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20/12/2001 | CANADA | N°2001_CSC_90

Canada | Holt Cargo Systems Inc. c. ABC Containerline N.V. (Syndics de), 2001 CSC 90 (20 décembre 2001)


Holt Cargo Systems Inc. c. ABC Containerline N.V. (Syndics de), [2001] 3 R.C.S. 907, 2001 CSC 90

Frans G. A. De Roy et Thierry Van Doosselaere, en qualité

de syndics de faillite de ABC Containerline N.V.,

les propriétaires, affréteurs et toutes autres personnes

ayant un droit sur le navire « Brussel », et le navire « Brussel » Appelants

c.

Holt Cargo Systems Inc. Intimée

Répertorié : Holt Cargo Systems Inc. c. ABC Containerline N.V. (Syndics de)

Référence neutre : 2001 CSC 90.

No du greffe : 27290.

2001 : 20 mars

; 2001 : 20 décembre.

Présents : Le juge en chef McLachlin et les juges L’Heureux‑Dubé, Gonthier, Iacobucci, Major, Ba...

Holt Cargo Systems Inc. c. ABC Containerline N.V. (Syndics de), [2001] 3 R.C.S. 907, 2001 CSC 90

Frans G. A. De Roy et Thierry Van Doosselaere, en qualité

de syndics de faillite de ABC Containerline N.V.,

les propriétaires, affréteurs et toutes autres personnes

ayant un droit sur le navire « Brussel », et le navire « Brussel » Appelants

c.

Holt Cargo Systems Inc. Intimée

Répertorié : Holt Cargo Systems Inc. c. ABC Containerline N.V. (Syndics de)

Référence neutre : 2001 CSC 90.

No du greffe : 27290.

2001 : 20 mars; 2001 : 20 décembre.

Présents : Le juge en chef McLachlin et les juges L’Heureux‑Dubé, Gonthier, Iacobucci, Major, Bastarache, Binnie, Arbour et LeBel.

en appel de la cour d’appel fédérale

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel fédérale (1999), 173 D.L.R. (4th) 493, 239 N.R. 114, [1999] A.C.F. no 337 (QL), confirmant un jugement de la Section de première instance, [1997] 3 C.F. 187, 127 F.T.R. 244, 146 D.L.R. (4th) 736, 46 C.B.R. (3d) 169, [1997] A.C.F. no 409 (QL). Pourvoi rejeté.

David G. Colford, pour les appelants.

Thomas E. Hart et Jane O’Neill, pour l’intimée.

Version française du jugement de la Cour rendu par

1 Le juge Binnie -- Les problèmes de faillites internationales ont récemment fait l’objet de nombreux commentaires jurisprudentiels et doctrinaux. Dans le présent pourvoi, nous devons décider si des procédures en droit maritime qu’une créancière américaine a engagées contre un navire belge devant un tribunal canadien auraient dû être suspendues par déférence pour le tribunal belge saisi de la faillite subséquente du propriétaire belge du navire. Cette déférence pour le tribunal de faillite belge découlait, soutient-on, des principes de courtoisie internationale. Malgré les avantages évidents qu’offre la coordination internationale des faillites ayant des répercussions financières dans plus d’un ressort, la Cour fédérale du Canada a refusé de suspendre ses procédures en droit maritime canadien. C’est cette décision qui fait l’objet du présent pourvoi. L’arrêt connexe, Re Antwerp Bulkcarriers, N.V., [2001] 3 R.C.S. 951, 2001 CSC 91, rendu simultanément, fait suite à l’appel interjeté contre un arrêt de la Cour d’appel du Québec portant sur l’aspect « faillite » des procédures concomitantes et étroitement liées.

2 Voici un bref historique du présent litige. Le 30 mars 1996, le N/M « Brussel » ( le « navire ») a été saisi dans les eaux canadiennes, près de l’entrée du port de Halifax, conformément à une ordonnance de la Cour fédérale du Canada. Une semaine plus tard, le propriétaire du navire, dont le passif excédait largement l’actif, a fait cession de ses biens à Anvers, en Belgique. La créancière américaine, Holt Cargo Systems Inc. (« Holt »), a maintenu son action in rem. Quatre mois plus tard, après une pluie de requêtes et de demandes en Cour fédérale et en Cour supérieure du Québec siégeant en matière de faillite, ponctuée d’interventions de la part de la Onzième Chambre du Tribunal de commerce du district judiciaire d’Anvers (le « tribunal de faillite belge ») et d’une ordonnance connexe délivrée par un tribunal de faillite américain, le navire a été vendu malgré l’opposition des syndics de faillite. La Cour fédérale a décidé que le produit de la vente serait réparti ultérieurement entre les créanciers garantis, dont l’intimée, selon l’issue du présent pourvoi.

3 La Cour supérieure du Québec siégeant en matière de faillite ( le « tribunal de faillite canadien ») a joué un rôle potentiellement important en répondant à la demande de concours présentée par le Tribunal de commerce belge exerçant compétence en matière de faillite. Cependant, j’estime que les syndics ont demandé au tribunal de faillite canadien un concours plus important que ce qui pouvait être accordé légalement, et que la Cour fédérale n’a commis aucune erreur de principe en refusant la suspension des procédures en droit maritime.

4 En conséquence, je suis d’avis de rejeter le pourvoi.

I. Les faits

5 Le navire a été saisi à Halifax en vertu d’un mandat de saisie décerné à la demande de Holt, une compagnie américaine constituée en vertu des lois du New Jersey. Le mandat de saisie a été décerné dans le cadre d’une action in rem que Holt avait intentée le même jour devant la Cour fédérale du Canada contre les « propriétaires, affréteurs et toutes autres personnes ayant un droit sur le navire », et le navire lui-même. Le N/M « Brussel » appartenait à Antwerp Bulkcarriers, N.V. qui, conjointement avec d’autres compagnies étroitement liées, exploitait une entreprise de transport maritime international de marchandises.

6 L’action de Holt visait le paiement des services d’acconage et autres services connexes fournis au navire à Gloucester City (New Jersey), aux États-Unis, entre 1994 et 1996 inclusivement. Aucune partie de la dette n’a été contractée au Canada, et ni le navire ni ses créanciers n’avaient leur lieu de résidence habituelle au Canada.

7 À la suite de la saisie du navire, les propriétaires de la cargaison et des conteneurs, les expéditeurs, les fournisseurs, les assureurs et d’autres personnes ont également déposé des réclamations en Cour fédérale. En tout, des déclarations ont été déposées dans le cadre de 27 actions distinctes. De plus, réagissant à l’ordonnance d’évaluation et de vente du navire délivrée par la Cour fédérale et analysée plus loin, plus de 20 réclamants ont déposé des avis de réclamation dans l’action in rem de Holt contre le navire.

