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24/09/1998 | CANADA | N°[1998]_2_R.C.S._449

Canada | R. c. Hodgson, [1998] 2 R.C.S. 449 (24 septembre 1998)


R. c. Hodgson, [1998] 2 R.C.S. 449

Michael Colin Hodgson Appelant

c.

Sa Majesté la Reine Intimée

et

Le procureur général du Canada,

le procureur général du Québec,

le procureur général de la Colombie‑Britannique

et le procureur général de l’Alberta Intervenants

Répertorié: R. c. Hodgson

No du greffe: 25561.

1998: 24 mars; 1998: 24 septembre.

Présents: Le juge en chef Lamer et les juges L’Heureux‑Dubé, Gonthier, Cory, McLachlin, Iacobucci, Major, Bastarache et Binnie.

en appel de la

cour d’appel de l’ontario

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario (1996), 91 O.A.C. 298 (sub nom. R. c. M.C.H.), 107 C.C.C. (3d) 3...

R. c. Hodgson, [1998] 2 R.C.S. 449

Michael Colin Hodgson Appelant

c.

Sa Majesté la Reine Intimée

et

Le procureur général du Canada,

le procureur général du Québec,

le procureur général de la Colombie‑Britannique

et le procureur général de l’Alberta Intervenants

Répertorié: R. c. Hodgson

No du greffe: 25561.

1998: 24 mars; 1998: 24 septembre.

Présents: Le juge en chef Lamer et les juges L’Heureux‑Dubé, Gonthier, Cory, McLachlin, Iacobucci, Major, Bastarache et Binnie.

en appel de la cour d’appel de l’ontario

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario (1996), 91 O.A.C. 298 (sub nom. R. c. M.C.H.), 107 C.C.C. (3d) 327, [1996] O.J. No. 2366 (QL), qui a rejeté l’appel formé contre la déclaration de culpabilité prononcée par le juge Paisley, siégeant avec jury. Pourvoi rejeté.

Irwin Koziebrocki, pour l’appelant.

Ian R. Smith, pour l’intimée.

S. David Frankel, c.r., pour l’intervenant le procureur général du Canada.

Joanne Marceau et Jacques Gauvin, pour l’intervenant le procureur général du Québec.

John M. Gordon, pour l’intervenant le procureur général de la Colombie‑Britannique.

Argumentation écrite seulement par Martin W. Mason, pour l’intervenant le procureur général de l’Alberta.

//Le juge Cory//

Version française du jugement du juge en chef Lamer et des juges Gonthier, Cory, McLachlin, Iacobucci, Major et Binnie rendu par

1. Le juge Cory — Les questions en litige dans le présent pourvoi sont les mêmes que dans l’affaire R. c. Wells, [1998] 2 R.C.S. 517.

2. Dans les deux affaires, les avocats de la défense n’ont pas demandé la tenue d’un voir‑dire en vue de faire apprécier le caractère volontaire de certaines déclarations extrajudiciaires que l’accusé aurait faites et, en conséquence, les déclarations ont été admises en preuve. Les appelants soutiennent que le juge du procès a commis une erreur en n’ordonnant pas d’office la tenue d’un voir‑dire afin de déterminer si les déclarations avaient été faites à une personne en situation d’autorité et, dans l’affirmative, si elles avaient été faites volontairement.

3. Pour déterminer si le juge du procès a commis une erreur, il est nécessaire d’examiner plusieurs questions subsidiaires. Premièrement, la défense a‑t‑elle dans tous les cas l’obligation de demander la tenue d’un voir‑dire en vue de faire apprécier le caractère volontaire des déclarations extrajudiciaires de l’accusé? Dans la négative, à quel moment et dans quelles circonstances le juge du procès doit‑il d’office tenir un voir‑dire? En outre, l’obligation du juge du procès de tenir un voir‑dire existe‑t‑elle seulement dans les cas où la personne qui reçoit la déclaration est une personne en situation d’autorité «au sens classique de cette expression», ou faut‑il interpréter plus largement cette obligation? Enfin, dans quelle mesure l’exigence relative à la «personne en situation d’autorité» doit‑elle continuer à faire partie de la règle des confessions?

I. Les faits

4. L’appelant était un ami de la famille de la plaignante. À l’occasion, il gardait la plaignante ainsi que ses frères et sœurs. La plaignante, qui était âgée de seize ans au moment du procès, a témoigné que l’appelant l’avait agressée sexuellement à plusieurs reprises, et que ces agressions avaient commencé lorsqu’elle avait environ sept ou huit ans et s’étaient poursuivies jusqu’à ce qu’elle ait environ onze ans. Elle a ajouté qu’elle n’avait jamais parlé à quiconque de ces événements parce qu’elle avait peur et parce l’appelant lui avait dit qu’elle s’attirerait des ennuis si elle le faisait.

5. La plaignante a témoigné qu’elle avait finalement parlé de ces événements à sa mère en 1993. Une fois ces allégations faites, la plaignante, sa mère, son père et son beau‑père se sont rendus au lieu de travail de l’appelant et l’ont sommé de s’expliquer. Toutes ces personnes ont témoigné que l’appelant avait reconnu avoir agressé sexuellement la plaignante à plusieurs reprises, et qu’il avait dit être désolé et qu’il [traduction] «savait que ça finirait par lui retomber sur le nez». La mère de la plaignante est allée téléphoner à la police et, lorsqu’elle est revenue, elle a frappé l’appelant. À un moment donné, le père de la plaignante a sorti un couteau et l’a pointé dans le dos de l’appelant. Le père, le beau‑père et la mère ont déclaré que le père avait sorti le couteau après la confession de l’appelant afin de l’empêcher de quitter les lieux avant l’arrivée de la police.

6. Au procès, l’appelant a témoigné que la plaignante et les membres de sa famille étaient allés le voir au travail pour le sommer de s’expliquer au sujet des agressions sexuelles, mais il a nié avoir fait une confession. Il a affirmé qu’il avait été étonné, secoué et atterré par l’affrontement et qu’il ne voulait pas que la situation dégénère, mais qu’il n’avait pas été effrayé ni menacé pendant l’affrontement.

7. Au procès, l’appelant ne s’est pas opposé à l’admission de la preuve découlant de la confession. Le juge du procès s’est appuyé sur cette preuve et a déclaré l’appelant coupable.

II. Les décisions des juridictions inférieures

A. Cour de l’Ontario (Division générale) (le juge Paisley)

8. Le juge du procès a souligné que l’appelant avait jusque‑là été une personne de bonne moralité, fait qui, a‑t‑il conclu, renforçait sa crédibilité. Il a néanmoins jugé que la preuve découlant de la confession était [traduction] «accablante», malgré les dénégations de l’appelant. Le juge Paisley a également conclu que le témoignage de la plaignante était crédible. Il a reconnu que, même s’il ne croyait pas le témoignage de l’appelant, il était néanmoins tenu d’apprécier le poids de la preuve du ministère public pour déterminer si celui‑ci avait prouvé les accusations hors de tout doute raisonnable. Le juge a conclu que le ministère public s’était acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait, et qu’il n’y avait aucune raison logique permettant d’arriver à une autre conclusion que celle que l’appelant était coupable des agressions sexuelles. L’appelant a été reconnu coupable et condamné à quatre ans et demi d’emprisonnement.

B. Cour d’appel (1996), 91 O.A.C. 298 (le juge Finlayson pour la cour)

9. Le juge Finlayson s’est appuyé sur l’arrêt R. c. A.B. (1986), 26 C.C.C. (3d) 17 (C.A. Ont.), pour affirmer que, dans certaines circonstances, peuvent être considérées comme des personnes en situation d’autorité d’autres personnes que celles qui participent à l’arrestation, à la détention, à l’interrogatoire ou à la poursuite d’un accusé. En particulier, il a fait remarquer que, dans A.B., précité, la cour avait conclu que, dans certaines circonstances, le père ou la mère d’un plaignant mineur peut être considéré comme une personne en situation d’autorité.

10. Le juge Finlayson a toutefois souligné qu’un examen minutieux des faits était essentiel pour déterminer si l’une des personnes ayant sommé l’appelant de s’expliquer dans cette affaire était une personne en situation d’autorité, et il a conclu qu’il ne convenait pas de trancher cette question à partir du dossier limité dont il disposait. Il a en outre statué que, lorsqu’une déclaration est faite à une personne qui ne participe pas ordinairement à l’arrestation, à la détention, à l’interrogatoire ou à la poursuite d’un accusé, la défense a la responsabilité de soulever la question au procès et de demander la tenue d’un voir‑dire pour déterminer si la personne qui a reçu la confession était une personne en situation d’autorité. Le juge Finlayson a conclu que cette responsabilité incombe à la défense parce que la réaction subjective de l’accusé à son interrogateur est un facteur essentiel en ce qui concerne la décision finale sur la question du caractère volontaire. Lorsqu’aucune personne en situation d’autorité au sens classique de cette expression n’était présente au moment où une déclaration incriminante a été faite, le juge du procès doit être avisé que le caractère volontaire de la déclaration est une question en litige. En conséquence, le juge du procès n’avait pas commis d’erreur en ne tenant pas de voir‑dire pour apprécier le caractère volontaire de la confession de l’appelant.

11. Le juge Finlayson a statué que, en l’espèce, la question de savoir si l’ensemble des membres de la famille qui avaient sommé l’appelant de s’expliquer ou l’un d’entre eux était une personne en situation d’autorité n’était pas un point litigieux. L’admissibilité de la déclaration n’a pas été contestée, et le seul point en litige au procès était le poids devant être accordé à la déclaration. Le juge du procès lui a accordé un poids considérable et il a jugé qu’elle était importante, comme il était en droit de le faire. Le juge du procès a conclu que la plaignante était crédible, et il lui était loisible d’utiliser la preuve découlant de la confession de l’appelant pour confirmer le témoignage de la plaignante. L’appel de la déclaration de culpabilité a été rejeté.

III. L’analyse

12. Il «est maintenant bien établi au Canada qu’aucune déclaration extra‑judiciaire d’un accusé à une personne ayant autorité ne peut être admise en preuve contre lui à moins que la poursuite n’établisse à la satisfaction du juge du procès que la déclaration a été faite librement et volontairement». Voir Erven c. La Reine, [1979] 1 R.C.S. 926, à la p. 931, le juge Dickson, plus tard Juge en chef du Canada. Il s’agit évidemment de la règle des confessions.

13. La question fondamentale dans le cadre du présent pourvoi est celle de savoir si le juge du procès a commis une erreur en ne tenant pas d’office un voir‑dire afin d’apprécier le caractère volontaire de certaines déclarations extrajudiciaires de l’accusé avant de les admettre en preuve. Pour trancher cette question, il convient de déterminer si la règle des confessions doit continuer de s’appliquer seulement aux déclarations faites à des personnes en situation d’autorité, ou si elle doit être élargie pour viser les déclarations extrajudiciaires faites par l’accusé en l’espèce. Il sera donc utile d’examiner d’abord l’historique de la règle des confessions en général et l’exigence relative à la personne en situation d’autorité en particulier, pour bien comprendre le but et le rôle de cette règle en droit pénal.

A. La règle des confessions et son rapport avec l’exigence relative à la personne en situation d’autorité

14. Les juges des faits ont toujours accordé un poids considérable à la preuve découlant d’une confession. Il s’agit d’un phénomène humain naturel. C’est en raison de l’importance énorme attribuée aux confessions et de la prise de conscience naturelle qu’elles peuvent être obtenues par des moyens irréguliers que les circonstances dans lesquelles une confession est obtenue sont, depuis des siècles, examinées minutieusement afin de décider si cette confession doit être admise en preuve. Toutefois, une confession n’est pas écartée simplement à cause du risque qu’il en découle une déclaration de culpabilité, mais en raison du risque encore plus grand que cette déclaration de culpabilité soit injuste et obtenue irrégulièrement. Historiquement, pour déterminer s’il est inéquitable d’admettre en preuve une confession, on examine deux facteurs. Premièrement, le caractère volontaire de la déclaration; deuxièmement, la qualité de la personne qui reçoit la déclaration, c’est‑à dire, s’il s’agissait d’une personne en situation d’autorité.

15. Pour ce qui est du premier facteur, une déclaration est considérée comme volontaire lorsqu’elle n’est pas faite [traduction] «par crainte d’un préjudice ou dans l’espoir d’un avantage»: voir Ibrahim c. The King, [1914] A.C. 599 (C.P.), à la p. 609, adopté au Canada dans Prosko c. The King (1922), 63 R.C.S. 226. Dans Boudreau c. The King, [1949] R.C.S. 262, à la p. 269, le juge Rand a expliqué que [traduction] «la règle vise le danger associé aux aveux provoqués, soutirés ou obtenus irrégulièrement». Pour satisfaire à la règle du caractère volontaire, il faut aussi que la déclaration soit le résultat d’un état d’esprit conscient: voir Ward c. La Reine, [1979] 2 R.C.S. 30, à la p. 40, le juge Spence, et Horvath c. La Reine, [1979] 2 R.C.S. 376, à la p. 425, le juge Beetz. Le caractère volontaire est déterminé par un examen minutieux des circonstances dans lesquelles la déclaration de l’accusé a été faite, ainsi que par la prise en considération de facteurs objectifs et de facteurs subjectifs.

16. Quant au deuxième facteur, l’exigence relative à la personne en situation d’autorité, elle vise de façon générale toutes les personnes qui participent officiellement [traduction] «à l’arrestation, à la détention, à l’interrogatoire ou à la poursuite de l’accusé»: voir, p. ex., A.B., précité, à la p. 26. Cette définition peut être élargie pour viser également les personnes qui sont réputées être des personnes en situation d’autorité par suite des circonstances dans lesquelles la déclaration a été faite. Pour l’instant, toutefois, examinons l’objet de chacun de ces facteurs en ce qui a trait à l’admissibilité des déclarations de l’accusé.

17. Historiquement, l’insistance mise sur le fait qu’une déclaration doit être volontaire découlait de préoccupations concernant la fiabilité ce cet élément de preuve. De fait, la raison pour laquelle une déclaration de l’accusé peut être admise à titre d’exception à la règle du ouï‑dire est que les déclarations qui sont faites librement par une personne et qui sont contre son intérêt sont probablement vraies. Toutefois, lorsqu’une déclaration est soutirée par des menaces ou des promesses faites par une personne en situation d’autorité, il n’est plus possible de présumer qu’elle est vraie. Initialement, lorsqu’ils examinaient l’admissibilité de confessions, certains juges s’attachaient exclusivement à la question de leur fiabilité, comme unique raison d’être de la règle des confessions. Cela ressort clairement de l’arrêt R. c. Warickshall (1783), 1 Leach 263, 168 E.R. 234, à la p. 263 et aux pp. 234 et 235 respectivement:

[traduction] On croit à tort que la preuve découlant des confessions et les faits recueillis auprès de prisonniers par des promesses ou des menaces doivent être rejetés pour ne pas ébranler la confiance du public: aucune règle de ce genre n’a jamais existé. L’idée est nouvelle en théorie et elle serait tout aussi dangereuse en pratique qu’elle est contraire aux principes généraux du droit criminel. Les confessions sont soit reçues en preuve, soit rejetées parce que inadmissibles, après examen de la question de savoir si on peut ou non leur donner foi. Il faut ajouter foi à une confession libre et volontaire parce qu’elle est présumée découler d’un profond sentiment de culpabilité . . . [Je souligne.]

18. Il existe aussi des précédents historiques solides permettant d’affirmer que la règle des confessions tire ses origines du souci de maintenir la considération dont jouit l’administration de la justice et d’assurer le respect des principes fondamentaux en matière d’équité, en particulier le principe de la protection contre l’auto‑incrimination. Dans un traité de droit de la preuve rédigé par le lord juge en chef, baron Gilbert, publié en 1754, l’auteur fait les commentaires suivants:

[traduction] . . . une confession volontaire de la partie en cause est considérée comme la meilleure preuve; en effet, si on ne peut donner foi à une personne qui fait une déclaration sous serment pour protéger ses propres intérêts, il faut certes lui donner foi lorsqu’elle fait une déclaration contre ses intérêts; toutefois, dans un tel cas, la confession doit être volontaire et ne pas avoir été obtenue par contrainte; car notre droit diffère du droit civil en ce sens qu’il ne contraint pas une personne à s’incriminer; et en cela nous suivons très certainement les lois de la nature qui exigent que chaque personne s’efforce d’assurer sa propre préservation; par conséquent, la douleur et la force peuvent amener une personne à confesser des faits qui ne sont pas avérés et on ne peut donc se fier à des aveux ainsi arrachés. [Je souligne.]

Voir Lawrence Herman, «The Unexplored Relationship Between the Privilege Against Compulsory Self‑Incrimination and the Involuntary Confession Rule (Part I)» (1992), 53 Ohio St. L.J. 101, à la p. 153, citant sir Geoffrey Gilbert, The Law of Evidence (1769). Par conséquent, il est évident que, depuis sa création, la règle des confessions a été conçue non seulement pour assurer la fiabilité des confessions, mais aussi pour garantir l’équité fondamentale des procédures criminelles.

19. Le rapport qui existe entre ces deux préoccupations -- fiabilité et équité -- est particulièrement important. Il faut reconnaître que le but de la règle des confessions est d’écarter, non pas les confessions réellement peu fiables, mais les déclarations présumément peu fiables. En d’autres mots, la règle des confessions écarte les déclarations obtenues par la force, par la menace ou par des promesses parce qu’elles sont intrinsèquement peu fiables, mais elle ne s’attache pas à la véracité ou à la fausseté de la déclaration dans les faits. Si la règle des confessions avait vraiment pour objet la fiabilité de la déclaration, l’analyse du tribunal porterait alors sur la corroboration objective de la preuve découlant de la confession; si des éléments de preuve additionnels confirmaient l’exactitude de la déclaration, celle‑ci devrait être admise en raison de sa fiabilité.

20. La règle des confessions vise plutôt à déterminer si la déclaration était volontaire, non si elle vraie. DeClercq c. The Queen, [1968] R.C.S. 902. En mettant ainsi l’accent sur le caractère volontaire des déclarations, les tribunaux sont à même d’analyser les circonstances des déclarations et de faire effectivement échec aux abus de pouvoir de l’État. Autrement dit, si l’État avait la faculté de simplement corroborer des déclarations obtenues de force, il n’y aurait pas grand‑chose qui l’inciterait à s’abstenir d’appliquer des moyens d’enquête répréhensibles. Voilà pourquoi la règle des confessions écarte automatiquement les déclarations involontaires, indépendamment de leur véracité. Comme l’a dit le professeur Mark Berger dans «The Exclusionary Rule and Confession Evidence: Some Perspectives on Evolving Practices and Policies in the United States and England and Wales» (1991), 20 Anglo‑Am. L. Rev. 63, à la p. 71:

[traduction] . . . il est inévitable que la décision de rejeter toutes les confessions involontaires intègre des politiques qui réprouvent l’utilisation de tactiques coercitives pour soutirer des déclarations, indépendamment de leurs répercussions sur la fiabilité de ces déclarations. Bref, l’exclusion des confessions involontaires, du moins telle qu’elle se fait aux États‑Unis et telle qu’elle se faisait auparavant en Angleterre, vise tout autant, sinon plus, à faire échec aux tactiques irrégulières d’interrogatoire des policiers qu’à assurer la fiabilité de la preuve.

