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17/09/1999 | CANADA | N°[1999]_3_R.C.S._343

Canada | Abouchar c. Conseil scolaire de langue française d’Ottawa-Carleton -- Section publique, [1999] 3 R.C.S. 343 (17 septembre 1999)


Abouchar c. Conseil scolaire de langue française d’Ottawa‑Carleton-- Section publique, [1999] 3 R.C.S. 343

Alfred Abouchar Appelant

c.

Conseil scolaire de langue française d’Ottawa‑Carleton

-- Section publique, Rosaire Léger, superviseur et

Sa Majesté la Reine du chef de l’Ontario

(Ministère des Affaires municipales) Intimés

Répertorié: Abouchar c. Conseil scolaire de langue française d’Ottawa‑Carleton

-- Section publique

No du greffe: 25899.

1998: 10 novembre; 1999: 17 septembre.

Présents: Les

juges L’Heureux‑Dubé, Gonthier, Cory, McLachlin, Iacobucci, Major et Binnie.

en appel de la cour d’appel de l’ontario

POURVOI contre u...

Abouchar c. Conseil scolaire de langue française d’Ottawa‑Carleton-- Section publique, [1999] 3 R.C.S. 343

Alfred Abouchar Appelant

c.

Conseil scolaire de langue française d’Ottawa‑Carleton

-- Section publique, Rosaire Léger, superviseur et

Sa Majesté la Reine du chef de l’Ontario

(Ministère des Affaires municipales) Intimés

Répertorié: Abouchar c. Conseil scolaire de langue française d’Ottawa‑Carleton

-- Section publique

No du greffe: 25899.

1998: 10 novembre; 1999: 17 septembre.

Présents: Les juges L’Heureux‑Dubé, Gonthier, Cory, McLachlin, Iacobucci, Major et Binnie.

en appel de la cour d’appel de l’ontario

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario, [1997] O.J. No. 125 (QL), qui a accueilli un appel formé contre une décision de la Cour de l’Ontario (Division générale), [1993] O.J. No. 2854 (QL), qui avait déclaré que l’art. 7 de la Loi sur l’immunité des personnes exerçant des attributions d’ordre public ne s’appliquait pas et que l’action de l’appelant n’était donc pas irrecevable. Pourvoi accueilli, le juge Major dissident.

Denis J. Power, c.r., et Steven Welchner, pour l’appelant.

Paul S. Rouleau et Bruce Hutchison, pour les intimés.

Version française du jugement des juges L’Heureux-Dubé, Gonthier, Cory, McLachlin, Iacobucci et Binnie rendu par

1 LE JUGE BINNIE -- La présente affaire porte sur une plainte de congédiement injustifié déposée par un ancien surintendant de l’éducation contre l’intimé, le Conseil scolaire de langue française d’Ottawa-Carleton -- Section publique. Le Conseil scolaire demande le rejet de l’action intentée contre lui en invoquant l’art. 7 de la Loi sur l’immunité des personnes exerçant des attributions d’ordre public, L.R.O. 1990, ch. P.38 (la «Loi»), dont le passage pertinent précise que nulle action n’est recevable contre quiconque pour un acte accompli dans l’exercice «d’une fonction ou d’un pouvoir prévus par la loi ou d’ordre public», si elle n’est pas intentée dans les six mois qui suivent l’acte reproché. Tant devant notre Cour que devant les juridictions inférieures la présente affaire a été plaidée en même temps que l’affaire Des Champs c. Conseil des écoles séparées catholiques de langue française de Prescott-Russell, [1999] 3 R.C.S. 281, dans laquelle des motifs sont également déposés aujourd’hui. Compte tenu de l’analyse faite dans l’affaire Des Champs, l’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario dans la présente affaire ne peut pas non plus être maintenu, et la décision du juge des requêtes rejetant la défense fondée sur le délai spécial de prescription doit être rétablie. Le pourvoi est donc accueilli.

Les faits

2 Le 13 septembre 1991, à la demande du ministre des Affaires municipales, la Commission des affaires municipales de l’Ontario a, en vertu des dispositions extraordinaires de la partie III de la Loi sur les affaires municipales, L.R.O. 1980, ch. 303, pris un ordre conférant au ministre des pouvoirs considérables à l’égard de la situation financière du Conseil scolaire intimé. Pendant l’exercice précédent, le Conseil scolaire avait accumulé un déficit de plus de 18 millions de dollars et prévoyait un déficit supplémentaire de 23,1 millions de dollars pour l’exercice alors en cours, de sorte que, des 72 conseils scolaires ontariens qui avaient considérablement excédé leur budget, il se trouvait parmi ceux dont la performance était la moins reluisante. L’ordre de la Commission des affaires municipales a autorisé le ministre à nommer l’intimé Rosaire Léger superviseur de la Section publique du Conseil scolaire, en lui donnant le mandat d’assainir la situation financière et d’exercer d’autres pouvoirs prévus par la Loi. Par suite de la restructuration subséquente de la Section publique du Conseil scolaire orchestrée par M. Léger, des réductions budgétaires de l’ordre de 35 pour 100 ont été imposées aux écoles et 136 employés du Conseil scolaire lui‑même ont été déclarés excédentaires, notamment deux postes de surintendant.