8 Le 5 avril 1996, soit une semaine après la saisie du navire, le propriétaire du navire a été mis en faillite par le tribunal de faillite belge, qui a désigné les appelants T. Van Doosselaere et F. De Roy syndics de faillite (les « syndics »). Sous le régime du droit belge, les syndics étaient tenus de prendre possession de tous les éléments d’actif de la société de portefeuille faillie et de ses sociétés affiliées faillies, où qu’ils soient. Les principaux éléments d’actif du groupe de sociétés faillies étaient six cargos dont au moins cinq étaient saisis dans des ports d’Israël, de Singapour, de Nouvelle-Zélande, des Bahamas et, comme nous l’avons vu, du Canada, au moment de l’ordonnance de faillite. D’autres éléments d’actif appartenant aux débiteurs ou loués par eux, notamment du fret et des conteneurs d’expédition impayés, avaient également été saisis, retenus ou menacés de saisie à différents endroits dans le monde. Dans les ressorts où des procédures avaient été engagées contre les débiteurs, les syndics ont présenté des demandes visant à faire lever la saisie des éléments d’actif des faillies, à empêcher d’autres saisies de leurs éléments d’actifs et à obtenir que toutes les réclamations les visant soient présentées dans le cadre des procédures de faillite en Belgique.

9 Aux prises avec cette situation difficile, les syndics appelants ont souligné, à maintes reprises, en Cour fédérale la nécessité de la coopération internationale pour régler les faillites et les insolvabilités qui débordent les frontières nationales. Ils prônaient ainsi la déférence pour les tribunaux belges, qui sont les tribunaux du domicile des faillies. Ils ont fait valoir que le respect de ce qu’on appelle parfois la [traduction] « règle de l’appropriation », suivant laquelle chaque tribunal national s’occupe des éléments d’actif situés dans son propre ressort au profit des créanciers qui obtiennent gain de cause devant lui, nuit à l’ordre et à l’équité internationales. (Comme nous le verrons, ces observations sont très justes.)

10 L’approche « universaliste » préconisée par les syndics appelants a été énoncée dans une série de requêtes et de demandes déposées devant les tribunaux du Québec et la Cour fédérale du Canada. On trouve un résumé détaillé de l’historique procédural complexe du présent litige à l’annexe de l’arrêt connexe Antwerp Bulkcarriers, N.V., précité. Voici un résumé des requêtes et des demandes les plus pertinentes en l’espèce :

3 mai 1996

Les syndics appelants comparaissent devant le juge MacKay de la Section de première instance de la Cour fédérale pour appuyer le déplacement du navire vers un [traduction] « poste d’amarrage sûr » à Halifax et pour qu’il y « demeure sous saisie jusqu’à ce que notre cour en ordonne autrement ». L’ordonnance est accordée. Le navire est déplacé et reste au même endroit jusqu’à sa vente, le 1er août 1996.

9 mai 1996

Les syndics appelants déposent une requête ex parte devant la Cour supérieure du Québec, Chambre civile (c’est-à-dire non désignée comme siégeant en matière de faillite), et obtiennent une ordonnance qui [traduction] « reconn[aît] et déclar[e] exécutoir[e] au Québec » l’ordonnance de faillite délivrée en Belgique (je souligne).

13 mai 1996

Les syndics appelants demandent à la Cour fédérale d’ajourner les procédures in rem contre le navire pour une période de quatre semaines afin de leur permettre d’obtenir plus de renseignements sur les réclamations et l’actif de la faillie. Ils ne s’engagent pas à produire une défense à l’action et n’indiquent pas non plus qu’il existe un moyen de défense valide. Le juge MacKay s’inquiète du fait que le navire est saisi depuis six semaines et que les droits de bassin et autres dépenses s’accumulent. Il conclut qu’il exerce une compétence en droit maritime et non une compétence en matière de faillite. L’ajournement est refusé.

14 mai 1996

Faute de défense, un jugement ordonnant de verser à Holt la somme de 572 128,06 $ est rendu contre le navire, les syndics étant autorisés à contester le montant accordé à la condition d’agir promptement.

17 mai 1996

La Cour fédérale ordonne l’évaluation du navire et établit la procédure à suivre pour le vendre. Les syndics interjettent appel. Ils sollicitent également la révision et le réexamen des ordonnances d’évaluation et de vente du navire.

14 juin 1996

Les syndics appelants demandent à la Cour fédérale de suspendre les procédures [traduction] « en attendant le règlement définitif de l’affaire par la Cour supérieure du Québec ». Les syndics produisent une ordonnance ex parte datée du 11 juin 1996, qu’ils ont obtenue auprès de la Cour supérieure du Québec siégeant en matière de faillite et qui est censée statuer sur le sort du navire et le produit de la vente. Bien que les syndics aient participé aux procédures devant la Cour fédérale au cours des six semaines précédentes, aucun avis de la requête déposée à Montréal n’a été donné aux parties devant la Cour fédérale. Il en ressort donc que le juge du Québec qui a entendu la requête ex parte n’a pas été avisé que le navire avait été saisi et que la Cour fédérale en avait ordonné la vente. La suspension est refusée pour les motifs déposés ultérieurement le 9 avril 1997. De l’avis du juge MacKay, il s’agit toujours d’une affaire de droit maritime.

9 juillet 1996

Les syndics appelants s’adressent de nouveau à la Cour fédérale dans le but d’obtenir le produit de la vente si cette dernière a lieu le 12 juillet, tel qu’ordonné. Ils sont maintenant munis d’une autre ordonnance de la Cour supérieure du Québec siégeant en matière de faillite, qui est datée du 28 juin 1996 et dans laquelle le juge Guthrie, après avoir avisé toutes les parties intéressées et avoir tenu une audience complète sur le fond, confirme l’ordonnance ex parte du 11 juin, sous réserve de certaines modifications. C’est l’ordonnance du 28 juin 1996 qui est l’élément central de l’argumentation des appelants. J’en reproduis donc ci-après les parties pertinentes :

[traduction] . . . LA COUR :

. . .

