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09/09/1999 | CANADA | N°[1999]_2_R.C.S._1136

Canada | Allsco Building Products Ltd. c. T.U.A.C., section locale 1288P, [1999] 2 R.C.S. 1136 (9 septembre 1999)


Allsco Building Products Ltd. c. T.U.A.C., section locale 1288P, [1999] 2 R.C.S. 1136

Union internationale des travailleurs et travailleuses unis

de l’alimentation et du commerce, section locale 1288P Appelante

c.

Allsco Building Products Ltd., Blacksmith Holdings Ltd.

faisant affaire sous le nom de Wayside Four Seasons,

Lumply Ltd., Maple Leaf Homes Inc.

et Atlantic Home Improvements Ltd. Intimées

et

Le procureur général du Nouveau‑Brunswick,

le procureur général de la Colombie‑Britannique,

le Conseil cana

dien du commerce de détail,

le Congrès du travail du Canada, l’Association des

manufacturiers canadiens, l’Association can...

Allsco Building Products Ltd. c. T.U.A.C., section locale 1288P, [1999] 2 R.C.S. 1136

Union internationale des travailleurs et travailleuses unis

de l’alimentation et du commerce, section locale 1288P Appelante

c.

Allsco Building Products Ltd., Blacksmith Holdings Ltd.

faisant affaire sous le nom de Wayside Four Seasons,

Lumply Ltd., Maple Leaf Homes Inc.

et Atlantic Home Improvements Ltd. Intimées

et

Le procureur général du Nouveau‑Brunswick,

le procureur général de la Colombie‑Britannique,

le Conseil canadien du commerce de détail,

le Congrès du travail du Canada, l’Association des

manufacturiers canadiens, l’Association canadienne

des libertés civiles et Pepsi-Cola Canada Beverages

(West) Ltd. Intervenants

Répertorié: Allsco Building Products Ltd. c. T.U.A.C., section locale 1288P

No du greffe: 26203.

1999: 15 février; 1999: 9 septembre.

Présents: Le juge en chef Lamer et les juges L’Heureux‑Dubé, Gonthier, Cory, Iacobucci, Major et Binnie.

en appel de la cour d’appel du nouveau‑brunswick

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel du Nouveau‑Brunswick (1997), 190 R.N.‑B. (2e) 96, 484 A.P.R. 96, 149 D.L.R. (4th) 326, 97 C.L.L.C. ¶220‑086, [1997] A.N.B. no 278 (QL), qui a confirmé la décision de la Cour du Banc de la Reine (1997), 187 R.N.‑B. (2e) 241, 478 A.P.R. 241, [1997] A.N.B. no 177 (QL), qui avait accueilli l’action en jugement déclaratoire et en injonction permanente intentée par les intimés. Pourvoi accueilli.

David M. Brown, c.r., et James E. Stanley, pour l’appelante.

David W. Clark et Lynn M. Walsworth, pour les intimées.

Gabriel Bourgeois, pour l’intervenant le procureur général du Nouveau‑Brunswick.

George H. Copley, c.r., pour l’intervenant le procureur général de la Colombie‑Britannique.

John R. Sproat, pour l’intervenant le Conseil canadien du commerce de détail.

Frank Addario, Steven M. Barrett et Vanessa Payne, pour l’intervenant le Congrès du travail du Canada.

William B. Goss, c.r., pour l’intervenante l’Association des manufacturiers canadiens.

John B. Laskin et Trevor C. W. Farrow, pour l’intervenante l’Association canadienne des libertés civiles.

Argumentation écrite seulement par R. G. Richards, c.r., pour l’intervenante Pepsi‑Cola Canada Beverages (West) Ltd.

Version française du jugement de la Cour rendu par

//Le juge Iacobucci//

1 Le juge IACOBUCCI -- Le présent pourvoi, qui vient du Nouveau‑Brunswick, a été entendu avec le pourvoi connexe de la Colombie‑Britannique T.U.A.C., section locale 1518 c. KMart Canada Ltd., [1999] 2 R.C.S. 1083. Les deux affaires portent sur la question de savoir si constitue une atteinte justifiable aux droits garantis par l’al. 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés le fait pour un régime législatif en matière de relations du travail d’interdire aux syndicats et à leurs membres de distribuer, d’une manière qui n’est pas intimidante ou ne tend pas à influencer indûment, des tracts indiquant de façon exacte la position d’employés en conflit de travail avec leur employeur. Dans le présent pourvoi, la question précise qu’il faut trancher est celle de savoir si le par. 104(2) de la Loi sur les relations industrielles du Nouveau‑Brunswick, L.R.N.‑B. 1973, ch. I‑4, interdit une telle distribution de tracts, portant ainsi atteinte à l’al. 2b) de la Charte, et, dans l’affirmative, si cette atteinte est justifiée au regard de l’article premier.

