’inculquer exactement le contraire: une personne peut toujours se lancer dans une croisade en faveur des droits de la personne, mais sous réserve du compromis que, ce faisant, elle respectera la primauté du droit.

96. Dans le contexte du présent pourvoi, en raison de leur caractère sinistre, les deux lettres constituent per se une preuve suffisante pour étayer la conclusion que l’auteur du grief a sérieusement compromis son statut comme modèle de comportement, ainsi que la conclusion en découlant, soit qu’il existe une cause juste de congédiement. En conséquence, la question subsidiaire de savoir si ce type de comportement aberrant était temporaire ou permanent n’est pas pertinente en l’espèce. Il était non seulement incorrect mais manifestement déraisonnable pour le conseil d’arbitrage de ne pas avoir formulé les bonnes questions, de ne pas avoir examiné la principale question de droit en litige et de ne pas avoir conclu à l’existence d’une cause juste fondée sur les deux lettres per se.

97. De fait, l’omission du conseil d’arbitrage d’examiner la question fondamentale de savoir si les deux lettres constituaient, per se, une cause juste de congédiement est l'un des motifs de contrôle judiciaire qui ont été soumis à la Cour divisionnaire:

[traduction]

d) La majorité du conseil d’arbitrage a outrepassé sa compétence en omettant d’examiner la question dont celui-ci était saisi, c’est-à-dire celle de savoir si le contenu des lettres était inconvenant de la part d’un enseignant et incompatible avec le concept d’éducation que le requérant désirait promouvoir; [Je souligne.]

98. La Cour divisionnaire n’a d’aucune façon examiné ce motif. Elle s’est plutôt attachée exclusivement à la question subsidiaire des conclusions de fait concernant le comportement futur de l’auteur du grief (pp. 10 et 12). La Cour divisionnaire a accueilli la demande [traduction] «pour le motif qu’il n’existait pas de preuve permettant au conseil d’arbitrage de conclure que la conduite de l’auteur du grief était temporaire» (p. 14).

99. En toute déférence, je ne puis souscrire au raisonnement de la Cour divisionnaire. Demander une preuve positive du caractère temporaire de la conduite de l’auteur du grief fait abstraction du fait qu’il n’incombe pas à l’employé de faire cette preuve. Il est bien établi en droit que l’employeur a le fardeau de prouver l’existence d’une cause juste. Si l’employeur ne s’acquitte pas du fardeau qu’il a d’établir le «caractère permanent» de la conduite, l’existence d’une cause juste ne peut être fondée sur ce moyen, même en l’absence de preuve du «caractère temporaire» de cette conduite. À mon avis, le conseil d’arbitrage a conclu que le moyen subsidiaire reposant sur le «caractère permanent» de la conduite n’était pas fondé et, ne voyant pas de cause juste de congédiement, il a exercé son pouvoir discrétionnaire et infligé une sanction moins sévère. Cependant, tel que noté précédemment, le principal moyen invoqué -- c’est-à-dire les deux lettres per se -- constituait effectivement une cause juste de congédiement, ce qui rend le moyen subsidiaire fondé sur le «caractère permanent de la conduite» superfétatoire. Par conséquent, je n’exprime pas d’opinion quant à savoir si, en l’espèce, ce moyen subsidiaire constituerait une cause juste de congédiement.

100. Sous réserve des considérations qui précèdent, je suis d’avis de trancher le présent pourvoi de la manière proposée par mon collègue.

Pourvoi accueilli sans dépens.

Procureurs de l'appelant: Hicks Morley Hamilton Stewart Storie, Toronto.

Procureurs de l’intimée la Fédération des enseignants‑enseignantes des écoles secondaires de l'Ontario, district 15 (Toronto): Golden, Green & Chercover, Toronto.


Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Relations de travail - Arbitrage de grief - Contrôle judiciaire - Norme de contrôle - Enseignant congédié par le conseil de l’éducation après avoir écrit des lettres injurieuses et menaçantes - Dépôt par l’enseignant d’un grief invoquant l’application de mesures disciplinaires sans cause juste - Réintégration conditionnelle de l’enseignant ordonnée par le conseil d’arbitrage à la majorité - La décision du conseil d’arbitrage est‑elle manifestement déraisonnable?.

B a enseigné pour le Conseil de l’éducation appelant pendant presque 20 ans. Entre 1981 et 1984, il a postulé l’emploi de directeur adjoint à 39 reprises, mais il n’a pas été promu. En 1984, il a déposé une plainte auprès de la Commission ontarienne des droits de la personne, soutenant que les pratiques en matière d’embauche du Conseil de l’éducation créaient de la discrimination systémique à l’endroit des personnes d’origine sud‑asiatique. Cependant, après de longues audiences, la commission d’enquête constituée pour trancher la plainte a conclu que l’allégation n’avait pas été prouvée. Pendant que se poursuivaient les audiences de la commission d’enquête, B a écrit au Conseil de l’éducation une lettre renfermant des accusations fort troublantes, et ce que l’on pourrait considérer comme des menaces de mort voilées contre le directeur de l’éducation et d’autres personnes. Par suite de ces remarques inquiétantes, on a demandé à B de se soumettre à une évaluation psychiatrique. Le psychiatre n’a décelé aucun signe de maladie mentale et il a conclu que B avait fait montre d’un très mauvais jugement, mais qu’il «limiterait toujours ses manifestations d’agressivité à des paroles». Il était d’avis que B continuerait probablement à«faire des commentaires très virulents». B a rédigé une deuxième lettre tout aussi offensante et plus explicitement menaçante que la première. À la suite d’une deuxième évaluation, le psychiatre a réitéré son opinion qu’il était improbable que B ait recours à la violence physique, mais que son harcèlement verbal allait se poursuivre. Une deuxième opinion obtenue d’un autre psychiatre ainsi qu’une évaluation de la personnalité effectuée par une psychologue ont confirmé que B ne souffrait d’aucune maladie mentale et qu’il ne présentait aucun risque de violence physique. La psychologue a conclu que B«continuera d’être une source d’irritation constante» pour ses employeurs. Le Conseil de l’éducation a congédié B «parce qu’il ne s’est pas conduit de façon professionnelle, qu’il a fait preuve de mauvais jugement et qu’il a démontré une attitude indiquant qu’il n’est plus en mesure de s’acquitter de ses fonctions d’enseignant en vertu de la Loi sur l’éducation et de ses règlements d’application». B a déposé un grief, soutenant qu’on lui avait imposé des mesures disciplinaires sans cause juste. Avant la date fixée pour le début des audiences, B a écrit au Conseil de l’éducation une troisième lettre qui, même si elle était moins injurieuse et menaçante que les précédentes, témoignait-elle aussi d’une amertume dévorante. Le conseil d’arbitrage à la majorité a statué que la décision de l’employeur de congédier B devait être annulée, et il a ordonné sa réintégration, à certaines conditions, l’assujettissant à des mesures de surveillance rigoureuses et à un avertissement de congédiement sommaire en cas de récidive. À l’unanimité, la Cour divisionnaire a cassé cette décision pour le motif que les arbitres ne disposaient d’aucune preuve justifiant de réintégrer sous conditions l’auteur du grief. La Cour d’appel à l’unanimité a rétabli la décision arbitrale.

Arrêt: Le pourvoi est accueilli.