Cet aspect de la règle des confessions — qui s’attache au caractère volontaire des déclarations plutôt qu’à leur véracité — indique que la règle ne vise pas uniquement leur exactitude ou leur fiabilité.

21. Cette interprétation de la règle de détermination de l’admissibilité des déclarations de l’accusé concorde également avec le point de vue suivant lequel la qualité, le poids ou la fiabilité de la preuve sont des questions qui doivent être laissées à l’appréciation du jury, et que l’admission d’un élément de preuve qui n’est peut‑être pas fiable ne rend pas en soi le procès inéquitable: voir, p. ex., R. c. Buric (1996), 28 O.R. (3d) 737 (C.A.), conf. par [1997] 1 R.C.S. 535, et R. c. Charemski, [1998] 1 R.C.S. 679. La règle des confessions n’oblige pas le juge du procès à écarter des éléments de preuve «non fiables» mais qui ont par ailleurs une forte valeur probante en ce qui concerne la culpabilité. Elle met plutôt l’accent sur la fiabilité présumée, en analysant les circonstances de la déclaration et leur effet sur l’accusé, indépendamment de l’exactitude de la déclaration. En conséquence, les aspects «fiabilité» et «équité» de la règle des confessions se confondent pour assurer à l’accusé un traitement équitable dans le cadre des procédures pénales en dissuadant l’État de recourir à des tactiques coercitives.

22. De fait, plusieurs tribunaux ont conclu, en examinant cette notion d’équité, que la règle des confessions repose sur le principe de la protection contre l’auto‑incrimination. Deux décisions de la Chambre des lords, Commissioners of Customs and Excise c. Harz, [1967] 1 A.C. 760, et R. c. Sang, [1979] 2 All E.R. 1222, suggèrent qu’il s’agit du fondement moderne de la règle. Le rapport entre le principe de la protection contre l’auto‑incrimination et la règle des confessions a également été souligné dans des remarques incidentes faites dans un certain nombre de décisions rendues au Canada. Voir, p. ex., DeClercq, précité, à la p. 923, le juge Hall (dissident); Piché c. La Reine, [1971] R.C.S. 23, à la p. 26, le juge en chef Cartwright; Rothman c. La Reine, [1981] 1 R.C.S. 640, aux pp. 653 et 654, le juge Estey (dissident). Plus récemment, dans R. c. Hebert, [1990] 2 R.C.S. 151, à la p. 173, le juge McLachlin a expressément établi un lien entre, d’une part, la règle des confessions, et, d’autre part, les notions fondamentales d’équité et le principe suivant lequel les accusés ne doivent pas être mobilisés pour témoigner contre eux‑mêmes. Elle s’est exprimée ainsi:

. . . l’un des thèmes dominants dans la jurisprudence sur les confessions est l’idée qu’une personne assujettie au pouvoir de l’État en matière criminelle a le droit de décider librement de faire ou non une déclaration aux policiers. Cette idée s’accompagne d’un souci correspondant de préserver l’intégrité du processus judiciaire et la considération dont il jouit. Ce thème n’a pas toujours été dominant. On ne peut cependant en nier l’importance. Il existe toujours, tant dans la jurisprudence canadienne que dans les règles régissant les droits des suspects dans les autres pays.

23. Je reconnais, tout comme l’ont fait le juge McLachlin dans Hebert, précité, à la p. 173, le juge Iacobucci dans R. c. S. (R.J.), [1995] 1 R.C.S. 451, aux pp. 500 et 501, et le juge Sopinka dans R. c. Whittle, [1994] 2 R.C.S. 914, à la p. 932, qu’«il faut nuancer du point de vue historique» (S. (R.J.), à la p. 499) le principe de la protection contre l’auto‑incrimination comme fondement de la règle des confessions, et qu’»[a]u Canada, il n’a pas toujours été facile de justifier la règle des confessions par autre chose que la fiabilité des déclarations» (S. (R.J.), à la p. 500). Néanmoins, je dois reconnaître, à l’instar de mes collègues, que, de nos jours, la règle des confessions est manifestement associée à ces idées. De fait, dans le Rapport du Groupe de travail fédéral‑provincial sur l’uniformisation des règles de preuve (1983), le Groupe de travail a conclu, à la p. 195, que le «principe de common law [. . .] selon lequel la Couronne doit prouver ses allégations sans l’aide de l’accusé [. . .] [est] le fondement moderne de la règle du libre aveu [«Confessions Rule»]».

24. Pour ce motif, l’exigence relative à la personne en situation d’autorité est à juste titre considérée comme un élément essentiel de la règle des confessions. L’insistance mise sur le caractère volontaire a deux effets principaux: elle permet d’éviter l’injustice qui découlerait d’une déclaration de culpabilité fondée sur une déclaration qui n’est peut‑être pas fiable, et elle a aussi un effet dissuasif sur l’utilisation de tactiques coercitives. Cet effet dissuasif vise à juste titre le pouvoir de l’État en matière de poursuites et non l’autorité personnelle des simples citoyens. Il ne faut pas oublier que c’est la nature de l’autorité exercée par l’État qui peut pousser une personne à faire une déclaration involontaire. Comme l’a dit le juge Estey dans Rothman, précité, aux pp. 650 et 651, «leur autorité même peut, au moyen de promesses ou de menaces, formelles ou tacites, provoquer une déclaration peu importe que l’accusé soit vraiment disposé à la faire» (je souligne). En d’autres mots, c’est la crainte de représailles ou l’espoir d’obtenir la clémence de personnes en situation d’autorité, sentiments associés à la qualité officielle de ces personnes, qui peuvent amener une personne à faire une déclaration involontaire. La règle ne vise généralement pas les conversations qu’ont de simples citoyens et qui pourraient être indicatives de culpabilité, puisque ces conversations ne sont pas influencées par le pouvoir coercitif de l’État. Cette restriction est appropriée puisque la plupart des enquêtes criminelles sont faites par l’État et que c’est dans cette situation qu’un accusé est le plus vulnérable à la coercition de l’État.

25. D’un point de vue pratique, il va de soi que le fardeau du ministère public serait insurmontable s’il devait établir le caractère volontaire de chaque déclaration contre intérêt faite à quiconque par un accusé. Voir le Rapport sur la preuve (1975) de la Commission de réforme du droit du Canada, à la p. 70. En particulier, comme le souligne le procureur général du Canada intervenant, l’élimination de l’exigence relative à la personne en situation d’autorité aurait de graves conséquences sur le travail des agents doubles de la police et sur l’admissibilité de la preuve d’écoute électronique, situation où l’identité de la personne qui reçoit la déclaration de l’accusé est souvent inconnue. Par exemple, si le ministère public interceptait un appel téléphonique entre un accusé et un complice occupant un rang plus élevé dans une organisation criminelle, il aurait manifestement de la difficulté à produire la preuve requise s’il devait prouver hors de tout doute raisonnable que les déclarations n’ont pas été faites «par crainte d’un préjudice ou dans l’espoir d’un avantage». Qui plus est, toutes les déclarations faites à un agent double seraient assujetties à la règle des confessions même si l’accusé ignorait complètement qu’il avait affaire à une telle personne et si, au moment où il a fait la déclaration, il n’aurait jamais considéré l’agent double comme une personne en situation d’autorité.

26. À elles seules des considérations d’ordre pratique amènent à conclure que l’exigence relative à la personne en situation d’autorité devrait continuer de faire partie de la règle des confessions. Il ne fait pourtant aucun doute qu’il pourrait fort bien arriver qu’un accusé soit victime d’une grande injustice si une déclaration involontaire obtenue par un simple citoyen par suite de violence ou de menaces crédibles de violence imminente était admise en preuve. C’est pour cette raison que, en 1972, le British Criminal Law Revision Committee a recommandé l’élimination, dans la règle des confessions, de l’exigence relative à la personne en situation d’autorité. Voir Eleventh Report, Evidence (General) (1972), à la p. 39. Le Comité a insisté sur la question de la fiabilité et a réalistement conclu qu’une fausse déclaration peut tout aussi bien découler de menaces ou de promesses proférées ou faites, selon le cas, par un simple citoyen que par une personne en situation d’autorité. La Police and Criminal Evidence Act 1984, 1984 (R.-U.), ch. 60, a subséquemment été édictée afin de mettre en œuvre certaines de ces suggestions. L’article 76 de cette loi indique que, lorsqu’il est plaidé au tribunal qu’une confession a été obtenue [traduction] «par contrainte exercée contre la personne qui l’a faite» ou «par suite de toute parole ou action pouvant, dans les circonstances, rendre non fiable toute confession susceptible d’avoir été faite en conséquence par cette personne», le ministère public doit prouver hors de tout doute raisonnable que la confession n’a pas été obtenue de cette manière. Le mot [traduction] «contrainte» est défini comme visant notamment «la torture, les traitements inhumains ou dégradants, et le recours ou la menace de recours à la violence».

27. En Australie, la règle des confessions en common law est similaire à celle qui existe au Canada, mais elle prévoit en outre qu’une déclaration de l’accusé peut être écartée lorsqu’ [traduction] «elle ne découle pas de l’exercice du libre arbitre parce que cette faculté a été subjuguée par la conduite d’une autre personne que l’accusé»: voir Peter Gillies, Law of Evidence in Australia (2e éd. 1991), à la p. 537. De plus, le gouvernement fédéral et le gouvernement de New South Wales ont édicté des dispositions législatives excluant expressément les déclarations influencées par [traduction] «un comportement violent, oppressif, inhumain ou dégradant» ou par la menace d’un tel comportement. Voir Evidence Act 1995, 1995 (Australie), No. 2, art. 84, et Evidence Act 1995, 1995 (N.S.W.), No. 25, art. 84. Toutefois, tant en vertu de la common law qu’en vertu des lois australiennes pertinentes, le ministère public n’a à prouver le caractère volontaire que suivant la prépondérance des probabilités.

28. Il est significatif que ces modifications de la common law d’Angleterre et d’Australie aient été apportées dans le cadre d’une réforme législative. De fait, la Chambre des lords a refusé d’éliminer judiciairement l’exigence relative à la personne en situation d’autorité. Dans Deokinanan c. R., [1968] 2 All E.R. 346 (C.P.), le vicomte Dilhorne, s’exprimant pour la cour, a dit ceci, à la p. 350:

[traduction] Il est possible que, parce qu’il est offert par une personne en situation d’autorité, un avantage soit plus susceptible d’agir sur la volonté de l’accusé et de l’amener à faire une confession. Si la raison pour laquelle des confessions soutirées par des promesses émanant de personnes en situation d’autorité sont jugées inadmissibles est la possibilité qu’elles ne soient pas vraies, il se peut alors qu’il existe un risque similaire que, dans certaines circonstances, la confession ne soit pas vraie si elle a été obtenue au moyen d’une promesse faite par une personne qui n’est pas en situation d’autorité, par exemple lorsque cette personne offre un pot‑de‑vin en retour d’une confession. Toutefois, de l’avis des lords juges, il ne fait aucun doute que, dans son état actuel, le droit exclut uniquement les confessions obtenues par suite de promesses faites par des personnes en situation d’autorité.

29. La dernière phrase citée reflète l’état actuel du droit au Canada. La règle des confessions, notamment l’obligation qu’a le ministère public de prouver hors de tout doute raisonnable le caractère volontaire de la déclaration, est soigneusement calibrée pour tenir en échec le pouvoir de coercition de l’État et pour préserver le principe de la protection contre l’auto‑incrimination. L’élimination de l’exigence relative à la personne en situation d’autorité constituerait un changement fondamental de la règle des confessions ainsi qu’un changement important de la common law, changement qui pourrait avoir des conséquences imprévisibles et complexes pour l’administration de la justice. Un tel changement implique la reconnaissance d’un nouveau concept. Il ne signifie pas uniquement, comme dans d’autres cas, l’interprétation d’une modification apportée à une loi telle que le Code criminel. L’injustice qui découlerait de l’admission de déclarations obtenues par de simples citoyens grâce à la contrainte doit être reconnue. Toutefois, il s’agit d’un type de changement qui devrait être étudié par le législateur et apporté par voie législative. Voir Watkins c. Olafson, [1989] 2 R.C.S. 750; R. c. Salituro, [1991] 3 R.C.S. 654; Bow Valley Husky (Bermuda) Ltd. c. Saint John Shipbuilding Ltd., [1997] 3 R.C.S. 1210, au par. 93; Office des services à l’enfant et à la famille de Winnipeg (région du Nord‑Ouest) c. G. (D.F.), [1997] 3 R.C.S. 925. En raison de la possibilité très réelle d’une erreur judiciaire, et de l’injustice fondamentale qui découlerait de l’admission de déclarations soutirées par la violence par de simples citoyens, je souhaite que cette étude ne soit pas différée trop longtemps.

30. En attendant, je suggère que, dans les cas où une déclaration est soutirée à l’accusé par une personne qui n’est pas en situation d’autorité au moyen d’un traitement dégradant, telles la violence ou des menaces de violence, une directive claire soit donnée au jury relativement aux risques qu’il pourrait y avoir à se fier à cette déclaration. Cette directive pourrait être formulée en ces termes: «Il est possible qu’une déclaration obtenue par suite d’un traitement inhumain ou dégradant ou le recours à la violence ou à des menaces de violence ne soit pas l’expression de la volonté librement exercée de confesser ses actes. Au contraire, elle peut n’être que le résultat de la contrainte ou de la crainte d’un tel traitement. Si c’est le cas, il se peut fort bien que la déclaration ne soit pas vraie ou qu’elle ne soit pas fiable. Par conséquent, si vous concluez que la déclaration a été obtenue par une telle contrainte, il faut ne lui accorder que très peu de poids, voire pas du tout.» Toutefois, si un particulier a recours à la violence ou à la menace de violence après que la déclaration a été faite, cette conduite ne constituera en règle générale pas un facteur influençant le caractère volontaire de la déclaration, et la directive suggérée ne sera pas nécessaire.

B. Les limites de l’exigence relative à la personne en situation d’autorité

31. On a vu que l’exigence relative à la personne en situation d’autorité est fondée sur les justifications sous‑jacentes de la règle des confessions et que, en conséquence, elle devrait continuer de faire partie de cette règle. Il faut maintenant se demander qui devrait être visé par l’expression «personne en situation d’autorité».

32. L’expression «personne en situation d’autorité» s’entend habituellement des personnes qui participent officiellement à l’arrestation, à la détention, à l’interrogatoire ou à la poursuite de l’accusé: voir A.B., précité, à la p. 26. Elle peut toutefois avoir un sens plus large. Les tribunaux canadiens ont examiné pour la première fois le sens de cette expression dans R. c. Todd (1901), 4 C.C.C. 514 (B.R. Man.). Dans cette affaire, l’accusé avait fait une déclaration à deux hommes qu’il croyait être des co‑détenus, mais qui, dans les faits, agissaient en tant que mandataires de la police. La cour a statué ainsi, aux pp. 526 et 527:

[traduction] L’expression personne en situation d’autorité désigne, en règle générale, toute personne qui a quelque autorité ou pouvoir sur l’accusé ou sur les procédures engagées contre lui. [. . .] [O]n peut très bien supposer que, dans la majorité des cas, le pouvoir que l’accusé sait qu’une telle personne possède a pour effet soit de susciter chez lui l’espoir d’obtenir un avantage soit de lui inspirer une crainte révérencielle et ainsi, dans une certaine mesure, de vaincre sa volonté . . . [Je souligne.]

Ainsi, dès les premières manifestations de ce concept en droit canadien, la réponse à la question de savoir qui devrait être considéré comme une personne en situation d’autorité a été fonction de la mesure dans laquelle l’accusé croyait que la personne en cause avait quelque influence ou pouvoir sur les procédures engagées contre lui. Cette question est donc abordée du point de vue de l’accusé. Voir aussi R. c. Roadhouse (1933), 61 C.C.C. 191 (C.A.C.‑B.), à la p. 192.

33. Notre Cour a adopté l’approche subjective à l’égard de l’exigence relative à la personne en situation d’autorité. Voir l’arrêt Rothman, précité, à la p. 663. L’approche adoptée par le juge McIntyre (plus tard juge de notre Cour) dans R. c. Berger (1975), 27 C.C.C. (2d) 357 (C.A.C.‑B.), aux pp. 385 et 386 constitue, à mon avis, un exposé clair du droit pertinent:

[traduction] Il est établi, en droit, que la personne en situation d’autorité est une personne concernée par les poursuites judiciaires et qui, de l’avis de l’accusé, peut en influencer le déroulement. Le critère à appliquer pour décider si les déclarations faites à des personnes ayant de tels liens avec les poursuites judiciaires sont volontaires est subjectif. En d’autres mots, que pensait l’accusé? À qui croyait‑il parler? [. . .] Avait‑il l’impression que s’il ne parlait pas à cette personne, qui avait le pouvoir d’influencer les poursuites judiciaires, il en subirait un préjudice, ou croyait‑il qu’une déclaration lui permettrait d’obtenir un avantage ou une récompense? Si l’accusé n’avait pas une telle impression, la personne à laquelle la déclaration a été faite n’est pas considérée comme une personne en situation d’autorité et la déclaration est admissible.

34. Toutefois, j’ajouterais à cet énoncé que la croyance de l’accusé qu’il parle à une personne en situation d’autorité doit également être raisonnable eu égard aux circonstances dans lesquelles il fait la déclaration. Si la croyance de l’accusé que la personne recevant sa déclaration pouvait influencer le cours des poursuites contre lui relevait du fantasme ou n’avait pas de fondement raisonnable, cette personne ne peut être considérée comme une personne en situation d’autorité. Comme l’exigence relative à la personne en situation d’autorité vise à faire échec au comportement coercitif de l’État, le critère de la personne en situation d’autorité ne peut inclure les personnes que l’accusé croit déraisonnablement être des personnes agissant pour le compte de l’État. En conséquence, si l’accusé parle par crainte de représailles ou dans l’espoir d’obtenir un avantage parce qu’il croit raisonnablement que la personne qui reçoit sa déclaration agit à titre de mandataire de la police ou des autorités chargées des poursuites et qu’elle pourrait par conséquent avoir quelque influence ou pouvoir sur les poursuites engagées contre lui, cette personne est alors à juste titre considérée comme une personne en situation d’autorité. Autrement dit, la preuve doit révéler non seulement que l’accusé croyait subjectivement que la personne recevant la déclaration avait un certain pouvoir sur les poursuites engagées contre lui, mais elle doit établir l’existence d’un fondement objectivement raisonnable à l’égard de cette croyance. Par exemple, si la preuve révèle l’existence d’un lien de mandataire ou d’une collaboration étroite entre la personne recevant la déclaration et les policiers ou le ministère public, et que ces rapports étaient connus de l’accusé, la personne qui reçoit la déclaration peut être considérée comme une personne en situation d’autorité. Dans de telles circonstances, le ministère public doit prouver hors de tout doute raisonnable que la déclaration a été faite volontairement.