2 Dans ses motifs dans l’affaire KMart, mon collègue le juge Cory a énoncé les questions et les principes essentiels en matière de liberté d’expression qui entrent en jeu lorsqu’un syndicat veut distribuer pacifiquement des tracts. Les principes qu’applique le juge Cory dans KMart sont pertinents dans le contexte du présent pourvoi. Il existe toutefois des différences importantes entre la disposition législative contestée dans KMart et celle en litige dans le présent pourvoi. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de conclure que le texte de loi litigieux en l’espèce interdit la distribution pacifique de tracts par les syndicats, ni que ce texte de loi viole l’al. 2b) de la Charte.

I. Les faits

3 Les faits en cause dans le présent pourvoi sont énoncés dans l’exposé conjoint des faits déposé par les parties auprès du tribunal de première instance. L’intimée Allsco Building Products Ltd. («Allsco») est un fabricant de fenêtres en vinyle, de portes et d’autres produits d’extérieur pour la maison, et elle est également le distributeur d’une marque de bardages en vinyle pour la région de l’Atlantique au Canada. L’appelante, l’Union internationale des travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 1288P (la «section locale 1288P des TUAC»), est l’agent négociateur accrédité d’environ 100 salariés des usines de Allsco à Moncton. Le 6 février 1996, Allsco a mis en lock‑out légal les membres de la section locale 1288P des TUAC.

4 Trois des quatre autres parties intimées — Wayside Four Seasons, Lumply Ltd. et Atlantic Home Improvements Ltd. — vendent des matériaux de construction. Une part importante de leurs activités est la vente de produits Allsco, qui est leur principal fournisseur de matériaux de construction en vinyle. L’autre intimée — Maple Leaf Homes Inc. — fabrique des maisons modulaires et des roulottes. Allsco est son principal fournisseur de matériaux de construction en vinyle, lesquels sont intégrés dans les produits Maple Leaf. Je vais appeler ces quatre intimées collectivement les «autres intimées». Les autres intimées ne sont pas liées par convention collective avec la section locale 1288P des TUAC, et elles sont des tiers relativement au conflit de travail entre Allsco et le syndicat.

5 De mai à juillet 1996, les membres de la section locale 1288P des TUAC, ont, à 13 reprises, distribué des tracts à l’extérieur des établissements des autres intimées. Sauf à une occasion, les membres du syndicat qui distribuaient les tracts le faisaient toujours individuellement ou en paires. Les membres du syndicat s’approchaient des véhicules arrivant sur les lieux et offraient les tracts à leurs occupants. Ils n’ont commis aucune intrusion sur les propriétés des autres intimées. Ils ne portaient pas de pancartes, ne faisaient pas les cent pas et n’exhibaient rien qui aurait pu indiquer que le syndicat était partie à un conflit de travail avec Allsco, à l’exception des tracts qu’ils distribuaient. Les membres du syndicat n’ont empêché aucun véhicule de se rendre aux lieux visés par leurs activités ou d’en sortir. Le seul effet de ces activités sur l’accès aux établissements des autres intimées était celui causé par les membres du syndicat qui s’approchaient des véhicules pour offrir les tracts. À certaines occasions, les membres du syndicat portaient des chapeaux les identifiant comme membres de la section locale 1288P des TUAC. Des véhicules s’arrêtaient parfois à l’entrée des établissements des autres intimées. Un grand nombre de tracts ont été distribués.

6 Dans le tract, on disait aux lecteurs d’y [traduction] «[r]éfléchi[r] à deux fois» avant d’acheter des produits Allsco ou le bardage en vinyle distribué par cette dernière, car elle avait mis les membres de la section locale 1288P des TUAC en lock‑out. Le tract demandait aux lecteurs d’aider les membres du syndicat à reprendre le travail en s’abstenant d’acheter des produits Allsco ou en demandant à leurs entrepreneurs de ne pas le faire. Le tract disait que, en n’achetant pas de produits Allsco, les lecteurs aideraient le syndicat à envoyer un message simple aux propriétaires de cette entreprise, c’est‑à‑dire, pour reprendre les termes mêmes du tract:

[traduction] Revenez à la table de négociation. Traitez avec dignité et respect les employés qui vous ont aidés à bâtir votre compagnie. Redonnez‑nous les moyens de subvenir aux besoins de nos familles et de regarder nos enfants grandir.

Le tract disait que les conditions de travail chez Allsco étaient pénibles, que bon nombre de syndiqués gagnaient moins de 7 $ l’heure et que Allsco n’avait obtenu qu’un résultat de 6 sur 100 à l’occasion d’une vérification en matière de santé et de sécurité. Le tract précisait qu’on avait défendu aux travailleurs de boire de l’eau pendant le mois de juillet et d’aller aux toilettes lorsqu’ils en éprouvaient le besoin.

7 Selon l’exposé conjoint des faits, si le syndicat distribuait le tract à ceux qui se rendaient chez les autres intimées, c’était dans le seul but d’inviter les membres du public qui se trouvaient aux points de vente à soutenir un boycottage des produits Allsco. Les membres de la section locale 1288P des TUAC n’ont pas demandé verbalement à quiconque de ne pas faire affaires avec les autres intimées, ni invité les fournisseurs à ne pas faire de livraisons à ces dernières, ni demandé aux employés de celles‑ci de ne pas se rendre au travail.