Le juge en chef Lamer et les juges La Forest, Sopinka, Gonthier, Cory, McLachlin, Iacobucci et Major: Il est d’une importance capitale, dans le contexte des relations du travail, de faire preuve de retenue judiciaire dans les cas où la décision du tribunal, comme celle en l’espèce, est protégée par une clause privative de large portée. La décision concernant la question de savoir s’il existe une «cause juste» de prendre des mesures disciplinaires contre un employé relève de la compétence d’un conseil d’arbitrage et ne peut, en conséquence, être annulée que si elle est manifestement déraisonnable. Au moment où les lettres ont été écrites, B ne respectait certainement pas les normes de conduite énoncées à l’al. 264(1)c) de la Loi sur l’éducation. Essentiellement, le conseil d’arbitrage devait déterminer si l’absence de respect de ces normes était temporaire et si le congédiement était une mesure appropriée. Puisqu’il ne fait aucun doute que B était coupable de la mauvaise conduite reprochée et que les arbitres ont clairement conclu à l’existence d’une «cause juste» justifiant les mesures disciplinaires, la seule question était de savoir si le congédiement était une mesure disciplinaire trop sévère. Le libellé des lettres de B et les opinions y exprimées constituaient une mauvaise conduite fort importante, voire extrême. Le fait que ces lettres ont pu être rédigées en dehors des heures d’enseignement ne saurait excuser ni atténuer la gravité de cette mauvaise conduite. Il est essentiel que les arbitres reconnaissent le caractère délicat du milieu scolaire et fassent en sorte qu’une personne qui est clairement incapable de s’acquitter adéquatement de ses fonctions d’enseignant, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des salles de cours, ne puisse y retourner.

La conclusion du conseil d’arbitrage que B était capable de retourner en salle de cours reposait uniquement sur deux constatations de fait fondamentales: la première était que sa conduite inacceptable était temporaire, étant donné qu’elle pouvait être attribuée au stress et à la frustration résultant des audiences de la commission d’enquête, et la deuxième — connexe à la première — était que B n’était pas irrécupérable. Non seulement les divers éléments de preuve dont disposait le conseil d’arbitrage contredisaient l’inférence de la majorité que la conduite de B était temporaire, mais au contraire ils confirmaient qu’elle persistait. La preuve accablante que la conduite de B n’était pas temporaire ressort en partie des rapports des psychiatres et de la psychologue, ainsi que de la troisième lettre. Bien que la troisième lettre soit, dans une certaine mesure, la «preuve d’événements subséquents», puisqu’elle a été rédigée après le congédiement de B, les arbitres ont commis une erreur grave en ne la prenant pas en considération. De plus, B n’a manifesté aucun remords à l’égard de sa conduite ni aucune compréhension des effets de celle‑ci sur les destinataires des lettres. L’absence de preuve pour étayer la conclusion que la mauvaise conduite de B était temporaire rend la décision des arbitres manifestement déraisonnable.

Le juge L’Heureux‑Dubé: La conclusion du juge Cory relativement à la norme de contrôle applicable est acceptée, même si l’analyse pragmatique et fonctionnelle pourrait fort bien appuyer, en l’espèce, une norme de contrôle se rapprochant davantage de celle de la décision correcte. Le conseil d'arbitrage a omis d’examiner la première question, celle de savoir si les deux lettres constituaient, en elles‑mêmes, une cause juste, et il s’est plutôt posé la question subsidiaire de savoir si le plaignant n’était plus capable de s’acquitter de ses fonctions. Une fois qu’il est acquis que l’acte «justifie des mesures disciplinaires», la question suivante est de savoir si l’acte était suffisamment grave pour justifier un congédiement. La gravité d'une infraction donnée peut varier selon la profession ou le groupe de professions en cause, et selon les circonstances et les conséquences. Pour ce qui est des enseignants, même s’il est évident que ce ne sont pas tous les types de mauvaise conduite qui seront suffisamment graves pour justifier les mesures disciplinaires les plus sévères, une seule infraction peut, dans certains cas, constituer une cause juste de congédiement. Le conseil d’arbitrage aurait dû se demander si les deux lettres étaient d’une gravité telle que le statut de l’auteur du grief comme modèle de comportement était sérieusement compromis. La question de savoir s’il y a des chances que l’efficacité de l’auteur du grief comme enseignant n’ait pas été complètement détruite n’est pas le test approprié en l’espèce. Conclure à l’existence d’une «cause valable» n’emporte pas nécessairement acceptation d’emblée de l’ancienneté et des états de service d’un employé en tant que facteurs atténuants dans tous les cas. En l’espèce, les deux lettres offensantes sont d'une gravité telle qu'elles compromettent sérieusement le statut de l’auteur du grief comme modèle de comportement et constituent, en elles‑mêmes, une cause juste de congédiement. En conséquence, la question subsidiaire de savoir si ce type de comportement aberrant était temporaire ou permanent n’est pas pertinente. Il était non seulement incorrect mais manifestement déraisonnable pour le conseil d’arbitrage de ne pas avoir formulé les bonnes questions, de ne pas avoir examiné la principale question de droit en litige et de ne pas avoir conclu à l’existence d’une cause juste fondée sur les deux lettres per se.