35. Au fil des ans, les tribunaux ont établi à quel moment et dans quelles circonstances une personne est réputée être une personne en situation d’autorité pour l’application de la règle des confessions. Voir, p. ex., R. c. Trenholme (1920), 35 C.C.C. 341 (B.R. Qué.) (il a été jugé que le père du plaignant est une personne en situation d’autorité lorsqu’il a un certain pouvoir sur les poursuites contre l’accusé); R. c. Wilband, [1967] R.C.S. 14 (un psychiatre n’est pas une personne en situation d’autorité lorsqu’il n’a ni pouvoir ni influence sur le déroulement des procédures); R. c. Downey (1976), 32 C.C.C. (2d) 511 (C.S.N.‑É., Div. app.) (la victime est une personne en situation d’autorité si l’accusé croyait raisonnablement qu’elle avait un certain pouvoir sur les procédures); A.B., précité, (le père ou la mère ne sont pas, en droit, des personnes en situation d’autorité s’il n’y a aucun lien étroit entre la décision d’appeler les autorités et l’encouragement donné à un enfant pour qu’il fasse une déclaration); R. c. Sweryda (1987), 34 C.C.C. (3d) 325 (C.A. Alb.) (une travailleuse sociale est une personne en situation d’autorité si l’accusé savait qu’elle enquêtait sur des allégations de mauvais traitements infligés à des enfants et croyait que cela pouvait entraîner son arrestation). Ces décisions n’ont pas dérogé à la règle directrice qui définit la personne en situation d’autorité en fonction de la perception qu’a l’accusé du rôle que joue, dans l’enquête ou la poursuite du crime, la personne à laquelle il fait la déclaration; et elles n’ont pas non plus défini la personne en situation d’autorité en fonction uniquement de l’autorité personnelle que cette personne peut exercer sur l’accusé. Dans les cas où les tribunaux ont jugé que la personne qui avait reçu la déclaration était une personne en situation d’autorité, ils ont systématiquement conclu que l’accusé croyait que cette personne était un allié des autorités étatiques et pouvait influencer l’enquête ou les poursuites le visant.

36. Le facteur important à souligner dans toutes ces affaires est que, hormis les agents de la paix et les gardiens de prison, il n’existe aucune liste de personnes qui sont considérées d’office comme des personnes en situation d’autorité du seul fait de leur qualité. Un parent, un médecin, un enseignant ou un employeur peuvent tous être considérés comme des personnes en situation d’autorité si les circonstances le justifient, mais leur qualité, ou le simple fait qu’ils peuvent exercer une certaine autorité personnelle sur l’accusé, ne suffit pas à faire d’eux des personnes en situation d’autorité pour l’application de la règle des confessions. Comme l’a fait remarquer le procureur général du Canada intervenant, l’exigence relative à la personne en situation d’autorité a évolué d’une manière qui évite l’application d’une approche formaliste ou légaliste aux interactions entre de simples citoyens. Au contraire, elle commande un examen au cas par cas de la croyance de l’accusé au sujet de la capacité de la personne qui reçoit sa déclaration d’influencer l’enquête ou la poursuite du crime. En d’autres mots, le juge du procès doit déterminer si l’accusé croyait raisonnablement que la personne qui a reçu la déclaration agissait pour le compte de la police ou des autorités chargées des poursuites. Cette conception de l’exigence relative à la personne en situation d’autorité reste inchangée.

37. Enfin, quelques commentaires s’imposent quant au fardeau respectif de l’accusé et du ministère public au cours du voir‑dire tenu pour déterminer si une déclaration de l’accusé à une personne en situation d’autorité doit être admise en preuve. Il incombe évidemment au ministère public de prouver hors de tout doute raisonnable que la déclaration a été faite volontairement. Toutefois, eu égard à l’exigence relative à la personne en situation d’autorité, la preuve requise pour établir si une personne doit être considérée comme une personne en situation d’autorité incombera souvent principalement à l’accusé. Ce dernier a donc une certaine obligation relativement à cet aspect de la règle des confessions. Il s’agit d’un fardeau de présentation et non de persuasion. Voir, p. ex., R. c. Scott (1984), 1 O.A.C. 397, à la p. 399. Dans The Law of Evidence in Canada (1992), aux pp. 56 et 57, John Sopinka, Sidney N. Lederman et Alan W. Bryant expliquent ainsi la différence entre ces deux fardeaux:

[traduction] L’expression fardeau de présentation signifie qu’une partie a la responsabilité de s’assurer qu’il y a au dossier suffisamment d’éléments de preuve de l’existence ou l’inexistence d’un fait ou d’un point litigieux pour satisfaire au critère préliminaire applicable à ce fait ou à cette question. [. . .] Par contre, l’expression fardeau de la preuve signifie qu’une partie a l’obligation de prouver ou de réfuter un fait ou un point litigieux eu égard à la norme en matière criminelle ou civile. Le fait de ne pas convaincre le juge des faits suivant la norme applicable signifie que la partie n’aura pas gain de cause sur ce point.

Le fardeau de présentation qui incombe à l’accusé dans une affaire criminelle est décrit de la manière suivante (à la p. 138):

[traduction] Lorsque le fardeau de présentation relativement à une question incombe au défendeur dans une affaire criminelle, par exemple la légitime défense, l’accusé est tenu de s’assurer qu’il y a au dossier des éléments de preuve permettant d’en faire une question en litige. Les éléments nécessaires pour satisfaire au fardeau de présentation peuvent se trouver dans la preuve du ministère public ou de la défense.

38. Dans la très grande majorité des cas, l’accusé s’acquittera de ce fardeau de présentation en prouvant qu’il connaissait l’existence du lien entre la personne recevant la déclaration et la police ou les autorités chargées des poursuites. Par exemple, le fait que la déclaration ait été faite à un agent de police en uniforme ou qui s’est identifié comme étant un agent de la paix permettra à l’accusé de s’acquitter du fardeau de présentation en ce qui concerne l’exigence relative à la personne en situation d’autorité. Voir, p. ex., Morris c. La Reine, [1979] 2 R.C.S. 1041, à la p. 1066. Une fois que l’accusé s’acquitte du fardeau de présentation, le fardeau ultime de la preuve incombe au ministère public. Voir R. c. McKenzie, [1965] 3 C.C.C. 6 (C.S. Alb., Div. app.), à la p. 28. Dans R. c. Postman (1977), 3 A.R. 524, à la p. 542, la Cour suprême de l’Alberta, Division d’appel, a statué, à juste titre à mon avis, que lorsqu’un témoin n’est pas à première vue une personne en situation d’autorité (dans cette affaire, il s’agissait d’un médecin), [traduction] «il est loisible à l’avocat de la défense de contester la preuve prima facie et d’exiger que des éléments de preuve soient produits pour permettre de statuer sur les faits de l’espèce». Ainsi, une fois que la défense s’acquitte de son fardeau et établit que la preuve confirme la prétention que la personne qui a reçu la déclaration était une personne en situation d’autorité, il appartient alors au ministère public de prouver hors de tout doute raisonnable soit que la personne qui a reçu la déclaration n’était pas une personne en situation d’autorité, soit, s’il est impossible de faire cette preuve, que la déclaration a été faite volontairement.

39. La question de la qualité de personne en situation d’autorité de la personne qui a reçu la déclaration se pose seulement si l’accusé connaissait cette qualité. Si l’accusé ne peut pas prouver qu’il connaissait la qualité de la personne ayant reçu sa déclaration (par exemple, dans le cas d’un agent double) ou l’existence d’un lien étroit avec les autorités (comme dans le cas des personnes agissant pour le compte de l’État), l’examen de la question de savoir si la personne ayant reçu la déclaration était une personne en situation d’autorité doit cesser. Il convient donc d’examiner d’abord la croyance raisonnable de l’accusé. Il est possible qu’il ne soit pas utile que le juge du procès fasse une analyse approfondie du lien objectif existant entre la personne ayant reçu la déclaration et les autorités, comme le suggère le juge L’Heureux‑Dubé (par. 83), puisque la validité des conclusions en découlant pourrait être infirmée si on constate plus tard que l’accusé ne connaissait pas l’existence de ce lien. De plus, il est important de reconnaître que le fait d’axer l’examen du juge du procès sur la croyance raisonnable de l’accusé est conforme à l’attribution du fardeau de la preuve au cours du voir‑dire.

C. L’obligation du juge du procès de tenir un voir‑dire

40. Il est maintenant possible d’examiner la question de savoir si, en l’espèce, le juge du procès a commis une erreur en ne tenant pas de voir‑dire avant d’admettre la déclaration en preuve.

41. Le juge du procès a l’obligation [traduction] «de présider le procès de façon judiciaire, indépendamment des erreurs des avocats»: voir R. c. Sweezey (1974), 20 C.C.C. (2d) 400 (C.A. Ont.), à la p. 417. Une telle obligation emporte celle de tenir un voir‑dire chaque fois que la poursuite veut produire une déclaration faite par l’accusé à une personne en situation d’autorité: voir les pp. 417 et 418. Toutefois, dans les cas où la défense n’a pas demandé la tenue d’un voir‑dire et où une déclaration de l’accusé est admise en preuve, le juge du procès a commis une erreur susceptible d’annulation s’il existait au dossier des éléments de preuve évidents qui auraient dû objectivement attirer son attention sur la nécessité de tenir un voir‑dire, malgré le silence de l’avocat. Par conséquent, le critère permettant de décider de l’opportunité de tenir un voir‑dire est appliqué par le tribunal d’appel qui fait un examen objectif de la preuve au dossier pour déterminer si on a produit des éléments importants, qui auraient dû faire naître l’obligation du juge du procès de procéder à un tel examen. Ce critère est différent de celui applicable au cours du voir‑dire, qui commande au juge du procès d’examiner la croyance raisonnable de l’accusé et les circonstances de la déclaration pour déterminer si la personne qui a reçu la déclaration est une personne en situation d’autorité et si cette déclaration a été faite volontairement.

42. On confond facilement ces critères, puisqu’il est possible d’affirmer que la preuve qui attire l’attention du juge du procès sur la nécessité de tenir un voir‑dire doit se rapporter à l’état d’esprit de l’accusé, étant donné que seul ce type de preuve pourrait démontrer que l’accusé croyait que la personne à laquelle il a fait sa déclaration était une personne en situation d’autorité. Cette approche est trop restrictive. Il est possible que le point de vue subjectif de l’accusé ne puisse jamais être vérifié à moins de tenir un voir‑dire. Statuer que le juge du procès n’a pas l’obligation de tenir un voir‑dire à moins que la preuve de l’état d’esprit de l’accusé soit déjà au dossier enlèverait tout son sens à cette obligation. Certes, la preuve relative à l’état d’esprit de l’accusé peut fort bien faire naître la nécessité de tenir un voir‑dire, mais la norme applicable devrait être moins exigeante.

43. C’est ce que démontre l’arrêt de notre Cour Erven, précité. Dans cette affaire, la Cour devait déterminer si un voir‑dire est toujours nécessaire à l’égard des déclarations faites par un accusé à une personne en situation d’autorité, ou si cette procédure n’est pas nécessaire lorsque la déclaration est «manifestement volontaire» (p. 929). S’exprimant au nom de la majorité de la Cour, le juge Dickson a statué, à la p. 940, qu’«une règle n’exigeant le voir‑dire que lorsqu’il existe un élément de preuve de l’extorsion de la déclaration n’est ni claire ni facile à appliquer». Il a également dit ceci, à la p. 937:

Le droit de l’accusé de citer des témoins et de plaider séparément sur la question de l’admissibilité d’une déclaration dès que le ministère public a présenté sa preuve sur cette question est des plus importants. Ce droit disparaîtrait entièrement si une déclaration de l’accusé pouvait être admise comme preuve à charge, sans voir‑dire, parce que rien dans cette preuve ne jette de doute sur son caractère volontaire. [. . .] Il se peut que le témoignage de l’accusé soit la seule preuve de l’extorsion de la déclaration.

Même si cet énoncé de principe porte sur les voir‑dire tenus pour décider du caractère volontaire d’une déclaration, il s’applique aussi aux voir‑dire visant à déterminer si la personne qui a reçu une déclaration de l’accusé était une personne en situation d’autorité.

44. De façon plus particulière, le raisonnement qui a été appliqué dans Erven, et auquel je souscris, a deux conséquences pour la présente espèce. Premièrement, l’obligation de tenir un voir‑dire ne peut pas être tributaire de la présence d’éléments de preuve concluants quant à la question même qui doit être examinée au cours du voir‑dire. Deuxièmement, un voir‑dire est requis à l’égard de toute déclaration faite par un accusé à une «personne en situation d’autorité». Voir Erven, précité, à la p. 931. Par conséquent, vu le caractère très préjudiciable de la preuve découlant d’une confession, chaque fois que le ministère public veut produire en preuve une déclaration faite par un accusé à une personne en situation d’autorité, le juge du procès a l’obligation de tenir d’office un voir‑dire, même si l’avocat n’en fait pas la demande. Il est clair que l’avocat de l’accusé peut renoncer au voir‑dire. Une fois qu’il y a eu renonciation, il n’est pas nécessaire de tenir le voir‑dire.

45. Cependant, cette obligation du juge du procès ne naît que dans les cas où la preuve indique clairement que la nécessité de tenir un voir‑dire s’impose. La présence d’éléments de preuve démontrant clairement que la personne qui a reçu la déclaration de l’accusé avait un lien étroit avec les autorités devrait attirer l’attention du juge du procès sur la nécessité de tenir un voir‑dire. Cette preuve varie le long d’un spectre. Lorsque la personne qui reçoit la déclaration est une personne en situation d’autorité «au sens classique de cette expression», par exemple s’il s’agit d’un policier ou d’un gardien de prison, le juge du procès a clairement l’obligation de tenir un voir‑dire. Dans un tel cas, le lien avec les autorités est très évident. De même, lorsque la preuve révèle l’existence, entre les autorités et la personne qui reçoit la déclaration, d’un lien étroit indiquant que, dans les circonstances, cette personne agissait en tant que personne en situation d’autorité, cela peut être suffisant pour faire naître l’obligation du juge du procès de tenir un voir‑dire.

46. De façon plus particulière, le juge du procès doit être convaincu que, si l’accusé avait été conscient du lien entre la personne qui a reçu sa déclaration et les autorités, il aurait raisonnablement pu croire que cette personne agissait en tant que mandataire des policiers ou des autorités chargées des poursuites et que, de ce fait, elle était capable d’influencer les poursuites contre lui. Si la preuve établit l’existence d’un tel lien, le juge du procès doit demander si la défense est prête à s’acquitter du fardeau de présentation relativement à la question de la personne en situation d’autorité ou si elle renonce à la tenue d’un voir‑dire sur cette question. En conséquence, la preuve de l’existence d’un lien étroit avec les autorités pourrait entraîner la tenue d’un voir‑dire, mais l’examen effectué au cours de celui‑ci visera encore principalement à déterminer si, du point de vue de l’accusé, la personne qui a reçu la déclaration était une personne en situation d’autorité, et, en dernière analyse, si la déclaration a été faite volontairement. Toutefois, plus la personne qui a reçu la déclaration s’éloigne de la définition «classique» de personne en situation d’autorité, moins il y a de chance que la preuve attire l’attention du juge du procès sur la nécessité de tenir un voir‑dire, auquel cas plus grande est l’obligation de l’accusé de soulever cette question.

47. Il convient de souligner qu’il n’arrive que très rarement qu’on présente suffisamment d’éléments de preuve au juge du procès pour faire naître la nécessité de tenir un voir‑dire sur la question de la personne en situation d’autorité dans les cas où la personne qui a reçu la déclaration n’était pas une personne en situation d’autorité au sens classique de cette expression. Il en est ainsi parce que la preuve doit établir beaucoup plus que la simple qualité de la personne qui reçoit la déclaration. En règle générale, ni la qualité ni l’autorité personnelle ne fournissent à elles seules la preuve permettant d’inférer que la personne qui a reçu une déclaration est, aux yeux de l’accusé, une personne en situation d’autorité. Au contraire, pour que soit démontrée la nécessité de tenir un voir‑dire, la preuve doit indiquer que la personne qui a reçu la déclaration avait un lien étroit avec les autorités avant d’obtenir la confession, et qu’il s’est écoulé peu de temps entre le moment du contact avec les autorités et la réception de la déclaration. La preuve doit tendre à indiquer que la personne qui a reçu la déclaration agissait de concert avec les autorités policières ou celles chargées des poursuites, qu’elle agissait en tant que mandataire de celles‑ci ou encore qu’elle en faisait partie. Ce n’est que dans ces circonstances que le juge du procès est obligé de tenir d’office un voir‑dire sur la question de la personne en situation d’autorité, à moins que l’avocat de l’accusé renonce à la tenue de cette procédure.

IV. Résumé

48. Il serait peut‑être utile de résumer les principes applicables à l’admission des déclarations faites par les accusés à des personnes en situation d’autorité, ainsi que certains des facteurs qui doivent être pris en considération à cet égard.

1. La règle toujours applicable pour décider de l’admissibilité d’une déclaration faite par un accusé à une personne en situation d’autorité est que cette déclaration doit avoir été faite volontairement et être le produit d’un état d’esprit conscient.

2. La règle repose sur deux concepts d’une importance fondamentale: la nécessité de garantir la fiabilité de la déclaration et d’assurer l’équité en empêchant l’État de prendre des mesures de coercition inappropriées. Il en résulte que l’aveu ne doit pas être obtenu par des menaces ou des promesses.

3. La règle s’applique lorsque l’accusé fait une déclaration à une personne en situation d’autorité. Bien qu’il ne soit ni nécessaire ni souhaitable de définir de manière absolue l’expression «personne en situation d’autorité», cette expression vise habituellement les personnes qui participent officiellement à l’arrestation, à la détention, à l’interrogatoire ou à la poursuite de l’accusé. En conséquence, elle s’applique aux personnes tels les policiers et les gardiens de prison. Lorsque la déclaration de l’accusé est faite à un policier ou à un gardien de prison, un voir‑dire doit être tenu pour déterminer si la déclaration est admissible en tant que déclaration volontaire, sauf si l’avocat de l’accusé renonce au voir-dire.

