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29/05/1997 | CANADA | N°[1997]_2_R.C.S._315

Canada | Sylvester c. Colombie-Britannique, [1997] 2 R.C.S. 315 (29 mai 1997)


Sylvester c. Colombie-Britannique, [1997] 2 R.C.S. 315

Sa Majesté la Reine du chef de la province

de la Colombie‑Britannique Appelante

c.

Ossie Sylvester Intimé

Répertorié: Sylvester c. Colombie‑Britannique

No du greffe: 24891.

1997: 13 février; 1997: 29 mai.

Présents: Le juge en chef Lamer et les juges La Forest, L’Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier, Cory, McLachlin, Iacobucci et Major.

en appel de la cour d’appel de la colombie‑britannique

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie‑Brita

nnique (1995), 6 B.C.L.R. (3d) 7, 60 B.C.A.C. 97, 99 W.A.C. 97, 125 D.L.R. (4th) 541, [1995] 6 W.W.R. 537, 12 C.C.E.L. (2d) 71, 95 ...

Sylvester c. Colombie-Britannique, [1997] 2 R.C.S. 315

Sa Majesté la Reine du chef de la province

de la Colombie‑Britannique Appelante

c.

Ossie Sylvester Intimé

Répertorié: Sylvester c. Colombie‑Britannique

No du greffe: 24891.

1997: 13 février; 1997: 29 mai.

Présents: Le juge en chef Lamer et les juges La Forest, L’Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier, Cory, McLachlin, Iacobucci et Major.

en appel de la cour d’appel de la colombie‑britannique

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique (1995), 6 B.C.L.R. (3d) 7, 60 B.C.A.C. 97, 99 W.A.C. 97, 125 D.L.R. (4th) 541, [1995] 6 W.W.R. 537, 12 C.C.E.L. (2d) 71, 95 C.L.L.C. 210‑034, qui a accueilli l’appel interjeté contre le jugement du juge Harvey (1993), 2 C.C.E.L. (2d) 55. Pourvoi accueilli.

Timothy P. Leadem, pour l’appelante.

Brian A. Crane, c.r., et Iqbal Sara, pour l’intimé.

//Le juge Major//

Version française du jugement de la Cour rendu par

1 Le juge Major — L’emploi suppose, entre autres choses, un contrat entre l’employeur et l’employé. L’employé qui est congédié injustement et qui ne reçoit pas de préavis raisonnable de cessation d’emploi a droit à des dommages‑intérêts pour rupture de contrat. Ces dommages‑intérêts représentent le salaire que l’employé aurait gagné s’il avait travaillé au cours de la période visée par le préavis, déduction faite de toute somme devant être affectée à la limitation des dommages.

2 Le présent pourvoi soulève la question de savoir si les prestations d’invalidité qui ont été reçues par l’employé au cours de la période visée par le préavis, en vertu d’un régime établi uniquement par l’employeur, devraient être déduites de ces dommages‑intérêts. La réponse à cette question dépend de l’intention des parties au contrat de travail. En l’espèce, les modalités du contrat démontrent que les parties n’entendaient pas que l’employé reçoive les deux sommes, et, par conséquent, les prestations d’invalidité devraient être déduites.

3 L’intimé était employé du gouvernement provincial appelant à titre de directeur, Établissements de formation privés, ministère de l’Enseignement supérieur, de la formation et de la technologie, conformément à un contrat de travail verbal général. Le premier juin 1992, il est tombé malade et a commencé à toucher des prestations d’invalidité de courte durée équivalant à 75 p. 100 de son salaire, conformément au Short Term Illness and Injury Plan (STIIP) de l’appelante. Le STIIP accordait jusqu’à sept mois de prestations d’invalidité aux employés incapables de travailler pour cause de maladie ou de blessure. L’intimé a touché 33 688,04 $ en vertu du STIIP, du 1er juin 1992 au 31 décembre 1992. Il a aussi demandé, mais sans succès, des prestations d’invalidité de longue durée en vertu du Long Term Disability Plan (LTDP) [Long Term Disability Plan Regulation, B.C. Reg. 410/78, art. 2.02] de l’appelante, pour la période du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1993, date à laquelle il aurait été en mesure de reprendre son travail. Le LTDP accordait des prestations supplémentaires aux employés qui demeuraient invalides au terme de la période de sept mois couverte par le STIIP. Le STIIP et le LTDP étaient financés entièrement par l’appelante. L’intimé n’a pas cotisé, directement ou indirectement, à l’un ou l’autre de ces régimes.