3 Dans une lettre datée du 28 avril 1992, l’appelant a été avisé que son poste était l’un des deux postes de surintendant déclarés excédentaires en application de l’art. 7 du Règl. 309 des R.R.O. 1990, pris en vertu de la Loi sur l’éducation, L.R.O. 1990, ch. E.2. Il a également été avisé qu’il serait muté à un poste comportant des responsabilités similaires en matière de supervision et d’administration. En septembre 1992, l’appelant a été muté à un poste d’agent de projet. Il estime que ce poste est un piètre substitut et que la décision de le muter à ce poste va à l’encontre du droit de profiter des dispositions du Règlement 309 que lui accorde son contrat de travail.

4 Dans la présente affaire, l’action a été intentée contre le Conseil scolaire, M. Rosaire Léger et le ministère des Affaires municipales le 7 mai 1993, soit plus d’un an après les événements ayant donné naissance à la plainte de l’appelant. Ce dernier affirme qu’il a à toutes fins pratiques été congédié le 28 juillet 1993.

L’historique des procédures judiciaires

5 Pour les motifs qu’il a exposés dans Des Champs c. Conseil des écoles séparées catholiques de langue française de Prescott-Russell (1993), 16 O.R. (3d) 278, le juge des requêtes n’a pas retenu l’argument des défendeurs que l’action de M. Abouchar était prescrite par application de l’art. 7 de la Loi: [1993] O.J. No. 2854 (QL). Cependant, la Cour d’appel de l’Ontario a accueilli l’appel interjeté par les défendeurs et rejeté l’action de M. Abouchar parce qu’elle n’avait pas été intentée dans le délai de prescription de six mois prévu: [1997] O.J. No. 125 (QL). En l’espèce, contrairement à l’affaire Des Champs, il semble qu’aucune demande sollicitant le rejet de l’action contre les défendeurs individuellement n’ait été présentée.

L’analyse

6 Dans le présent pourvoi, tout comme dans l’affaire Des Champs, la plainte de l’appelant découle de mesures de réorganisation d’un conseil scolaire prises dans l’intérêt public. Toute action visant la réorganisation elle-même aurait dû être intentée dans le délai de six mois. Cependant, tout comme dans Des Champs, la plainte de l’appelant ne vise pas la réorganisation elle-même, mais plutôt les mesures de mise en œuvre interne requises par cette réorganisation. Plus précisément, la plainte vise le fait que ce soit le poste de l’appelant qu’on ait choisi de déclarer excédentaire alors que, selon lui, si le Conseil scolaire avait bien appliqué ses propres règles en matière d’ancienneté, le couperet aurait plutôt dû tomber sur le poste d’un de ses collègues.

7 Le présent cas soulève donc le même type de questions de régie interne que celles analysées dans Des Champs. Bien que le Règlement 309 ait un aspect «public», je suis d’avis que l’action de l’appelant se rapporte à des fonctions du Conseil intimé qui sont accessoires ou incidentes à l’exécution directe de sa mission publique et qui ont principalement un caractère privé. Par conséquent, l’action n’est pas visée par le délai spécial de prescription de six mois prévu par l’art. 7 de la Loi.

Le dispositif

8 Le pourvoi est accueilli avec dépens, l’ordonnance de la Cour d’appel de l’Ontario est infirmée et l’ordonnance du juge des requêtes datée du 25 novembre 1993 est rétablie, ce qui permettra à l’action intentée par l’appelant contre les intimés d’être instruite au fond.

Version française des motifs rendus par

9 Le juge Major (dissident) — Le présent pourvoi a été entendu en même temps que l’affaire Des Champs c. Conseil des écoles séparées catholiques de langue française de Prescott‑Russell, [1999] 3 R.C.S. 281, dans laquelle des motifs sont également déposés aujourd’hui. Comme aucune distinction ne peut être faite entre le présent cas et l’affaire Des Champs, je suis donc d’avis que la Cour d’appel de l’Ontario ([1997] O.J. No. 125 (QL)) a eu raison de conclure que le par. 7(1) de la Loi sur l’immunité des personnes exerçant des attributions d’ordre public, L.R.O. 1990, ch. P.38, s’appliquait et rendait l’action de l’appelant irrecevable.