4. Peuvent aussi être des personnes en situation d’autorité les personnes qui, selon ce que croit raisonnablement l’accusé, agissent pour le compte de la police ou des autorités chargées des poursuites et pourraient, de ce fait, avoir quelque influence ou autorité sur les poursuites engagées contre lui. Cette question doit être tranchée au cas par cas.

5. Pour déterminer qui est une personne en situation d’autorité, il faut examiner la question subjectivement, du point de vue de l’accusé. Toutefois, la croyance de l’accusé que la personne qui entend sa déclaration est une personne en situation d’autorité doit avoir un fondement raisonnable.

6. Cette question ne se posera normalement pas dans le cas des agents doubles de la police, puisque la question doit être examinée du point de vue de l’accusé. En ce sens, les agents doubles ne sont habituellement pas considérés par l’accusé comme des personnes en situation d’autorité.

7. Lorsqu’il est allégué que la personne qui a reçu la déclaration était une personne en situation d’autorité aux yeux de l’accusé, la défense doit alors signaler la question au juge du procès. Cette façon de faire est appropriée car seul l’accusé peut savoir que la déclaration a été faite à une personne qu’il considérait comme une personne en situation d’autorité.

8. Au cours du voir‑dire qui s’ensuit, l’accusé a le fardeau de présenter des éléments de preuve démontrant l’existence d’une question en litige valide devant être examinée. Si l’accusé s’acquitte de ce fardeau, le ministère public a ensuite le fardeau de persuasion et doit démontrer hors de tout doute raisonnable que la personne qui a reçu la déclaration n’était pas une personne en situation d’autorité ou, s’il est jugé qu’il s’agissait d’une telle personne, que la déclaration de l’accusé a été faite volontairement.

9. Dans des cas extrêmement rares, il peut arriver que la preuve produite au procès soit telle qu’elle devrait attirer l’attention du juge du procès sur le fait que la question de savoir si la personne qui a reçu la déclaration de l’accusé était une personne en situation d’autorité doit être examinée au cours d’un voir‑dire. Dans de tels cas, qui doivent être extrêmement rares compte tenu de l’obligation qu’a l’accusé de soulever cette question, le juge du procès doit ordonner d’office un voir‑dire, sous réserve, évidemment, de la renonciation par l’avocat de l’accusé à la tenue de cette procédure.

10. L’obligation du juge du procès de tenir d’office un voir‑dire ne prend naissance que dans les rares cas où la preuve, examinée objectivement, est suffisante pour attirer son attention sur la nécessité de tenir un voir‑dire en vue de déterminer si la personne qui a reçu la déclaration de l’accusé était, dans les circonstances, une personne en situation d’autorité.

11. Si le juge du procès est convaincu que la personne qui a reçu la déclaration n’était pas une personne en situation d’autorité, mais que la déclaration de l’accusé a été obtenue à l’aide de tactiques coercitives répréhensibles, telles la violence ou des menaces de violence crédibles, une directive doit alors être donnée au jury. Le jury doit être avisé que, s’il conclut que la déclaration a été obtenue par coercition, il doit alors faire preuve de prudence avant de l’accepter, et qu’il faut n’accorder que peu ou pas de valeur à cette déclaration.

V. L’application des principes au présent pourvoi

49. L’appelant prétend que le fait que la déclaration a été faite à la plaignante et à des membres de sa famille immédiate aurait dû attirer l’attention du juge du procès sur la nécessité de tenir un voir‑dire puisqu’il s’agissait de personnes capables d’être des personnes en situation d’autorité pour l’application de la règle des confessions. Il est vrai que la plaignante et les membres de sa famille sont capables d’être des personnes en situation d’autorité. De fait, toute personne est capable d’être une personne en situation d’autorité si elle participe suffisamment à l’arrestation, à la détention, à l’interrogatoire ou à la poursuite d’un accusé, et que ce dernier croit que cette personne peut influencer les procédures contre lui. Le seul fait qu’il a été jugé, dans d’autres affaires, qu’un membre de la famille était une personne en situation d’autorité n’emporte pas que le juge du procès aurait dû être sensibilisé à la nécessité de tenir un voir‑dire. Pratiquement toute personne — parents de l’accusé, parents du plaignant, enseignants, psychiatres, médecins — peut, sous l’éclairage des éléments de preuve particuliers qui sont produits, être considérée comme une personne en situation d’autorité. Comme l’a fait remarquer l’intimée, statuer que le juge du procès a commis une erreur pour le motif que la personne qui a reçu la déclaration est simplement une personne capable d’être une personne en situation d’autorité équivaut à exiger la tenue d’un voir‑dire (ou la renonciation à celui‑ci) à l’égard de chaque déclaration contre intérêt faite par l’accusé à qui que ce soit. Il ne faut pas oublier que c’est l’accusé qui est le mieux placé pour démontrer que la personne qui a reçu sa déclaration était, à ses yeux, une personne en situation d’autorité.

50. Dans le présent cas, aucun des éléments de preuve produits au procès n’était suffisant pour faire naître l’obligation du juge du procès de tenir un voir‑dire. La confrontation survenue au lieu de travail de l’appelant a d’abord été décrite par la plaignante. Elle a rappelé, dans son témoignage, les événements qui ont conduit à la confrontation. Elle a affirmé (1) que sa mère lui avait demandé si elle était enceinte et si elle avait eu des relations sexuelles; (2) que, au cours de cette conversation, elle a dit à sa mère que l’appelant l’avait agressée sexuellement; (3) que sa mère a téléphoné à son père; (4) que sa mère et elle‑même se sont rendues à une clinique de consultation sans rendez‑vous située à Mississauga, où on a confirmé la grossesse de la plaignante (son petit ami de l’époque était le père); (5) que la plaignante, accompagnée de sa mère, de son père, de son beau‑père et de son cousin, sont allés voir l’appelant pour le sommer de s’expliquer. Ensuite, sans que la défense ne s’y oppose, la plaignante a relaté les déclarations de l’appelant. Par conséquent, lorsque les déclarations ont été admises en preuve, rien n’indiquait que la plaignante ou les membres de sa famille avaient parlé aux policiers ou à quelque autre personne en situation d’autorité, ou envisageaient même de déposer une plainte. De même, rien ne tendait à indiquer que l’appelant croyait subjectivement que la famille de la plaignante avait quelque pouvoir à l’égard des procédures criminelles. Dans ces circonstances, il est impossible d’affirmer que le juge du procès a commis une erreur en ne tenant pas d’office un voir‑dire.

51. Dans un argument subsidiaire, l’appelant a invoqué l’arrêt du Conseil privé Thongjai c. The Queen, [1998] A.C. 54. Dans cette affaire, il a été jugé que, dans les cas où il n’y a aucune allégation de mauvais traitements infligés par la police, et où, en défense, on nie complètement avoir fait la déclaration, il est inutile de tenir un voir‑dire pour déterminer si la déclaration était volontaire. Cet argument ne pouvait pas être invoqué en l’espèce. La question de la personne en situation d’autorité n’était pas en litige dans Thongjai. Compte tenu des circonstances de la présente affaire, il ne convient pas d’examiner cet argument subsidiaire.

52. Enfin, l’appelant a aussi prétendu que, même si la preuve découlant de la confession a été présentée régulièrement au juge du procès, ce dernier a commis une erreur en se fondant presque exclusivement sur cet élément de preuve pour déclarer l’appelant coupable. Ce dernier soutient que le juge du procès s’est appuyé sur cette preuve sans en avoir pleinement apprécié et examiné sa fiabilité à la lumière des circonstances dans lesquelles la confession a été faite. Ces arguments ne peuvent pas être retenus. Il ressort clairement du dossier que le juge du procès a examiné attentivement le témoignage de l’appelant relativement à la confrontation avec les membres de la famille de la plaignante avant de conclure que la preuve découlant de la confession était [traduction] «accablante» et qu’«[i]l n’[avait] aucun motif plausible de ne pas donner foi à la preuve que [l’accusé] avait admis sa participation». Le juge du procès a aussi conclu que la plaignante était crédible. Compte tenu des circonstances, il pouvait à bon droit utiliser la preuve découlant de la confession pour confirmer le témoignage de la plaignante. Les motifs du juge du procès ne révèlent aucune erreur.

VI. Le dispositif

53. Le pourvoi est donc rejeté.

//Le juge L’Heureux-Dubé//

Version française des motifs des juges L’Heureux-Dubé et Bastarache rendus par

54 Le juge L’Heureux‑Dubé — Le présent pourvoi porte sur l’étendue de l’obligation du juge du procès d’ordonner d’office la tenue d’un voir‑dire en vue de déterminer si les déclarations extrajudiciaires d’un accusé ont été faites à une personne en situation d’autorité et, dans l’affirmative, si ces déclarations ont un caractère volontaire. L’issue du pourvoi, eu égard aux faits de l’affaire, est inextricablement liée à la question plus générale de savoir qui est une «personne en situation d’autorité» pour l’application de la règle des confessions.

55 J’ai eu l’avantage des motifs de mon collègue le juge Cory et, bien que je sois d’accord avec le résultat auquel il en arrive, je diffère d’opinion, pour les motifs qui suivent, en ce qui concerne l’interprétation à donner à l’expression «personne en situation d’autorité» en tant qu’élément pertinent de la règle des confessions, et, par conséquent, les circonstances qui donnent naissance à l’obligation du juge du procès d’ordonner proprio motu la tenue d’un voir‑dire.

I. La règle des confessions considérée dans son contexte

56 Mon collègue le juge Cory énonce les faits pertinents et, comme je l’ai dit, je souscris à la façon dont il tranche le présent pourvoi. Mon désaccord avec ses motifs porte sur la manière dont doit être formulée la composante «personne en situation d’autorité» de la règle des confessions.

57 L’énoncé de base de la règle des confessions ne suscite aucune controverse: le caractère volontaire d’une déclaration soutirée par la crainte d’un préjudice ou dans l’espoir d’un avantage suscité par une personne en situation d’autorité doit être prouvé hors de tout doute raisonnable par le ministère public avant d’être admise en preuve (voir Ibrahim c. The King, [1914] A.C. 599 (C.P.)). Toutefois, comme le démontre l’abondante jurisprudence contradictoire sur la question, les tribunaux sont perplexes quant à la portée et à la signification précises de la règle. Il est donc essentiel d’apporter une certaine mesure de clarté et de certitude en ce qui concerne la composante «personne en situation d’autorité» de la règle, qui est le fondement de l’obligation du juge du procès d’ordonner d’office la tenue d’un voir‑dire. Il faut se rappeler que les règles de la common law sont façonnées par les juges, et donc qu’il nous appartient, de fait il nous incombe de faire en sorte qu’elles servent l’intérêt de ceux qu’elles lient (R. c. Khan, [1990] 2 R.C.S. 531). La difficulté est donc d’interpréter adéquatement la règle des confessions — cette «règle de politique judiciaire» -- et sa composante «personne en situation d’autorité» à la lumière des principes qui la sous‑tendent, selon leur évolution du dix‑huitième siècle jusqu’au système moderne de justice pénale.

58 Dès le départ, il importe de signaler que le contexte pénal qui est à l’origine de la règle des confessions différait radicalement de la situation actuelle, car l’évolution de ce contexte a inévitablement été accompagnée d’un changement des principes qui la sous‑tendaient. Dans l’arrêt D.P.P. c. Ping Lin, [1976] A.C. 574 (H.L.), à la p. 600, lord Hailsham s’est penché sur les origines de la règle:

[traduction] Bien qu’ils ne doivent pas élargir la portée de [la règle des confessions], les tribunaux ne doivent pas non plus en restreindre l’application. Il est vrai que la règle présente tous les stigmates de la barbarie qui régnait lorsqu’elle a vu le jour au dix‑huitième siècle. À cette époque, presque tous les crimes graves étaient punissables par la mort ou la transportation. Les responsables de l’application de la loi ne constituaient pas un corps de police discipliné et n’étaient soumis à aucun contrôle efficace de la part du gouvernement central, de comités de surveillance ou d’inspecteurs. L’aide juridique n’existait pas, et il n’y avait pas de procédure d’appel. Pour couronner le tout, l’accusé ne pouvait témoigner pour son propre compte et son sort dépendait donc en grande partie de tout parjure ou déposition obtenue par la contrainte susceptible d’être présenté contre lui. Par conséquent, les tribunaux ont dû inventer des règles artificielles destinées à protéger l’accusé contre les dangers qui ne pouvaient être évités par d’autres moyens plus rationnels. Néanmoins, la règle a survécu au cours du vingtième siècle. Elle est non seulement demeurée inchangée, mais sa portée s’est accrue . . .

La règle des confessions étant une règle artificielle destinée à protéger l’accusé contre des dangers qui peuvent désormais être évités grâce à d’autres moyens plus rationnels, tels les droits individuels, la mise en garde selon laquelle, malgré cette évolution, sa portée ne devrait pas être élargie mérite d’être prise au sérieux. Il s’agit d’une règle de politique judiciaire qui doit être interprétée avec précaution, à la lumière du contexte moderne.

59 En plus de faire en sorte que notre interprétation de la règle des confessions reflète les préoccupations modernes, il est important de tenir compte du caractère artificiel et exceptionnel de cette règle. Il importe de souligner que la règle des confessions est une exception au principe fondamental voulant que tout élément de preuve pertinent soit laissé au juge des faits, dont le rôle consiste à en apprécier la qualité et, en dernier ressort, à découvrir la vérité. Comme l’a expliqué le juge McLachlin dans R. c. Seaboyer, [1991] 2 R.C.S. 577, à la p. 609:

C’est un principe fondamental de notre système de justice que les règles de preuve doivent permettre au juge et au jury de découvrir la vérité et de bien trancher les questions en litige. [. . .] [T]out ce qui est probant doit être admis, à moins de devoir être exclu pour un autre motif. Une disposition législative qui empêche le juge des faits de découvrir la vérité par exclusion d’éléments de preuve pertinents sans motif clair fondé sur un principe ou une règle de droit justifiant cette exclusion va à l’encontre de nos conceptions fondamentales de la justice . . .

Notre système de justice pénale confie au juge des faits le rôle crucial d’apprécier la fiabilité de la preuve. Contrairement à la situation qui avait cours lorsque la règle des confessions a pris naissance, de nos jours la défense a pleinement l’occasion d’examiner et de contester les facteurs pertinents à la fiabilité de la preuve et à la crédibilité des témoins devant le juge des faits. En tant que juges, nous devons prendre garde de ne pas entraver ce processus essentiel et équitable. La règle des confessions doit être justifiée par sa philosophie sous‑jacente en tenant compte du caractère principalement inclusif des règles fondamentales de preuve qui ne permettent généralement pas l’exclusion d’un élément de preuve en raison de préoccupations touchant à sa fiabilité.

60 En résumé, la règle des confessions est une exception précise et délimitée à la règle fondamentale selon laquelle il appartient au juge des faits d’apprécier la véracité d’une déclaration compte tenu de l’ensemble des circonstances, et aussi à la reconnaissance que les déclarations faites par l’accusé contre son intérêt sont intrinsèquement dignes de foi (Hardy’s Trial (1794), 24 State Tr. 199). Par conséquent, l’interprétation de la notion de «personne en situation d’autorité», qui fait partie intégrante de la règle des confessions, doit être circonscrite par la philosophie sous‑jacente justifiant l’exclusion d’éléments de preuve pertinents que j’aborde maintenant.

II. Le rôle cardinal de la composante «personne en situation d’autorité»

61 Mon collègue le juge Cory a soigneusement fait l’historique de la règle des confessions et bien situé, dans le contexte actuel, les principes qui la sous‑tendent. Il n’est donc pas nécessaire de refaire cet exercice. Essentiellement, alors qu’historiquement les préoccupations qui sous‑tendaient la règle touchaient à la fiabilité des confessions, ses assises modernes actuelles s’attachent à la conduite de l’État et au droit des individus à l’équité. L’équité fondamentale de la procédure pénale unifie ses deux fondements de fiabilité et de dissuasion, et les préoccupations liées à la véracité ont cédé le pas à la notion centrale du caractère volontaire de la déclaration.

62 La règle des confessions ne s’attache, toutefois, au caractère volontaire d’une déclaration que lorsque celle‑ci est faite à une personne en situation d’autorité. Cette dernière notion devient d’autant plus cruciale lorsque, comme l’a à juste titre conclu mon collègue, on admet que, indépendamment de la question de la fiabilité, les fondements prédominants de la règle des confessions sont aujourd’hui le droit des individus à l’équité dans le processus pénal et la responsabilité de l’État. À mon avis, ces fondements mettent clairement l’accent sur les rapports entre les individus d’une part, et l’État ou ses représentants d’autre part, et ils devraient définir la notion de «personne en situation d’autorité».

63 Même si, jusqu’à maintenant, les tribunaux n’ont reconnu ces principes sous‑jacents qu’avec prudence, les motifs du juge Cory traduisent leur force et, finalement, leur acceptation. L’évolution récente de la règle des confessions renforce cette conclusion. Dans Clarkson c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 383, à la p. 391, Madame le juge Wilson a conclu, au nom de la majorité, que le critère de l’«état d’esprit conscient», qui est un élément de la règle des confessions, révèle logiquement:

. . . un intérêt moins pour la valeur probante de la déclaration, que pour l’équité dans le processus décisionnel en matière criminelle et le contrôle des actes de la police au cours de l’interrogatoire d’accusés.

De même, dans le Rapport du Groupe de travail fédéral‑provincial sur l’uniformisation des règles de preuve (1983), le Groupe a conclu, à la p. 196, que la règle des confessions semble maintenant:

. . . se fonder sur le principe selon lequel la Couronne ne peut obliger l’accusé à s’incriminer. Cette règle ne vaut qu’entre les parties en cause et ne s’applique pas aux tiers. Il n’est donc pas interdit à la Couronne de tirer profit d’une déclaration pertinente obtenue par une personne autre qu’un mandataire ou représentant de la Couronne. Le groupe de travail conclut unanimement que la règle du libre aveu ne devrait s’appliquer qu’aux déclarations faites à une personne en situation d’autorité et que les incitations provenant d’autres sources, sans l’autorisation tacite de la Couronne, ne pourraient qu’influer sur la valeur probante d’une réponse fournie par l’accusé. [Je souligne.]