4 Le 23 juillet 1992, pendant qu’il recevait des prestations d’invalidité de courte durée, l’intimé a été informé que, en raison d’une réorganisation, il serait licencié. Dans la lettre de cessation d’emploi envoyée à l’intimé, l’appelante a offert à ce dernier un préavis de licenciement de 12,5 mois commençant à courir à compter du 31 août 1992, et elle a indiqué qu’elle compléterait les prestations reçues par l’intimé en vertu du STIIP ou du LTDP pendant cette période, jusqu’à concurrence de 100 p. 100 de son salaire. En fait, l’appelante a offert à l’intimé 12,5 mois de salaire à titre d’indemnité de départ, somme dont étaient soustraites les prestations reçues en vertu du STIIP ou du LTDP au cours de cette période.

5 L’intimé a intenté une action pour congédiement injustifié et a réclamé un préavis de licenciement de 24 mois. Il a demandé des dommages‑intérêts correspondant au salaire qu’il aurait gagné s’il avait travaillé pendant la période de préavis de 24 mois, en sus des prestations prévues par le STIIP et le LTDP.

6 Le juge Harvey de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique a conclu que l’intimé avait droit à un préavis de 15 mois, commençant à courir le 31 août 1992, et il lui a accordé des dommages‑intérêts de 76 575 $ tenant lieu de préavis, somme de laquelle il a déduit les 19 285,85 $ reçus en vertu du STIIP au cours de la période visée par le préavis, pour un solde de 57 289,15 $: voir (1993), 2 C.C.E.L. (2d) 55.

7 La Cour d’appel de la Colombie‑Britannique a accueilli l’appel de l’intimé: voir (1995), 6 B.C.L.R. (3d) 7. La cour a augmenté à 20 mois la période de préavis, la faisant courir à compter du 23 juillet 1992, et elle a accordé à l’intimé des dommages‑intérêts de 102 100 $, soit le salaire qu’il aurait gagné s’il avait travaillé au cours de cette période. La cour a aussi conclu que l’intimé avait droit aux prestations reçues en vertu du STIIP, du 1er juin 1992 au 31 décembre 1992, et que, comme il avait satisfait aux conditions du LTDP, le 1er janvier 1993, pendant la période visée par le préavis, il avait également droit à des prestations de 35 900,40 $ en vertu de ce régime, jusqu’à la date de son rétablissement, le 31 décembre 1993.

8 La cour a statué que les prestations d’invalidité auxquelles l’intimé avait droit au cours de la période visée par le préavis ne devaient pas être déduites des dommages‑intérêts accordés pour congédiement injustifié. Elle a conclu qu’un régime de prestations d’invalidité devait être considéré comme un contrat distinct du contrat de travail lui-même, et que, une fois que l’employé a reçu son préavis de cessation d’emploi, l’employeur est tenu de se conformer à la fois à son obligation de payer le salaire pendant la période visée par le préavis et à celle de verser les prestations d’invalidité.

9 Dans le cadre du pourvoi devant notre Cour, la conclusion que l’intimé avait droit aux prestations d’invalidité de courte durée reçues en vertu du STIIP, du 1er juin 1992 au 31 décembre 1992, ainsi qu’aux prestations d’invalidité de longue durée prévues par le LTDP, pour la période du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1993, n’a pas été contestée. La conclusion que l’intimé avait droit à un préavis de 20 mois, commençant à courir le 23 juillet 1992, n’a pas été contestée non plus. L’appelante n’a pas contesté la conclusion que l’intimé avait droit à des dommages-intérêts de 102 100 $, soit le salaire qu’il aurait gagné s’il avait travaillé durant la période visée par le préavis. Cette conclusion est conforme au principe selon lequel l’employé qui est congédié injustement et qui ne reçoit pas un préavis de cessation d’emploi suffisant a droit à des dommages-intérêts correspondant au salaire qu’il aurait gagné s’il avait travaillé durant la période visée par le préavis. Le fait que l’employé n’aurait pas pu travailler durant cette période n’est pas pertinent pour le calcul des dommages-intérêts. Ceux-ci sont fondés sur la prémisse que l’employé aurait travaillé pendant la période visée par le préavis. Par conséquent, l’employé qui est congédié injustement pendant qu’il travaille et celui qui est congédié injustement pendant qu’il reçoit des prestations d’invalidité ont tous les deux droit à des dommages-intérêts correspondant au salaire qu’ils auraient respectivement gagné s’ils avaient travaillé durant la période visée par le préavis.

