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15/09/1999 | CANADA | N°[1999]_3_R.C.S._160

Canada | Winters c. Legal Services Society, [1999] 3 R.C.S. 160 (15 septembre 1999)


Winters c. Legal Services Society, [1999] 3 R.C.S. 160

Arthur Robert Winters Appelant

c.

Legal Services Society et le procureur général

de la Colombie-Britannique Intimés

Répertorié: Winters c. Legal Services Society

No du greffe: 26180.

1998: 3 décembre; 1999: 15 septembre.

Présents: Le juge en chef Lamer et les juges L’Heureux‑Dubé, Gonthier, Cory, McLachlin, Iacobucci, Major, Bastarache et Binnie.

en appel de la cour d’appel de la colombie-britannique

Prisons -- Audiences disciplinaires -- Services juridique

s -- Isolement cellulaire infligé à un détenu accusé de s’être livré à des voies de fait -- Refus de la Legal Services So...

Winters c. Legal Services Society, [1999] 3 R.C.S. 160

Arthur Robert Winters Appelant

c.

Legal Services Society et le procureur général

de la Colombie-Britannique Intimés

Répertorié: Winters c. Legal Services Society

No du greffe: 26180.

1998: 3 décembre; 1999: 15 septembre.

Présents: Le juge en chef Lamer et les juges L’Heureux‑Dubé, Gonthier, Cory, McLachlin, Iacobucci, Major, Bastarache et Binnie.

en appel de la cour d’appel de la colombie-britannique

Prisons -- Audiences disciplinaires -- Services juridiques -- Isolement cellulaire infligé à un détenu accusé de s’être livré à des voies de fait -- Refus de la Legal Services Society de fournir des services juridiques à l’audience disciplinaire -- Le détenu a-t-il droit à des services juridiques en application de l’art. 3(2) de la Legal Services Society Act? -- Dans l’affirmative, à quel niveau de services a-t-il droit? -- Legal Services Society Act, R.S.B.C. 1979, ch. 227, art. 3(2)b).

Alors qu’il purgeait une peine d’emprisonnement à perpétuité dans un pénitencier fédéral, l’appelant a été accusé de s’être livré à des voies de fait en violation des dispositions de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Vu l’accusation d’infraction disciplinaire grave portée contre lui, l’appelant risquait de se voir infliger une peine d’isolement cellulaire. Avant que les accusations ne soient portées contre lui, il avait été placé en isolement cellulaire où il était demeuré pendant 38 jours. L’audience disciplinaire a été ajournée à maintes reprises pour attendre la décision devant statuer sur l’admissibilité de l’appelant à des services d’avocat. Sa demande présentée à la Legal Services Society («la Société») en vue d’obtenir les services d’un avocat a été rejetée, tout comme l’appel qu’il a formé auprès du siège de la Société. L’appelant a saisi la Cour suprême de la Colombie‑Britannique d’une requête visant à obtenir une ordonnance portant que la Société était tenue de lui fournir les services d’un avocat. La requête a été rejetée, et la Cour d’appel a maintenu cette décision.

Arrêt (le juge Cory est dissident en partie): Le pourvoi est accueilli.

Le juge en chef Lamer et les juges L’Heureux-Dubé, Gonthier, McLachlin, Iacobucci, Major, Bastarache et Binnie: Les juges majoritaires sont d’accord avec le juge Cory que l’appelant a établi que la loi prévoit le droit à des «services juridiques» en rapport avec l’audience disciplinaire en milieu carcéral dont il fait l’objet. Toutefois, la Société conserve le pouvoir discrétionnaire de déterminer le niveau de services juridiques auquel l’appelant a droit. En rendant sa décision, la Société doit tenir compte de toutes les circonstances pertinentes de la demande, dont la nature de l’accusation, la procédure suivie pour trancher l’affaire, la sévérité de la peine dont est passible le demandeur et d’autres conséquences indirectes éventuelles telles la perte d’une réduction de peine que le demandeur avait méritée ou le risque que celui‑ci se voit nié un transfert éventuel à un établissement à sécurité moindre. Comme la Société a conclu à tort que l’appelant n’avait droit à aucun service juridique et que la Cour ne dispose pas des renseignements nécessaires pour déterminer le niveau de services juridiques qu’il convient de fournir à l’appelant, l’affaire doit être renvoyée aux fins de réexamen.

Pour ce qui est des services obligatoires, le niveau de service doit être déterminé par les exigences de la situation dans laquelle se trouve le demandeur et notamment par le rapport coût-efficacité des divers niveaux de service. La Société vise à fournir des services juridiques au moins équivalents à ceux qu’une personne raisonnable, moyennement nantie, s’attendrait à recevoir d’un membre compétent de la profession juridique, dûment mandaté. Cela ne veut pas nécessairement dire représentation par avocat à l’audience même dans les cas où l’isolement cellulaire peut être infligé à titre de mesure disciplinaire. Dans les circonstances, les services qui sont habituellement fournis par un avocat comprendraient un examen préliminaire des faits ayant donné lieu aux accusations d’infraction disciplinaire et un avis sur les résultats possibles ainsi que les chances d’avoir gain de cause. Cette tâche pourrait être accomplie par les avocats salariés de la Société, ou, sous la supervision d’un avocat, par des employés qui ne sont pas des avocats mais qui connaissent bien les questions carcérales. Bien que l’appelant ait été placé en isolement cellulaire pendant 38 jours, la question n’est pas théorique parce qu’il se pouvait qu’une déclaration de culpabilité ait une incidence sur la demande de libération conditionnelle qu’il entendait présenter.

Le juge Cory (dissident en partie): Pour être admissible en vertu du par. 3(2) de la Legal Services Society Act, le demandeur d’aide juridique doit satisfaire aux exigences d’un critère à deux volets. D’abord, les procédures doivent être soit de nature criminelle, soit de nature civile. Ensuite, si les procédures sont de nature criminelle, elles doivent être susceptibles d’entraîner l’emprisonnement, et si elles sont de nature civile, l’emprisonnement ou l’internement. Les audiences disciplinaires en milieu carcéral ne sont pas des procédures de nature criminelle; elles visent à maintenir la discipline interne de l’établissement. Ce sont des procédures de nature civile au sens de l’al. 3(2)b) de la Loi, et l’isolement cellulaire constitue un internement au sens de cette disposition. C’est que la personne incarcérée conserve une liberté résiduelle accordée à la population carcérale générale et que l’isolement cellulaire constitue une restriction supplémentaire et grave de cette liberté. Comme l’appelant devait subir une audience disciplinaire en milieu carcéral susceptible d’entraîner l’isolement cellulaire, il est une «personne admissible» au sens de l’al. 3(2)b) de la Loi et il a droit aux services juridiques que requiert son audience disciplinaire.

Dans les circonstances de l’espèce, les services juridiques requis comprennent les services d’un avocat parce que les conséquences et les effets éventuels de l’isolement cellulaire exigent que l’audience soit équitable. L’assistance d’un avocat est particulièrement importante lorsque l’isolement cellulaire est infligé parce que cette peine peut avoir une grande incidence sur la façon dont le détenu est incarcéré et peut influer sur son droit de mériter une réduction de peine. Au surplus, la Société fournit les services d’un avocat aux détenus qui font l’objet d’une audience postsuspension, d’une audience postrévocation ou d’une audience relative à la détention. Il n’existe aucune méthode structurée pour distinguer ces instances des audiences disciplinaires en milieu carcéral.

Jurisprudence

Citée par le juge Binnie

Distinction faite d’avec l’arrêt: R. c. Rowbotham (1988), 41 C.C.C. (3d) 1; arrêts mentionnés: Gonzalez-Davi c. British Columbia (Legal Services Society) (1991), 55 B.C.L.R. (2d) 236; Re Mountain and Legal Services Society (1984), 5 D.L.R. (4th) 170; Landry c. Legal Services Society (1986), 3 B.C.L.R. (2d) 98; Martineau c. Comité de discipline de l’Institution de Matsqui, [1980] 1 R.C.S. 602.

Citée par le juge Cory (dissident en partie)

Landry c. Legal Services Society (1986), 3 B.C.L.R. (2d) 98; Gonzalez‑Davi c. British Columbia (Legal Services Society) (1991), 55 B.C.L.R. (2d) 236; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27; R. c. Shubley, [1990] 1 R.C.S. 3; R. c. Wigglesworth, [1987] 2 R.C.S. 541, conf. (1984), 7 D.L.R. (4th) 361; Martineau c. Comité de discipline de l’Institution de Matsqui, [1980] 1 R.C.S. 602; R. c. Miller, [1985] 2 R.C.S. 613; Cardinal c. Directeur de l’établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643; Morin c. Comité national chargé de l’examen des cas d’unités spéciales de détention, [1985] 2 R.C.S. 662; McCann c. La Reine, [1976] 1 C.F. 570; Howard c. Établissement Stony Mountain, [1984] 2 C.F. 642; Palachik c. Kiss, [1983] 1 R.C.S. 623; Roberge c. Bolduc, [1991] 1 R.C.S. 374; Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3.

Lois et règlements cités

Charte canadienne des droits et libertés, art. 11h).

Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, art. 745.6 [aj. 1995, ch. 22, art. 6; mod. 1996, ch. 34, art. 2].

Interpretation Act, R.S.B.C. 1996, ch. 238, art. 8.

Legal Services Society Act, R.S.B.C. 1979, ch. 227, art. 3, 9, 10 [mod. 1987, ch. 25, art. 106].

Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20, art. 38, 40, 44.

Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92-620, art. 31(2), 34.

Doctrine citée

Black’s Law Dictionary, 6th ed. St. Paul, Minn.: West Publishing Co., 1990, «civil», «civil action».