8 Le 12 août 1996, Allsco et les quatre autres intimées ont réussi à obtenir, contre la section locale 1288P des TUAC, une injonction interlocutoire qui interdisait aux membres du syndicat de distribuer des tracts à l’extérieur des établissements des autres intimées. L’injonction a été accordée sur le fondement que le syndicat faisait du piquetage secondaire chez les autres intimées, activité que le tribunal a déclarée interdite par le par. 104(2) de la Loi sur les relations industrielles du Nouveau‑Brunswick. Les intimées ont ensuite sollicité une injonction permanente.

II. Les dispositions constitutionnelles et législatives pertinentes

9 Charte canadienne des droits et libertés

1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique.

2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes:

. . .

b) liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication;

Loi sur les relations industrielles, L.R.N.‑B. 1973, ch. I‑4

5(4) Aucune disposition de la présente loi n’est réputée priver un syndicat ou un conseil syndical, ou une personne agissant pour le compte d’un syndicat ou d’un conseil syndical, de la liberté d’exprimer ses points de vue, pourvu qu’ils n’exercent pas cette liberté d’une manière qui soit contraignante, intimidante, menaçante ou qui tende à influencer indûment une personne.

104(1) Lorsqu’une grève ou un lock‑out n’est pas illégal en application de la présente loi, un syndicat ou un conseil syndical dont les membres sont en grève ou frappés de lock‑out, ainsi que toute personne autorisée par le syndicat ou le conseil syndical, peuvent, au lieu d’affaires, d’activités ou de travail de l’employeur, sans avoir recours à des mesures qui sont autrement illégales, persuader ou s’efforcer de persuader quiconque de ne pas

a) entrer dans le lieu d’affaires, d’activités, ou de travail de l’employeur,

b) tenir ou faire le commerce des produits de l’employeur, ou

c) faire des affaires avec l’employeur.

104(2) Sous réserve des dispositions du paragraphe (1), dans les cas où s’applique la présente loi, aucun syndicat, ni aucun conseil syndical, ni toute autre personne ne doit persuader ou s’efforcer de persuader quiconque de ne pas

a) entrer dans le lieu d’affaires, d’activités ou d’emploi d’un employeur,

b) faire le commerce des produits de l’employeur (sic) ou de les tenir, ni

c) faire des affaires avec qui que ce soit.

104(3) Les manifestations publiques de sympathie ou d’appui, autres que le piquetage, de la part des syndicats ou autres qui ne sont pas directement impliqués dans la grève ou le lock‑out, ne constituent pas une contravention au paragraphe (2).

III. L’historique des procédures judiciaires

A. Cour du Banc de la Reine du Nouveau‑Brunswick (1997), 187 R.N.‑B. (2e) 241

10 Les intimées se sont présentées devant le juge Russell de la Cour du Banc de la Reine du Nouveau‑Brunswick et ont sollicité, d’une part, un jugement déclaratoire portant que la section locale 1288P des TUAC avait utilisé des méthodes de persuasion illégales, en contravention de l’art. 104 de la Loi sur les relations industrielles, et, d’autre part, une ordonnance rendant permanente l’injonction interlocutoire interdisant la distribution de tracts par les membres du syndicat à l’extérieur des établissements des autres intimées. La section locale 1288P des TUAC a plaidé que ses activités de distribution de tracts étaient autorisées par l’art. 104 de la Loi sur les relations industrielles, ou, subsidiairement, que l’art. 104 de la Loi constituait une atteinte injustifiable à la liberté d’expression garantie au syndicat par l’al. 2b) de la Charte.

11 Le juge Russell a conclu que la distribution de tracts faite par le syndicat à l’extérieur des établissements des autres intimées contrevenait au par. 104(2) de la Loi sur les relations industrielles parce que les syndiqués étaient là pour dissuader le public d’entrer dans les établissements et d’acheter des produits Allsco ou d’en faire le commerce, causant ainsi un préjudice financier à toutes les intimées. De plus, il n’a pas retenu l’argument que le par. 104(3) de la Loi, qui permet «[l]es manifestations publiques de sympathie ou d’appui, autres que le piquetage, de la part des syndicats ou autres qui ne sont pas directement impliqués dans la grève ou le lock‑out», s’appliquait dans les circonstances.