RECONNAÎT les syndics en qualité de syndics de la faillite de Antwerp Bulkcarriers, N.V., ayant l’obligation et le pouvoir de prendre possession des éléments d’actif de la faillie où qu’ils soient au Canada, de les réaliser et de les confirmer, sous réserve toutefois des droits des créanciers dont les réclamations sont garanties sous le régime des lois du Canada, conformément à la loi;

PERMET que le navire « Brussel » soit vendu conformément au jugement rendu par la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada, le 17 mai 1996, à la condition que cette vente soit conclue et que le prix d’achat soit intégralement versé à la fin de la journée ouvrable à Halifax, au Canada, le 12 juillet 1996;

ORDONNE que, si ladite vente est conclue comme susdit, le produit net de la vente (après paiement de toutes les dépenses d’annonce de la vente, d’évaluation, d’assurance et autres coûts, débours, commissions et autres dépenses nécessaires à la vente) soit versé sans délai aux syndics en vue de sa répartition entre les créanciers de la faillie dans le respect de tous leurs droits et en conformité avec le droit belge;

ORDONNE que, si ladite vente n’est pas ainsi conclue, le navire « Brussel » soit remis aux syndics pour qu’ils le vendent, sur place ou à tout autre endroit qu’ils estiment plus convenable, et en répartissent le produit net entre les créanciers de la faillie dans le respect de tous leurs droits et en conformité avec le droit belge;

SOLLICITE le concours de la Cour suprême de la Nouvelle‑Écosse ayant compétence en matière de faillite, dans la mesure où ce concours pourra être nécessaire sous le régime des lois de la Nouvelle‑Écosse pour exécuter le présent jugement;

ORDONNE que le présent jugement soit signifié sans délai au juge en chef de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse, au prévôt de la Cour fédérale du Canada à Halifax, au shérif de la municipalité régionale de Halifax, et à toutes les parties qui ont fait valoir une réclamation au Canada à l’égard du navire « Brussel »; . . . [Je souligne.]

11 Il ressort clairement de l’ordonnance du 28 juin 1996 que le tribunal de faillite canadien exerce maintenant un contrôle sur le navire et les procédures qui y sont liées. Il « permet » que la vente ordonnée par le juge MacKay ait lieu, mais seulement à la condition qu’elle soit conclue le 12 juillet au plus tard. Le produit de la vente doit être versé aux syndics appelants et non aux créanciers garantis ayant intenté une action en Cour fédérale. Si la vente n’est pas conclue le 12 juillet au plus tard, le navire doit être remis aux syndics indépendamment des ordonnances de la Cour fédérale. Le « concours » de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse est sollicité pour exécuter ces directives.

12 Dès juillet 1996, comme nous le verrons, un jugement par défaut avait été rendu dans l’action in rem, le navire avait été évalué et les acquéreurs potentiels étaient invités à présenter des soumissions. Le juge MacKay a, par la suite, décidé que les syndics ne pourraient toucher le produit de la vente que s’ils constituaient un cautionnement pour satisfaire aux réclamations des créanciers garantis. Cela ne s’est jamais concrétisé. Comme nous le verrons, ses motifs ont été exposés de manière concise dans un jugement subséquent rendu le 9 avril 1997.

II. Historique des procédures judiciaires

A. Cour fédérale, Section de première instance, [1997] 3 C.F. 187

13 Le juge MacKay a dit qu’il acceptait le principe de la courtoisie internationale, mais il a souligné que « la Cour est instamment priée de respecter la compétence invoquée par d’autres et d’abandonner l’examen des demandes de redressement dans des procédures longtemps établies en droit maritime » (par. 45). Les syndics ont fait valoir que Holt était à la recherche d’un tribunal favorable, mais le juge MacKay a répondu qu’il n’était « pas persuadé qu’elle a fait plus que chercher à recouvrer sa créance contre le navire là où il se trouvait » (par. 46).

14 Le juge MacKay n’était « pas convaincu [. . .] du bien-fondé [pour la cour] [. . .] de suspendre ses propres procédures qui avaient alors été mises en branle et de permettre que l’issue de l’affaire soit effectivement laissée aux procédures de faillite [du Tribunal de commerce] d’Anvers qui avaient été reconnues par la Cour supérieure du Québec » (par. 47). Il n’était « pas persuadé du fait que les affaires dont la présente Cour a été saisie relevaient de la faillite », ajoutant que « personne n’a dit que la faillite relèverait d’un tribunal canadien ou serait administrée par un tribunal au Canada » (par. 47). « [L]a prépondérance des inconvénients favorisait le refus de la suspension puisque la majorité des réclamants, au Canada et aux États-Unis, semblaient être établis sur la côte est de l’Amérique du Nord, d’où ils jouissaient d’un accès relativement facile à la Cour, au Canada » (par. 48). En conséquence, la suspension a été refusée.

15 La réclamation des syndics appelants visant à obtenir le produit de la vente du navire reposait sur leur point de vue que le tribunal de la faillite du Québec « avait compétence exclusive à l’égard des biens de la faillite » dès qu’il était saisi de l’affaire (par. 72). Le juge MacKay n’était pas de cet avis. Au contraire, il a décidé que « les décisions de la présente Cour en matière de saisie d’un navire, de jugement par défaut et de vente du navire ou [. . .] le fait qu’elle tranche la revendication du produit de la vente du navire par un créancier garanti [ne] sont [pas] des procédures de faillite » (par. 74). Il estimait donc que l’intervention du tribunal de faillite canadien ne dépouillait pas la Cour fédérale de sa compétence.

16 Au sujet de l’argument des syndics selon lequel, même si elle avait compétence, la Cour fédérale devrait de toute façon s’en remettre à l’ordonnance de répartition du produit de la vente approuvée par la Cour supérieure du Québec siégeant en matière de faillite, le juge MacKay a conclu que la loi canadienne « n’établit pas de processus qui interdit de quelque façon que ce soit à un créancier garanti de réaliser la garantie constituée par le débiteur avant sa faillite » (par. 80). Un privilège maritime est une créance garantie. En conséquence, « un privilège maritime, constitué avant la faillite du propriétaire d’un navire, peut être exécuté et la réclamation qui prend appui sur celui‑ci peut se réaliser sur le produit de la vente du navire sans restriction imposée soit par la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, soit, avec égards pour les opinions contraires, par les tribunaux agissant sous le régime de cette Loi » (par. 83). Le juge MacKay a donc conclu que les réclamations garanties de Holt et des autres créanciers garantis devaient être payées sur le produit de la vente avant tout versement aux syndics. (Finalement, les réclamations garanties ont épuisé le fonds.)