10 La question en litige dans le présent pourvoi consistait uniquement à décider si les prestations d’invalidité reçues par l’intimé au cours de la période visée par le préavis devaient être déduites de la somme de 102 100 $ accordée au titre des dommages‑intérêts pour congédiement injustifié. Cette question a donné lieu à des décisions contradictoires en appel au Canada. Dans Bursey c. Acadia Motors Ltd. (1980), 35 N.B.R. (2d) 587 (C.A.), il a été jugé que les prestations d’invalidité versées au cours de la période visée par le préavis étaient déductibles des dommages‑intérêts accordés pour congédiement injustifié, alors que dans Datardina c. Royal Trust Corp. of Canada (1995), 6 B.C.L.R. (3d) 1 (C.A.) et dans McKay c. Camco, Inc. (1986), 53 O.R. (2d) 257 (C.A.), on a plutôt statué qu’elles ne l’étaient pas.

11 Des questions analogues ont été examinées, d’une part relativement à des prestations d’assurance‑chômage, qui ont été déclarées non déductibles dans les arrêts Jack Cewe Ltd. c. Jorgenson, [1980] 1 R.C.S. 812, et Peck c. Levesque Plywood Ltd. (1979), 27 O.R. (2d) 108 (C.A.), et, d’autre part relativement à des indemnités d’accident du travail, qui ont été jugées déductibles dans les arrêts Salmi c. Greyfriar Developments Ltd., [1985] 4 W.W.R. 463 (C.A. Alb.), et White c. F.W. Woolworth Co. (1996), 22 C.C.E.L. (2d) 110 (C.A.T.‑N.), mais non déductibles dans Industries de Caoutchouc Mondo (Canada) Ltée c. Leblanc (1987), 17 C.C.E.L. 219 (C.A. Qué.).

12 Ces arrêts en matière de prestations d’assurance‑chômage et d’indemnités d’accident du travail ne sont pas utiles pour trancher la question en litige dans le présent pourvoi, étant donné que le paiement de ces sommes est prévu par des lois, et il faut donc les distinguer de la présente espèce. À l’opposé, les prestations d’invalidité sont prévues par contrat. La question de la déductibilité repose donc sur les modalités du contrat de travail et sur l’intention des parties.

13 En l’espèce, le STIIP et le LTDP ne devraient pas être considérés comme des contrats distincts du contrat de travail, mais plutôt comme des éléments faisant partie intégrante de celui-ci. Ce contrat ne prévoyait pas que l’intimé recevrait à la fois des prestations d’invalidité et des dommages‑intérêts pour congédiement injustifié, et une telle intention ne peut être inférée. J’arrive à cette conclusion pour deux raisons.

14 Premièrement, les modalités du STIIP et du LTDP démontrent que les prestations d’invalidité visaient à remplacer le salaire reçu ordinairement par l’intimé. L’employé qui reçoit des prestations de l’un ou l’autre de ces régimes ne reçoit pas de salaire. Dans la brochure expliquant le STIIP qui est remise aux employés, il est précisé que le régime vise à maintenir le paiement de tout ou partie de la rémunération de l’employé dans l’éventualité où celui-ci est incapable de travailler pour cause de maladie ou de blessure. Les prestations prévues par le STIIP et le LTDP sont établies suivant un pourcentage du salaire de l’employé. Les deux régimes prévoient que les prestations d’invalidité sont réduites des autres revenus de l’employé, y compris les autres revenus d’invalidité, les prestations reçues au titre d’un régime de continuation de la rémunération, les prestations de pension, les indemnités d’accident du travail et le salaire tiré d’un autre emploi.