12 Pour conclure que la distribution de tracts faite par la section locale 1288P des TUAC équivalait à du piquetage et était donc visée par le par. 104(2), le juge Russell s’est fondé sur la définition de piquetage énoncée dans l’arrêt de la Cour d’appel de la Saskatchewan O.K. Economy Stores c. R.W.D.S.U., Local 454 (1994), 118 D.L.R. (4th) 345. Dans cette décision émanant de la Saskatchewan, on a décrit le piquetage comme une activité comportant la présence de personnes appelées piqueteurs près de l’entrée de l’établissement visé ainsi que la communication de renseignements par tout moyen en vue d’amener le boycottage de l’établissement en cause par ses employés, ses clients, ses fournisseurs et d’autres personnes dont l’employeur dépend pour le succès de son entreprise. Le juge Russell s’est aussi appuyé sur la définition de [traduction] «piquetage secondaire» qui a été énoncée dans l’arrêt O.K. Economy Stores (à la p. 359):

[traduction] Le piquetage secondaire consiste à piqueter une entreprise, syndiquée ou non, qui n’a aucun conflit de travail avec le syndicat, mais qui fait affaire avec l’employeur principal en conflit de travail avec le syndicat, dans le but de provoquer une rupture de contrat ou de gêner les activités de l’employeur secondaire.

13 Examinant ensuite la requête fondée sur la Charte, le juge Russell a dit qu’il ne faisait pas de doute que le par. 104(2) de la Loi sur les relations industrielles contrevenait à l’al. 2b) de la Charte. Il a toutefois conclu que la disposition contestée était justifiée au regard de l’article premier de la Charte. Il a dit (à la p. 259) que la question de savoir si une loi restreignant le piquetage secondaire constituait une limite raisonnable à la liberté d’expression au sens de la Charte avait [traduction] «essentiellement été tranchée une fois pour toutes» par l’arrêt de notre Cour SDGMR c. Dolphin Delivery Ltd., [1986] 2 R.C.S. 573. Le juge Russell a cité l’observation faite par le juge McIntyre dans l’arrêt Dolphin Delivery (à la p. 592) selon laquelle «compte tenu des faits de la présente affaire, la limite imposée au piquetage secondaire dirigé contre un tiers, c.‑à‑d. contre un non‑allié, est raisonnable». Il a dit que, [traduction] «[é]tant donné les références expresses au piquetage secondaire» faites dans Dolphin Delivery, «il est inutile que je revienne sur l’arrêt R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103» (p. 259).

14 À l’appui de sa conclusion sur la question de la Charte, le juge Russell s’est référé à la décision de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique dans ce qui est maintenant le pourvoi connexe KMart Canada Ltd. c. U.F.C.W., Local 1518 (1995), 14 B.C.L.R. (3d) 162. Dans les extraits de cette affaire cités par le juge Russell, le juge Huddart a souligné qu’un régime législatif provincial en matière de relations du travail était un compromis complexe visant à mettre en équilibre les intérêts des travailleurs, ceux du patronat et ceux du public, de sorte qu’il fallait faire montre de retenue envers le législateur dans l’examen d’une disposition restreignant le droit de se livrer au piquetage secondaire. Elle a conclu qu’il y avait une distinction qualitative entre, d’une part, le piquetage secondaire accompli par la distribution de tracts et, d’autre part, d’autres [traduction] «[m]oyens d’expression comme les communiqués de presse, les lettres aux tiers touchés, la publicité à la télévision ou dans les journaux, les tracts qui sont soit distribués à des manifestations d’appui ou dans le voisinage, soit laissés sur les voitures dans les stationnements de centres commerciaux» (p. 191). Le juge Huddart a conclu que l’on pouvait considérer que l’objectif de cette dernière forme de moyens d’expression était [traduction] «avant tout d’informer», tandis que le piquetage secondaire prenant la forme de distribution de tracts constitue [traduction] «surtout une arme économique employée [. . .] dans l’intention de causer un préjudice financier», sensiblement de la même façon que le «piquetage classique» (p. 191). Le juge Huddart a conclu que l’aspect économique de la distribution de tracts prenait le pas sur son aspect informatif, de sorte que cela justifiait que la loi y apporte des restrictions.

15 Le juge Russell a conclu que l’analyse et les conclusions du juge Huddart dans l’affaire de la Colombie‑Britannique s’appliquaient aux faits du cas dont il était saisi. Il a accueilli la requête en injonction permanente, déclarant que la distribution de tracts par la section locale 1288P des TUAC constituait du piquetage illégal, interdit par le par. 104(2) de la Loi sur les relations industrielles.

B. Cour d’appel du Nouveau‑Brunswick (1997), 190 R.N.‑B. (2e) 96

16 La section locale 1288P des TUAC a interjeté appel de la décision du juge Russell auprès de la Cour d’appel du Nouveau‑Brunswick, qui a rejeté l’appel à l’unanimité pour les motifs exposés par le juge Bastarache (maintenant juge de notre Cour). Le juge Bastarache a souscrit à la définition de [traduction] «piquetage secondaire» appliquée par le juge de première instance. Il a statué que le juge de première instance avait eu raison de conclure que la distribution de tracts en cause équivalait à du piquetage et que le par. 104(3) de la Loi sur les relations industrielles ne s’appliquait pas aux faits de l’affaire.