B. Cour d’appel fédérale, [1999] A.C.F. no 337 (QL)

17 Le juge Noël a fait observer que Holt « bénéficier[ait] d’un net avantage juridique » si sa réclamation était examinée par la Cour fédérale (par. 4). Se fondant sur l’arrêt de notre Cour Amchem Products Inc. c. Colombie-Britannique (Workers’ Compensation Board), [1993] 1 R.C.S. 897, il a reconnu que l’avantage juridique n’est qu’un des facteurs dont on peut tenir compte pour décider si un tribunal canadien devrait suspendre ses procédures par déférence pour un tribunal étranger. Cependant, lorsque l’avantage résulte du cours normal du litige et non de la recherche du tribunal le plus favorable, ce facteur revêt une « importance considérable » (par. 4). On a conclu, en l’espèce, qu’une telle recherche du tribunal le plus favorable n’avait pas eu lieu. « Ayant saisi le navire là où il se trouvait, l’intimée pouvait légitimement s’attendre à ce que le droit maritime canadien s’applique » (par. 5). Reprenant les propos de notre Cour dans l’arrêt Amchem, précité, le juge Noël a estimé que « la réclamation [de Holt] avait un “lien réel et important” avec le droit maritime canadien et [qu’]on pouvait “raisonnablement s’attendre” à ce que les droits en découlant soient exercés » (par. 5). En conséquence, a-t-il conclu, le juge MacKay n’a pas commis d’erreur en exerçant son pouvoir discrétionnaire de refuser la suspension.

18 En ce qui concerne l’intervention de la Cour supérieure du Québec siégeant en matière de faillite, le juge Noël a dit que « [l]es tribunaux internes sont également assujettis à un devoir réciproque de courtoisie » (par. 10). À son avis, il était « significatif qu’en droit interne du moins, le caractère garanti des privilèges maritimes a toujours été reconnu dans les procédures de faillite sans qu’il soit nécessaire qu’une juridiction en supplante une autre » (par. 10). En demandant à la Cour supérieure du Québec de rendre une ordonnance ex parte enjoignant de lever la saisie du navire, « les appelants se sont de fait lancés dans une contestation parallèle de la décision du juge MacKay » (par. 12). D’après le juge Noël, il aurait convenu davantage de « s’adresser [. . .] à la Cour fédérale, qui est la seule juridiction compétente sur le navire saisi et sur la réclamation in rem de l’intimée » (par. 13). L’appel a donc été rejeté.

III. Dispositions législatives pertinentes

19 Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7

3. Tribunal de droit, d’equity et d’amirauté du Canada, la Cour fédérale du Canada est maintenue à titre de tribunal additionnel propre à améliorer l’application du droit canadien. Elle continue d’être une cour supérieure d’archives ayant compétence en matière civile et pénale.

17. . . .

(6) La Section de première instance n’a pas compétence dans les cas où une loi fédérale donne compétence à un tribunal constitué ou maintenu sous le régime d’une loi provinciale sans prévoir expressément la compétence de la Cour fédérale.

22. (1) La Section de première instance a compétence concurrente, en première instance, dans les cas -- opposant notamment des administrés -- où une demande de réparation ou un recours est présenté en vertu du droit maritime canadien ou d’une loi fédérale concernant la navigation ou la marine marchande, sauf attribution expresse contraire de cette compétence.

50. (1) La Cour a le pouvoir discrétionnaire de suspendre les procédures dans toute affaire :

a) au motif que la demande est en instance devant un autre tribunal;

b) lorsque, pour quelque autre raison, l’intérêt de la justice l’exige.

Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. 1985, ch. B-3

2. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

. . .

« créancier garanti » Personne détenant une hypothèque, un nantissement, une charge, un gage ou un privilège sur ou contre les biens du débiteur ou sur une partie de ses biens, à titre de garantie d’une dette échue ou à échoir, ou personne dont la réclamation est fondée sur un effet de commerce ou garantie par ce dernier, lequel effet de commerce est détenu comme garantie subsidiaire et dont le débiteur n’est responsable qu’indirectement ou secondairement.

Suspension des procédures

69.3 (1) Sous réserve du paragraphe (2) et des articles 69.4 et 69.5, à compter de la faillite d’un débiteur, les créanciers n’ont aucun recours contre le débiteur ou contre ses biens et ne peuvent intenter ou continuer aucune action, exécution ou autre procédure en vue du recouvrement de réclamations prouvables en matière de faillite, et ce jusqu’à la libération du syndic.

(2) Sous réserve des articles 79 et 127 à 135 et du paragraphe 248(1), la faillite d’un débiteur n’a pas pour effet d’empêcher un créancier garanti de réaliser sa garantie ou de faire toutes autres opérations à son égard tout comme il aurait pu le faire en l’absence du présent article, à moins que le tribunal n’en ordonne autrement . . .

Plan de répartition

136. (1) Sous réserve des droits des créanciers garantis, les montants réalisés provenant des biens d’un failli sont distribués d’après l’ordre de priorité de paiement suivant : . . .

Compétence des tribunaux

183. (1) Les tribunaux suivants possèdent la compétence en droit et en équité qui doit leur permettre d’exercer la juridiction de première instance, auxiliaire et subordonnée en matière de faillite et en d’autres procédures autorisées par la présente loi durant leurs termes respectifs, tels que ces termes sont maintenant ou peuvent par la suite être tenus, pendant une vacance judiciaire et en chambre :

. . .

b) dans la province de Québec, la Cour supérieure;

IV. Analyse

20 Dans le présent pourvoi, nous sommes invités à adopter une « approche universaliste » dans les affaires de faillite et d’insolvabilité ayant des répercussions dans plus d’un ressort. J’admets d’emblée que les faillites mettant en cause plus d’un ressort ne peuvent pas être administrées efficacement si chaque tribunal national gère à sa façon les biens qui sont physiquement sous son contrôle. En l’espèce, la situation factuelle chaotique avec laquelle sont aux prises les syndics, de Singapour aux Bahamas et d’Israël à la Nouvelle-Zélande, témoigne éloquemment de la nécessité de la coopération judiciaire et de la courtoisie internationale.

21 En outre, il faut bien reconnaître que le lien entre le présent litige et le Canada est relativement faible. Aucune des parties (y compris le navire) n’a son lieu de résidence dans notre pays. La dette a été contractée aux États-Unis. Le propriétaire du navire réside en Belgique. Il n’y a, au Canada, aucune instance en matière de faillite autre que les procédures engagées par les syndics appelants en vue de faire reconnaître diverses ordonnances délivrées par le tribunal de faillite belge.

22 Les tribunaux canadiens n’ont été saisis du litige que parce que les aléas du commerce maritime ont fait en sorte que le N/M « Brussel » s’est retrouvé en eaux canadiennes le 30 mars 1996. Il était alors certainement loisible à la Cour fédérale de s’en remettre au tribunal de faillite du domicile de la faillie. La question est de savoir si la Cour fédérale était tenue de le faire, comme le prétendent les syndics appelants. Dans la négative, la Cour fédérale a-t-elle néanmoins commis une erreur lors de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en ne suspendant pas l’action in rem par déférence pour le tribunal de faillite belge?