15 Deuxièmement, le paiement simultané de prestations d’invalidité et de dommages‑intérêts pour congédiement injustifié est incompatible avec les modalités du contrat de travail. Cela ressort clairement de l’examen des postulats qui sous‑tendent le droit contractuel qu’a l’intimé de toucher chacune de ces sommes. Les dommages‑intérêts versés pour congédiement injustifié visent à indemniser l’employé à l’égard de la violation par l’employeur de la condition implicite du contrat d’emploi selon laquelle ce dernier doit donner à l’employé un préavis raisonnable de cessation d’emploi. Comme nous l’avons vu précédemment, les dommages‑intérêts sont calculés en fonction du salaire que l’employé aurait reçu s’il avait travaillé durant la période visée par le préavis, indépendamment du fait que l’employé ait pu, dans les faits, avoir été empêché de le faire. Les dommages-intérêts sont fondés sur la prémisse que l’employé aurait travaillé pendant la période visée par le préavis.

16 À l’opposé, les prestations d’invalidité prévues par le STIIP et le LTDP ne sont payables que lorsque l’employé est incapable de travailler. Aux termes de l’article 2 du STIIP, l’employé a droit aux prestations [traduction] «[d]ans l’éventualité où [il] est incapable de travailler . . .» L’article 2.02 du LTDP prévoit le versement de prestations d’invalidité additionnelles aux employés qui deviennent [traduction] «complètement invalides».

17 Le droit contractuel de l’intimé de recevoir des dommages‑intérêts pour congédiement injustifié et son droit contractuel à des prestations d’invalidité reposent sur des hypothèses opposées en ce qui concerne sa capacité de travailler, et il est incompatible avec le contrat de travail que l’intimé puisse toucher ces deux sommes d’argent. Les dommages‑intérêts sont fondés sur la prémisse qu’il aurait travaillé pendant la période visée par le préavis. Les prestations d’invalidité ne sont payables que parce qu’il ne pouvait pas travailler. Il serait illogique de verser des dommages‑intérêts en supposant que l’employé aurait travaillé, en sus de prestations d’invalidité découlant d’un droit qui n’a pris naissance que parce qu’il ne pouvait pas travailler. Cela tend à indiquer que les parties n’entendaient pas que l’intimé reçoive à la fois des dommages‑intérêts et des prestations d’invalidité.

18 À la page 17 de ses motifs, la Cour d’appel a conclu que l’intimé devait recevoir à la fois des prestations d’invalidité et des dommages‑intérêts pour congédiement injustifié parce que les deux dispositions contractuelles s’appliquent simultanément. Le juge Lambert a dit ceci:

[traduction] Le fait que l’employé reçoive des prestations en vertu d’un régime de prestations d’invalidité ne devrait pas, à mon avis, avoir d’incidence sur la durée de la période de préavis raisonnable ou sur le paiement, à l’employé, de sa rémunération habituelle au cours de la période visée par le préavis. Je pense que, d’un point de vue juridique, le régime de prestations d’invalidité devrait être considéré comme un contrat distinct du contrat de travail lui-même, mais que, comme ce dernier, il fait partie de l’ensemble des conditions de travail. Il est vrai que, si un employé était capable de travailler, il ne recevrait pas de prestations d’invalidité, et que, s’il recevait des prestations d’invalidité tout en continuant d’être un employé régulier, il ne recevrait pas aussi un traitement ou un salaire. En conséquence, dans les circonstances habituelles de continuation de l’emploi, aucun employé ne recevrait à la fois un salaire ou un traitement et des prestations d’invalidité relativement à la même période. Soit que c’est le contrat de travail de base qui régit les obligations mutuelles de l’employeur et de l’employé, soit que c’est le régime de prestations d’invalidité qui le fait, mais les deux ne s’appliquent pas en même temps. Toutefois, l’interaction de ces deux obligations contractuelles distinctes change lorsque le préavis de cessation d’emploi est donné. À mon avis, les deux contrats s’appliquent ensemble et les deux doivent être respectés. Et si l’employeur ne respecte pas les obligations qui lui incombent en vertu de l’un ou l’autre de ces contrats, ou même des deux, alors des dommages‑intérêts peuvent être accordés en vertu du ou des contrats qui n’ont pas été respectés. [Je souligne.]

En toute déférence, je ne peux voir comment ces deux dispositions contractuelles peuvent s’appliquer simultanément, alors qu’elles reposent sur des hypothèses opposées en ce qui concerne la capacité de l’employé de travailler.