Driedger, Elmer A. Construction of Statutes, 2nd ed. Toronto: Butterworths, 1983.

Driedger on the Construction of Statutes, 3rd ed. by Ruth Sullivan. Toronto: Butterworths, 1994.

Jackson, Michael. Prisoners of Isolation: Solitary Confinement in Canada. Toronto: University of Toronto Press, 1983.

Legal Services Society of British Columbia. White Paper: Core Services of the Legal Services Society of British Columbia. Vancouver: Legal Services Society of British Columbia, April 15, 1994.

Roach, Kent. Constitutional Remedies in Canada. Aurora, Ont.: Canada Law Book, 1994 (loose‑leaf updated November 1998, release 5).

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique (1997), 92 B.C.A.C. 252, 39 B.C.L.R. (3d) 348, [1997] B.C.J. No. 1280 (QL), confirmant une décision rendue par la Cour suprême de la Colombie-Britannique, [1995] B.C.J. No. 1001 (QL), qui a rejeté une demande en vue d’obtenir une ordonnance portant que la Legal Services Society était tenue de fournir à l’appelant les services d’un avocat pour le représenter. Pourvoi accueilli, le juge Cory est dissident en partie.

John W. Conroy, c.r., et Michael Jackson, pour l’appelant.

Douglas MacAdams et Mark Benton, pour l’intimée la Legal Services Society.

Harvey Groberman et Neena Sharma, pour l’intimé le procureur général de la Colombie-Britannique.

Version française du jugement du juge en chef Lamer et des juges L’Heureux-Dubé, Gonthier, McLachlin, Iacobucci, Major, Bastarache et Binnie rendu par

//Le juge Binnie//

1 Le juge Binnie — J’ai eu l’avantage de lire les motifs de mon collègue le juge Cory et j’y souscris en grande partie. Même si l’on a soutenu que la Legal Services Society Act constituait un code complet sous le régime duquel toute procédure non correctement qualifiée de criminelle est nécessairement civile, le litige peut être tranché sur un fondement plus étroit, proposé par le juge Cory au par. 62, avec lequel je suis d’accord. Nos opinions divergent cependant à l’étape finale de son analyse. En effet, il conclut que la loi reconnaît à l’appelant le droit d’être représenté par avocat à l’audience disciplinaire en milieu carcéral (par. 76 à 78). À mon avis, l’appelant a établi que la loi prévoit le droit à des [traduction] «services juridiques» en rapport avec l’audience disciplinaire en milieu carcéral dont il fait l’objet, mais la Legal Services Society (la «Société») conserve le pouvoir discrétionnaire de déterminer le niveau de «services juridiques» auxquels l’appelant a droit dans les circonstances et l’ordonnance de notre Cour doit le préciser.

2 Dans sa requête initiale, qu’il a répétée dans l’avis d’appel du 26 mai 1995 déposé à la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique, l’appelant sollicite une ordonnance comportant deux volets, soit:

[traduction]

Une ordonnance portant que la Société intimée doit, en vertu des dispositions de l’art. 3 de la Legal Services Society Act, R.S.B.C. 1979, ch. 227:

(i) fournir à l’appelant les services d’un avocat pour le représenter à l’audience tenue pour statuer sur l’accusation d’infraction disciplinaire au sens de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20, et de son règlement d’application, portée contre lui;

(ii) offrir des services juridiques à l’appelant pour lui permettre de se défendre contre l’accusation d’avoir commis une infraction visée à l’al. 40h) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, soit de s’être livré ou d’avoir menacé de se livrer à des voies de fait ou d’avoir pris part à un combat, laquelle est considérée comme une infraction disciplinaire grave, au motif que l’appelant est une personne admissible, susceptible d’être emprisonnée ou internée à l’issue d’une procédure de nature civile ou, de façon subsidiaire, qu’il est une personne admissible, défenderesse dans le cadre d’une procédure de nature criminelle susceptible d’entraîner son emprisonnement. [Je souligne.]

3 Mon collègue rendrait une ordonnance accordant à l’appelant les deux volets de la réparation qu’il demande. Avec égards, j’estime que seul le deuxième volet de la réparation doit être accordé, soit la prestation des services juridiques que la Société intimée estime appropriés dans les circonstances. La Société n’a pas abordé cette question en premier lieu, ayant conclu à tort que l’appelant n’était admis à recevoir aucun service juridique obligatoire.

4 Même si la Cour pouvait à juste titre imposer son point de vue quant au niveau de services juridiques qu’il convient de fournir, nous ne disposons pas des renseignements nécessaires pour rendre une décision éclairée.

5 Nous connaissons l’accusation, la nature de l’audience et les conséquences éventuelles qu’une déclaration de culpabilité aurait sur l’appelant, mais nous ignorons les faits entourant l’infraction qu’il aurait commise et nous en savons peu à propos des questions, de droit ou de fait, qui seront soulevées à l’audience. En bout de ligne, il se peut bien que les services d’un avocat soient nécessaires à l’audience, mais la Cour n’a ni le mandat, ni les renseignements nécessaires pour trancher la question.

6 Il est important de noter d’emblée que l’appelant n’invoque pas de motif constitutionnel pour fonder son droit aux services d’un avocat rémunéré par les contribuables, contrairement à ce qui était le cas dans R. c. Rowbotham (1988), 41 C.C.C. (3d) 1 (C.A. Ont.). Son droit, s’il en est, se fonde sur la disposition relative aux «services obligatoires» de la loi provinciale, la Legal Services Society Act, R.S.B.C. 1979, ch. 227. Il ne peut revendiquer plus que ce que la Loi prévoit. La seule question litigieuse que soulève la présente affaire est de savoir dans quelle mesure le détenu qui ne fait pas valoir un droit constitutionnel aux services d’un avocat rémunéré par les contribuables peut néanmoins exiger de la Société qu’elle lui fournisse de tels services en vertu du par. 3(2) de sa loi habilitante.

7 Il importe également de souligner que le droit de l’appelant à l’assistance d’un avocat à l’audience disciplinaire n’est pas contesté. Ce droit est garanti par le par. 31(2) du règlement d’application de la loi fédérale, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20. La question est de savoir si le régime d’aide juridique de la province doit lui fournir cet avocat aux frais des contribuables.

Le contexte

8 La Société, à l’instar des autres régimes d’aide juridique au pays, a grand peine à répondre à la demande croissante de services juridiques, à une époque d’importantes restrictions gouvernementales. Créée par une loi, la Société est un organisme distinct du gouvernement de la province, mais entièrement financé par ce dernier par l’entremise de subventions annuelles. Pour l’année pertinente (1993‑1994), la subvention initiale était de 84,6 millions de dollars. La Société a dépassé de 14,7 millions de dollars son budget, mais elle a reçu une subvention supplémentaire qui a comblé l’écart. Dans un document destiné aux «intéressés» œuvrant dans le domaine de l’aide juridique dans la province, diffusé le 10 janvier 1994, soit moins d’une semaine après la lettre de refus en cause dans la présente affaire, la Société estime que le nombre de cas qu’elle doit traiter augmente d’environ 5 pour 100 par année. Elle avise les intéressés que pour équilibrer son budget au cours des six prochaines années, elle devra réduire de 43 pour 100, sur une base accumulée, le nombre des clients admissibles aux services juridiques (c’est‑à‑dire admissibles à l’aide juridique), tenant pour acquis qu’elle continuera de recevoir un financement annuel de 90 millions de dollars. De façon subsidiaire, elle évoque la possibilité de réduire de 48 pour 100 les honoraires versés aux avocats participants, ou encore, de combler l’écart par une réduction simultanée des honoraires et du nombre des clients admissibles aux services.

9 La Société souligne que toute extension judiciaire des services juridiques obligatoires au sens de la Loi peut avoir de graves conséquences budgétaires. Elle estime, par exemple, que l’arrêt Gonzalez‑Davi c. British Columbia (Legal Services Society) (1991), 55 B.C.L.R. (2d) 236, par lequel la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique lui a ordonné de fournir les services d’un avocat aux personnes faisant l’objet d’audiences en matière d’immigration, l’amène à dépenser environ 3,5 millions de dollars par année. Il faut ajouter que le législateur de la Colombie‑Britannique n’a pas jugé utile de modifier la loi à la suite de cet arrêt.

10 Pourtant, lorsqu’il s’agit du niveau de services juridiques qu’il convient de fournir dans un cas donné, le mandat légal de la Société ne l’autorise pas à réduire les services pour respecter son budget. De telles contraintes financières ne sauraient avoir d’incidence sur l’obligation de fournir des services juridiques «obligatoires», s’il en est, qui incombe à la Société en vertu de la loi: Re Mountain and Legal Services Society (1984), 5 D.L.R. (4th) 170 (C.A.C.-B.). Cela explique, cependant, pourquoi le législateur peut avoir voulu que la Société conserve une certaine marge de manœuvre quant au niveau de services juridiques offerts.

Le droit prévu par la loi

11 J’accepte la conclusion de mon collègue que les procédures disciplinaires en milieu carcéral dont il est question en l’espèce sont visées par le par. 3(2) de la Legal Services Society Act. Les arrêts de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique qui ont créé et ultérieurement confirmé une exception en matière d’admissibilité à l’égard des [traduction] «procédures internes destinées à promouvoir le respect de l’ordre» ne doivent pas être suivis. Les procédures disciplinaires en milieu carcéral peuvent entraîner un isolement cellulaire d’une durée de 30 jours (isolement qui peut durer jusqu’à 45 jours en cas de déclarations de culpabilité multiples) et, pour les motifs exposés par mon collègue, il s’ensuit que l’appelant a droit aux services juridiques obligatoires prévus au par. 3(2) de la Legal Services Society Act.