23 Aux fins de la présente affaire, je fais miennes les définitions pratiques suivantes de l’« approche universaliste » et de l’« approche territorialiste » (parfois appelée [traduction] « règle de l’appropriation ») :

[traduction] . . . les tribunaux et les commentateurs ont reconnu deux approches générales applicables à la répartition des éléments d’actif dans le cadre de telles procédures. Selon l’approche territorialiste ou « règle de l’appropriation », le tribunal de chaque ressort dans lequel le débiteur possède des éléments d’actif répartit les éléments d’actif situés dans ce ressort conformément aux règles locales. Selon l’approche universaliste, les procédures d’insolvabilité principales sont engagées dans le pays où est domicilié le débiteur, et les tribunaux secondaires situés dans d’autres ressorts -- habituellement les ressorts où le débiteur possède des éléments d’actif -- s’en remettent aux procédures engagées à l’étranger et, en fait, collaborent pour faciliter la liquidation centralisée de l’actif du débiteur conformément aux règles en vigueur dans le pays où habite le débiteur.

(In re Treco, 240 F.3d 148 (2d Cir. 2001), p. 153)

24 La Cour fédérale était nettement d’avis qu’elle n’avait pas en l’espèce à choisir entre l’approche « universaliste » et la « règle de l’appropriation ». Elle devait plutôt faire un choix entre les exigences opposées de deux systèmes internationaux de règlement des conflits commerciaux, à savoir les règles du droit maritime, qui reposent depuis longtemps sur les considérations pratiques du transport maritime, et les plus récentes initiatives juridiques visant l’établissement de règles cohérentes pour l’administration des affaires de faillite et d’insolvabilité internationales. La Cour fédérale a estimé, à juste titre selon moi, que ce choix était dicté non par une règle abstraite d’« universalisme », mais par sa propre perception de la situation particulière et de ce qui était juste en l’occurrence.

A. Le droit maritime

25 Le transport maritime est l’une des premières activités ayant nécessité une coopération internationale en matière de réglementation des droits et des obligations des parties qui s’y livrent. [traduction] « En ce qui concerne les origines de notre droit maritime, nous devons nous tourner vers la Méditerranée où le commerce maritime existe depuis près de cinq mille ans » : Benedict on Admiralty (7e éd. (feuilles mobiles)), vol. 1, p. 1-4, et voir généralement W. Tetley, Maritime Liens and Claims (2e éd. 1998), p. 7-8. Les avocats spécialisés en droit maritime ont dû faire face à la nécessité d’établir des règles régissant le commerce international des siècles avant que « l’approche universaliste » devienne une question-clé en matière de faillite. Les marins, sauveteurs, approvisionneurs, réparateurs et autres fournisseurs de biens et services essentiels aux navires se trouvant dans des ports étrangers avaient besoin de certaines garanties de paiement. Ils comptaient sur le navire. Il était essentiel d’établir des règles communes parce que les fournisseurs transigeaient avec des navires en provenance de nombreux pays et que les capitaines se retrouvaient dans des ports éloignés à une époque où la communication avec les propriétaires des navires était lente et peu fiable. Dans le domaine du commerce maritime, [traduction] « des règles d’utilité pratique requérant un consentement général sont quasi indispensables » : Laane and Baltser c. Estonian State Cargo & Passenger Steamship Line, [1949] R.C.S. 530, le juge Rand, p. 545. Voir également : Q.N.S. Paper Co. c. Chartwell Shipping Ltd., [1989] 2 R.C.S. 683, p. 695. Pour des raisons pratiques, il convenait d’intenter une action in rem contre le navire au lieu d’une action in personam contre le propriétaire du navire. Le besoin de prévisibilité et d’uniformité était si fort que même les tribunaux de common law, toujours jaloux de leurs méthodes, ont cédé leur compétence aux tribunaux d’amirauté chargés d’appliquer un droit largement international en matière de commerce maritime. Comme l’écrit le professeur Tetley, op. cit., p. 56 :

[traduction] [L]e droit maritime, tel que nous le connaissons aujourd’hui, est de nature civile et émane de la lex maritima (droit maritime) qui fait partie de la lex mercatoria (droit commercial). Le droit maritime était un droit international codifié et, en Angleterre, il était séparé de la common law, son ennemi quasi mortel, et s’y opposait.

26 Le droit réel sur un navire revêtait maintes formes -- créé par la loi dans certains cas, il découlait d’une hypothèque ou encore de la possession dans d’autres cas. L’une des formes de garantie les plus anciennes et efficaces était (et est toujours) le privilège maritime. Dans la présente action, Holt invoque un privilège maritime pour des services d’acconage, conformément à la Commercial Instruments and Maritime Liens Act américaine, 46 U.S.C. § 31342. D’une manière générale, un privilège maritime prend naissance sans enregistrement ou autre formalité dès qu’une dette d’une nature particulière est contractée par un navire ou au nom d’un navire. Le privilège donne naissance à un droit réel [traduction] « qui suit le navire où qu’il soit, même entre les mains d’un acquéreur à titre onéreux sans préavis, et occupe le même rang que les autres privilèges maritimes, tous ces privilèges ayant préséance sur les hypothèques » (The Tolten, [1946] P. 135 (C.A.), le lord juge Scott, p. 150). Dans ce sens, il peut être décrit comme un « privilège occulte ».

27 Ce statut privilégié des titulaires de privilège maritime existe pour une raison purement pratique. Un navire peut naviguer sous pavillon de complaisance. Il peut être difficile d’en identifier les propriétaires dans un réseau complexe d’entreprises (comme cela s’est produit dans la présente affaire où, au départ, Holt a désigné incorrectement la société propriétaire du navire). Les marins de la marine marchande ne travailleront pas sur un navire à moins que leur salaire ne constitue une créance prioritaire sur le navire. Il en est de même pour ceux dont le travail ou les approvisionnements sont essentiels à la poursuite du voyage. Le capitaine peut être à court d’argent, mais on présume que le navire lui-même a une certaine valeur et qu’il peut facilement constituer une certaine garantie. Cette garantie était et est toujours essentielle au commerce maritime. L’incertitude minerait la confiance. Il faut donc soupeser l’argument de la courtoisie internationale en matière de faillite avancé par les syndics appelants en fonction des considérations opposées d’un système international plus ancien et au moins tout aussi pratique -- le droit commercial maritime.