Parties
Demandeurs : Conseil de l'éducation de Toronto (Cité)
Défendeurs : F.E.E.E.S.O., district 15

Références :

Jurisprudence
Citée par le juge Cory
Arrêts mentionnés: Pezim c. Colombie‑Britannique (Superintendent of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557
Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941
Heustis c. Commission d'énergie électrique du Nouveau‑Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 768
Blanchard c. Control Data Canada Ltd., [1984] 2 R.C.S. 476
Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique, section locale 579 c. Bradco Construction Ltd., [1993] 2 R.C.S. 316
Société Radio‑Canada c. Canada (Conseil des relations du travail), [1995] 1 R.C.S. 157
Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau‑Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227
Douglas Aircraft Co. of Canada c. McConnell, [1980] 1 R.C.S. 245
Lester (W. W.) (1978) Ltd. c. Association unie des compagnons et apprentis de l'industrie de la plomberie et de la tuyauterie, section locale 740, [1990] 3 R.C.S. 644
National Corn Growers Assn. c. Canada (Tribunal des importations), [1990] 2 R.C.S. 1324
Re Etobicoke Board of Education and Ontario Secondary School Teachers’ Federation, District 12 (1981), 2 L.A.C. (3d) 265
Ross c. Conseil scolaire du district No 15 du Nouveau-Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825
R. c. Audet, [1996] 2 R.C.S. 171
Re Wellington Board of Education and O.S.S.T.F. (1991), 24 L.A.C. (4th) 110
Board of Education for City of London and O.S.S.T.F., District 4, 7 octobre 1986, décision inédite (Teplitsky), conf. par C. div. Ont. (jugement manuscrit inédit)
Cie minière Québec Cartier c. Québec (Arbitre des griefs), [1995] 2 R.C.S. 1095.
Citée par le juge L’Heureux‑Dubé
Arrêts mentionnés: U.E.S., Local 298 c. Bibeault, [1988] 2 R.C.S. 1048
Canada (Procureur général) c. Mossop, [1993] 1 R.C.S. 554
Pezim c. Colombie‑Britannique (Superintendent of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557
Heustis c. Commission d’énergie électricque du Nouveau-Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 768
Ross c. Conseil scolaire du district No 15 du Nouveau‑Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825
Greenaway c. Seven Oaks School No. 10 (1990), 70 Man. R. (2d) 2, autorisation de pourvoi refusée, [1991] 1 R.C.S. ix
Kraychy c. Edmonton Public School District No. 7 (1990), 73 Alta. L.R. (2d) 69.
Lois et règlements cités
Loi sur l'éducation, L.R.O. 1990, ch. E.2, art. 264(1) [anciennement l'art. 235(1)c)].
Loi sur la négociation collective entre conseils scolaires et enseignants, L.R.O. 1990, ch. S.2, art. 72.
Doctrine citée
Stubbs, William. The Constitutional History of England, vol. I, 4th ed. Buffalo, N.Y.: W. S. Hein, 1987 (reprint).

Proposition de citation de la décision: Conseil de l'éducation de Toronto (Cité) c. F.E.E.E.S.O., district 15, [1997] 1 R.C.S. 487 (27 février 1997)


Origine de la décision
Date de la décision : 27/02/1997
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1997] 1 R.C.S. 487 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1997-02-27;.1997..1.r.c.s..487 ?
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