12 La Loi, cependant, ne définit pas en quoi consistent les «services juridiques» que la Société est tenue d’offrir en vertu du par. 3(2). Ce paragraphe prévoit simplement:

[traduction]

3. . . .

(2) Pour l’application de l’alinéa (1)a), la Société veille à ce que des services juridiques soient offerts . . . [Je souligne.]

L’alinéa (1)a) est conçu ainsi:

[traduction]

3. (1) La mission de la Société est de fournir:

a) les services qui sont habituellement fournis par un avocat aux personnes qui, autrement, ne pourraient recevoir de tels services pour des raisons de nature financière ou autre . . . [Je souligne.]

13 L’expression «services juridiques» est utilisée à l’art. 3 et il ressort de l’art. 9 que cette expression a un sens très large, qui comprend les services fournis non seulement par des avocats ou des stagiaires en droit, mais également par des individus qui ne sont pas du tout des avocats, pourvu qu’ils soient supervisés par un avocat. L’expression «services juridiques» n’est pas synonyme de «représentation par avocat» et aucune des dispositions de la Loi ne prévoit un droit aux services d’un avocat rémunéré par les contribuables à l’occasion d’un procès ou d’une audience.

14 Si j’interprète la Loi dans son ensemble, il me semble que le législateur a voulu que la Société ait le pouvoir discrétionnaire de déterminer dans quelles circonstances les services juridiques obligatoires prévus au par. 3(2) doivent inclure la représentation par avocat. La Cour doit également accepter que la Société possède des connaissances spécialisées appelant une certaine retenue pour ce qui est des exigences des services juridiques à fournir dans un cas donné.

La décision de la Société

15 En rendant sa décision, la Société doit, bien entendu, tenir compte de toutes les circonstances pertinentes de la demande, dont la nature de l’accusation, la procédure suivie pour trancher l’affaire, la sévérité de la peine dont est passible le demandeur et d’autres conséquences indirectes éventuelles telles la perte d’une réduction de peine que le demandeur avait méritée ou le risque que celui‑ci se voit nié un transfert éventuel à un établissement à sécurité moindre.

16 En l’espèce, la Société elle‑même n’a pas, en premier lieu, déclaré l’appelant inadmissible en vertu du par. 3(2) de la Loi. La lettre initiale, datée du 6 janvier 1994, avisant l’appelant que l’aide juridique lui était refusée, disait simplement:

[traduction] Suite à notre conversation téléphonique du 6 janvier 1994, je dois malheureusement rejeter votre demande d’aide juridique visant à obtenir qu’un avocat vous représente à l’audience disciplinaire dont vous ferez l’objet le 26 janvier 1994 à l’établissement de Matsqui. Votre demande a été rejetée parce que votre cause n’est pas le type d’affaire pour lequel la Société verserait des honoraires à un avocat pour vous représenter. [Je souligne.]

17 La décision statuant sur l’appel interjeté auprès du siège de la Société à Vancouver, cependant, renvoyait à une exclusion généralisée des services juridiques fondée soit sur ce qui a été considéré comme une interprétation erronée du droit dans l’arrêt Landry c. Legal Services Society (1986), 3 B.C.L.R. (2d) 98 (C.A.), soit sur une politique basée sur des contraintes financières qui «empêchait» de tenir compte de circonstances individuelles. Le passage pertinent de la décision tenait en une phrase:

[traduction] Vu nos ressources limitées, aucune aide juridique n’est accordée aux personnes faisant l’objet d’audiences disciplinaires.

L’affaire doit donc être renvoyée à la Société pour qu’elle la réexamine. La question litigieuse qui reste à trancher est de savoir si, comme le suggère mon collègue, le réexamen doit entraîner la fourniture des services d’un avocat à l’audience disciplinaire. À mon avis, on doit répondre à cette question par la négative.

Le pouvoir discrétionnaire de la Société

18 L’expression «services qui sont habituellement fournis par un avocat» que contient l’al. 3(1)a) est assez large pour inclure tout le travail de l’avocat, du conseil préliminaire qu’il prodigue à son client jusqu’à la représentation de celui‑ci à l’audience. L’article 10 prévoit que la Société a le pouvoir de déterminer les priorités et critères relatifs aux services qu’[traduction] «elle ou un organisme qu’elle finance fournit» en vertu de la Loi. Pour ce qui est des services obligatoires, le niveau de service est essentiellement déterminé par les exigences de la situation dans laquelle se trouve le demandeur et non par l’état des finances de la Société. Si la province considère que le régime est trop coûteux, elle devra modifier la loi pour réduire la prestation des services obligatoires. Néanmoins, c’est avec raison selon moi que la Société reconnaît qu’une partie des services qu’un avocat fournit habituellement à son client consiste à apprécier l’efficacité des divers niveaux de service en fonction de leur coût. Peu de clients moyennement nantis sont prêts à gaspiller leur argent en honoraires d’avocat sans se préoccuper du bien‑fondé de la cause ni des autres circonstances. Il n’est pas souhaitable non plus de gaspiller les deniers publics.

19 La Société a reconnu cet aspect des relations entre avocat et client dans sa définition de base du niveau des services juridiques qu’il convient de fournir. Elle vise à fournir des services juridiques [traduction] «au moins équivalents à ceux qu’une personne raisonnable, moyennement nantie, s’attendrait à recevoir d’un membre compétent de la profession juridique, dûment mandaté» (White Paper: Core Services of the Legal Services Society of British Columbia (1994)). Cela ne veut pas nécessairement dire représentation par avocat à l’audience, bien que cela soit fort possible. Lorsque la représentation par avocat à l’audience est ce à quoi s’attend la personne moyennement nantie, la Société est légalement tenue de fournir les services d’un avocat à l’audience malgré une préoccupation toute naturelle pour les restrictions budgétaires.

20 La Société a, de fait, établi, en exerçant son pouvoir discrétionnaire de financement, un bureau d’avocats salariés chargés de fournir des services juridiques aux détenus, à Abbottsford (Colombie‑Britannique), dans une région où se trouvent un certain nombre d’établissements pénitentiaires fédéraux. Les avocats salariés de ce bureau se spécialisent dans les questions concernant les détenus et ils peuvent facilement procéder à une appréciation de cas pour déterminer le niveau de services juridiques qu’il convient de fournir dans les circonstances.

Le risque d’être placé en isolement cellulaire

21 Le législateur lui‑même a établi que le risque d’emprisonnement entraînait la prestation de services juridiques obligatoires. Or, l’emprisonnement comprend, comme le démontre mon collègue, l’isolement cellulaire, qui représente une incarcération dans «une prison au sein d’une prison»: Martineau c. Comité de discipline de l’Institution de Matsqui, [1980] 1 R.C.S. 602, à la p. 622.

22 Je suis d’accord avec mon collègue qu’en général, la perspective d’être placée en isolement cellulaire persuaderait la personne raisonnable, moyennement nantie, de la nécessité d’être représentée par avocat à l’audience. Cependant, la tâche de la Société est d’autant plus complexe que l’isolement cellulaire peut, en théorie, être imposé à l’égard de toute une gamme d’infractions prévues par la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition fédérale. Dans certains cas, l’isolement cellulaire pourra éventuellement être imposé, alors que dans d’autres, il n’en sera même pas question.

23 L’article 40 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition constitue une liste qui comprend toute une gamme d’accusations, qui vont du fait d’«agi[r] de manière irrespectueuse ou outrageante envers un agent au point de compromettre l’autorité de celui‑ci ou des agents en général» jusqu’à celui de refuser de travailler «sans excuse valable», en passant par le jeu ou les paris, la tentative d’évasion et la participation à des troubles. La Loi n’établit pas de distinction entre les «types» d’infractions mineures et les «types» d’infractions graves.

24 Le risque d’être placé en isolement cellulaire, lorsqu’il y en a un, découle d’une procédure administrative en vertu de laquelle le personnel de l’établissement classifie les infractions selon les deux modes d’instruction -- les infractions «mineures», qui sont instruites par le personnel de l’établissement, et les infractions «graves», qui sont instruites par un tribunal disciplinaire composé de deux membres du personnel et d’un président impartial, qui doit obligatoirement être un avocat qualifié.

25 Ni la loi ni le règlement ne comportent de directives ou de critères régissant la classification des infractions selon le mode d’instruction, mais il est admis que les «infractions graves» sont, en général, celles dont on peut dire qu’elles mettent en jeu la sécurité de l’établissement ou la sécurité personnelle des individus qui s’y trouvent.

26 Seul le tribunal disciplinaire présidé par une personne impartiale peut infliger l’isolement cellulaire, mais il peut le faire, en théorie, dans toute affaire dont il est saisi. Dans les seuls établissements fédéraux, environ 1 000 audiences se tiennent chaque année devant des tribunaux disciplinaires en Colombie‑Britannique. Aucune statistique ne donne le pourcentage de ces affaires qui ont pour résultat l’isolement cellulaire. Aucune statistique fiable ne nous a été fournie à l’égard de ces questions pour ce qui est du risque d’être placé en isolement cellulaire dans les établissements provinciaux.

27 Bien que le tribunal disciplinaire ait le pouvoir d’infliger l’isolement cellulaire dans toutes les affaires dont il est saisi, il peut également, selon son appréciation de la gravité de l’infraction, prononcer des peines moins sévères, telles la perte de privilèges, l’exécution de tâches supplémentaires ou la restitution des biens volés. La durée de l’isolement cellulaire peut varier de quelques heures à un maximum de 30 jours pour une seule infraction.

28 L’article 34 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92-620, prévoit que le tribunal disciplinaire doit infliger la peine la moins sévère qui soit proportionnelle à la gravité de l’infraction.