B. Les ordonnances de faillite délivrées à l’étranger

28 Les syndics appelants prétendent que, dès qu’il a été saisi du présent dossier, le tribunal de faillite canadien avait, pour ainsi dire, compétence exclusive sur les questions reliées à la faillite, ce qui avait pour effet d’exclure les tribunaux n’ayant pas compétence en matière de faillite. À mon avis, cette affirmation est trop générale.

29 Je compte formuler quelques observations préliminaires au sujet de la position des syndics appelants. Un examen plus détaillé suivra.

30 La première observation préliminaire est que la société Antwerp Bulkcarriers, N.V. n’a pas été mise en faillite sous le régime des lois du Canada. Les seules procédures engagées devant un tribunal de faillite canadien visaient à obtenir la reconnaissance et l’exécution des ordonnances du tribunal de faillite belge. La partie XIII de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (la « Loi »), intitulée « Insolvabilité en contexte international », n’était pas encore en vigueur à l’époque. Néanmoins, lorsqu’ils sont en mesure de le faire, les tribunaux de faillite canadiens exercent depuis longtemps leur compétence pour prêter concours aux tribunaux de faillite étrangers. La partie XIII constitue une approbation par le Parlement d’une initiative appuyée par les juges et les auteurs de doctrine avant et après l’adoption de cette partie de la Loi : voir Olympia & York Developments Ltd. c. Royal Trust Co. (1993), 20 C.B.R. (3d) 165 (C. Ont. (Div. gén.)), p. 167; Re Cadillac Fairview Inc. (1995), 30 C.B.R. (3d) 17 (C. Ont. (Div. gén.)); Roberts c. Picture Butte Municipal Hospital (1998), 64 Alta. L.R. (3d) 218 (B.R.), p. 224 et 226; Re Walker (1998), 5 C.B.R. (4th) 123 (C. Ont. (Div. gén.)); Re Babcock & Wilcox Canada Ltd. (2000), 18 C.B.R. (4th) 157 (C.S. Ont.); voir également, de façon générale, J. D. Honsberger, « Canadian Recognition of Foreign Judicially Supervised Arrangements » (1990), 76 C.B.R. (N.S.) 204.

31 Ma deuxième observation préliminaire est que les tribunaux de faillite en Belgique et au Canada avaient (et ont toujours) un intérêt légitime dans l’action in rem intentée devant la Cour fédérale. Le 9 mai 1996, lorsque les syndics ont obtenu l’ordonnance reconnaissant le jugement belge, le titre de propriété du N/M « Brussel », si lourdement grevé fût-il, était toujours enregistré au nom de la faillie. Il est vrai que la valeur marchande du navire (finalement vendu pour 4 600 000 $US) ne représentait qu’une fraction de la première hypothèque (d’environ 68 000 000 $) détenue par la banque d’État belge, la Société Nationale de Crédit à l’Industrie S.A. (« SNCI »). Il est également vrai qu’il existait alors des privilèges maritimes et légaux ayant priorité de rang sur la première hypothèque. La société faillie conservait néanmoins le titre de propriété et, dans cette mesure, le navire faisait partie de ses biens, du moins selon l’interprétation de ce terme en droit canadien : Banque fédérale de développement c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), [1988] 1 R.C.S. 1061.

32 L’avocat de l’intimée paraissait croire que le pourvoi serait réglé si on considérait que la question qui nous est soumise relève du « droit maritime » au lieu du « droit de la faillite ». Les deux aspects sont présents en l’espèce et j’estime, en toute déférence, qu’il s’agissait pour la Cour fédérale de trouver le juste équilibre entre les facteurs pertinents quant à la demande de suspension et non pas de tenter d’éviter tout autre débat en déterminant la nature des procédures en fonction de leur « caractère véritable ».

33 Troisièmement, un tribunal de faillite canadien doit tenir compte des intérêts des parties qui plaident devant lui et des autres parties touchées au Canada, ainsi que de l’utilité d’une coopération internationale et d’autres circonstances pertinentes. Son rôle ne consiste pas simplement à approuver sans discussion les ordres du tribunal étranger saisi de la faillite principale. Ainsi, les exigences de la coopération internationale étaient un facteur important tant pour la Cour fédérale que pour le tribunal de faillite canadien, mais ce facteur n’éclipsait pas nécessairement tous les autres facteurs.

34 Quatrièmement, la compétence du tribunal de faillite canadien découle du droit canadien. Lorsqu’ils sont appelés à prêter leur concours à des tribunaux de faillite étrangers, nos tribunaux sont tenus, en vertu du droit canadien, de considérer comme étant une circonstance pertinente l’avantage juridique dont bénéficieraient devant un tribunal canadien ceux qui sont désavantagés par le recours à un tribunal étranger. Je suis conscient du fait qu’une insistance trop grande sur le facteur de l’avantage juridique mènerait à la consécration de la « règle de l’appropriation », étant donné que les réclamants devant le tribunal canadien auraient inévitablement une bonne raison de ne pas vouloir tenter leur chance dans la faillite générale devant le tribunal du domicile du failli. Toutefois, tous les facteurs pertinents doivent être soupesés dans le cas d’une demande de suspension, et la nature de même que l’étendue de l’avantage juridique pour les différentes parties constituaient nettement un facteur important qui devait être soupesé.

35 Cinquièmement, la politique générale énoncée dans nos lois sur la faillite est une considération pertinente. Habituellement, la faillite annonce au moins une suspension temporaire des recours contre l’actif du failli. Cependant, si la faillite était survenue au Canada, la suspension légale de l’action intentée par un créancier aurait été peu pertinente en pratique étant donné que l’art. 69.3 de la Loi soustrait à la suspension légale (sous réserve d’exceptions non applicables en l’espèce) les procédures engagées par les créanciers garantis en vue de réaliser leur garantie. L’alinéa 69.3(2)a) aurait permis au tribunal de faillite canadien d’ordonner un report maximum de six mois. En l’espèce, l’ordonnance du tribunal de faillite canadien a eu pour effet de suspendre de façon permanente au Canada les procédures de réalisation de la garantie du navire.

36 J’examinerai maintenant plus en détail les arguments des parties.

C. Les questions soulevées par le présent pourvoi

37 Nul ne conteste que la Section de première instance de la Cour fédérale aurait normalement compétence pour saisir le navire, examiner la réclamation de Holt relativement aux dettes contractées au nom du navire, déterminer la validité du privilège maritime invoqué par Holt, ordonner l’évaluation et la vente du navire et veiller à ce que les créanciers garantis ayant gain de cause soient payés sur le produit de la vente.