17 Relativement à la validité du par. 104(2) de la Loi sur les relations industrielles, le juge Bastarache a convenu que la disposition contestée violait l’al. 2b) de la Charte, mais il a conclu qu’elle était justifiée au regard de l’article premier. Il a affirmé que l’arrêt de notre Cour Dolphin Delivery, précité, avait établi décisivement que l’objectif valide qui est le fondement de dispositions tel le par. 104(2) est la protection des tiers contre les préjudices financiers. Il a conclu qu’il n’incombait pas aux intimées de prouver l’existence d’un préjudice concret. Le juge Bastarache a dit que la Loi sur les relations industrielles faisait [traduction] «partie du compromis politique et économique établi entre les forces du syndicalisme et du marché» (p. 107), et que l’article premier exigeait la mise en équilibre de ces intérêts. Souscrivant au raisonnement du juge Huddart dans KMart, précité, il a affirmé que la distribution secondaire de tracts était [traduction] «essentiellement une arme économique, et que l’aspect économique l’emporte ici sur l’aspect informatif» (p. 108). Tenant compte de l’aspect économique du piquetage, du préjudice causé et du fait que la mesure législative contestée [traduction] «ne limite pas radicalement le droit à la liberté d’expression» (p. 108), le juge Bastarache a conclu que cette mesure était justifiée au regard de l’article premier.

IV. Les questions en litige

18 Le présent pourvoi soulève les deux questions suivantes:

1. La distribution de tracts à laquelle se sont livrés les membres des TUAC, section locale 1288P, est‑elle interdite par le par. 104(2) de la Loi sur les relations industrielles?

2. Si la réponse à la première question est affirmative, le par. 104(2) de la Loi sur les relations industrielles contrevient‑il à l’al. 2b) de la Charte, et, dans l’affirmative, sa validité est‑elle sauvegardée par l’article premier de la Charte?

En vertu d’une ordonnance datée du 29 juin 1998, les questions constitutionnelles suivantes ont été formulées et soumises à notre Cour pour examen:

1. Le paragraphe 104(2) de la Loi sur les relations industrielles, L.R.N.‑B. 1973, ch. I‑4, restreint‑il la liberté d’expression garantie par l’al. 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés, dans la mesure où il interdit aux syndiqués de distribuer des tracts ailleurs qu’au lieu d’affaires de l’employeur dans le cadre d’un conflit de travail?

2. En cas de réponse affirmative à la première question, s’agit‑il d’une restriction raisonnable dont la justification peut se démontrer au sens de l’article premier de la Charte?

V. L’analyse

19 Dans l’arrêt KMart, le juge Cory explique en détail l’importance fondamentale de la liberté d’expression dans le contexte des relations du travail. Il n’est pas nécessaire d’examiner à nouveau cette question de manière approfondie puisque je souscris à l’analyse du juge Cory à cet égard, et je vais l’appliquer en l’espèce. Comme l’affirme le juge Cory, il est essentiel pour le bien‑être des employés et de la société en général que les syndicats et leurs membres puissent communiquer des renseignements exacts sur les circonstances d’un conflit de travail. La distribution de tracts a toujours été et continue d’être un moyen particulièrement important de communiquer de l’information de cette nature, en raison de la facilité avec laquelle des tracts peuvent être distribués, du caractère immédiat de la transmission du message et des coûts relativement peu élevés de cette activité. Par conséquent, comme le conclut le juge Cory et le concèdent les parties au présent pourvoi, une mesure législative interdisant la distribution pacifique de tracts par les syndicats et par leurs membres constitue manifestement une atteinte prima facie à la liberté -- garantie par l’al. 2b) de la Charte -- d’exprimer un type particulièrement important d’information. Qui plus est, fait important qui a été expliqué dans l’arrêt KMart, une telle interdiction ne peut pas être justifiée au regard de l’article premier de la Charte et elle est donc invalide. C’est sous cet éclairage que doit être faite l’analyse en l’espèce.

20 La principale question en litige dans le présent pourvoi est de savoir si le par. 104(2) de la Loi sur les relations industrielles interdit réellement le genre de distribution de tracts que décrit le juge Cory dans l’arrêt KMart, c.‑à‑d. la distribution pacifique de tracts indiquant de façon exacte la position des employés qui sont parties à un conflit de travail avec leur employeur. Comme l’a souligné le juge Cory, un aspect essentiel d’une telle distribution de tracts est qu’elle ne donne pas lieu à de l’intimidation, de la contrainte ou d’autres conséquences analogues dans le cadre de la communication du message. Je suis d’avis que la distribution de tracts décrite dans l’exposé conjoint des faits en l’espèce est visée par la définition qu’a donnée le juge Cory des activités permises de distribution pacifique de tracts.

21 À première vue, le par. 104(2) semble prohiber ce genre de distribution pacifique de tracts. Cette disposition est ainsi rédigée:

104(2) Sous réserve des dispositions du paragraphe (1), dans les cas où s’applique la présente loi, aucun syndicat, ni aucun conseil syndical, ni toute autre personne ne doit persuader ou s’efforcer de persuader quiconque de ne pas

a) entrer dans le lieu d’affaires, d’activités ou d’emploi d’un employeur,

b) faire le commerce des produits de l’employeur (sic) ou de les tenir, ni

c) faire des affaires avec qui que ce soit. [Je souligne.]