29 Compte tenu de cette structure disciplinaire plutôt élastique, je ne pense pas que l’on puisse dire que le législateur de la Colombie‑Britannique a voulu rendre la représentation par avocat obligatoire à l’égard de toutes les infractions que le Parlement fédéral désigne comme étant susceptibles d’entraîner l’isolement cellulaire.

L’application aux faits de la présente affaire

30 L’appelant est accusé de s’être livré à des voies de fait sur un codétenu. Un membre du personnel de l’établissement a coché une case portant la mention «grave». Nous ne disposons pas d’autres renseignements sur la nature ou la gravité des voies de fait. Dans les circonstances, «les services qui sont habituellement fournis par un avocat» comprendraient un examen préliminaire des faits ayant donné lieu aux accusations d’infraction disciplinaire et un avis sur les résultats possibles ainsi que les chances d’avoir gain de cause. Il s’agit d’une tâche que pourraient accomplir les avocats salariés de la Société, voire les membres du personnel de cette dernière qui ne sont pas des avocats mais qui connaissent bien les questions carcérales, pourvu que de telles personnes donnent leur avis «sous la supervision d’un avocat» (art. 9). On pourrait s’attendre dans bien des cas à ce que le meilleur conseil qu’on puisse donner soit la représentation par avocat à l’audience. Le risque d’être placé en isolement cellulaire, s’il est plausible dans les circonstances, favoriserait un tel résultat.

31 Dans certaines circonstances, cependant, il se peut que le meilleur conseil qu’on puisse donner soit qu’un avocat ne pourrait jouer aucun rôle utile dans l’affaire. Il se peut que les faits ne soient pas contestés. Il peut s’avérer que l’isolement cellulaire, bien que pouvant théoriquement être infligé, ne soit pas une éventualité réaliste et que la présence d’un avocat à l’audience ne soit pas nécessaire. La Société ne devrait pas être tenue de fournir davantage de services que ne s’en procurerait une personne raisonnable moyennement nantie.

32 Une règle obligeant la Société à fournir les services d’un avocat à tout détenu faisant l’objet d’une audience à l’issue de laquelle l’isolement cellulaire pourrait éventuellement être infligé ferait peser sur la Société un fardeau financier totalement injustifié.

Dispositif

33 La Société a manifestement commis une erreur de droit lorsqu’elle a décidé qu’elle n’était pas tenue, dans les circonstances, de fournir des «services juridiques» à l’appelant. Même si l’appelant a déjà été placé en isolement cellulaire pour une période de 38 jours pour avoir commis l’infraction, la question n’est pas théorique, car une déclaration de culpabilité pourrait avoir une incidence sur la demande de libération conditionnelle après 15 années d’incarcération qu’il entend présenter en vertu de la disposition dite «du faible espoir» du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46. Il revient à la Société de décider, en respectant les limites de son pouvoir discrétionnaire administratif, le niveau de «services juridiques» exigé par le par. 3(2) de la Loi qu’il convient de fournir dans les circonstances. Je suis donc d’avis d’accueillir le pourvoi avec dépens dans toutes les cours sur la base des frais entre parties, d’annuler l’arrêt de la Cour d’appel et de renvoyer l’affaire devant la Société pour qu’elle statue conformément aux présents motifs.

Version française des motifs rendus par

//Le juge Cory//

34 Le juge Cory (dissident en partie) — L’isolement cellulaire peut avoir de graves conséquences. En vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20, le détenu accusé d’avoir commis une infraction disciplinaire grave est passible de 30 jours d’isolement cellulaire, s’il est reconnu coupable. Le détenu a-t-il le droit d’obtenir des services juridiques à l’audience en application de la Legal Services Society Act, R.S.B.C. 1979, ch. 227? C’est la question soulevée dans le présent pourvoi.

I. Les faits

35 L’appelant purge une peine d’emprisonnement à perpétuité pour avoir aidé et encouragé quelqu’un à commettre un meurtre au premier degré. Le 25 novembre 1993, il a été accusé de s’être livré à des voies de fait en violation des dispositions de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Cette infraction est considérée, à juste titre, comme une infraction grave. Elle devait donc faire l’objet d’une audience disciplinaire devant un président impartial.

36 L’appelant a été accusé de l’infraction et placé en isolement cellulaire à l’établissement de Matsqui, un pénitencier à sécurité moyenne, jusqu’au 8 décembre 1993. Il a ensuite été transféré à l’établissement de Kent, un établissement à sécurité maximale, où l’isolement cellulaire s’est poursuivi jusqu’au 30 décembre 1993. En tout, il a vécu 38 jours en isolement cellulaire.

37 L’audition qui devait avoir lieu le 1er décembre 1993 a été ajournée lorsque l’appelant a demandé d’être représenté par un avocat. À l’époque, l’appelant avait seulement complété 10 années de scolarité. Il n’avait pas les compétences requises pour mener un procès. Il connaissait très peu le droit et il risquait d’être placé en isolement cellulaire pendant une longue période. Il craignait également qu’une déclaration de culpabilité pour cette infraction puisse être utilisée en preuve contre lui à l’audience tenue en vertu de l’art. 745.6 du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, pour décider s’il est admissible à la libération conditionnelle. Il se pouvait qu’à l’issue de cette audience l’appelant soit admissible à la libération conditionnelle après 15 années de détention, au lieu de 25.

38 L’appelant ne pouvait se payer les services d’un avocat et il n’a pas réussi à trouver un avocat pour le représenter gratuitement. L’audience disciplinaire a repris le 8 décembre 1993, mais l’appelant a obtenu que celle‑ci soit ajournée jusqu’au 5 janvier 1994 afin qu’il puisse communiquer avec un employé du bureau local de la Legal Services Society intimée (la «Société») qui offre des services juridiques aux détenus. L’audience a été ultérieurement ajournée de nouveau, jusqu’au 26 janvier 1994.

39 Le 6 janvier 1994, un avocat de la Société a avisé l’appelant que même s’il remplissait les conditions requises sur le plan financier pour obtenir qu’un avocat soit désigné pour le représenter, les audiences disciplinaires en milieu carcéral n’étaient pas visées par la Legal Services Society Act. L’appelant a également été avisé que s’il avait été accusé en vertu du Code criminel, un avocat aurait probablement été désigné pour le représenter. L’appelant ayant interjeté appel de la décision en s’adressant au siège de la Société, l’audience a été ajournée jusqu’au 9 mars 1994 pour attendre le résultat de l’appel. L’appel a été rejeté par la Société.

40 L’appelant a saisi la Cour suprême de la Colombie‑Britannique d’une requête visant à obtenir une ordonnance portant que la Société est tenue de lui fournir les services d’un avocat. La requête a été rejetée. La cour a considéré qu’elle était liée par l’arrêt Landry c. Legal Services Society (1986), 3 B.C.L.R. (2d) 98 (C.A.). La Cour d’appel a rejeté l’appel interjeté par l’appelant pour le motif qu’elle était également liée par l’arrêt Landry.

II. Les dispositions législatives pertinentes

41 Legal Services Society Act, R.S.B.C. 1979, ch. 227

[traduction]

3. (1) La mission de la Société est de fournir:

a) les services qui sont habituellement fournis par un avocat aux personnes qui, autrement, ne pourraient recevoir de tels services pour des raisons de nature financière ou autre;

b) de l’information et des conseils juridiques à la population de la Colombie‑Britannique.

(2) Pour l’application de l’alinéa (1)a), la Société veille à ce que des services juridiques soient offerts à toute personne admissible qui remplit l’une des conditions suivantes:

a) Elle est défenderesse dans le cadre d’une procédure de nature criminelle susceptible d’entraîner son emprisonnement;

b) Elle est susceptible d’être emprisonnée ou internée à l’issue d’une procédure de nature civile;

c) Elle est partie ou est susceptible d’être partie à une procédure relative à un conflit familial qui a une incidence sur sa sécurité ou sa santé physique ou mentale ou sur celles de ses enfants;

d) Elle a un problème juridique qui menace:

(i) la sécurité ou la santé physique ou mentale de sa famille;

(ii) sa capacité de se procurer des aliments, des vêtements et le gîte pour elle‑même et pour les personnes à sa charge;

(iii) son gagne‑pain.

Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20

38. Le régime disciplinaire établi par les articles 40 à 44 et les règlements vise à encourager chez les détenus un comportement favorisant l’ordre et la bonne marche du pénitencier, tout en contribuant à leur réadaptation et à leur réinsertion sociale.

. . .

40. Est coupable d’une infraction disciplinaire le détenu qui:

a) désobéit à l’ordre légitime d’un agent;

b) se trouve, sans autorisation, dans un secteur dont l’accès lui est interdit;

c) détruit ou endommage de manière délibérée ou irresponsable le bien d’autrui;

d) commet un vol;

e) a en sa possession un bien volé;

f) agit de manière irrespectueuse ou outrageante envers un agent au point de compromettre l’autorité de celui‑ci ou des agents en général;

g) agit de manière irrespectueuse ou outrageante envers toute personne au point d’inciter à la violence;

h) se livre ou menace de se livrer à des voies de fait ou prend part à un combat;

i) est en possession d’un objet interdit ou en fait le trafic;

j) sans autorisation préalable, a en sa possession un objet en violation des directives du commissaire ou de l’ordre écrit du directeur du pénitencier ou en fait le trafic;

k) introduit dans son corps une substance intoxicante;

l) refuse ou omet de fournir l’échantillon d’urine qui peut être exigé au titre des articles 54 ou 55;

m) crée des troubles ou toute autre situation susceptible de mettre en danger la sécurité du pénitencier, ou y participe;

n) commet un acte dans l’intention de s’évader ou de faciliter une évasion;

o) offre, donne ou accepte un pot‑de‑vin ou une récompense;

p) sans excuse valable, refuse de travailler ou s’absente de son travail;

q) se livre au jeu ou aux paris;

r) contrevient délibérément à une règle écrite régissant la conduite des détenus;

s) tente de commettre l’une des infractions mentionnées aux alinéas a) à r) ou participe à sa perpétration.