10 Je suis d’accord avec la conclusion de la Cour d’appel que les allégations de mauvaise foi étaient insuffisantes pour justifier que l’on permette à l’affaire de suivre son cours. Le demandeur qui plaide la mauvaise foi ne doit pas se contenter d’invoquer ce motif, il doit alléguer des faits précis qui, s’ils étaient prouvés, justifieraient le tribunal de trancher en sa faveur. Le simple fait d’invoquer la discrimination raciale ne suffit pas. Tout comme la mauvaise foi, la discrimination est une conclusion de droit qui doit être fondée sur des faits énoncés avec précision.

11 Je suis d’avis de rejeter le pourvoi avec dépens.

Pourvoi accueilli avec dépens, le juge Major dissident.

Procureurs de l’appelant: Nelligan Power, Ottawa.

Procureurs des intimés: Genest Murray DesBrisay Lamek, Toronto.


Synthèse
Référence neutre : [1999] 3 R.C.S. 343 ?
Date de la décision : 17/09/1999
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Prescription - Autorités publiques -- Conseil scolaire - Poste de surintendant déclaré excédentaire par le Conseil scolaire et mutation de l’employé à un poste ne comportant pas de tâches de supervision - Action intentée par le surintendant plus d’un an après les événements ayant donné naissance à la cause d’action - Est‑ce que le délai de prescription de six mois prévu par la Loi sur l’immunité des personnes exerçant des attributions d’ordre public s’applique et rend l’action irrecevable? - Loi sur l’immunité des personnes exerçant des attributions d’ordre public, L.R.O. 1990, ch. P.38, art. 7.

L’appelant occupait un poste de surintendant au sein du Conseil scolaire intimé. Le Conseil scolaire a été restructuré et le poste de l’appelant a été déclaré excédentaire. L’appelant a alors été muté à un poste d’agent de projet. Plus d’un an après les événements ayant donné naissance à sa plainte, l’appelant a pris action, invoquant les droits prévus au par. 7(2) du Règlement 309 pris en vertu de la Loi sur l’éducation que lui accordait son contrat de travail. Les intimés ont, par voie de requête, demandé le rejet de l’action en invoquant le délai de prescription prévu par l’art. 7 de la Loi sur l’immunité des personnes exerçant des attributions d’ordre public. Cette requête a été rejetée par le juge qui en était saisi, mais la Cour d’appel a annulé cette décision, concluant à l’irrecevabilité de l’action par l’effet du délai de prescription de six mois. La présente affaire soulève les mêmes questions que celles analysées dans le pourvoi connexe Des Champs c. Conseil des écoles séparées catholiques de langue française de Prescott‑Russell, [1999] 3 R.C.S. 281.

Arrêt (le juge Major est dissident): Le pourvoi est accueilli.

Les juges L’Heureux‑Dubé, Gonthier, Cory, McLachlin, Iacobucci et Binnie: Le délai de prescription de six mois prévu par l’art. 7 de la Loi sur l’immunité des personnes exerçant des attributions d’ordre public ne s’applique pas. La plainte de l’appelant vise la mise en œuvre interne des mesures de réorganisation du Conseil et le fait que ce soit le poste de l’appelant qu’on ait choisi de déclarer excédentaire. L’action de l’appelant se rapporte à des fonctions du Conseil qui sont accessoires ou incidentes à l’exécution directe de sa mission publique et qui ont principalement un caractère privé. L’ordonnance du juge des requêtes déclarant inapplicable l’art. 7 de la Loi est rétablie, ce qui permettra à l’action intentée par l’appelant contre les intimés d’être instruite au fond.

Le juge Major (dissident): Aucune distinction ne peut être faite entre le présent cas et l’affaire Des Champs c. Conseil des écoles séparées catholiques de langue française de Prescott‑Russell. La Cour d’appel a eu raison de conclure que l’art. 7 s’appliquait et rendait l’action irrecevable. Les allégations de mauvaise foi étaient insuffisantes pour justifier que l’on permette à l’affaire de suivre son cours.


Parties
Demandeurs : Abouchar
Défendeurs : Conseil scolaire de langue française d’Ottawa-Carleton -- Section publique

Références :

Jurisprudence
Citée par le juge Binnie
Arrêt suivi: Des Champs c. Conseil des écoles séparées catholiques de langue française de Prescott‑Russell, [1999] 3 R.C.S. 281.
Citée par le juge Major (dissident)
Des Champs c. Conseil des écoles séparées catholiques de langue française de Prescott‑Russell, [1999] 3 R.C.S. 281.
Lois et règlements cités
Loi sur l’éducation, L.R.O. 1990, ch. E.2.
Loi sur l’immunité des personnes exerçant des attributions d’ordre public, L.R.O. 1990, ch. P.38, art. 7.
Loi sur les affaires municipales, L.R.O. 1980, ch. 303, partie III.
R.R.O. 1990, Règl. 309, art. 7.

Proposition de citation de la décision: Abouchar c. Conseil scolaire de langue française d’Ottawa-Carleton -- Section publique, [1999] 3 R.C.S. 343 (17 septembre 1999)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1999-09-17;.1999..3.r.c.s..343 ?
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