Mon collègue souscrit à ce point de vue qui implique que la règle des confessions n’a aucune raison d’être si on exclut l’objectif de dissuasion. En d’autres mots, sans la présence de l’État requise par la composante «personne en situation d’autorité», la règle des confessions serait en contradiction directe avec la règle fondamentale de preuve selon laquelle la question de la fiabilité de la preuve est du ressort du juge des faits. Étant donné que la règle déroge au principe de la fiabilité, il est important de confirmer que la règle est inextricablement liée à des préoccupations concernant l’intégrité du système de justice, l’équité de la procédure pénale et la conduite des agents de l’État, et de tenir compte de cette confirmation dans l’interprétation de la composante «personne en situation d’autorité».

64 Étonnamment, bien qu’il accepte ces fondements modernes de la règle des confessions, mon collègue ne souscrit pas pour autant à la conclusion ferme énoncée par le Groupe de travail au sujet des «personnes en situation d’autorité» et selon laquelle, à défaut d’actes de l’État, le caractère non volontaire ne devrait influer que sur la valeur probante de la déclaration et non sur son admissibilité. De fait, le juge Cory estime que l’exigence relative à la «personne en situation d’autorité devrait continuer de faire partie de la règle des confessions» (par. 26). Toutefois, il ajoute que le Parlement devrait envisager de supprimer cette exigence par voie législative, afin de remédier à «[l]’injustice qui découlerait de l’admission de déclarations obtenues par de simples citoyens grâce à la contrainte» (par. 29). Avec égards, une telle recommandation n’est ni appropriée ni souhaitable, et je maintiens que, de façon générale, le caractère involontaire d’une déclaration ne devrait pas influer sur son admissibilité.

65 Premièrement, cette suggestion contredit l’affirmation selon laquelle la règle des confessions vise principalement de nos jours à décourager un usage impropre du pouvoir de poursuite de l’État, ce qui suppose, en définitive, qu’une certaine présence de l’État ou de ses mandataires est cruciale. En conséquence, tout cas de contrainte exercée par de simples citoyens échappe à l’application de la règle des confessions. L’iniquité générale découlant de l’utilisation d’une déclaration involontaire obtenue sous la contrainte par de simples citoyens n’a jamais été visée par la règle des confessions, même lorsque celle‑ci se justifiait par des préoccupations ayant trait à la fiabilité de la déclaration. Il ressort clairement des fondements modernes de la règle que celle‑ci ne s’attache qu’au caractère volontaire des déclarations obtenues dans le cadre des rapports opposant l’État et les individus.

66 De fait, j’estime que la recommandation du juge Cory de supprimer l’exigence relative à la personne en situation d’autorité est incompatible avec son affirmation, au par. 24, selon laquelle «c’est la nature de l’autorité exercée par l’État qui peut pousser une personne à faire une déclaration involontaire» (je souligne), et, plus loin, au par. 29, que la règle «est soigneusement calibrée pour tenir en échec le pouvoir de coercition de l’État et pour préserver le principe de la protection contre l’auto‑incrimination». Ces principes sous‑jacents, et donc la règle des confessions elle‑même, visent les actes de l’État, comme l’a affirmé le juge Sopinka dans R. c. Whittle, [1994] 2 R.C.S. 914, à la p. 932:

Le souci de préserver le droit du suspect de faire un choix, dans la jurisprudence en matière de common law et celle relative à la Charte, a été exprimé relativement à des actes de l’État. Les actes des autorités policières ont‑ils empêché le suspect de faire un véritable choix en raison d’une contrainte, d’une ruse ou d’une information inexacte ou inexistante? [Je souligne.]

Essentiellement, le fait d’élargir l’application de la règle des confessions aux cas de contrainte exercée par de simples citoyens ne servirait pas les principes modernes qui justifient le caractère d’exclusion de la règle. Par conséquent, je suis en désaccord avec la recommandation de mon collègue à cet égard. La règle des confessions ne vise pas les conversations privées mais plutôt les enquêtes criminelles menées par l’État, à l’intérieur desquelles les citoyens sont particulièrement vulnérables face au pouvoir de contrainte de l’État.

67 Enfin, il faut se demander comment l’élargissement de l’application de la règle des confessions aux cas de contrainte exercée par des simples citoyens favoriserait l’intérêt qu’a le public à ce que des éléments de preuve probants soient présentés au jury. Dans l’affaire Lego c. Twomey, 404 U.S. 477 (1972), le juge White de la Cour suprême des États‑Unis a, avec justesse, fait observer ce qui suit au sujet de l’opportunité d’élargir la portée de la règle des confessions, aux pp. 488 et 489:

[traduction] À moins qu’il n’existe un motif valable de le faire, nous ne sommes pas disposés à élargir la portée des règles d’exclusion qui s’appliquent actuellement en érigeant des obstacles supplémentaires à la présentation d’éléments de preuve véridiques et probants aux jurys des tribunaux des États et en révisant les normes applicables aux procédures incidentes. [. . .] [L]es règles d’exclusion visent en grande partie à décourager le comportement illégal de la police ou du poursuivant et [. . .] [il est] dans l’intérêt du public que soient présentés aux jurys des éléments de preuve probants pour qu’ils puissent rendre la bonne décision quant à la culpabilité ou à l’innocence.

De fait, non seulement l’élargissement de l’application de la règle des confessions aux cas de contrainte exercée par de simples citoyens ne servirait pas les fondements modernes de la règle, mais elle aurait également pour effet d’ériger des obstacles supplémentaires qui priveraient les juges des faits d’éléments de preuve pertinents, entravant ainsi de façon injustifiable la tâche qui leur incombe, soit celle de découvrir la vérité. Comme il n’a aucun objectif légitime dans le cadre de cette règle de politique judiciaire, l’élargissement préconisé par mon collègue n’est ni approprié ni souhaitable. Toutes les menaces et promesses qui sont le fait de simples citoyens et influent sur la fiabilité d’une confession doivent être laissées à l’appréciation du juge des faits.

68 Je conclus également que les directives spéciales proposées par mon collègue lors de l’adresse au jury dans les cas de contrainte exercée par de simples citoyens (par. 30) ne sont nullement nécessaires. Ces déclarations feront l’objet d’un contre‑interrogatoire et d’une réfutation par la défense devant le juge des faits, qui les examinera minutieusement en tenant compte de toutes les circonstances avant de leur accorder quelque poids. En pareils cas, une mise en garde particulière n’est pas plus nécessaire pour ajouter à l’équité fondamentale du processus actuel qu’elle ne l’est à l’égard d’autres types de preuve, telles les preuves d’alibi ou d’identification. L’idée d’une mise en garde particulière dans tous les cas où la preuve est préjudiciable à l’accusé ne favorise pas une administration efficace de la justice.

69 Pour résumer, il n’est ni approprié ni souhaitable de modifier la règle des confessions par voie législative pour supprimer l’exigence relative à la personne en situation d’autorité. La meilleure règle demeure celle énoncée par le juge Martland dans l’affaire Rothman c. La Reine, [1981] 1 R.C.S. 640, à la p. 664:

Une fois admis qu’elle n’avait pas été faite à une personne ayant autorité, la confession de l’appelant était recevable sans que le ministère public ait à établir qu’elle était volontaire. Il s’agissait d’une confession comme celle qui aurait été faite à une personne autre qu’un agent de police.

Le maintien strict de cette règle favorise la clarté, est compatible avec les fondements modernes de l’exclusion d’éléments de preuve pertinents et sert l’intérêt général du public en facilitant la recherche de la vérité. En dernière analyse, l’exigence relative à la «personne en situation d’autorité» est et devrait demeurer la notion centrale de la règle des confessions. La question qui se pose à ce stade est celle de l’interprétation appropriée de cette notion.

III. La définition de «personne en situation d’autorité»

70 De façon générale, l’expression «personne en situation d’autorité» s’entend d’une [traduction] «personne qui participe [officiellement] à l’arrestation, à la détention, à l’interrogatoire ou à la poursuite de l’accusé» (je souligne) (voir R. c. Paonessa (1982), 66 C.C.C. (2d) 300 (C.A. Ont.), à la p. 306, conf. par [1983] 1 R.C.S. 660). Cette définition vise à la fois les représentants et les mandataires officiels de l’État. À mon avis, cela demeure le critère de base, et j’ai certaines réserves vis‑à‑vis l’approche largement subjective préconisée par mon collègue à l’égard de cette notion, qui, je le crains, est susceptible d’élargir indûment la portée de la règle pour inclure les simples citoyens. Vu ma conclusion en ce qui concerne le rôle cardinal de la notion de «personne en situation d’autorité» dans la règle des confessions et la façon dont cette notion axe la règle sur la conduite de l’État, je conclus qu’une interprétation large et subjective de l’expression «personne en situation d’autorité» risque de se traduire par l’exclusion d’éléments de preuve découlant de conversations purement privées et, ainsi, d’entraîner indirectement le résultat qui a été considéré inapproprié précédemment. De fait, comme le montre l’analyse qui suit, la logique, ainsi que la doctrine et la jurisprudence pertinentes, me persuadent que l’analyse fondée sur la notion de «personne en situation d’autorité» doit débuter par l’application d’un critère reflétant la définition générale de cette expression, et n’examiner que par la suite la croyance subjective de l’accusé.

71 Selon mon collègue, le critère général d’identification des «personnes en situation d’autorité» est le suivant: «les personnes qui, selon ce que croit raisonnablement l’accusé, agissent pour le compte de la police ou des autorités chargées des poursuites et pourraient, de ce fait, avoir quelque influence ou autorité sur les poursuites engagées contre lui (par. 48, principe 4, je souligne). Pour statuer sur cette question, il faut «examiner la question subjectivement, du point de vue de l’accusé», bien que «la croyance de l’accusé que la personne qui entend sa déclaration est une personne en situation d’autorité doi[ve] avoir un fondement raisonnable» (par. 48, principe 5). De l’avis de mon collègue, ce caractère raisonnable implique la prise en considération des «circonstances dans lesquelles [l’accusé a] fait la déclaration» (par. 34), et semble exiger une appréciation objective des perceptions particulières de l’accusé (au par. 34):

. . . si l’accusé parle par crainte de représailles ou dans l’espoir d’obtenir un avantage parce qu’il croit raisonnablement que la personne qui reçoit sa déclaration agit à titre de mandataire de la police ou des autorités chargées des poursuites et qu’elle pourrait par conséquent avoir quelque influence ou pouvoir sur les poursuites engagées contre lui, cette personne est alors à juste titre considérée comme une personne en situation d’autorité.

Selon ce critère, toute personne — parents de l’accusé, parents du plaignant, enseignants, psychiatres, médecins — peut être une personne en situation d’autorité, compte tenu des éléments particuliers mis en preuve et de ce qu’ils révèlent concernant les perceptions de l’accusé (par. 49). L’imprécision de ce critère est apparent, tout comme l’incertitude que son application est susceptible d’entraîner.

72 Il y a des divergences de vue considérables dans la doctrine et la jurisprudence en ce qui concerne la nature du critère relatif à la «personne en situation d’autorité». Tout comme un certain nombre de juges de tribunaux inférieurs, mon collègue s’en remet au critère hautement subjectif préconisé par Fred Kaufman dans The Admissibility of Confessions (3e éd. 1979), à la p. 81, où l’auteur pose la question suivante:

[traduction] Au moment où il a fait sa déclaration, l’accusé croyait‑il réellement que la personne à qui il s’adressait avait un certain pouvoir sur lui? [En italique dans l’original.]

Voir, par exemple, R. c. A.B. (1986), 26 C.C.C. (3d) 17 (C.A. Ont.), autorisation de pourvoi refusée [1986] 1 R.C.S. v; R. c. Stewart (1980), 54 C.C.C. (2d) 93 (C.A. Alb.); R. c. Fowler (1982), 4 C.C.C. (3d) 481 (C.A.T.‑N.); et R. c. Collins (1975), 29 C.C.C. (2d) 304 (C.S. Alb.).

73 À l’autre extrémité du spectre, dans Paonessa, précité, on a retenu une approche éminemment objective. Le juge Zuber de la Cour d’appel a écrit, à la p. 306, au nom de la majorité, dans un jugement confirmé par notre Cour, que la «personne en situation d’autorité» s’entend uniquement d’une personne qui participe véritablement aux procédures criminelles engagées contre l’accusé:

[traduction] La règle des confessions s’applique uniquement lorsque l’accusé fait une déclaration à une «personne en situation d’autorité», à savoir une personne qui participe à l’arrestation, à la détention, à l’interrogatoire ou à la poursuite de l’accusé. Le témoignage de Paquette lors de l’enquête sur le cautionnement constitue une déclaration publique faite devant un tribunal présidé par un magistrat (un juge de la Cour provinciale). [. . .] Le magistrat, en tant qu’enquêteur ou interrogateur, ne fait plus partie du système canadien de justice pénale, de sorte que, de nos jours, le magistrat n’est pas une «personne en situation d’autorité» et que les règles de preuve relatives aux confessions ne s’appliquent pas. [Je souligne.]

Une telle emphase sur la qualité objective de «personne en situation d’autorité» est justifiée. De fait, il devrait s’agir d’une condition préliminaire à l’application de la règle d’exclusion, avant la prise en considération de la croyance subjective de l’accusé. Cette approche trouve appui dans la doctrine et la jurisprudence et, plus important encore, elle est nécessaire en raison des fondements actuels de la règle qui mettent l’accent sur la conduite de l’État. En outre, un critère purement subjectif ne convient pas, puisqu’il a pour effet de réduire l’exigence relative à la «personne en situation d’autorité» à une appréciation du caractère volontaire de la déclaration d’un point de vue subjectif. Je vais examiner ces arguments à tour de rôle.

74 Le juge Cory invoque le jugement de la majorité de notre Cour dans l’affaire Rothman, précité, au soutien de sa conclusion que le critère pertinent est fondé sur «la mesure dans laquelle l’accusé croyait que la personne [ayant reçu sa déclaration] avait quelque influence ou pouvoir sur les procédures engagées contre lui» (par. 32 (je souligne)). Toutefois, le critère subjectif retenu par le juge Martland doit être considéré dans son contexte particulier, puisque l’affaire portait sur la recevabilité d’une déclaration faite par un détenu à un agent double de la police. Par conséquent, l’exigence objective de la présence de l’État, c’est‑à‑dire d’une personne en situation d’autorité au sens traditionnel, n’a jamais été mise en question, ce qui explique pourquoi les deux parties ont concédé qu’un critère subjectif s’appliquait dans cette affaire. En effet, le juge Martland a lui‑même précisé ce qui suit, à la p. 664:

. . . dans les circonstances de la présente affaire, il faut appliquer un critère subjectif. Je souscris également à [l]a conclusion que McKnight [le policier en civil] n’était pas une personne ayant autorité parce que l’appelant ne le considérait pas comme tel.

75 Le juge Martland cite, à la p. 663, les propos suivants du juge Jessup -- qui lui‑même avait cité Kaufman, The Admissibility of Confessions -- selon lesquels, malgré la présence d’une personne qui «était, d’un point de vue purement objectif, une personne ayant autorité», les règles qui découlent de cette qualité dans le cadre de la règle des confessions ne s’appliquent que si l’accusé croit que la personne est en mesure de tenir sa promesse ou de donner suite à ses menaces. Dans de tels cas, il y a lieu d’examiner l’effet de l’incitation sur l’esprit de l’accusé dans les circonstances données. Cet effet subjectif ne devenait pertinent qu’une fois le critère objectif préliminaire satisfait — la déclaration avait été faite à une personne participant officiellement à la détention de l’accusé et qui était, en l’absence de tout doute à cet égard, une personne en situation d’autorité.

76 Cette interprétation du critère énoncé par notre Cour dans l’arrêt Rothman est renforcée par le souci manifeste et louable de la majorité de ne pas entraver indûment le déroulement des enquêtes policières et de ne pas soustraire à l’examen du juge des faits des renseignements clairement pertinents. Le juge Lamer, maintenant Juge en chef du Canada, a souligné la pertinence de cette préoccupation dans ses motifs concourants, à la p. 697:

Il faut aussi se rappeler qu’une enquête en matière criminelle et la recherche des criminels ne sont pas un jeu qui doive obéir aux règles du marquis de Queensbury. Les autorités, qui ont affaire à des criminels rusés et souvent sophistiqués, doivent parfois user d’artifices et d’autres formes de supercherie, et ne devraient pas être entravées dans leur travail par l’application de la règle [des confessions].

Cette préoccupation d’intérêt général, c’est‑à‑dire le risque que la règle des confessions entrave les enquêtes policières, et la réalité objective de la participation de l’État ont amené notre Cour à prendre en considération la croyance subjective de l’accusé. En d’autres termes, afin d’éviter d’accorder une portée trop large à la règle des confessions, l’application du critère objectif préliminaire de la personne en situation d’autorité a été nuancée par la prise en considération d’un élément subjectif. Comme l’affirment Sopinka, Lederman et Bryant, dans l’ouvrage The Law of Evidence in Canada (1992), à la p. 351, l’arrêt A.B., précité, a indiqué que, [traduction] «même s’il peut être établi, suivant des critères objectifs, que la personne qui a obtenu la déclaration pouvait être considérée comme une personne en situation d’autorité, cet élément n’est pas déterminant».

77 Les commentaires dissidents du juge Estey dans l’arrêt Rothman sont également instructifs. Souscrivant aux fondements plus modernes de la règle des confessions, le juge Estey a affirmé, à la p. 650, que la croyance subjective n’est pas pertinente lorsqu’il n’y a pas objectivement de représentant de l’État:

Bien sûr, le principe [du caractère volontaire] lui‑même exige, et cette exigence est absolue, que la déclaration, en fait, soit faite à une personne ayant autorité; et si cette exigence n’est pas remplie, il n’importe pas alors que l’accusé sache que la personne est une personne ayant autorité. Et ce parce que le principe adopté en vue de protéger l’intégrité de l’administration de la justice s’appuie sur la conception que les personnes ayant autorité, étant les instruments de l’État, doivent observer certaines règles de base. [Je souligne.]

À mon avis, cet extrait montre bien que la règle des confessions vise d’abord et avant tout la conduite de l’État. Cependant, étant donné le souci de ne pas entraver indûment les enquêtes légitimes, la majorité a, à juste titre, statué que la croyance subjective est également pertinente lorsque, dans les faits, un «instrument de l’État» est présent. Dans l’affaire Rothman, même si le policier déguisé était, dans les faits, une personne en situation d’autorité, il ne devait pas être considéré comme tel pour l’application de la règle des confessions, car l’accusé ne croyait pas que son interlocuteur était une telle personne.