19 La validité de la conclusion selon laquelle il est illogique que l’intimé reçoive à la fois des prestations d’invalidité et des dommages‑intérêts pour congédiement injustifié en vertu de son contrat de travail est renforcée par le fait que, si l’appelante avait donné un préavis suffisant et n’avait pas violé le contrat, l’intimé n’aurait pas reçu et des prestations d’invalidité et son salaire durant la période visée par le préavis.

20 Les parties à un contrat de travail peuvent évidemment convenir que l’employé recevra à la fois des prestations d’invalidité et des dommages‑intérêts pour congédiement injustifié. Il est également possible que, dans certains cas, cette intention puisse être inférée. Toutefois, sauf intention contraire des parties, l’employé qui est congédié pendant qu’il ne travaille pas et qu’il reçoit des prestations d’invalidité et l’employé qui est congédié pendant qu’il travaille devraient être traités de la même façon.

21 Si des prestations d’invalidité sont payées en sus de dommages‑intérêts pour congédiement injustifié, l’employé qui reçoit des prestations d’invalidité reçoit une indemnité plus élevée que l’employé qui est congédié pendant qu’il travaille. Le fait de déduire les prestations d’invalidité garantit que tous les employés touchés reçoivent des dommages‑intérêts équivalents, c.-à-d. le salaire qu’ils auraient reçu au cours de la période visée par le préavis. Si les prestations d’invalidité ne sont pas déductibles, les employeurs qui établissent des régimes de prestations d’invalidité devront, en cas de cessation d’emploi, payer davantage aux employés touchés que les employeurs qui n’établissent pas de tels régimes. Ce facteur de dissuasion à l’établissement de régimes de prestations d’invalidité n’est pas souhaitable.

22 Il est possible qu’il se présente des cas où l’employé demandera des prestations en sus des dommages‑intérêts pour congédiement injustifié, pour le motif que les prestations d’invalidité s’apparentent aux prestations d’un régime privé d’assurance auquel il a cotisé. Ce n’est pas le cas en l’espèce. Il n’est pas contesté que l’intimé n’a versé aucune cotisation au STIIP ou au LTDP. Notre Cour n’était pas saisie de la question de savoir si les prestations d’invalidité devraient être déduites des dommages‑intérêts pour congédiement injustifié lorsque l’employé a cotisé au régime de prestations d’invalidité.

23 Le pourvoi est accueilli. L’ordonnance de la Cour d’appel est modifiée pour que les prestations d’invalidité auxquelles l’intimé avait droit en vertu du STIIP et du LTDP au cours de la période de préavis de 20 mois commençant le 23 juillet 1992 soient déduites de la somme de 102 100 $ accordée au titre des dommages‑intérêts pour congédiement injustifié. Les calculs sont laissés aux soins des parties, qui pourront demander des directives si elles ne parviennent pas à s’entendre. L’appelante a accepté de payer les dépens sur la base des frais entre parties, quelle que soit l’issue du pourvoi.

Pourvoi accueilli.

Procureur de l’appelante: Le procureur général de la Colombie‑Britannique, Victoria.

Procureur de l’intimé: Iqbal Sara, Vancouver.


Synthèse
Référence neutre : [1997] 2 R.C.S. 315 ?
Date de la décision : 29/05/1997
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Droit du travail - Congédiement - Indemnité de départ - Employé licencié pendant qu’il recevait des prestations d’invalidité - Offre de l’employeur de verser une indemnité de départ constituée du salaire moins les prestations d’invalidité reçues - Les prestations d’invalidité reçues pendant la période visée par le préavis devraient‑elles être déduites des dommages‑intérêts accordés pour violation du contrat d’emploi?.