38 Les syndics avancent trois arguments généraux à l’appui de leur point de vue selon lequel, dès que le propriétaire du navire a été mis en faillite le 5 avril 1996, la Cour fédérale avait [traduction] « une obligation de courtoisie envers la directive » du tribunal de faillite belge, dont les ordres ont été reconnus et acceptés par le tribunal de faillite canadien. Premièrement, comme nous l’avons vu, les syndics soutiennent que les tribunaux canadiens devraient adopter une approche « universaliste » plutôt que « territorialiste » en matière de faillite. Deuxièmement, ils affirment que le tribunal canadien ayant compétence en matière d’amirauté (à savoir la Cour fédérale) devrait s’en remettre au tribunal canadien ayant compétence en matière de faillite (à savoir la Cour supérieure du Québec) ou à tout le moins coopérer avec lui (ce qui à leurs yeux revient au même). Troisièmement, les syndics soutiennent que la réponse des tribunaux canadiens devrait être « uniforme » et, à cet égard, ils semblent vouloir dire que la Cour fédérale aurait dû faire droit à la demande du tribunal belge étant donné que la Cour supérieure du Québec siégeant en matière de faillite l’avait déjà fait.

39 À la lumière de ces observations préliminaires, les arguments des syndics peuvent, à mon sens, être commodément abordés sous les rubriques suivantes :

1. L’intimée Holt pouvait-elle, en droit canadien, invoquer validement un privilège maritime sur le N/M « Brussel » avant la faillite des propriétaires survenue en Belgique le 5 avril 1996?

2. Holt bénéficiait-elle au Canada d’un avantage juridique qui serait compromis si les procédures engagées devant la Cour fédérale étaient suspendues par déférence pour le tribunal de faillite belge?

3. La Cour fédérale a-t-elle commis une erreur en traitant Holt comme un « créancier garanti » selon l’interprétation de cette expression en droit canadien de la faillite?

4. La faillite survenue en Belgique le 5 avril 1996 a-t-elle conféré aux syndics belges un droit de réclamation valide à l’égard du navire?

5. La Cour fédérale du Canada a-t-elle perdu compétence à la suite des diverses ordonnances délivrées par la Cour supérieure du Québec siégeant en matière de faillite?

6. Même si la Cour fédérale avait conservé compétence, aurait-elle dû néanmoins s’en remettre au tribunal de faillite belge au nom de la « courtoisie internationale » et en raison de la nécessité d’une approche « universaliste » intégrée en matière de faillite?

7. À la lumière de ce qui précède, la Cour fédérale a-t-elle commis une erreur dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de refuser la demande de suspension des procédures présentée par les syndics?

40 J’examinerai ces questions l’une après l’autre.

1. L’intimée Holt pouvait-elle, en droit canadien, invoquer validement un privilège maritime sur le N/M « Brussel » avant la faillite des propriétaires survenue en Belgique le 5 avril 1996?

41 Un privilège maritime validement créé sous le régime d’une loi étrangère est reconnu et se voit accorder, au Canada, la même priorité qu’un privilège maritime créé au Canada sous le régime du droit maritime canadien, [traduction] « à moins qu’il n’aille à l’encontre d’une règle quelconque de politique ou de procédure intérieure qui en empêche la reconnaissance » : The Strandhill c. Walter W. Hodder Co., [1926] R.C.S. 680, le juge Newcombe, p. 685. La théorie veut que « [l]orsqu’un privilège maritime existe, on ne [puisse] s’en débarrasser en changeant la chose de place » : Todd Shipyards Corp. c. Altema Compania Maritima S.A., [1974] R.C.S. 1248, p. 1252.

42 Rappelons qu’en vertu du droit américain, l’intimée Holt a acquis un privilège maritime sur le navire lorsqu’elle a fourni ses services dans des ports américains. Ces services ont tous été fournis avant le 30 mars 1996. Le navire est ainsi arrivé dans les eaux canadiennes grevé d’un privilège maritime. En droit canadien, un tel privilège n’aurait pas pris naissance à la suite de services d’acconage semblables fournis à un navire se trouvant dans un port au Canada, mais le droit qui avait donné naissance à la dette était le droit américain et non le droit canadien.

43 Une fois qu’il reconnaît l’existence du droit en cause, le droit canadien accorde le recours et établit les priorités. En droit canadien, le privilège maritime a priorité de rang sur l’hypothèque qui grève un navire (soit la créance de 68 000 000 $ de la SNCI). Voir Todd Shipyards, précité, p. 1259, et Marlex Petroleum Inc. c. Har Rai (Le), [1987] 1 R.C.S. 57, conf. [1984] 2 C.F. 345 (C.A.).

44 Les syndics appelants allèguent qu’en l’espèce une approche « universaliste » en matière de faillites transfrontalières est une politique intérieure opposable à la reconnaissance du privilège maritime américain, au sens de l’exception prévue dans l’arrêt Strandhill, mais je ne crois pas que ce soit le cas. Le juge Newcombe exigeait que l’origine du droit revendiqué ait quelque chose d’inconvenant (comme c’était le cas dans l’affaire Laane and Baltser, précitée). L’origine de la réclamation de Holt n’a rien d’inconvenant. Si les services d’acconage n’avaient pas été fournis, la cargaison du navire n’aurait pas pu être déchargée à Gloucester City, au New Jersey. Si Holt doit échouer pour des considérations d’« universalisme », ce sera à la suite d’une évaluation de facteurs pertinents fondée sur l’art. 50 de la Loi sur la Cour fédérale, qui donne à la cour le pouvoir discrétionnaire de suspendre ses propres procédures.

45 À mon avis, compte tenu de l’état actuel du droit, Holt avait droit en l’espèce à la reconnaissance de son privilège maritime par la Cour fédérale.

2. Holt bénéficiait-elle au Canada d’un avantage juridique qui serait compromis si les procédures engagées devant la Cour fédérale étaient suspendues par déférence pour le tribunal de faillite belge?

46 Holt avait manifestement avantage à ce que sa réclamation soit tranchée au Canada. Premièrement, au moment de l’intervention des syndics, l’action in rem de Holt n’était pas contestée et se dirigeait rapidement vers une conclusion favorable. Selon l’échéancier prévu, sa réclamation, incluant les frais, serait entièrement acquittée en quelques mois. La faillite belge en était encore au stade initial de l’organisation.

47 Deuxièmement, et qui plus est, il semble évident que la réclamation de Holt n’aurait pas la même priorité en Belgique que celle dont elle bénéficiait en droit maritime canadien.