78 Par conséquent, l’arrêt Rothman permet d’affirmer que, dans certains cas, une personne, qui est par ailleurs objectivement en situation d’autorité, ne sera pas considérée comme telle pour l’application de la règle des confessions puisque l’accusé ignorait cette qualité, et qu’on ne peut soutenir que cette qualité ait eu une incidence sur le caractère volontaire de l’aveu. Dans de telles circonstances, la règle des confessions énonce la fiction que l’agent de police n’est pas une «personne en situation d’autorité». Cette fiction n’est nécessaire, comme l’a souligné le juge Lamer, à la p. 680, que si la règle est exprimée en fonction du caractère volontaire de la déclaration, plutôt qu’en fonction de sa fiabilité, et que si on apprécie l’effet subjectif de l’autorité réellement détenue. En résumé, j’arrive à la conclusion que l’adoption, dans Rothman, d’un critère subjectif doit être considérée dans son contexte évident -- celui d’une présence étatique -- où on n’a jamais douté que le critère objectif préliminaire de la présence d’une personne en situation d’autorité au sens traditionnel était respecté. Le même raisonnement s’applique à l’affaire R. c. Todd (1901), 4 C.C.C. 514 (B.R. Man.), qui mettait également en cause des agents doubles de l’État.

79 Je ne peux donc pas souscrire à l’affirmation de mon collègue au par. 32 que, «dès les premières manifestations de ce concept en droit canadien, la réponse à la question de savoir qui devrait être considéré comme une personne en situation d’autorité a été fonction de la mesure dans laquelle l’accusé croyait que la personne en cause avait quelque influence ou pouvoir sur les procédures engagées contre lui». À mon avis, la doctrine et la jurisprudence suggèrent, au contraire, que la première condition est qu’une telle personne ait une autorité ou un pouvoir véritable sur les procédures engagées contre l’accusé, et que la croyance subjective de l’accusé constitue une condition supplémentaire. L’arrêt Rothman montre précisément l’utilité d’un critère subjectif dans les affaires d’agents doubles, là où la portée de la notion de «personne en situation d’autorité» est restreinte et la fiction veut que des personnes, par ailleurs objectivement en situation d’autorité, ne soient pas considérées comme telles, et les éléments de preuve pertinents soient admis devant le juge des faits.

80 L’arrêt R. c. McIntyre (1993), 135 R.N.-B. (2e) 266 (C.A.), conf. par [1994] 2 R.C.S. 480, a confirmé le rapport crucial entre la règle des confessions et la conduite objective de l’État. Dans cette affaire, l’accusé, qui avait été remis en liberté par la police, avait, cinq mois plus tard, fait des déclarations à des policiers en civil se faisant passer pour des criminels. Compte tenu de la préoccupation exprimée dans l’arrêt Rothman qu’il est parfois nécessaire pour les policiers de recourir à des stratagèmes, la Cour d’appel a conclu, à la p. 277, qu’il n’y avait dans les circonstances aucun motif d’exclure la déclaration, car:

[traduction] . . . il n’y avait aucune raison de protéger l’appelant du pouvoir de l’État. Il était libre dans ses allées et venues et il n’était aucunement limité par la police. Il n’y avait pas de coercition en l’espèce. L’appelant aurait pu à tout moment laisser les policiers et ne plus avoir affaire avec eux. La déclaration devrait donc être admise en preuve. Ce sera alors la responsabilité du jury de déterminer le poids à accorder à cette déclaration.

81 L’examen de la règle qu’a fait le juge McLachlin dans R. c. Hebert, [1990] 2 R.C.S. 151, suggère également cette approche. Se penchant sur la nature du choix protégé par la règle des confessions, elle a expliqué, à la p. 165, que la personne détenue n’a qu’un droit négatif:

. . . le droit de ne pas être torturée ni forcée de faire une déclaration sous l’effet de la menace ou de promesses d’une personne qui est et que l’auteur de la déclaration croit subjectivement être une personne en autorité. [Je souligne.]

Manifestement, cette définition englobe à la fois des éléments objectifs et des éléments subjectifs. Toutefois, la prise en considération de facteurs subjectifs n’est pertinente que dans la mesure où ils sont reliés à la méthode policière employée (Amyot c. La Reine, [1991] R.J.Q. 954 (C.A. Qué.), à la p. 961), parce que c’est l’élément «personne en situation d’autorité» qui est à l’origine des préoccupations concernant le caractère volontaire de la déclaration. Voir également R. c. Frewin (1855), 6 Cox C.C. 530; R. c. McKenzie, [1965] 3 C.C.C. 6 (C.S. Alb., Div. app.); Collins, précité. Par conséquent, le critère ne consiste pas uniquement à déterminer s’il s’agit d’une personne dont les promesses ou les menaces sont susceptibles d’avoir influencé l’accusé, mais aussi, par‑dessus tout, si cette personne avait un contrôle sur le déroulement de la poursuite.

82 Ce critère de la «personne en situation d’autorité» préserve le sens original de la règle des confessions -- c’est‑à‑dire le fait qu’il est nécessaire d’établir le caractère volontaire de la déclaration uniquement dans les cas où elle est faite à un représentant ou un mandataire de l’État -- parce qu’il ne fait pas appel à des définitions de l’autorité s’appuyant sur des facteurs liés au caractère volontaire de la déclaration. À cet égard, je souscris au raisonnement convaincant du juge en chef Laycraft de l’Alberta dans R. c. Sweryda (1987), 34 C.C.C. (3d) 325 (C.A. Alb.), quant aux difficultés que soulève le fait de fonder le critère de la «personne en situation d’autorité» sur la croyance subjective de l’accusé. Selon le juge en chef Laycraft, aux pp. 329 et 330, le problème que crée l’application d’un critère hautement subjectif est que son application entraîne une inversion de la méthode d’analyse appropriée:

[traduction] . . . la règle [subjective] [. . .] est que, si l’accusé croit que l’auteur des menaces ou des promesses est en mesure d’y donner suite, cette personne devient de ce seul fait, une personne en situation d’autorité, indépendamment de son statut antérieur. La méthode d’analyse habituelle est donc inversée. On tient d’abord compte du caractère volontaire pour déterminer si l’auteur des menaces ou des promesses est une personne en situation d’autorité. Si une menace ou une promesse a incité l’accusé à faire la déclaration, l’analyse prend fin, car l’auteur devient une personne en situation d’autorité. De fait, la règle peut être énoncée en termes plus simples, sans recourir à la formalité (ou au subterfuge) qui consiste à déterminer que l’auteur de la menace ou de la promesse est une personne en situation d’autorité: Est inadmissible la déclaration obtenue grâce à une promesse ou à une menace à laquelle, croit l’accusé, son auteur est en mesure de donner suite. [En italique dans l’original.]

En d’autres mots, débuter l’analyse en s’attachant aux effets des menaces ou promesses par rapport à la croyance subjective de l’accusé et en définissant en conséquence la «personne en situation d’autorité», équivaut à mettre la charrue avant les bœufs, car ce sont alors les incitations et leurs effets qui en viennent, à tort, à définir qui est une «personne en situation d’autorité». Non seulement cette démarche élargit‑elle indûment cette règle de preuve à caractère exceptionnel, mais elle est également incompatible avec la reconnaissance par notre Cour du rôle essentiel que joue la notion de «personne en situation d’autorité» dans la règle des confessions.

83 En résumé, le critère approprié en ce qui concerne la «personne en situation d’autorité» consiste d’abord à examiner la qualité objective de la personne à laquelle la déclaration a été faite, puis à déterminer -- mais uniquement dans les cas où il est jugé que cette personne a officiellement participé à l’arrestation, à la détention, à l’interrogatoire ou à la poursuite de l’accusé -- si l’accusé croyait que cette personne avait quelque influence ou pouvoir sur les procédures engagées contre lui. Bien que le juge Cory ajoute que cette croyance subjective doive comporter un «caractère raisonnable», j’estime, avec égards, qu’il s’agit d’une condition objective inappropriée qui continue de mettre l’accent sur la croyance de l’accusé.

84 De plus, j’estime que les remarques formulées par mon collègue au par. 39 de ses motifs relativement au critère que je propose jouent dans les deux sens et s’appliquent également à la procédure qu’il suggère. De fait, suivant l’opinion qu’il avance, il pourrait également arriver que la validité des conclusions du juge du procès sur la croyance raisonnable de l’accusé soit «infirmée» si on constate ultérieurement que la personne qui a reçu la déclaration n’était pas une personne en situation d’autorité. Le risque d’«infirmation» existe dans les deux cas. Par conséquent, je suis d’avis que les commentaires du juge Cory ne sont pas convaincants et ils ne modifient pas ma conclusion que l’appréciation de la qualité objective de la personne qui a reçu la déclaration devrait être faite avant l’examen de la croyance de l’accusé.

IV. Les catégories de «personnes en situation d’autorité»

85 Qui donc peut faire partie de la catégorie des «personnes en situation d’autorité» pour l’application de la règle des confessions? Comme il a été dit précédemment, le juge Cory conclut, au par. 49, sur le fondement du critère qu’il propose, que «[p]ratiquement toute personne — parents de l’accusé, parents du plaignant, enseignants, psychiatres, médecins — peut, sous l’éclairage des éléments de preuve particuliers qui sont produits, être considérée comme une personne en situation d’autorité». À l’opposé, suivant le critère objectif préliminaire exposé précédemment, je conclus que cette notion ne peut englober d’autres personnes que celles qui participent officiellement -- y compris les mandataires -- à l’arrestation, à la détention, à l’interrogatoire ou à la poursuite de l’accusé. Ce n’est que dans de très rares cas qu’une personne qui n’est pas une personne en situation d’autorité au sens traditionnel du terme sera comprise dans cette catégorie, et même dans ce cas, il faudra établir de façon objective, à partir des faits, que cette personne avait un réel contrôle sur les procédures engagées contre l’accusé.

86 À cet égard, bien que, dans certaines affaires anciennes, p. ex., R. c. Trenholme (1920), 35 C.C.C. 341 (B.R. Qué.), on ait élargi aux parents du plaignant la qualité de «personnes en situation d’autorité», il faut les confiner aux réalités de l’époque. Comme le souligne Peter K. McWilliams, cette décision reflète les conditions sociales d’une époque où il n’existait aucun service de police moderne et où les plaignants devaient engager eux‑mêmes les poursuites (Canadian Criminal Evidence, vol. 2 (3e éd. 1988 (feuilles mobiles)), au par. 15:10730). Je conviens avec l’auteur que les décisions qui, de nos jours, tiennent le plaignant pour une personne en situation d’autorité se fondent, à tort, sur des jugements datant de cette époque révolue.

87 En réalité, la situation d’autorité doit être prouvée objectivement à partir des faits de l’espèce. Par exemple, dans l’affaire Sweryda, précitée, la Cour d’appel de l’Alberta a raisonnablement conclu qu’une travailleuse sociale était une «personne en situation d’autorité» parce qu’elle enquêtait relativement à un acte criminel et que la loi l’autorisait à engager des procédures contre l’accusé. La cour a correctement amorcé son analyse en examinant ce fait objectif — le pouvoir conféré à la travailleuse sociale par la Child Welfare Act — avant de se pencher sur la perception subjective de l’accusé.

88 Or, de nos jours, les plaignants, leurs parents et les témoins n’ont pas le pouvoir discrétionnaire de décider si des poursuites seront intentées ou non contre l’accusé, de sorte qu’ils ne peuvent généralement être des personnes en situation d’autorité. Par ailleurs, lorsque, dans les faits, de telles personnes agissent officiellement en tant que mandataires de l’État, l’accusé doit subjectivement connaître l’existence de ce lien pour qu’elles puissent être considérées comme des «personnes en situation d’autorité» pour l’application de la règle des confessions.

89 Ainsi, dans l’arrêt A.B., précité, il a, à juste titre, été jugé que la croyance subjective d’un enfant accusé que sa mère était une personne en situation d’autorité ne faisait pas de cette dernière une telle personne. Dans cette affaire, le juge Cory (alors juge à la Cour d’appel de l’Ontario) a conclu à la p. 28 qu’il n’y avait aucun [traduction] «lien réaliste et étroit» entre la décision de la mère d’appeler les autorités et l’encouragement donné à l’enfant pour qu’il fasse une déclaration. Même si je suis d’accord avec cette conclusion, j’estime que le critère du «lien étroit» constitue non seulement une condition objective trop peu exigeante en ce qui concerne la participation de l’État, mais également un critère vague et confus, chargé d’incertitude en droit et difficile à appliquer.

90 Dans R. c. Kyle (1991), 68 C.C.C. (3d) 286, s’appuyant sur le critère du lien étroit énoncé dans l’arrêt A.B., la Cour d’appel de l’Ontario a conclu que le plaignant âgé de 15 ans, qui avait enregistré sur bande magnétique l’aveu d’un accusé beaucoup plus âgé que lui, était une personne en situation d’autorité, puisqu’il avait eu l’intention de se rendre au poste de police muni de cette déclaration et qu’il avait proféré des menaces en ce sens. Selon moi, cette décision démontre les lacunes non seulement du critère du «lien étroit», mais également d’une interprétation de la définition de «personne en situation d’autorité» qui n’exige pas autre chose que le pouvoir d’influencer les procédures contre l’accusé. La réalité est que tout plaignant a généralement le pouvoir d’«influencer» les procédures, dans la mesure où celles‑ci ne pourront être engagées que si celui‑ci dépose une plainte. Ce pouvoir d’influencer les procédures appartient également à tous les témoins et aux différents intervenants du processus judiciaire, y compris les agents doubles, les informateurs dans les établissements de détention et les médecins de l’État. On peut affirmer que toutes ces personnes ont un «lien réaliste et étroit» avec l’État poursuivant.

91 De fait, dans l’arrêt McKenzie, précité, à la p. 28, il a été reconnu que les témoins, les plaignants et les médecins ont toujours le pouvoir d’influencer le cours des poursuites en dissimulant ou en dénaturant des éléments de preuve, au point même d’influencer le verdict. Cela n’en fait toutefois pas des «personnes en situation d’autorité». Voir également Wilband c. The Queen, [1967] R.C.S. 14, où notre Cour a conclu que la règle des confessions ne s’appliquait pas aux déclarations faites aux psychiatres qui examinent un contrevenant en vertu des dispositions du Code criminel. Le point crucial est que non seulement ces personnes n’ont aucun pouvoir sur les procédures, mais les policiers eux‑mêmes n’ont aucun pouvoir sur la conduite de l’accusé ou du plaignant. En conséquence, l’exclusion, à cette étape, de déclarations obtenues par de simples citoyens ne favoriserait aucun objectif de dissuasion ou de traitement équitable de l’accusé par l’État. Essentiellement, la participation de l’État doit être explicite. Il ne suffit pas d’alléguer qu’une personne pourrait «influencer» les procédures.

92 Le seul pouvoir d’influencer les procédures n’est pas suffisant en soi pour satisfaire au critère objectif préalable de la participation de l’État, et il n’est pas nécessaire d’examiner la croyance subjective de l’accusé dans un tel scénario. Indépendamment de l’intention de la personne de communiquer ultérieurement avec les autorités, comme dans l’affaire Kyle, de la crainte raisonnable de l’accusé en ce qui concerne le pouvoir du plaignant à son endroit et du caractère apparemment involontaire de ses déclarations, l’exclusion des déclarations ne servirait pas les fins de la règle des confessions. La défense a amplement l’occasion de contester la fiabilité des déclarations pendant le procès, et elles devraient donc être admises, sous réserve, comme pour tout autre élément de preuve, de leur examen et de leur appréciation par le juge des faits.

93 Compte tenu de ce qui précède, je ne peux souscrire au critère du «lien étroit» énoncé dans l’arrêt A.B., précité. Ce critère pourrait, je le crains, ressurgir dans le cadre du critère relatif à la «personne en situation d’autorité» adopté par mon collègue en l’espèce, qui fait appel à la même norme fondée sur le «pouvoir d’influencer» et repose sur une appréciation ambiguë de ce qui pourrait rendre «raisonnable» une croyance subjective. En pratique, les deux critères risquent d’aboutir à la même norme incertaine, hypothèse que je juge inacceptable. Et, de fait, comme nous le verrons ci‑après, ce critère particulier émerge de l’approche préconisée par mon collègue en ce qui a trait aux circonstances dans lesquelles le juge du procès a l’obligation de tenir un voir‑dire. Si ce sont les actes de coercition de l’État que la règle des confessions vise à décourager, est‑ce que l’exclusion d’éléments de preuve obtenus par suite de comportements discutables de simples citoyens sert cet objectif? À mon avis, il ne le sert pas.

94 Le critère objectif préalable de la «personne en situation d’autorité» traduit la réalité pratique du droit tel qu’il est appliqué depuis longtemps au Canada, et il est conforme aux fondements modernes de la règle des confessions. En outre, fait important, il est clair et simple à appliquer. En l’absence de toute présence étatique, l’exclusion d’éléments de preuve ne sert aucune fin légitime. En fait, cette exclusion entrave la tâche importante du juge des faits qui est de découvrir la vérité, et elle dessert considérablement l’intérêt qu’a la société à ce que la loi soit appliquée. L’intérêt qu’a le public à ce que les éléments de preuve probants soient présentés aux jurés pour qu’ils rendent des décisions justes sur la culpabilité ou l’innocence ne devrait pas être complètement tronqué par la règle de confessions. La discussion qu’on retrouve dans l’arrêt R. c. Unger (1993), 83 C.C.C. (3d) 228 (C.A. Man.), à la p. 247, où l’on cite les juges de la majorité dans R. c. Corbett, [1988] 1 R.C.S. 670, est appropriée sur ce point fondamental énoncé dans Corbett, à la p. 697:

. . . les règles fondamentales du droit de la preuve comportent un principe d’inclusion en vertu duquel il est permis de produire en preuve tout ce qui sert logiquement à prouver un fait en litige, sous réserve des règles d’exclusion reconnues et des exceptions à celles-ci. Pour le reste, c’est une question de valeur probante. La valeur probante d’un élément de preuve peut être forte, faible ou nulle. En cas de doute, il vaut mieux pécher par inclusion que par exclusion et, à mon avis, conformément à la transparence de plus en plus grande de notre société, nous devrions nous efforcer de favoriser l’admissibilité, à moins qu’il n’existe une raison très claire de politique générale ou de droit qui commande l’exclusion. [Je souligne.]

95 En conclusion, le critère approprié en ce qui concerne la notion de «personne en situation d’autorité» comporte très clairement à la fois un élément objectif et un élément subjectif. Premièrement, la qualité objective de la personne à qui la déclaration est faite doit être établie, et c’est seulement dans le cas où il s’agit d’une personne participant officiellement à l’arrestation, à la détention, à l’interrogatoire ou à la poursuite de l’accusé qu’il est nécessaire ensuite d’examiner la croyance subjective de ce dernier à cet égard. Cette approche est compatible avec les principes modernes qui sous‑tendent la règle des confessions, et elle n’érige pas d’obstacles additionnels injustifiés à l’admission d’éléments de preuve pertinents. Elle reconnaît que l’approche subjective appliquée à l’égard du critère de la «personne en situation d’autorité» a été adoptée principalement pour tenir compte du cas des agents doubles de l’État. Toutefois, le critère préalable nécessaire demeure la conclusion que la déclaration a été faite à une personne qui était véritablement une personne en situation d’autorité ou un «instrument» de l’État.