L’intimé, employé contractuel du gouvernement de la C.‑B., a été licencié au cours d’une période où il recevait des prestations d’invalidité. L’employeur lui a offert 12,5 mois de salaire à titre d’indemnité de départ, déduction faite des prestations d’invalidité reçues au cours de cette période. L’intimé a intenté une action pour congédiement injustifié, réclamé un préavis de licenciement de 24 mois et demandé des dommages‑intérêts correspondant au salaire qu’il aurait gagné s’il avait travaillé pendant la période visée par le préavis, en sus des prestations d’invalidité qu’il recevait. Le juge de première instance a conclu que l’intimé avait droit à un préavis de 15 mois et lui a accordé des dommages‑intérêts, desquels il a déduit les prestations d’invalidité reçues au cours de la période visée. La Cour d’appel a accueilli l’appel formé contre ce jugement, accordé des dommages‑intérêts équivalant au salaire de l’intimé pendant 20 mois et conclu qu’il avait aussi droit aux prestations d’invalidité reçues durant cette période. La question en litige est de savoir si les prestations d’invalidité reçues par l’intimé au cours de la période visée par le préavis devraient être déduites des dommages‑intérêts accordés pour congédiement injustifié.

Arrêt: Le pourvoi est accueilli.

L’employé qui est congédié injustement et qui ne reçoit pas un préavis de cessation d’emploi suffisant a droit à des dommages‑intérêts correspondant au salaire qu’il aurait gagné s’il avait travaillé durant la période visée par le préavis. Le fait que l’employé n’aurait pas pu travailler durant cette période n’est pas pertinent pour le calcul des dommages‑intérêts. Ceux‑ci sont fondés sur la prémisse que l’employé aurait travaillé pendant la période visée par le préavis. Par conséquent, l’employé qui est congédié injustement pendant qu’il travaille et celui qui est congédié injustement pendant qu’il reçoit des prestations d’invalidité ont tous les deux droit à des dommages‑intérêts correspondant au salaire qu’ils auraient respectivement gagné s’ils avaient travaillé durant la période visée par le préavis.

Les prestations d’invalidité sont prévues par contrat et la question de leur déductibilité repose donc sur les modalités du contrat de travail et sur l’intention des parties. En l’espèce, le régime de prestations d’invalidité de courte durée et le régime de prestations d’invalidité de longue durée ne devraient pas être considérés comme des contrats distincts du contrat de travail, mais plutôt comme des éléments faisant partie intégrante de celui‑ci. Ce contrat ne prévoyait pas que l’intimé recevrait à la fois des prestations d’invalidité et des dommages‑intérêts pour congédiement injustifié, et une telle intention ne peut être inférée. Premièrement, les modalités de ces régimes démontrent que les prestations d’invalidité visaient à remplacer le salaire reçu ordinairement par l’intimé. Deuxièmement, le paiement simultané de prestations d’invalidité et de dommages‑intérêts pour congédiement injustifié est incompatible avec les modalités du contrat de travail. Si l’appelante avait donné un préavis suffisant et n’avait pas violé le contrat, l’intimé n’aurait pas reçu et des prestations d’invalidité et son salaire durant la période visée par le préavis.

Sauf intention contraire des parties, l’employé qui est congédié pendant qu’il ne travaille pas et qu’il reçoit des prestations d’invalidité et l’employé qui est congédié pendant qu’il travaille devraient être traités de la même façon. Le fait de déduire les prestations d’invalidité garantit que tous les employés touchés reçoivent des dommages‑intérêts équivalents, soit le salaire qu’ils auraient reçu au cours de la période visée par le préavis.


Parties
Demandeurs : Sylvester
Défendeurs : Colombie-Britannique

Références :

Jurisprudence
Distinction d’avec les arrêts: Jack Cewe Ltd. c. Jorgenson, [1980] 1 R.C.S. 812
Peck c. Levesque Plywood Ltd. (1979), 27 O.R. (2d) 108
Salmi c. Greyfriar Developments Ltd., [1985] 4 W.W.R. 463
White c. F.W. Woolworth Co. (1996), 22 C.C.E.L. (2d) 110
Industries de Caoutchouc Mondo (Canada) Ltée c. Leblanc (1987), 17 C.C.E.L. 219
arrêts mentionnés: Bursey c. Acadia Motors Ltd. (1980), 35 N.B.R. (2d) 587
Datardina c. Royal Trust Corp. of Canada (1995), 6 B.C.L.R. (3d) 1
McKay c. Camco, Inc. (1986), 53 O.R. (2d) 257.
Lois et règlements cités
Long Term Disability Plan Regulation, B.C. Reg. 410/78, art. 2.02.

Proposition de citation de la décision: Sylvester c. Colombie-Britannique, [1997] 2 R.C.S. 315 (29 mai 1997)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1997-05-29;.1997..2.r.c.s..315 ?
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