. . .

44. (1) Le détenu déclaré coupable d’une infraction disciplinaire est, conformément aux règlements pris en vertu des alinéas 96i) et j), passible d’une ou de plusieurs des peines suivantes:

a) avertissement ou réprimande;

b) perte de privilèges;

c) ordre de restitution;

d) amende;

e) travaux supplémentaires;

f) isolement pour un maximum de trente jours, dans le cas d’une infraction disciplinaire grave.

III. Les décisions antérieures

A. La Cour suprême de la Colombie‑Britannique, [1995] B.C.J. No. 1001 (QL)

42 Le juge Fraser a souligné que la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique a conclu, dans l’arrêt Landry, précité, que les procédures disciplinaires en milieu carcéral n’étaient pas visées par le par. 3(2) de la Legal Services Society Act et que la Société n’était point tenue de fournir les services d’un avocat dans le cadre de telles procédures. Cependant, dans l’arrêt Gonzalez‑Davi c. British Columbia (Legal Services Society) (1991), 55 B.C.L.R. (2d) 236, la Cour d’appel a conclu que la personne [traduction] «menacée d’internement ou d’emprisonnement qui satisfait par ailleurs aux critères d’admissibilité» a le droit d’obtenir de l’aide (p. 240). Le juge Hutcheon de la Cour d’appel a conclu qu’une distinction pouvait être établie avec l’affaire Landry du fait que les procédures disciplinaires en milieu carcéral sont [traduction] «des affaires internes concernant l’administration de l’établissement», et que l’arrêt rendu dans Landry [traduction] «ne devait être appliqué qu’à des faits de nature similaire». À titre de comparaison, mentionnons que M. Gonzalez‑Davi a été arrêté et détenu à la suite de son audition devant la Commission de l’immigration. Il a été décidé que dans les circonstances, il avait droit aux services d’un avocat.

43 Le juge Fraser a conclu que le requérant était menacé d’internement ou d’emprisonnement au sens de l’arrêt Gonzalez‑Davi, précité. Premièrement, il risquait de subir un préjudice à l’audience tenue en vertu de l’art. 745.6 du Code criminel et, deuxièmement, un verdict de culpabilité pouvait entraîner l’isolement cellulaire pour une période maximale de 30 jours. Le fait que l’appelant soit déjà en prison n’avait aucune importance: la libération conditionnelle est différente de la détention et la détention ordinaire est différente de l’isolement cellulaire. Cependant, le juge Fraser a également fait remarquer que la Cour d’appel avait implicitement conclu, dans l’arrêt Landry, que la Société était tenue de fournir les services d’un avocat en raison non seulement des conséquences éventuelles pour le demandeur, mais aussi de l’origine de ces conséquences et de la raison pour laquelle elles risquaient de se produire.

44 Le juge Fraser a décidé qu’il était lié par Landry, vu que la Cour d’appel avait elle‑même établi une distinction entre cette affaire et l’affaire Gonzalez‑Davi. Il a donc rejeté la requête.

B. La Cour d’appel de la Colombie‑Britannique, (1997), 39 B.C.L.R. 348

1. Le juge Esson (avec l’appui du juge Newbury)

45 Le juge Esson de la Cour d’appel a conclu que la question portait exclusivement sur l’interprétation de la Legal Services Society Act, qui n’avait été modifiée sur aucun point pertinent depuis 1979. Il a examiné l’arrêt Landry, précité, et, malgré l’arrêt Gonzalez‑Davi, précité, a conclu que la division d’appel était liée par cette décision.

2. Le juge en chef McEachern (avec l’appui du juge Newbury)

46 Le juge en chef McEachern de la Colombie‑Britannique a souligné que l’appelant a demandé qu’une formation de cinq juges de la Cour d’appel entende l’affaire, mais qu’il a refusé de rendre une telle ordonnance. Il a conclu (à la p. 350):

[traduction] . . . j’estime que le droit est établi sur cette question et qu’il ne servirait à rien d’ordonner que l’affaire soit de nouveau débattue. Le droit est demeuré inchangé depuis l’arrêt Landry, et j’estime que la décision d’examiner de nouveau de telles affaires ne doit pas être prise à la légère et que nous ne devons pas ordonner que cinq juges entendent un appel simplement parce qu’un tel appel ne pourrait être accueilli sans que soit remis en cause un principe juridique qui paraît établi de façon satisfaisante.

IV. L’analyse

A. Les principes généraux d’interprétation des lois

47 L’interprétation qu’il convient de donner au par. 3(2) de la Legal Services Society Act, est au cœur du présent pourvoi. Les principes généraux d’interprétation des lois ont été tout récemment examinés dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27. Dans cet arrêt, le juge Iacobucci a énoncé de la façon suivante les principes qu’il convient d’appliquer pour interpréter une loi:

1. Il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical «qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur» (E. A. Driedger, Construction of Statutes (2e éd. 1983), à la p. 87).

2. Il faut présumer que le législateur ne peut avoir voulu des résultats absurdes:

[O]n qualifiera d’absurde une interprétation qui mène à des conséquences ridicules ou futiles, si elle est extrêmement déraisonnable ou inéquitable, si elle est illogique ou incohérente, ou si elle est incompatible avec d’autres dispositions ou avec l’objet du texte législatif. . . [En outre,] on peut qualifier d’absurdes les interprétations qui vont à l’encontre de la fin d’une loi ou en rendent un aspect inutile ou futile. [Rizzo Shoes, précité, au par. 27, citant Driedger on the Construction of Statutes (3e éd. 1994), à la p. 88.]

3. Les lois sont censées apporter une solution de droit. L’article 8 de l’Interpretation Act, R.S.B.C. 1996, ch. 238, prévoit que [traduction] «[t]out texte est censé apporter une solution de droit et s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit pour garantir la réalisation de son objet.»

Ces principes doivent régir l’interprétation des al. 3(2)a) et b), qui sont en cause dans le présent pourvoi. Ils prévoient:

[traduction]

3. . . .

(2) Pour l’application de l’alinéa (1)a), la Société veille à ce que des services juridiques soient offerts à toute personne admissible qui remplit l’une des conditions suivantes:

a) Elle est défenderesse dans le cadre d’une procédure de nature criminelle susceptible d’entraîner son emprisonnement;

b) Elle est susceptible d’être emprisonnée ou internée à l’issue d’une procédure de nature civile;

B. Les exigences du par. 3(2)

48 Pour être admissible en vertu du par. 3(2), le demandeur d’aide juridique doit satisfaire aux exigences d’un critère à deux volets. Premièrement, les procédures doivent être de nature criminelle ou de nature civile. Deuxièmement, les procédures de nature criminelle doivent être susceptibles d’entraîner l’emprisonnement de la personne, et les procédures de nature civile, son emprisonnement ou son internement. Par conséquent, contrairement à ce que soutient l’appelant selon lequel seules les conséquences sont pertinentes, la nature et les conséquences des procédures doivent être examinées pour déterminer si un demandeur est admissible en vertu du par. 3(2). Accepter la thèse de l’appelant rendrait superflus les mots «procédure de nature criminelle» et «procédure de nature civile». Le législateur n’a pu avoir cette intention. Il ressort clairement de l’arrêt Rizzo Shoes, précité, que tous les mots d’une loi doivent recevoir un sens.

C. L’application du par. 3(2)

1. L’alinéa 3(2)a): procédure de nature criminelle

49 L’audience disciplinaire en milieu carcéral est‑elle une procédure de nature criminelle pouvant entraîner l’emprisonnement? Cette question a été examinée dans l’arrêt R. c. Shubley, [1990] 1 R.C.S. 3, bien que dans un contexte quelque peu différent. La question litigieuse dans cette affaire était de savoir si une infraction à la discipline d’un établissement carcéral constituait une «infraction» au sens de l’al. 11h) de la Charte canadienne des droits et libertés. Cet alinéa prévoit qu’une personne ne doit pas être punie de nouveau pour une infraction dont elle a été déclarée coupable et pour laquelle elle a été punie. Les juges majoritaires dans cette affaire ont conclu qu’une déclaration de culpabilité prononcée dans le cadre de procédures disciplinaires en milieu carcéral ne constituait pas une punition pour une «infraction» au sens de l’al. 11h).

50 Le juge McLachlin, s’exprimant au nom des juges majoritaires, a appliqué la décision que le juge Wilson a rendue dans l’affaire R. c. Wigglesworth, [1987] 2 R.C.S. 541. Dans cette affaire, il avait été décidé que pour que l’al. 11h) fasse obstacle à une procédure, celle‑ci devait être criminelle, de par sa nature même, ou devait entraîner une peine comportant de véritables conséquences pénales. Pour déterminer s’il s’agit d’une procédure criminelle, de par sa nature même, il est nécessaire d’examiner la nature de la procédure elle‑même plutôt que la loi en vertu de laquelle elle a été engagée. L’arrêt Wigglesworth a confirmé qu’une loi pouvait avoir divers aspects pouvant chacun donner lieu à des procédures. Le juge McLachlin dans l’arrêt Shubley et le juge Wilson dans l’arrêt Wigglesworth ont toutes les deux cité avec approbation le passage suivant tiré des motifs exposés par le juge Cameron de la Cour d’appel de la Saskatchewan dans l’arrêt R. c. Wigglesworth (1984), 7 D.L.R. (4th) 361, aux pp. 365 et 366:

[traduction] Il est possible qu’un acte unique comporte plus d’un aspect et entraîne plus d’une conséquence juridique. S’il constitue un manquement à une obligation envers la société, il peut équivaloir à un crime dont l’auteur est responsable envers le public. S’il y a eu blessure et manquement à une obligation envers autrui, le même acte peut donner lieu à une action en dommages‑intérêts intentée par la personne à qui l’auteur de l’acte a causé un préjudice. Le même acte peut comporter un autre aspect, c’est‑à‑dire le manquement aux obligations découlant de l’exercice d’une fonction ou d’une profession, auquel cas l’auteur doit s’expliquer devant ses pairs.