V. L’obligation du juge du procès d’ordonner la tenue d’un voir‑dire

96 Après cet exposé de ma position ferme de ce qui constitue la «personne en situation d’autorité» au regard de la règle des confessions, je vais examiner les circonstances dans lesquelles le juge du procès a l’obligation de tenir un voir‑dire pour déterminer si la déclaration a été faite à une «personne en situation d’autorité» et, dans l’affirmative, si cette déclaration est volontaire. Cette obligation doit être définie avec précision afin de favoriser la certitude et d’aider les juges dans la tâche difficile qui leur incombe, c’est‑à‑dire présider le procès de façon judiciaire.

97 En règle générale, la défense a l’obligation de requérir la tenue d’un voir‑dire, en faisant valoir que la déclaration de l’accusé a été faite à une «personne en situation d’autorité» et en mettant ainsi en question l’admissibilité de cette déclaration. En effet, comme l’explique mon collègue au par. 37, dans le cadre du voir‑dire lui‑même, l’accusé a le fardeau de présenter suffisamment d’éléments de preuve pour soulever la question de savoir si la déclaration a été faite ou non à une «personne en situation d’autorité», de telle sorte que le caractère volontaire de cette déclaration doive être établi.

98 Il est raisonnable d’imposer ce fardeau élémentaire à l’accusé, parce qu’il incite les parties à soulever la question de l’admissibilité de cette preuve au procès et évite ainsi aux procureurs d’avoir à requérir un voir‑dire, ou une renonciation, à l’égard de chaque déclaration faite à quiconque par l’accusé, afin d’écarter la possibilité d’un appel qui réussirait sur cette base. Plus important encore, la réponse à la question de savoir qui est une «personne en situation d’autorité» ressort d’une analyse minutieuse des faits, dont un des éléments pertinents est la croyance subjective de l’accusé. En conséquence, l’attribution de ce fardeau à la défense découle de la nature même de l’analyse.

99 En outre, dans notre système contradictoire, ce fardeau est compatible avec le rôle fondamental de l’avocat de la défense, dont le pouvoir de prendre des décisions tactiques et de représenter consciencieusement les intérêts de son client a été reconnu par les tribunaux (R. c. Lomage (1991), 2 O.R. (3d) 621 (C.A.)). Dans cette veine, il est possible que l’omission d’un procureur de s’opposer à l’admission d’une preuve résulte d’un choix délibéré compte tenu du meilleur intérêt du client. L’obligation élémentaire de requérir un voir‑dire est conforme à cette réalité et témoigne de l’importance pour les tribunaux de faire montre d’une certaine retenue judiciaire envers la compétence de l’avocat de la défense et d’éviter d’intervenir indûment dans sa stratégie.

100 Malgré cette responsabilité qui incombe à l’accusé, le juge du procès conserve néanmoins l’obligation de veiller à ce que le procès pénal se déroule équitablement, indépendamment des manquements des procureurs. Ainsi, dans des cas exceptionnels, il peut arriver que le juge du procès ait l’obligation de tenir un voir‑dire pour apprécier le caractère volontaire d’une confession, même si le procureur ne formule aucune demande en ce sens. Comme a conclu le juge Martin dans R. c. Sweezey (1974), 20 C.C.C. (2d) 400 (C.A. Ont.), un voir‑dire doit être tenu soit lorsqu’on en fait la demande, soit lorsque des circonstances font douter du caractère volontaire d’une déclaration. Dans l’arrêt Erven c. La Reine, [1979] 1 R.C.S. 926, une pluralité de juges de notre Cour a précisé que le fait même qu’une déclaration ait été faite à une personne en situation d’autorité suffit à soulever un doute sur son caractère volontaire. En d’autres termes, il n’est pas nécessaire d’apporter la preuve que la déclaration était effectivement involontaire. C’est en ce sens que, en l’absence d’une renonciation de l’accusé au droit à un voir‑dire, l’obligation du juge du procès de tenir cette procédure peut naître des faits dont il dispose.

101 La question cruciale, au sujet de laquelle mon collègue et moi sommes en désaccord, a trait aux circonstances qui font naître l’obligation du juge du procès de tenir un voir‑dire — à quel moment la preuve révèle‑t‑elle l’existence d’une possibilité réelle que la déclaration ait été faite à une personne en situation d’autorité? La réponse à cette question dépend du critère de la «personne en situation d’autorité», puisque c’est ce facteur qui déclenche l’application de la règle des confessions. Logiquement, donc, les circonstances qui font naître l’obligation de tenir un voir‑dire devraient refléter fidèlement la définition de cette notion.

102 Comme proposition de base, l’obligation de tenir un voir‑dire naît lorsque la preuve indique une possibilité raisonnable que la déclaration de l’accusé ait été faite à une personne en situation d’autorité. Suivant le critère que j’ai adopté précédemment relativement à cette notion, si la preuve révèle l’existence d’une possibilité raisonnable, premièrement, que l’aveu ait été fait à une personne participant officiellement à l’arrestation, à la détention, à l’interrogatoire ou à la poursuite de l’accusé, et, deuxièmement, que l’accusé ait objectivement connu cette situation d’autorité, un voir‑dire doit alors être tenu. À ce moment, la prétention que l’aveu a été fait à une personne en situation d’autorité est vraisemblable, le caractère volontaire de la déclaration devient une question en litige et le juge du procès a l’obligation de tenir un voir‑dire.

103 Même s’il applique une approche hautement subjective à l’exigence relative à la personne en situation d’autorité, mon collègue énonce un critère purement objectif pour déterminer dans quelles circonstances naît l’obligation du juge du procès de tenir un voir‑dire. À son avis, le fardeau est satisfait lorsque la preuve démontre «que la personne qui a reçu la déclaration de l’accusé avait un lien étroit avec les autorités» (par. 45, je souligne). Aucune preuve n’est nécessaire à l’égard de la croyance subjective de l’accusé.

104 Mes préoccupations à l’égard de cette approche sont de deux ordres. Premièrement, parce qu’il est vague, le critère du «lien étroit» crée une incertitude injustifiée. Comme nous l’avons vu plus tôt, il ne favorise pas adéquatement l’objectif de dissuasion qui justifie la règle des confessions, et il est difficile à appliquer. Par conséquent, il ne délimite pas clairement la responsabilité du juge du procès de soulever la question de l’admissibilité de la confession. Étant donné que pratiquement toute personne peut avoir des liens étroits avec les autorités, les juges seront enclins à examiner cette question au cours d’un voir‑dire chaque fois qu’une déclaration extrajudiciaire de l’accusé sera présentée en preuve. Imposer une telle pratique est inacceptable, car elle va à l’encontre des règles fondamentales de preuve, elle pourrait gêner indûment les tactiques de l’avocat de la défense et elle est contraire à une saine administration de la justice.

105 Ces préoccupations se sont en fait matérialisées dans le pourvoi connexe R. c. Wells, [1998] 2 R.C.S. 517, dans lequel mon collègue conclut que deux visites au détachement de la GRC ont constitué un «lien étroit» suffisant pour faire naître l’obligation du juge du procès de tenir un voir‑dire. Suivant cette approche, l’existence de tout lien avec les autorités suffit à créer un «lien étroit». Avec égards, cette conclusion est incompatible avec l’affirmation de mon collègue, au par. 47, selon laquelle la preuve doit établir clairement que la personne «agissait de concert avec les autorités policières ou celles chargées des poursuites», et elle montre l’ambiguïté inacceptable inhérente au critère du «lien étroit». En outre, selon cette approche, l’obligation exceptionnelle de tenir un voir‑dire, sans qu’il y ait eu une requête en ce sens par un procureur, pourrait naître dans un certain nombre de situations qui ne le justifieraient nullement.

106 Ma seconde préoccupation à l’égard du critère objectif du «lien étroit» préconisé par mon collègue est que ce critère ne tient pas compte de l’élément subjectif de la définition de «personne en situation d’autorité». On présume la connaissance subjective de l’accusé dans tous les cas. Cette présomption me paraît déraisonnable et sans fondement. Dans les affaires d’agents doubles, où la qualité de la personne n’est pas connue de l’accusé, il n’y a aucun fondement raisonnable justifiant une telle inférence. En d’autres mots, la prétention selon laquelle la déclaration a été faite à une «personne en situation d’autorité» ou a été involontaire n’a aucune vraisemblance. Dans le même ordre d’idées, dans l’arrêt R. c. Pettipiece (1972), 7 C.C.C. (2d) 133 (C.A.C.‑B.), le juge Branca a conclu à juste titre qu’il n’était pas nécessaire de tenir un voir‑dire à l’égard des déclarations faites à un agent double en prison, étant donné qu’il n’était pas une personne en situation d’autorité. De fait, contraindre le juge du procès à tenir automatiquement un voir‑dire malgré l’absence de toute preuve que l’accusé ait pu connaître la situation d’autorité de la personne qui a entendu la déclaration ne favorise ni les principes qui sous‑tendent la règle d’exclusion ni la recherche de la vérité, et, en fin de compte, n’est pas dans l’intérêt de l’administration de la justice.

107 Le fait d’exiger certains éléments de preuve indiquant que l’accusé ait pu croire qu’il s’adressait à une personne en situation d’autorité n’est pas excessif et n’enlèverait pas tout son sens à l’obligation du juge du procès, contrairement à ce que prétend mon collègue (par. 42). Au contraire, cette exigence respecte parfaitement la définition fondamentale de «personne en situation d’autorité» et étaye l’obligation générale qu’a la défense de soulever la question du caractère volontaire. Cette approche est préférable au critère du «lien étroit», qui commande systématiquement la tenue d’un voir‑dire, même lorsqu’il est impossible que l’accusé ait pu être influencé par quelque autorité.

108 J’arrive donc à la conclusion que le juge du procès a l’obligation de tenir un voir‑dire lorsque la preuve révèle l’existence d’une possibilité réelle que l’aveu ait été fait à un représentant de l’État et que l’accusé ait pu objectivement savoir que la personne était en situation d’autorité.

109 Avant d’examiner les différentes circonstances qui font naître cette obligation, il importe de souligner que seule la preuve au dossier avant l’admission de la déclaration de l’accusé est pertinente pour déterminer quelle est l’obligation du juge du procès. Les éléments présentés par la suite n’ont pas d’incidence sur cette obligation. Mon collègue souscrit implicitement à cette exigence lorsqu’il affirme, au par. 41, que «le juge du procès a commis une erreur susceptible d’annulation s’il existait au dossier des éléments de preuve évidents qui auraient dû objectivement attirer son attention sur la nécessité de tenir un voir‑dire, malgré le silence de l’avocat». Il est évident que le juge du procès ne peut prévoir quels éléments de preuve seront produits ni quelle obligation ceux‑ci pourraient lui imposer, et le fait d’assujettir l’accusé à un fardeau de preuve élémentaire à cet égard est justifiable.

110 Par conséquent, en pratique, dans quelles circonstances l’obligation du juge du procès est‑elle susceptible de naître? Dans le cas le plus simple, soit celui où la déclaration est faite à une personne qui est de toute évidence un représentant de l’État et où rien n’indique que l’accusé ignorait ce fait, le fardeau est alors satisfait. La question du caractère volontaire de la déclaration est soulevée et le juge du procès doit tenir un voir‑dire pour statuer sur l’admissibilité de la déclaration, peu importe que le procureur ait présenté ou non une requête en ce sens. Essentiellement, lorsque l’accusé a fait une déclaration à un policier ou à quelque autre personne qui est de toute évidence une «personne en situation d’autorité», il est raisonnable d’inférer que l’accusé savait que la personne détenait cette autorité, de sorte que le juge du procès a l’obligation de tenir un voir‑dire, à moins que l’accusé ne renonce à ce droit (voir Powell c. La Reine, [1977] 1 R.C.S. 362; Erven, précité, et Park c. La Reine, [1981] 2 R.C.S. 64).

111 La situation est plus compliquée lorsqu’on est en présence de personnes qui ne sont pas de toute évidence des personnes en situation d’autorité, parce que, dans un tel cas, le fardeau de preuve qui incombe à l’accusé de soulever l’admissibilité de la déclaration n’est pas automatiquement satisfait. Non seulement est‑il impossible de supposer que l’accusé savait que la personne avait quelque autorité, mais il doit également exister une possibilité réelle que celle‑ci agissait en tant que mandataire de l’État. En Cour d’appel (R. c. M.C.H. (1996), 91 O.A.C. 298), le juge Finlayson a examiné cette question sous l’angle suivant (à la p. 302):

[traduction] Lorsqu’une déclaration est faite à une ou à plusieurs personnes qui ne participent habituellement pas à l’arrestation, à la détention, à l’interrogatoire ou à la poursuite de personnes accusées, il me semble que la défense a la responsabilité de soulever la question pendant le procès et de demander la tenue d’un voir‑dire pour déterminer si la personne qui a entendu la confession était en fait une personne en situation d’autorité. Cette responsabilité incombe à la défense parce que la réaction subjective de l’accusé à son interrogateur est essentielle pour statuer en bout de ligne sur le caractère volontaire de la déclaration. En l’absence d’une personne en situation d’autorité au sens classique de cette expression au moment où la déclaration incriminante a été faite, le juge du procès doit être avisé que le caractère volontaire de la déclaration est une question en litige.

Je suis d’accord avec le juge Finlayson que, règle générale, l’accusé a l’obligation de requérir la tenue d’un voir‑dire relativement à une déclaration faite à une personne qui n’est pas de toute évidence une personne en situation d’autorité. Le juge du procès qui est saisi d’une telle demande est tenu de donner à l’accusé la possibilité d’établir que la déclaration a été faite à une personne en situation d’autorité.

112 Dans de très rares cas, cependant, même en l’absence de requête en ce sens de la part du procureur, il est possible que, avant l’admission de la déclaration, le dossier renferme suffisamment d’éléments de preuve pour attirer l’attention du juge du procès sur la nécessité de tenir un voir‑dire. Comme je l’ai indiqué précédemment, il doit y avoir une possibilité réelle que la personne agissait officiellement pour le compte de l’État et que l’accusé connaissait l’existence de ce lien. Autrement, l’interruption du procès pour tenir un voir‑dire ne sert aucune fin légitime.

113 En résumé, le juge du procès a l’obligation de tenir un voir‑dire lorsqu’il existe une possibilité raisonnable que la déclaration ait été faite à une personne en situation d’autorité. Cette obligation naît automatiquement en cas de déclaration à une personne qui est de toute évidence une personne en situation d’autorité, sauf renonciation éclairée de l’accusé à ce droit. Toutefois, dans le cas des personnes qui ne sont pas de toute évidence des personnes en situation d’autorité, la preuve doit révéler l’existence d’une possibilité raisonnable que la personne ait été un mandataire de l’État et que l’accusé connaissait ce fait. En règle générale, il incombe à l’accusé de demander la tenue de ce procès à l’intérieur du procès. Cependant, dans des circonstances exceptionnelles, la preuve elle‑même obligera le juge du procès à tenir proprio motu un voir‑dire.

VI. L’application aux faits de la présente espèce

114 Vu les faits du présent pourvoi, à l’instar de mon collègue, je n’ai aucune hésitation à conclure qu’il n’y a aucune possibilité réelle que la plaignante et sa famille immédiate aient été des personnes en situation d’autorité pour l’application de la règle des confessions, et le juge du procès n’avait donc pas l’obligation de tenir un voir‑dire. Avant l’admission des déclarations, le juge du procès ne disposait d’absolument aucune preuve que ces personnes agissaient en tant que mandataires de l’État et avaient quelque pouvoir sur d’éventuelles poursuites contre l’accusé. De fait, il est évident qu’elles n’étaient pas des personnes en situation d’autorité ayant quelque pouvoir à l’égard de l’arrestation, de la détention, de l’interrogatoire ou de la poursuite de l’accusé.

115 En conséquence, je conviens avec mon collègue que la preuve ne renfermait aucun élément faisant naître l’obligation du juge du procès de tenir un voir‑dire et qu’il y a lieu de rejeter le pourvoi. Les éléments de preuve ont à bon droit été admis et soumis au juge des faits pour qu’il en apprécie la fiabilité à la lumière de toutes les circonstances.

Pourvoi rejeté.

Procureur de l’appelant: Irwin Koziebrocki, Toronto.

Procureur de l’intimée: Le procureur général de l’Ontario, Toronto.

Procureur de l’intervenant le procureur général du Canada: Le procureur général du Canada, Ottawa.

Procureur de l’intervenant le procureur général du Québec: Le procureur général du Québec, Sainte‑Foy.

Procureur de l’intervenant le procureur général de la Colombie‑Britannique: Le procureur général de la Colombie‑Britannique, Victoria.

Procureur de l’intervenant le procureur général de l’Alberta: Le procureur général de l’Alberta, Edmonton.


Synthèse
Référence neutre : [1998] 2 R.C.S. 449 ?
Date de la décision : 24/09/1998
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Droit criminel - Preuve - Confessions - Sommé de s’expliquer par la plaignante et ses parents l’accusé a avoué le crime - Accusé tenu à la pointe du couteau après sa déclaration - Déclaration extrajudiciaire admise sans voir‑dire et sans objection de l’avocat de la défense - Dans quelle mesure l’exigence relative à la personne en situation d’autorité doit‑elle continuer à faire partie de la règle des confessions? - Aurait‑il fallu tenir un voir‑dire pour déterminer si les déclarations avaient été faites à une personne en situation d’autorité et si elles avaient été faites volontairement? - L’obligation de demander un voir‑dire incombe‑t‑elle dans tous les cas à la défense? - Dans la négative, dans quelles circonstances le juge du procès devrait‑il tenir un voir‑dire? - Éléments de preuve qui font naître l’obligation de tenir un voir‑dire.

Le juge du procès a admis en preuve certaines déclarations extrajudiciaires que l’accusé aurait faites, et il a déclaré ce dernier coupable d’agression sexuelle. La plaignante et ses parents ont sommé l’accusé de s’expliquer à son lieu de travail, et ils ont tous témoigné qu’il avait avoué avoir agressé sexuellement la plaignante. La mère de la plaignante est allée téléphoner à la police et, lorsqu’elle est revenue, elle a frappé l’accusé. À un certain moment après avoir reçu la déclaration, le père de la plaignante a pointé un couteau dans le dos de l’appelant, pour l’empêcher de quitter les lieux avant l’arrivée de la police a‑t‑on affirmé. Au procès, l’accusé a nié avoir fait une confession, mais il a témoigné qu’il n’avait pas été effrayé ni menacé pendant l’affrontement. Son avocat ne s’est pas opposé à l’admission de la déclaration extrajudiciaire.