Le texte du par. 104(2) suggère que toute forme de persuasion ou de tentative de persuasion de la part d’un syndicat ou de ses membres visant à empêcher les membres du public d’acheter les produits d’un employeur est interdite, sous réserve du par. 104(1), qui permet le piquetage à l’extérieur de l’établissement de l’employeur principal. Puisque la distribution de tracts à laquelle s’est livrée la section locale 1288P des TUAC visait à persuader les consommateurs de ne pas acheter de produits Allsco et qu’elle ne s’est pas déroulée d’une manière autorisée par le par. 104(1), elle semble être interdite par le par. 104(2). C’est ce qu’ont conclu les tribunaux d’instance inférieure, et c’est d’ailleurs ce qu’ont soutenu l’appelante et toutes les intimées devant notre Cour, affirmant que la seule véritable question à trancher était celle de savoir si l’interdiction prévue par le par. 104(2) était justifiable au regard de l’article premier de la Charte.

22 Toutefois, comme l’a signalé à notre Cour le procureur général du Nouveau‑Brunswick intervenant, il existe une autre disposition pertinente de la Loi sur les relations industrielles, à la lumière de laquelle il faut interpréter le par. 104(2). Voici le texte du par. 5(4):

Aucune disposition de la présente loi n’est réputée priver un syndicat ou un conseil syndical, ou une personne agissant pour le compte d’un syndicat ou d’un conseil syndical, de la liberté d’exprimer ses points de vue, pourvu qu’ils n’exercent pas cette liberté d’une manière qui soit contraignante, intimidante, menaçante ou qui tende à influencer indûment une personne.

Le paragraphe 5(4) ne semble pas avoir été invoqué par les avocats des diverses parties devant les tribunaux d’instance inférieure, puisque ni la Cour d’appel ni le juge Russell n’en ont fait mention. Étant donné l’importance capitale du par. 5(4) relativement à la question de la liberté d’expression dans le cadre du présent pourvoi, il ne fait aucun doute que son rôle aurait été abordé dans les décisions des tribunaux d’instance inférieure, si les avocats avaient attiré leur attention sur cette disposition.

23 Suivant le texte même du par. 5(4), cette disposition autorise les syndicats et leurs membres à exprimer leurs vues librement, pourvu que la manière choisie pour le faire ne soit pas contraignante, intimidante, menaçante ou qu’elle ne tende pas à influencer indûment une personne. Si ce n’était du par. 104(2), il serait clair, compte tenu de l’existence du par. 5(4), que la Loi autorise la distribution pacifique de tracts en litige dans le présent pourvoi. La question est de savoir comment concilier le par. 5(4) et le par. 104(2).

24 On pourrait prétendre que les deux dispositions peuvent être conciliées de manière à maintenir l’interdiction, par le par. 104(2), de la distribution pacifique de tracts. Ainsi le par. 104(2) pourrait être considéré comme une interdiction visant précisément les formes de «persuasion» qui y sont décrites, et le par. 5(4) comme une garantie plus générale protégeant l’activité plus neutre et inoffensive que constitue «l’expression de points de vue». Suivant ce raisonnement, la distribution de tracts à l’extérieur de l’établissement d’un employeur secondaire serait interdite parce qu’elle vise expressément à persuader les consommateurs de causer un préjudice financier à l’employeur principal, tandis que d’autres moyens, plus indirects, d’exprimer les vues du syndicat seraient permis parce que leurs effets préjudiciables sont plus diffus.

25 Cependant, outre le fait qu’il est difficile d’établir une distinction fondée sur des principes entre la persuasion pacifique par la distribution de tracts et la persuasion pacifique par d’autres moyens, il existe de toute manière une autre interprétation tout aussi plausible du par. 104(2). En effet, il est possible d’affirmer que, à la lumière du par. 5(4), le mot «persuader» figurant au par. 104(2) doit être interprété restrictivement et qu’il vise la persuasion qui est contraignante, intimidante, menaçante ou qui tend à influencer indûment. Comme l’a expliqué le juge Cory dans KMart, ces dernières caractéristiques sont généralement associées au piquetage classique, qui a souvent pour effet d’ériger une barrière que les consommateurs, les employés et les fournisseurs hésitent à franchir. Malgré le rôle important et parfois salutaire du piquetage classique pour les employés, cette activité peut être intimidante et peut avoir une influence indue, à tel point que, si elle n’était pas permise par la loi, elle pourrait dans certains cas être interdite en raison de son caractère délictueux. De fait, il est difficile d’interpréter le texte du par. 5(4) sans y voir une tentative d’établir, dans la loi, une distinction entre le piquetage et d’autres formes d’expression pacifiques et non intimidantes pour la personne qui reçoit le message. Étant donné que la plupart des lois sur les relations du travail interdisent le piquetage secondaire classique en raison de l’influence indue de ce genre de piquetage et des dommages délictueux qui en découlent parfois, il est raisonnable de considérer que le par. 104(2) vise cette forme d’expression plutôt que la persuasion pacifique.