Le juge McLachlin a examiné la question de savoir si les audiences disciplinaires en milieu carcéral étaient des procédures de nature criminelle et elle a conclu qu’elles n’en étaient pas. Elles visent plutôt à maintenir la discipline interne de l’établissement. Le juge McLachlin a dit, à la p. 20:

Les procédures disciplinaires internes auxquelles l’appelant a été soumis ne comportent pas les caractéristiques essentielles des procédures relatives à une infraction publique et criminelle. Elles visent non pas à punir pour une infraction criminelle, mais à maintenir l’ordre dans la prison. Conformément à cet objet, les procédures se déroulent de manière informelle, expéditive et privée. Aucun tribunal judiciaire n’intervient.

51 Le juge McLachlin a ensuite examiné la question de savoir si les conséquences accompagnant une déclaration de culpabilité prononcée dans le cadre d’une audience disciplinaire en milieu carcéral constituaient de «véritables conséquences pénales». Elle a cité les motifs dans lesquels le juge Wilson a défini, dans l’arrêt Wigglesworth, les véritables conséquences pénales (aux pp. 560 et 561):

Cela ne veut pas dire que la personne accusée d’une affaire privée, domestique ou disciplinaire qui est principalement destinée à maintenir la discipline, l’intégrité ou à réglementer une conduite dans une sphère d’activité privée et limitée, ne peut jamais posséder les droits que garantit l’art. 11. Certaines de ces affaires peuvent très bien relever de l’art. 11, non pas parce qu’il s’agit du genre d’affaires classiques destinées à relever de l’article, mais parce qu’elles comportent l’imposition de véritables conséquences pénales. À mon avis, une véritable conséquence pénale qui entraînerait l’application de l’art. 11 est l’emprisonnement ou une amende qui par son importance semblerait imposée dans le but de réparer le tort causé à la société en général plutôt que pour maintenir la discipline à l’intérieur d’une sphère d’activité limitée. [Je souligne.]

Le juge McLachlin a conclu que la peine infligée à M. Shubley par le tribunal disciplinaire de l’établissement -- l’isolement cellulaire pour une période de cinq jours à une diète minimale qui pourvoit aux besoins alimentaires essentiels -- ne constituait pas de véritables conséquences pénales. Elle a écrit, à la p. 23:

Je conclus que les sanctions que le directeur d’une prison peut imposer à un détenu pour inconduite ne constituent pas de «véritables conséquences pénales» au sens du critère de l’arrêt Wigglesworth. Puisqu’elles sont limitées à la façon dont le détenu doit purger sa peine et qu’elles ne comportent ni amende, ni peine d’emprisonnement, ces sanctions paraissent tout à fait proportionnées à l’objectif de promouvoir le respect de la discipline interne dans les prisons et elles n’ont ni l’ampleur ni les conséquences auxquelles on s’attendrait pour ce qui est de réparer les torts causés à la société en général.

52 Dans cet arrêt, le juge Wilson et moi‑même étions dissidents, ayant conclu que l’«isolement cellulaire» était une véritable conséquence pénale relevant du deuxième volet du critère de l’arrêt Wigglesworth. Dans ces motifs, j’avais conclu que l’«isolement cellulaire» était une punition de nature différente de l’incarcération à laquelle est soumise la population carcérale générale.

53 J’avais également fait remarquer que les effets importants et néfastes de l’isolement cellulaire étaient bien documentés et connus depuis longtemps. Dans l’arrêt Shubley, j’ai dit, à la p. 9:

L’homme connaît les prisons à l’intérieur des prisons depuis que les prisons existent. Dès que les châteaux ont eu des donjons, ceux‑ci ont comporté des endroits spéciaux pour la torture et l’isolement. Les effets pénibles de l’isolement ont été reconnus presque immédiatement quand l’incarcération a été conçue comme moyen de punir. Les prisons à l’intérieur des prisons existent aujourd’hui et l’isolement cellulaire en constitue un exemple. [Je souligne.]

Vu ces effets importants, l’isolement cellulaire n’est pas simplement une autre façon pour le détenu de purger sa peine d’emprisonnement. Il s’agit d’une peine de nature différente de l’incarcération générale qui restreint les libertés résiduelles dont jouit même la personne incarcérée. J’ai dit, aux pp. 9 et 10:

L’isolement cellulaire ne peut certainement pas être considéré comme une récompense pour bonne conduite. Il constitue en réalité une violation supplémentaire de tout ce qu’un détenu peut conserver de libertés résiduelles dans le contexte carcéral et on ne doit y recourir que lorsque cela est justifié. [. . .] Je conclus donc que l’isolement cellulaire doit être considéré comme une forme distincte de punition et que son imposition à l’intérieur d’une prison comporte une véritable conséquence pénale. [Je souligne.]

54 Cependant, je suis tenu de suivre les motifs exposés par les juges majoritaires dans l’arrêt Shubley, précité. En effet, je suis lié par ces motifs et je dois les suivre en toute loyauté. Il a été conclu dans l’arrêt Shubley que l’audience disciplinaire en milieu carcéral ne constitue pas une procédure de nature criminelle. En vertu de l’al. 3(2)a) de la Legal Services Society Act, le demandeur doit satisfaire aux deux volets du critère. Comme l’appelant n’a pas satisfait au premier volet, qui porte sur la nature des procédures, il n’y a aucune raison d’examiner le deuxième volet, qui porte sur les conséquences de celles‑ci. Il n’est pas nécessaire de répondre à la question de savoir si l’imposition de l’isolement disciplinaire (l’isolement cellulaire) constitue un emprisonnement.

2. L’alinéa 3(2)b): procédure de nature civile

55 Je dois à présent déterminer si des procédures disciplinaires susceptibles de conduire à l’isolement cellulaire sont visées par l’expression «procédure de nature civile» que contient l’al. 3(2)b). La définition de ce qui constitue une procédure «de nature civile» a varié. L’expression est le plus souvent utilisée pour faire la distinction entre cette procédure et la procédure «de nature criminelle»; il s’agit de la définition qui, de l’avis de l’appelant, donne le véritable sens de cet article. En d’autres termes, la procédure qui n’est pas de nature criminelle est, par définition, de nature civile. Le paragraphe 3(2) est donc exhaustif, car il vise toutes les procédures susceptibles de conduire à l’emprisonnement ou à l’internement.

56 Dans l’arrêt Landry, la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique a conclu que les audiences disciplinaires étaient des affaires internes concernant l’administration de l’établissement. Cependant, l’appelant soutient qu’une audience disciplinaire en milieu carcéral ne peut être ainsi caractérisée. Il souligne, pour étayer son point de vue, le fait qu’il n’y a ni contrat ni accord consensuel entre le détenu et l’établissement carcéral. Il soutient que c’est ce qui différencie la situation du détenu de celle des personnes appartenant à un syndicat ou un ordre professionnel, tel un barreau, qui ont volontairement et expressément choisi d’être liées par les règlements de cet organisme et qui peuvent être punies si elles y contreviennent.

57 Il est révélateur que le juge Dickson (plus tard Juge en chef) a soutenu ce point de vue dans les motifs concordants qu’il a exposés dans l’arrêt Martineau c. Comité de discipline de l’Institution de Matsqui, [1980] 1 R.C.S. 602 (Martineau no 2), à la p. 626:

Entre parenthèses, on fait parfois valoir cette notion d’un engagement contractuel de respecter les règles de discipline interne, une espèce de volens, à l’appui de l’argument en faveur d’une exception disciplinaire. Quel que puisse être le poids de cet argument dans d’autres contextes, il est totalement inapplicable dans le milieu carcéral. [Je souligne.]

58 De plus, l’appelant fait remarquer que la Société estime obligatoire la fourniture de services juridiques aux détenus qui font l’objet d’une audience postsuspension, d’une audience postrévocation ou d’une audience relative à la détention (White Paper: Core Services of the Legal Services Society of British Columbia (1994), à la p. 33). Il soutient qu’il n’existe aucune méthode structurée pour établir une distinction entre les audiences de ce type et les audiences disciplinaires en milieu carcéral. Dans toutes ces procédures, la liberté du détenu est potentiellement en jeu.

59 De son côté, la Société intimée soutient que le critère fondamental qui permet de déterminer si la procédure est de nature civile est le fait que cette dernière porte sur des droits [traduction] «de nature personnelle et privée». Les audiences disciplinaires en milieu carcéral ne sont pas des procédures de nature civile pour l’application de l’al. 3(2)b), parce qu’elles visent fondamentalement à maintenir l’ordre dans l’établissement. La Société établit entre l’audience postsuspension, l’audience postrévocation et l’audience relative à la détention, d’une part, et les audiences disciplinaires en milieu carcéral, d’autre part, une distinction sur le fondement des droits en cause; le contrevenant est titulaire d’un droit privé qui lui permet d’être libéré sous condition ou d’être libéré d’office et qui pourrait être touché par l’issue de l’audience postsuspension, de l’audience postrévocation ou de l’audience relative à la détention. Par contraste, la Société soutient que le principal objectif des audiences disciplinaires en milieu carcéral est de maintenir l’ordre et la discipline au sein de l’établissement et non de statuer sur des droits privés ni d’accorder des réparations par suite de la violation de tels droits. En bref, ces procédures sont de nature fondamentalement différente.