La question en litige est de savoir si le juge du procès a commis une erreur en n’ordonnant pas d’office la tenue d’un voir‑dire afin de déterminer si les déclarations faites à la plaignante et à sa famille avaient été faites à des personnes en situation d’autorité et, dans l’affirmative, si elles avaient été faites volontairement. Il a été nécessaire d’examiner plusieurs questions subsidiaires. Premièrement, la défense a‑t‑elle dans tous les cas l’obligation de demander la tenue d’un voir‑dire en vue de faire apprécier le caractère volontaire des déclarations extrajudiciaires de l’accusé? Dans la négative, à quel moment et dans quelles circonstances le juge du procès doit‑il d’office tenir un voir‑dire? Par ailleurs, l’obligation du juge du procès de tenir un voir‑dire existe‑t‑elle seulement dans les cas où la personne qui reçoit la déclaration est une personne en situation d’autorité «au sens classique de cette expression», ou faut‑il interpréter plus largement cette obligation? Enfin, dans quelle mesure l’exigence relative à la «personne en situation d’autorité» doit‑elle continuer à faire partie de la règle des confessions?

Arrêt: Le pourvoi est rejeté.

Le juge en chef Lamer et les juges Gonthier, Cory, McLachlin, Iacobucci, Major et Binnie: Une déclaration faite par un accusé à une personne en situation d’autorité doit avoir été faite volontairement et être le produit d’un état d’esprit conscient. Cette règle repose sur deux concepts d’une importance fondamentale: la nécessité de garantir la fiabilité de la déclaration et d’assurer l’équité en empêchant l’État de prendre des mesures de coercition inappropriées. L’aveu ne doit donc pas être obtenu par des menaces ou des promesses. L’exigence relative à la personne en situation d’autorité est fondée sur les justifications sous‑jacentes de la règle des confessions et elle devrait continuer à faire partie de cette règle.

L’expression «personne en situation d’autorité» vise habituellement les personnes qui participent officiellement à l’arrestation, à la détention, à l’interrogatoire ou à la poursuite de l’accusé, et elle s’applique donc aux policiers et gardiens de prison. Lorsque la déclaration de l’accusé est faite à un policier ou à un gardien de prison, un voir‑dire doit être tenu pour déterminer si la déclaration est admissible en tant que déclaration volontaire, sauf si la défense renonce au voir‑dire. En outre, peuvent aussi être des personnes en situation d’autorité les personnes qui, selon ce que croit raisonnablement l’accusé, agissent pour le compte de l’État et pourraient, de ce fait, avoir quelque influence ou autorité sur les poursuites engagées contre lui. Cette question doit être tranchée du point de vue de l’accusé. La question de la qualité de personne en situation d’autorité de la personne qui a reçu la déclaration se pose seulement si l’accusé connaissait cette qualité. De plus, la croyance de l’accusé que la personne qui entend sa déclaration est une personne en situation d’autorité doit avoir un fondement raisonnable. Cette question ne se posera normalement pas dans le cas des agents doubles de la police puisque, du point de vue de l’accusé, ils ne sont habituellement pas considérés comme des personnes en situation d’autorité.

La défense doit signaler la question de la «personne en situation d’autorité» au juge du procès. Cette façon de faire est appropriée car seul l’accusé peut savoir que la déclaration a été faite à une personne qu’il considérait comme une personne en situation d’autorité. Au cours du voir‑dire qui s’ensuit, l’accusé a le fardeau de présenter des éléments de preuve démontrant l’existence d’une question en litige valide devant être examinée. Si l’accusé s’acquitte de ce fardeau, le ministère public a ensuite le fardeau de persuasion et il doit démontrer hors de tout doute raisonnable que la personne qui a reçu la déclaration n’était pas une personne en situation d’autorité ou, s’il est jugé qu’il s’agissait d’une telle personne, que la déclaration de l’accusé a été faite volontairement.

Dans des cas extrêmement rares, il peut arriver que la preuve produite au procès, considérée objectivement, indique que la question de savoir si la personne qui a reçu la déclaration de l’accusé était une personne en situation d’autorité doit être examinée au cours d’un voir‑dire. Dans de tels cas, le juge du procès doit ordonner d’office un voir‑dire. La présence d’éléments de preuve démontrant clairement que la personne qui a reçu la déclaration de l’accusé avait un lien étroit avec les autorités devrait attirer l’attention du juge du procès sur la nécessité de tenir un voir‑dire. Cette preuve varie le long d’un spectre. Lorsque la personne qui reçoit la déclaration est une personne en situation d’autorité «au sens classique de cette expression», tels les policiers ou les gardiens de prison, le juge du procès a clairement l’obligation de tenir un voir‑dire pour apprécier le caractère volontaire de la déclaration. De même, lorsque la preuve révèle qu’il y a, entre les autorités et la personne qui reçoit la déclaration, un lien si étroit que, si l’accusé en connaissait l’existence, il a pu raisonnablement croire que la personne qui a reçu sa déclaration agissait à titre de mandataire des autorités chargées des poursuites, le juge du procès doit demander si la défense est prête à s’acquitter du fardeau de présentation relativement à la question de la personne en situation d’autorité ou si elle renonce à la tenue d’un voir‑dire sur cette question. Toutefois, plus la personne qui a reçu la déclaration s’éloigne de la définition classique de personne en situation d’autorité, moins il y a de chance que la preuve attire l’attention du juge du procès sur la nécessité de tenir un voir‑dire, auquel cas plus grande est l’obligation de l’accusé de soulever cette question.

Si le juge du procès est convaincu que la personne qui a reçu la déclaration n’était pas une personne en situation d’autorité, mais que la déclaration de l’accusé a été obtenue à l’aide de tactiques coercitives répréhensibles, telles la violence ou des menaces de violence crédibles, une directive doit alors être donnée au jury. Le jury doit être avisé que, s’il conclut que la déclaration a été obtenue par coercition, il doit alors faire preuve de prudence avant de l’accepter, et qu’il faut n’accorder que peu ou pas de valeur à cette déclaration.

Aucun des éléments de preuve produits au procès n’était suffisant pour faire naître l’obligation du juge du procès de tenir un voir‑dire. Lorsque les déclarations ont été admises en preuve, rien n’indiquait que la plaignante ou les membres de sa famille avaient parlé aux policiers ou à quelque autre personne en situation d’autorité, ou envisageaient même de déposer une plainte. De même, rien ne tendait à indiquer que l’accusé croyait subjectivement que la famille de la plaignante avait quelque pouvoir à l’égard des procédures criminelles. Le juge du procès a correctement utilisé la preuve découlant de la confession pour confirmer le témoignage de la plaignante.

Les juges L’Heureux‑Dubé et Bastarache: Le résultat auquel arrive le juge Cory est accepté, mais non le critère qu’il propose quant à l’interprétation à donner à l’expression «personne en situation d’autorité».

La règle des confessions est une exception précise et délimitée à la règle fondamentale selon laquelle il appartient au juge des faits d’apprécier la véracité d’une déclaration compte tenu de l’ensemble des circonstances, et aussi à la reconnaissance que les déclarations faites par l’accusé contre son intérêt sont intrinsèquement dignes de foi. L’interprétation de la notion de «personne en situation d’autorité», qui fait partie intégrante de la règle, doit être circonscrite par la philosophie justifiant l’exclusion d’éléments de preuve pertinents. Essentiellement, alors qu’historiquement les préoccupations qui sous‑tendaient la règle touchaient à la fiabilité des confessions, ses assises modernes actuelles s’attachent à la conduite de l’État et au droit des individus à l’équité. L’équité fondamentale de la procédure pénale unifie les deux fondements de fiabilité et de dissuasion, et les préoccupations liées à la véracité ont cédé le pas à la notion centrale du caractère volontaire de la déclaration. Toutefois, la règle des confessions ne s’attache au caractère volontaire d’une déclaration que lorsque celle‑ci est faite à une personne en situation d’autorité. En fait, l’iniquité générale découlant de l’utilisation d’une déclaration involontaire obtenue sous la contrainte par de simples citoyens n’a jamais été visée par la règle des confessions, même lorsque celle‑ci était justifiée par des préoccupations ayant trait à la fiabilité de la déclaration. Il ressort clairement des fondements modernes de la règle que celle‑ci ne s’attache qu’au caractère volontaire des déclarations obtenues dans le cadre des rapports opposant l’État et les individus.

Par conséquent, il n’est ni approprié ni souhaitable de modifier la règle des confessions par voie législative pour supprimer l’exigence relative à la personne en situation d’autorité. La meilleure règle demeure celle voulant qu’une fois admis qu’elle n’a pas été faite à une personne ayant autorité, la confession de l’accusé est recevable sans que le ministère public ait à établir qu’elle était volontaire. Le maintien strict de cette règle favorise la clarté, en plus d’être compatible avec les fondements modernes de l’exclusion d’éléments de preuve pertinents, et sert l’intérêt général du public en facilitant la recherche de la vérité. L’exigence relative à la «personne en situation d’autorité» est et devrait demeurer la notion centrale de la règle des confessions.

Le critère approprié en ce qui concerne la notion de «personne en situation d’autorité» examine premièrement la qualité objective de la personne à qui la déclaration est faite, et c’est seulement dans le cas où il s’agit d’une personne participant officiellement à l’arrestation, à la détention, à l’interrogatoire ou à la poursuite de l’accusé qu’il est nécessaire d’examiner si ce dernier croyait que la personne avait quelque influence ou pouvoir sur les procédures engagées contre lui. Ce n’est que dans de très rares cas qu’une personne qui n’est pas une personne en situation d’autorité au sens traditionnel du terme sera comprise dans cette catégorie, et même dans ce cas, il faudra établir de façon objective, à partir des faits, que cette personne avait un réel contrôle sur les procédures engagées contre l’accusé. Cette approche est compatible avec les principes modernes qui sous‑tendent la règle des confessions, et elle n’érige pas d’obstacles additionnels injustifiés à l’admission d’éléments de preuve pertinents. Elle reconnaît que l’approche subjective appliquée à l’égard du critère de la «personne en situation d’autorité» a été adoptée principalement pour tenir compte du cas des agents doubles de l’État. Toutefois, le critère préalable nécessaire demeure la présence d’une personne qui était véritablement une personne en situation d’autorité ou un «instrument» de l’État.

En règle générale, la défense a l’obligation de demander la tenue d’un voir‑dire, en faisant valoir que la déclaration de l’accusé a été faite à une «personne en situation d’autorité» et en mettant ainsi en question l’admissibilité de cette déclaration. Dans des circonstances exceptionnelles, il peut arriver que le juge du procès ait l’obligation de tenir un voir‑dire lorsque la preuve révèle l’existence d’une possibilité réelle que l’aveu ait été fait à un représentant de l’État et que l’accusé ait objectivement connu cette situation d’autorité. Seule la preuve au dossier avant l’admission de la déclaration de l’accusé est pertinente pour déterminer quelle était l’obligation du juge du procès. Cette obligation naît automatiquement en cas de déclaration à une personne qui est de toute évidence une personne en situation d’autorité, sauf renonciation éclairée de l’accusé à ce droit, puisque, dans de tels cas, il est raisonnable d’inférer que l’accusé savait que la personne détenait cette autorité. Toutefois, dans le cas des personnes qui ne sont pas de toute évidence des personnes en situation d’autorité, la preuve doit révéler l’existence d’une possibilité raisonnable que la personne ait été un mandataire de l’État et que l’accusé connaissait ce fait.

En l’espèce, il n’y a aucune possibilité réelle que la plaignante et sa famille immédiate aient été des personnes en situation d’autorité pour l’application de la règle des confessions, et le juge du procès n’avait donc pas l’obligation de tenir un voir‑dire.


Parties
Demandeurs : Sa Majesté la Reine
Défendeurs : Hodgson

Références :

Jurisprudence
Citée par le juge Cory
Distinction faite d’avec l’arrêt: Thongjai c. The Queen, [1998] A.C. 54
arrêt examiné: Erven c. La Reine, [1979] 1 R.C.S. 926
arrêts mentionnés: R. c. Wells, [1998] 2 R.C.S. 517
R. c. A.B. (1986), 26 C.C.C. (3d) 17
Ibrahim c. The King, [1914] A.C. 599
Prosko c. The King (1922), 63 R.C.S. 226
Boudreau c. The King, [1949] R.C.S. 262
Ward c. La Reine, [1979] 2 R.C.S. 30
Horvath c. La Reine, [1979] 2 R.C.S. 376
R. c. Warickshall (1783), 1 Leach 263, 168 E.R. 234
DeClercq c. The Queen, [1968] R.C.S. 902
R. c. Buric (1996), 28 O.R. (3d) 737, conf. par [1997] 1 R.C.S. 535
R. c. Charemski, [1998] 1 R.C.S. 679
Commissioners of Customs and Excise c. Harz, [1967] 1 A.C. 760
R. c. Sang, [1979] 2 All E.R. 1222
Piché c. La Reine, [1971] R.C.S. 23
Rothman c. La Reine, [1981] 1 R.C.S. 640
R. c. Hebert, [1990] 2 R.C.S. 151
R. c. S. (R.J.), [1995] 1 R.C.S. 451
R. c. Whittle, [1994] 2 R.C.S. 914
Deokinanan c. R., [1968] 2 All E.R. 346
Watkins c. Olafson, [1989] 2 R.C.S. 750
R. c. Salituro, [1991] 3 R.C.S. 654
Bow Valley Husky (Bermuda) Ltd. c. Saint John Shipbuilding Ltd., [1997] 3 R.C.S. 1210
Office des services à l’enfant et à la famille de Winnipeg (région du Nord‑Ouest) c. G. (D.F.), [1997] 3 R.C.S. 925
R. c. Todd (1901), 4 C.C.C. 514
R. c. Roadhouse (1933), 61 C.C.C. 191
R. c. Berger (1975), 27 C.C.C. (2d) 357
R. c. Trenholme (1920), 35 C.C.C. 341
R. c. Wilband, [1967] R.C.S. 14
R. c. Downey (1976), 32 C.C.C. (2d) 511
R. c. Sweryda (1987), 34 C.C.C. (3d) 325
R. c. Scott (1984), 1 O.A.C. 397
Morris c. La Reine, [1979] 2 R.C.S. 1041
R. c. McKenzie, [1965] 3 C.C.C. 6
R. c. Postman (1977), 3 A.R. 524
R. c. Sweezey (1974), 20 C.C.C. (2d) 400.
Citée par le juge L’Heureux‑Dubé
Arrêt examiné: Rothman c. La Reine, [1981] 1 R.C.S. 640
arrêts mentionnés: Ibrahim c. The King, [1914] A.C. 599
R. c. Khan, [1990] 2 R.C.S. 531
D.P.P. c. Ping Lin, [1976] A.C. 574
R. c. Seaboyer, [1991] 2 R.C.S. 577
Hardy’s Trial (1794), 24 State Tr. 199
Clarkson c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 383
R. c. Whittle, [1994] 2 R.C.S. 914
Lego c. Twomey, 404 U.S. 477 (1972)
R. c. Paonessa (1982), 66 C.C.C. (2d) 300, conf. par [1983] 1 R.C.S. 660
R. c. A.B. (1986), 26 C.C.C. (3d) 17, autorisation de pourvoi refusée [1986] 1 R.C.S. v
R. c. Stewart (1980), 54 C.C.C. (2d) 93
R. c. Fowler (1982), 4 C.C.C. (3d) 481
R. c. Collins (1975), 29 C.C.C. (2d) 304
R. c. Todd (1901), 4 C.C.C. 514
R. c. McIntyre (1993), 135 R.N.‑B. (2e) 266, conf. par [1994] 2 R.C.S. 480
R. c. Hebert, [1990] 2 R.C.S. 151
Amyot c. La Reine, [1991] R.J.Q. 954
R. c. Frewin (1855), 6 Cox C.C. 530
R. c. McKenzie, [1965] 3 C.C.C. 6
R. c. Sweryda (1987), 34 C.C.C. (3d) 325
R. c. Trenholme (1920), 35 C.C.C. 341
R. c. Kyle (1991), 68 C.C.C. (3d) 286
Wilband c. The Queen, [1967] R.C.S. 14
R. c. Unger (1993), 83 C.C.C. (3d) 228
R. c. Corbett, [1988] 1 R.C.S. 670
R. c. Lomage (1991), 2 O.R. (3d) 621
R. c. Sweezey (1974), 20 C.C.C. (2d) 400
Erven c. La Reine, [1979] 1 R.C.S. 926
R. c. Wells, [1998] 2 R.C.S. 517
R. c. Pettipiece (1972), 7 C.C.C. (2d) 133
Powell c. La Reine, [1977] 1 R.C.S. 362
Park c. La Reine, [1981] 2 R.C.S. 64.
Lois et règlements cités
Evidence Act 1995, 1995 (Australie), No. 2, art. 84.
Evidence Act 1995, 1995 (N.S.W.), No. 25, art. 84.
Police and Criminal Evidence Act 1984, 1984 (R.‑U.), ch. 60, art. 76.
Doctrine citée
Berger, Mark. «The Exclusionary Rule and Confession Evidence: Some Perspectives on Evolving Practices and Policies in the United States and England and Wales» (1991), 20 Anglo‑Am. L. Rev. 63.
Canada. Commission de réforme du droit. Rapport sur la preuve. Ottawa: La Commission, 1975.
Gillies, Peter. Law of Evidence in Australia, 2nd ed. Sydney: Legal Books, 1991.
Groupe de travail fédéral‑provincial sur l’uniformisation des règles de preuve. Rapport du Groupe de travail fédéral‑provincial sur l’uniformisation des règles de preuve. Cowansville: Éditions Yvon Blais, 1983.
Herman, Lawrence. «The Unexplored Relationship Between the Privilege Against Compulsory Self‑Incrimination and the Involuntary Confession Rule (Part I)» (1992), 53 Ohio St. L.J. 101.
Kaufman, Fred. The Admissibility of Confessions, 3rd ed. Toronto: Carswell, 1979.
McWilliams, Peter K. Canadian Criminal Evidence, vol. 2, 3rd ed. Aurora, Ont.: Canada Law Book, 1988 (loose-leaf updated April 1998).
Sopinka, John, Sidney N. Lederman and Alan W. Bryant. The Law of Evidence in Canada. Toronto: Butterworths, 1992.
United Kingdom. Criminal Law Revision Committee. Eleventh Report, Evidence (General). Cmnd. 4991. London: H.M.S.O., 1972.

Proposition de citation de la décision: R. c. Hodgson, [1998] 2 R.C.S. 449 (24 septembre 1998)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1998-09-24;.1998..2.r.c.s..449 ?
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