26 À mon avis les deux interprétations possibles du par. 104(2) que je viens de décrire sont, au mieux, tout aussi plausibles l’une que l’autre. Vu les efforts qu’a déployés la législature pour protéger les formes d’expression pacifiques en édictant la disposition interprétative générale que constitue le par. 5(4), je suis enclin à conclure que la deuxième interprétation proposée est plus plausible que la première. Aux fins d’analyse, toutefois, je vais considérer qu’elles sont tout aussi plausibles l’une que l’autre. La deuxième interprétation proposée doit néanmoins l’emporter en vertu du principe d’interprétation législative accepté et suivant lequel, lorsqu’une disposition est susceptible de deux interprétations possibles et que l’une d’elles serait contraire à un droit ou à une liberté garantis par la Charte, c’est l’autre qui doit être retenue: Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038, à la p. 1078, le juge Lamer; Canada (Procureur général) c. Mossop, [1993] 1 R.C.S. 554, aux pp. 581 et 582, le juge en chef Lamer.

27 En l’espèce, il ressort clairement des motifs du juge Cory dans KMart qu’une interprétation du par. 104(2) ayant pour effet d’interdire la distribution pacifique de tracts constituerait non seulement une atteinte à l’al. 2b) de la Charte, mais aussi une atteinte dont la validité ne serait pas sauvegardée par l’article premier. Par conséquent, il faut considérer que le par. 104(2) s’applique seulement aux formes de persuasion qui sont contraignantes, intimidantes, menaçantes ou qui tendent à influencer indûment, conformément à l’intention exprimée par la législature au par. 5(4) et à l’esprit de la Charte. Il s’ensuit que, eu égard aux faits de l’espèce, la mesure législative contestée ne contrevient pas à l’al. 2b) de la Charte parce qu’elle n’interdit pas la distribution pacifique de tracts. Il s’ensuit également que le juge de première instance a commis une erreur en accordant une injonction interdisant aux membres de la section locale 1288P des TUAC de se livrer à la distribution pacifique de tracts à l’extérieur des établissements des autres intimées.

28 Cela dit, je souligne que dans KMart le juge Cory a précisé que la question de savoir si, dans un cas particulier, la distribution de tracts outrepasse les limites permises et devient de la persuasion interdite est, dans une large mesure, une question de fait. Le juge ou l’autre décideur appelé à trancher la question de savoir si le par. 104(2) de la Loi sur les relations industrielles peut être invoqué pour interdire la conduite d’un syndicat ou d’un syndiqué donné doit examiner soigneusement la preuve. Il doit s’assurer, d’une part, que la liberté d’expression est protégée et, d’autre part, que ceux qui se livrent à des activités d’expression tendant à persuader respectent le droit qu’ont ceux qui reçoivent leur message de ne pas faire l’objet de contrainte ou d’intimidation visant à leur faire adopter une certaine ligne de conduite. De cette manière, il est possible de concilier la liberté de tous.

VI. Le dispositif

29 Le pourvoi est accueilli avec dépens. L’arrêt de la Cour d’appel du Nouveau‑Brunswick est écarté et l’ordonnance du juge de première instance interdisant à la section locale 1288P des TUAC et à ses membres de distribuer pacifiquement des tracts est annulée. Compte tenu de la conclusion que le par. 104(2) de la Loi sur les relations industrielles du Nouveau‑Brunswick n’interdit pas la distribution pacifique de tracts par les syndicats et par leurs membres, il n’est pas nécessaire de répondre aux questions constitutionnelles.

Pourvoi accueilli avec dépens.

Procureurs de l’appelante: Brown MacGillivray Stanley, Saint‑Jean.

Procureurs des intimées: Clark & Company, Fredericton.

Procureurs de l’intervenant le procureur général du Nouveau‑Brunswick: Gabriel Bourgeois et J. Danie Roy, Fredericton.

Procureurs de l’intervenant le procureur général de la Colombie‑Britannique: George H. Copley et Jennifer Button, Victoria.

Procureurs de l’intervenant le Conseil canadien du commerce de détail: Miller Thomson, Toronto.

Procureurs de l’intervenant le Congrès du travail du Canada: Sack Goldblatt Mitchell, Toronto.

Procureurs de l’intervenante l’Association des manufacturiers canadiens: Petrie Richmond Goss, Fredericton.

Procureurs de l’intervenante l’Association canadienne des libertés civiles: Tory Tory DesLauriers & Binnington, Toronto.

Procureurs de l’intervenante Pepsi‑Cola Canada Beverages (West) Ltd.: MacPherson Leslie & Tyerman, Regina.


Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Droit du travail - Conflits de travail - Piquetage - Distribution de tracts - Distribution de tracts à des lieux secondaires par des membres d’un syndicat pendant un conflit de travail - Les membres du syndicat n’ont commis aucune intrusion ni bloqué le passage aux véhicules - Les activités de distribution de tracts sont‑elles interdites? - Loi sur les relations industrielles, L.R.N.‑B. 1973, ch. I‑4, art. 5(4), 104(2).

Les membres du syndicat appelant ont été mis en lock‑out par l’intimée Allsco, un fabricant de matériaux de construction. Trois des quatre autres intimées vendent des produits Allsco, tandis que la quatrième utilise ces matériaux pour fabriquer des maisons modulaires et des roulottes. Les membres du syndicat ont distribué des tracts à l’extérieur des établissements des quatre autres intimées. Ils s’approchaient des véhicules arrivant aux établissements et offraient les tracts à leurs occupants. Les membres du syndicat n’ont pas commis d’intrusion sur les propriétés des autres intimées, et ils n’ont empêché aucun véhicule de se rendre sur les lieux ou d’en sortir. Dans le tract, on disait aux lecteurs d’y «[r]éfléchi[r] à deux fois» avant d’acheter des produits Allsco ou le bardage en vinyle distribué par cette dernière, car Allsco avait mis les membres du syndicat en lock‑out. Les membres du syndicat n’ont ni demandé verbalement à qui que ce soit de ne pas faire des affaires avec les autres intimées, ni invité les fournisseurs à ne pas faire de livraisons à ces dernières, ni demandé aux employées de celles‑ci de ne pas se rendre au travail. Les intimées ont obtenu, contre le syndicat, une injonction interlocutoire interdisant aux membres de ce dernier de distribuer des tracts à l’extérieur des établissements des quatre autres intimées au motif que le syndicat faisait du piquetage secondaire, activité que le tribunal a déclarée interdite par le par. 104(2) de la Loi sur les relations industrielles du Nouveau‑Brunswick. Les intimées ont ensuite obtenu une injonction permanente, décision qui a été confirmée par la Cour d’appel.

Arrêt: Le pourvoi est accueilli.

La distribution de tracts en litige dans le présent pourvoi est visée par la définition des activités permises de distribution pacifique de tracts qui a été énoncée dans l’arrêt KMart. Bien que, à première vue, le texte du par. 104(2) semble prohiber ce genre de distribution pacifique de tracts, il doit être interprété à la lumière du par. 5(4), dont le texte autorise les syndicats et leurs membres à exprimer leurs vues librement, pourvu qu’il ne le fasse pas d’une manière qui soit contraignante, intimidante, menaçante ou qui tende à influencer indûment une personne. À la lumière du par. 5(4), il faut interpréter restrictivement le mot «persuader» figurant au par. 104(2) et considérer qu’il vise la persuasion qui est contraignante, intimidante, menaçante ou qui tend à influencer indûment. Étant donné que la plupart des lois sur les relations du travail interdisent le piquetage secondaire classique en raison de l’influence indue de ce genre de piquetage et des dommages délictueux qu’il cause parfois, il est raisonnable de considérer que le par. 104(2) vise cette forme d’expression plutôt que la persuasion pacifique. Une interprétation du par. 104(2) qui aurait pour effet d’interdire la distribution pacifique de tracts constituerait non seulement une atteinte à l’al. 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés, mais également une atteinte dont la validité ne serait pas sauvegardée par l’article premier. Il s’ensuit que, eu égard aux faits de l’espèce, la mesure législative contestée ne contrevient pas à l’al. 2b) de la Charte parce qu’elle n’interdit pas la distribution pacifique de tracts. Il s’ensuit également que le juge de première instance a commis une erreur en accordant une injonction interdisant aux membres du syndicat de distribuer pacifiquement des tracts à l’extérieur des établissements des autres intimées.


Parties
Demandeurs : Allsco Building Products Ltd.
Défendeurs : T.U.A.C., section locale 1288P

Références :

Jurisprudence
Arrêt appliqué: T.U.A.C., section locale 1518 c. KMart Canada Ltd., [1999] 2 R.C.S. 1083
arrêts mentionnés: KMart Canada Ltd. c. U.F.C.W., Local 1518 (1995), 14 B.C.L.R. (3d) 162
O.K. Economy Stores c. R.W.D.S.U., Local 454 (1994), 118 D.L.R. (4th) 345
SDGMR c. Dolphin Delivery Ltd., [1986] 2 R.C.S. 573
Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038
Canada (Procureur général) c. Mossop, [1993] 1 R.C.S. 554.
Lois et règlements cités
Charte canadienne des droits et libertés, art. 1, 2b).
Loi sur les relations industrielles, L.R.N.‑B. 1973, ch. I‑4, art. 5(4), 104(1), (2), (3).

Proposition de citation de la décision: Allsco Building Products Ltd. c. T.U.A.C., section locale 1288P, [1999] 2 R.C.S. 1136 (9 septembre 1999)


Origine de la décision
Date de la décision : 09/09/1999
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1999] 2 R.C.S. 1136 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1999-09-09;.1999..2.r.c.s..1136 ?
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