60 Le procureur général de la Colombie‑Britannique intimé fait valoir que le mot «procédure» utilisé à l’al. 3(2)b) doit être à juste titre limité aux procédures judiciaires, en raison de la procédure et des règles de preuve formelles qui font qu’une formation juridique est si utile dans ce cadre.

61 J’estime qu’il est clair que l’utilisation de l’expression «de nature civile» à l’al. 3(2)b) doit avoir un sens qui va au-delà de la détermination des droits de deux personnes l’une vis-à-vis l’autre. Interpréter ainsi l’expression «de nature civile» équivaut en fait à priver l’al. 3(2)b) de sens, car il est rare que l’emprisonnement ou l’internement résulte de la détermination des droits de particuliers entre eux. Tirer une telle conclusion serait contraire aux principes d’interprétation des lois énoncés dans l’arrêt Rizzo Shoes, précité, vu qu’il faut donner à cette expression un sens qui soit compatible avec la loi dans son ensemble.

62 Dans Black’s Law Dictionary (6e éd. 1990), le mot «civil» est défini de la façon suivante: [traduction] «Relatif à l’État ou à ses citoyens. Relatif aux droits et recours de nature privée exercés dans le cadre d’actions civiles par opposition à des procédures criminelles» (p. 244). L’expression «action civile» est définie de la façon suivante: [traduction] «Action intentée en vue d’obtenir l’exécution, le rétablissement ou la protection de droits privés. En général, tous les types d’actions autres que les procédures de nature criminelle» (p. 245). Cette définition est essentiellement compatible avec celle que propose la Société: l’expression «procédure de nature civile» définie à l’al. 3(2)b) renvoie à l’exécution, au rétablissement ou à la protection de droits privés.

63 Cependant, la Société a tort d’affirmer qu’aucun droit privé n’est en cause aux audiences disciplinaires en milieu carcéral. Dans l’arrêt Martineau no 2, précité, et la trilogie formée des arrêts R. c. Miller, [1985] 2 R.C.S. 613, Cardinal c. Directeur de l’établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643, et Morin c. Comité national chargé de l’examen des cas d’unités spéciales de détention, [1985] 2 R.C.S. 662, il a été expressément décidé que la personne incarcérée conserve une liberté résiduelle sur laquelle les mesures prises par les autorités de l’établissement peuvent avoir une incidence. Par exemple, dans l’arrêt Miller, précité, à la p. 637, le juge Le Dain écrit: «De fait, un prisonnier a le droit de ne pas être privé illégalement de la liberté relative ou résiduelle accordée à la population carcérale générale d’un établissement.» (Je souligne.) Bien que les détenus soient privés dans une large mesure de la liberté reconnue à la plupart des citoyens, ils continuent de jouir de la liberté accordée à la population carcérale générale.

64 L’audience disciplinaire en milieu carcéral peut entraîner l’isolement cellulaire du détenu pour une durée déterminée -- c’est‑à‑dire, une période d’incarcération à l’écart de la population carcérale générale. Il s’ensuit donc que les droits privés d’un détenu peuvent être et sont touchés par une audience disciplinaire en milieu carcéral. L’isolement cellulaire en tant que punition (isolement disciplinaire) ne peut être infligé qu’à l’issue d’une procédure quasi judiciaire, soit une audience disciplinaire en milieu carcéral. À ce titre, il peut donc être distingué d’avec l’isolement cellulaire visant simplement à maintenir l’ordre dans l’établissement (isolement préventif) ou à assurer le bien‑être du détenu (isolement protecteur). Par conséquent, à mon avis, une audience disciplinaire en milieu carcéral constitue une procédure de nature civile au sens de la définition prévue à l’al. 3(2)b) de la Legal Services Society Act.

65 Il ressort des conséquences et des effets de l’isolement cellulaire sur les détenus qu’il ne s’agit pas simplement d’une autre forme d’incarcération. Il s’agit plutôt d’une nouvelle privation de la liberté résiduelle que conserve le détenu. Les effets de l’isolement cellulaire ont été examinés par le juge Heald dans McCann c. La Reine, [1976] 1 C.F. 570 (1re inst.), une décision que M. Jackson a analysée en détail dans son ouvrage intitulé Prisoners of Isolation: Solitary Confinement in Canada (1983). Le juge Heald a dit très clairement qu’il acceptait le témoignage des détenus concernant les effets très inquiétants que l’isolement cellulaire avait eus sur eux. Il a conclu que l’incarcération du demandeur McCann et d’autres personnes à l’unité spéciale de correction du pénitencier de la Colombie‑Britannique (qui a été fermée depuis) constituait une peine ou un traitement cruel et inusité contraire à l’al. 2b) de la Déclaration canadienne des droits.

66 Le professeur Jackson fait remarquer qu’il est difficile de décrire ou de mesurer les effets de l’isolement cellulaire sur la psyché humaine et qu’il existe très peu d’ouvrages scientifiques en décrivant les effets psychologiques. La recherche a plutôt eu tendance à porter sur l’environnement physique dans lequel les détenus étaient isolés. Le professeur Jackson écrit, à la p. 64: [traduction] «Dostoevsky permet certainement mieux que Glanville Williams de comprendre ce que nous faisons, au nom du droit criminel, lorsque nous enfermons des hommes dans des cellules d’isolement». Il souligne que les détenus se plaignent davantage des effets dépresseurs très graves que des privations physiques qu’ils subissent en isolement cellulaire. Témoignant dans l’affaire McCann, précitée, le docteur George Scott, qui était à l’époque le premier psychiatre du Service canadien des pénitenciers, a dit, par exemple, que 11 pour 100 des détenus ayant fait l’objet d’un isolement cellulaire s’étaient tailladés, par opposition à 1 pour 100 des autres prisonniers, et que 6,4 pour 100 de ces détenus avaient tenté de se suicider, contre 0,9 pour 100 des autres détenus (McCann, à la p. 599). Le docteur Richard Korn, un expert dans le domaine de la criminologie et de la pénologie, a dit, dans le témoignage qu’il a rendu dans McCann, que le fait d’isoler, pendant une période prolongée, un prisonnier de ses pairs, c’est‑à‑dire de la société dans laquelle il a son rôle, son travail et ses amis, [traduction] «le condamne à survivre par des techniques qui le rendraient inapte à vivre parmi cette société ouverte» (p. 592).

67 Il est clair que l’isolement cellulaire n’est pas simplement une forme d’incarcération différente qui est cependant analogue à celle dont font l’objet les détenus en général. Ses effets peuvent être graves, débilitants et éventuellement permanents. Ils permettent de souligner et d’étayer la conclusion que l’isolement cellulaire constitue une restriction supplémentaire et grave de la liberté d’un détenu.

68 Rappelons que la Société fournit les services d’un avocat aux détenus qui font l’objet d’une audience postsuspension, d’une audience postrévocation ou d’une audience relative à la détention. Pourtant, dans les cas où l’isolement cellulaire est susceptible d’être infligé par suite d’une accusation d’infraction disciplinaire grave, les conséquences découlant d’une audience disciplinaire en milieu carcéral seront probablement aussi, voire davantage sérieuses que celles qui sont susceptibles de résulter des audiences pour lesquelles le détenu a droit aux services d’un avocat. Il n’existe aucune méthode structurée pour distinguer les unes des autres ces quatre procédures de nature civile qui sont différentes. Il s’ensuit que les audiences disciplinaires en milieu carcéral constituent des procédures de nature civile au sens de l’al. 3(2)b).

69 L’appelant a satisfait aux exigences du premier volet du critère énoncé à l’al. 3(2)b).

3. L’alinéa 3(2)b): l’internement ou l’emprisonnement

70 Le deuxième volet du critère auquel l’appelant doit satisfaire pour avoir gain de cause dans le présent pourvoi consiste à établir qu’il «est susceptible d’être emprisonn[é] ou intern[é]» à l’issue de l’audience disciplinaire en milieu carcéral. Ayant fait l’objet d’une accusation en vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, l’appelant a passé 38 jours en tout en isolement cellulaire.

71 Dans l’arrêt Shubley, précité, il a été décidé que l’«isolement cellulaire» ne constituait pas un emprisonnement. À la p. 23, le juge McLachlin écrit, au nom des juges majoritaires:

Je conclus que les sanctions que le directeur d’une prison peut imposer à un détenu pour inconduite ne constituent pas de «véritables conséquences pénales» au sens du critère de l’arrêt Wigglesworth. Puisqu’elles sont limitées à la façon dont le détenu doit purger sa peine et qu’elles ne comportent ni amende, ni peine d’emprisonnement, ces sanctions paraissent tout à fait proportionnées à l’objectif de promouvoir le respect de la discipline interne dans les prisons et elles n’ont ni l’ampleur ni les conséquences auxquelles on s’attendrait pour ce qui est de réparer les torts causés à la société en général. [Je souligne.]

L’emprisonnement est clairement une véritable conséquence pénale au sens de l’arrêt Wigglesworth, précité. On peut donc déduire que si l’isolement cellulaire n’est pas une véritable conséquence pénale, il ne peut être assimilé à un emprisonnement distinct de l’incarcération dont le détenu fait déjà l’objet. La question qui reste à trancher est de savoir si l’isolement cellulaire constitue un «internement» au sens de l’al. 3(2)b).

72 Il convient de noter que la Société concède que les audiences disciplinaires en milieu carcéral dont l’appelant fait l’objet sont susceptibles de conduire à son internement aux termes de l’al. 3(2)b). Le procureur général de la Colombie‑Britannique conteste cette concession. Il soutient que l’al. 3(2)b) vise plutôt à fournir des services juridiques à la personne qui fait l’objet d’une procédure de nature civile [traduction] «qui entraîne l’exercice du pouvoir d’emprisonner ou d’interner auquel cette personne n’est normalement pas assujettie. Comme les détenus sont déjà incarcérés, le pouvoir d’emprisonner ou d’interner a déjà été exercé dans leur cas» (je souligne). En fait, le procureur général soutient qu’une personne déjà incarcérée ne peut être internée.

73 J’estime, avec égards, que cette prétention doit être rejetée. Il ressort très clairement de l’arrêt Martineau no 2, précité, et de la trilogie formée des arrêts Miller, Morin et Cardinal, précités, que les personnes incarcérées conservent une liberté résiduelle, qui peut être définie comme le droit d’être traité de la même façon que les autres membres de la population carcérale générale. Même si ces arrêts portaient sur l’obligation des autorités carcérales d’agir de façon équitable lorsqu’elles punissent les détenus, ils reconnaissent implicitement que les détenus conservent certains droits privés exécutoires. Voir par exemple la déclaration suivante du juge Le Dain dans l’arrêt Miller, précité, à la p. 641:

L’incarcération dans une unité spéciale de détention, ou en ségrégation administrative comme c’était le cas dans l’affaire Cardinal, constitue une forme de détention qui est tout à fait distincte de celle imposée à la population carcérale générale. Elle entraîne une diminution importante de la liberté résiduelle du détenu. Il s’agit en fait d’une nouvelle détention qui est censée avoir son propre fondement juridique. [Je souligne.]

Le juge Le Dain a soigneusement établi une distinction entre les «forme[s] distincte[s] de détention dans [lesquelles] la contrainte physique réelle ou la privation de liberté [. . .] est plus restrictive ou sévère que cela est normalement le cas dans un établissement carcéral» et «la simple perte de certains privilèges» (p. 641). Ces propos sont compatibles avec le point de vue qu’il a exprimé dans l’arrêt Cardinal, précité, à la p. 653, selon lequel le placement du détenu en isolement préventif ou dans une unité spéciale de détention est une «form[e] de détention beaucoup plus restrictiv[e] et sévèr[e] que celle qui est imposée à la population carcérale générale».

74 L’alinéa 44(1)f) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, prévoit que le détenu déclaré coupable d’une «infraction disciplinaire grave» est passible d’une peine d’«isolement pour un maximum de trente jours». Il ressort clairement de la trilogie d’arrêts susmentionnée que l’isolement, qu’il soit préventif, comme c’était le cas dans l’arrêt Cardinal, ou disciplinaire, comme c’est le cas en l’espèce, est une forme d’incarcération plus restrictive que l’incarcération imposée à la population carcérale générale. Elle prive les détenus de la liberté résiduelle dont ils jouissent dans nos pénitenciers. Cette privation représente un nouvel internement de l’appelant dans une prison à l’intérieur d’une prison. Il s’agit certainement d’un «internement» au sens de l’al. 3(2)b).

75 L’isolement cellulaire a eu et aura sans doute des effets importants et néfastes sur les prisonniers. Néanmoins, il se peut que cette punition doive parfois être infligée pour protéger les autres prisonniers et les gardiens et pour assurer le respect d’une norme disciplinaire convenable dans l’établissement. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le maintien de l’ordre dans un établissement à sécurité moyenne ou à sécurité maximale doit parfois être une tâche ardue. Pourtant, le maintien de l’ordre dans l’établissement est essentiel pour toutes les personnes qui s’y trouvent. C’est en raison des effets et conséquences éventuels de l’isolement cellulaire que l’audience doit être équitable. Or, l’équité exige que les services d’un avocat soient fournis au détenu.

76 Les motifs concordants rédigés par le juge MacGuigan de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Howard c. Établissement Stony Mountain, [1984] 2 C.F. 642, sont utiles pour apprécier la nécessité que des services juridiques soient fournis aux détenus faisant l’objet d’audiences disciplinaires en milieu carcéral. Il a estimé que la présence d’un avocat représentant le détenu était essentielle dans le cas d’audiences susceptibles de faire perdre au détenu une réduction de peine qu’il avait méritée. Il a écrit, à la p. 688:

En dernière analyse, exception faite peut‑être des situations extrêmement simples, je ne peux imaginer de cas où l’éventualité d’une perte de réduction de peine méritée n’entraînerait pas la nécessité d’avoir recours aux services d’un avocat. En fait, la probabilité qu’il faille faire appel aux services d’un avocat pour se défendre adéquatement contre des accusations susceptibles d’entraîner de telles conséquences est telle qu’à mon avis elle équivaut en réalité à une présomption en faveur de la représentation par avocat, et le président du tribunal se devrait de justifier toute entorse à cette présomption. [Je souligne.]

Un détenu mérite une réduction de peine lorsqu’il se conduit bien. Par contre, il peut perdre une telle réduction de peine lorsque des mesures disciplinaires sont prises contre lui en vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Une réduction de peine méritée réduit la durée de la période d’incarcération du détenu mais n’a pas d’incidence sur la façon dont il est incarcéré.

77 En comparaison, l’isolement cellulaire, qui entraîne une perte très réelle de privilèges, peut avoir une grande incidence sur la façon dont le détenu est incarcéré, tout en influant sur son droit de mériter une réduction de peine. Le fait d’être représenté par un avocat revêt de toute évidence une importance encore plus grande lorsque l’isolement cellulaire est susceptible d’être infligé comme peine.

78 En résumé:

1. Vu l’accusation d’infraction disciplinaire grave portée contre lui, l’appelant risque de se voir infliger une peine d’isolement cellulaire.

2. Les procédures disciplinaires sont des procédures de nature civile au sens de l’al. 3(2)b) de la Legal Services Society Act.

3. L’isolement cellulaire constitue un internement au sens de l’al. 3(2)b).

4. Il s’ensuit que l’appelant a satisfait aux exigences de l’al. 3(2)b) de la Legal Services Society Act et qu’il a droit aux services d’un avocat à l’audience disciplinaire.

5. Vu les conclusions tirées dans les présents motifs, j’estime, avec égards, ne pas pouvoir souscrire à l’arrêt Landry, précité, de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique.

V. Les dépens

79 L’appelant cherche à obtenir que les dépens soient adjugés en sa faveur dans notre Cour et dans les cours de juridiction inférieure comme entre procureur et client. Or, il est bien établi qu’il est inhabituel d’adjuger des dépens comme entre procureur et client. De tels dépens ne doivent être adjugés que si le comportement de la partie déboutée rend l’affaire inhabituelle. Voir K. Roach, Constitutional Remedies in Canada (feuilles mobiles), au par. 11.860. Par exemple, notre Cour a adjugé des dépens comme entre procureur et client dans une affaire où elle était d’avis que la partie déboutée n’aurait pas dû intenter l’action ou qu’elle avait agi autrement d’une façon déraisonnable. Voir Palachik c. Kiss, [1983] 1 R.C.S. 623. De tels dépens ont également été adjugés dans un cas où l’intimé, qui n’avait pas de ressources financières et ne voulait pas saisir notre Cour de l’affaire, a eu gain de cause dans le cadre d’une affaire qui revêtait une importance considérable pour un groupe ou une catégorie importante de personnes: Roberge c. Bolduc, [1991] 1 R.C.S. 374. Une exception a également été faite lorsqu’un groupe de défense de l’intérêt public, partie intimée, a eu gain de cause. Voir l’arrêt Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3, à la p. 80, dans lequel le juge La Forest a accordé des dépens comme entre procureur et client à la Société «compte tenu de la situation de cette dernière et du fait que les ministères fédéraux ont été joints comme appelants même s’ils n’avaient pas auparavant présenté une demande d’autorisation de pourvoi à notre Cour».

80 Il est certainement vrai que, fidèle à la plus pure tradition du barreau, l’avocat de l’appelant s’est efforcé, avec diligence et savoir‑faire, de représenter du mieux qu’il le pouvait l’appelant, qui était dépourvu de ressources financières. À ce titre, il mérite des éloges. Néanmoins, aucun aspect de la présente affaire ni du comportement de la Société ou du procureur général de la Colombie‑Britannique ne justifie l’adjudication de dépens comme entre procureur et client. En conséquence, l’appelant a droit aux dépens sur la base des frais entre parties dans toutes les cours.

VI. Le dispositif

81 L’appelant est une «personne admissible» au sens de l’al. 3(2)b) de la Legal Services Society Act et il a droit aux services juridiques que requiert son audience disciplinaire. Le pourvoi est donc accueilli avec dépens dans toutes les cours.

Pourvoi accueilli avec dépens, le juge Cory est dissident en partie.

Procureurs de l’appelant: Conroy & Company, Abbotsford, B.C.

Procureurs de l’intimée la Legal Services Society: MacAdams Law Firm, Abbotsford, B.C.; Legal Services Society, Vancouver.

Procureur de l’intimé le procureur général de la Colombie-Britannique: Le ministère du Procureur général, Vancouver.


Synthèse
Référence neutre : [1999] 3 R.C.S. 160 ?
Date de la décision : 15/09/1999

Parties
Demandeurs : Winters
Défendeurs : Legal Services Society
Proposition de citation de la décision: Winters c. Legal Services Society, [1999] 3 R.C.S. 160 (15 septembre 1999)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1999-09-15;.1999..3.r.c.s..160 ?
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