48 Dans un affidavit daté du 5 juin 1996 et produit dans le cadre de la présente action, l’appelant De Roy a déclaré que le droit belge [traduction] « empêche la saisie des biens du débiteur par les créanciers afin de permettre l’exécution des créances prioritaires ou privilégiées » (par. 26). Monsieur De Roy a en outre déclaré que le droit maritime belge [traduction] « accorde des priorités particulières à certains types de réclamation » (par. 42), mais il a refusé de dire si la réclamation de Holt et d’autres titulaires de privilège maritime faisait partie de ces réclamations prioritaires. Lors de l’audience devant le juge Guthrie du tribunal de faillite canadien, Me Édouard Baudry, avocat expérimenté en droit maritime, plaidant pour l’intervenante SNCI qui appuyait les syndics appelants, a déclaré que les avocats s’entendaient pour dire que Holt serait probablement désavantagée si elle devait présenter sa réclamation en Belgique :

[traduction] Me ÉDOUARD BAUDRY

J’ajouterais cependant, comme mon collègue ne manquera pas de vous le dire, que la possibilité qu’un privilège maritime américain soit reconnu par le tribunal belge est . . .

LA COUR

Qu’il soit maintenu par le tribunal d’Anvers, est plus mince qu’elle ne l’est ici?

Me ÉDOUARD BAUDRY

. . . beaucoup plus mince qu’ici.

LA COUR

Je peux comprendre cela.

Me ÉDOUARD BAUDRY

Je pense que nous sommes tous . . .

LA COUR

Je pense que c’est l’une des raisons, sinon la raison principale, de notre présence ici.

49 En outre, selon la cinquième note de renvoi du jugement de la Cour d’appel fédérale, les avocats des deux parties ont admis en appel qu’il était « peu probable que les droits in rem de l’intimée puissent subsister sous une forme ou une autre sous le régime des lois belges sur la faillite » (je souligne).

50 Même s’il incombait aux syndics appelants d’établir les motifs justifiant une suspension des procédures, il appartenait à Holt de faire la preuve du droit belge si elle souhaitait invoquer une différence quant à la façon dont le droit belge et le droit canadien traiteraient sa réclamation. Le juge de première instance a souligné l’absence d’élément de preuve sur ce point. Cependant, comme les parties paraissent avoir convenu, devant le juge Guthrie du tribunal de faillite canadien et ensuite devant la Cour d’appel fédérale, que le droit belge ne reconnaîtrait pas le privilège maritime de Holt, j’estime que nous ne devrions pas modifier la décision de la Cour d’appel fédérale sur cette question de fait. Comme le juge Guthrie l’a fait remarquer, la raison [traduction] « de notre présence ici » est que la réclamation de Holt bénéficie devant la Cour fédérale du Canada d’un avantage juridique dont elle ne bénéficierait pas devant le tribunal de faillite belge.

3. La Cour fédérale a-t-elle commis une erreur en traitant Holt comme un « créancier garanti » selon l’interprétation de cette expression en droit canadien de la faillite?

51 Le droit canadien de la faillite a une conception large du créancier garanti, comme le confirment les dispositions pertinentes de la Loi. Si Antwerp Bulkcarriers, N.V. avait fait faillite au Canada, nul doute que Holt aurait été considérée comme une « [p]ersonne détenant [. . .] un privilège sur [. . .] les biens du débiteur [. . .] à titre de garantie d’une dette échue », selon la définition de « créancier garanti » figurant à l’art. 2 de la Loi. Une fois que la Cour fédérale avait décidé que la réclamation de Holt était, en droit maritime canadien, garantie par un privilège maritime sur le navire lui-même, le tribunal de faillite était lié par cette décision : Riordon Co. c. Danforth Co., [1923] R.C.S. 319.

52 Si la faillite était survenue au Canada, Holt aurait eu le droit de réaliser sa garantie indépendamment de la faillite. Comme le juge Gonthier l’a affirmé dans Husky Oil Operations Ltd. c. Ministre du Revenu national, [1995] 3 R.C.S. 453, par. 9, « l’ensemble du plan de répartition est appliqué “[s]ous réserve des droits des créanciers garantis” ». Le préambule de l’art. 136 (sous la rubrique « Plan de répartition ») établit l’ordre de priorité des créances grevant l’actif du failli, toujours sous réserve « des droits des créanciers garantis ». Selon L. W. Houlden et G. B. Morawetz, [traduction] « [l]a politique de la loi en matière de faillite est de ne pas faire obstacle aux créanciers garantis sauf dans la mesure où il peut être nécessaire de protéger l’actif quant à tout excédent sur les biens affectés à la garantie » (The 2001 Annotated Bankruptcy and Insolvency Act (2000), p. 346). Voir également : L. M. LoPucki, « Cooperation in International Bankruptcy : A Post‑Universalist Approach » (1999), 84 Cornell L. Rev. 696.

53 Certes, j’estime que « l’universalisme » ne fonctionnera pas si un tribunal s’en remet au droit en vigueur dans le ressort où survient la faillite principale uniquement lorsque ce droit coïncide exactement avec le droit en vigueur dans le ressort où est situé le tribunal en question. Il reste cependant que la politique générale du Canada, énoncée dans la Loi, est très favorable aux droits des réclamants que nous considérerions comme des créanciers garantis. Notre droit considère qu’il est généralement dans l’intérêt de l’activité commerciale que les droits garantis soient protégés. Il me semble que le juge MacKay a eu raison de considérer Holt comme un « créancier garanti » en matière de faillite. Ainsi, lorsqu’il a exercé le pouvoir discrétionnaire que lui conférait l’art. 50 de la Loi sur la Cour fédérale, le juge MacKay était tout à fait justifié d’accorder une importance considérable à ce facteur.

4. La faillite survenue en Belgique le 5 avril 1996 a-t-elle conféré aux syndics belges un droit de réclamation valide à l’égard du navire?

54 En vertu de l’ordonnance du tribunal de faillite belge datée du 5 avril 1996, les syndics se sont vu attribuer l’obligation et le pouvoir de prendre possession des éléments d’actif de la faillie où qu’ils soient. Dès lors, le navire n’était plus en la possession de son propriétaire failli. Il était en la possession du prévôt de la Cour fédérale à Halifax et était assujetti à d’autres ordonnances de ce tribunal.

55 Au Canada, l’ordonnance de faillite délivrée par le tribunal du domicile a eu l’effet d’une cession légale des biens meubles du propriétaire failli du navire qui sont situés au Canada, y compris son droit sur le N/M « Brussel », mais cette cession est faite sous réserve de toutes charges antérieures qui peuvent grever les biens en vertu du droit canadien (J.‑G. Castel, Canadian Conflict of Laws (4e éd. 1997), p. 564-565).

56 À cet égard, notre règle de conflit des lois est identique à la règle anglaise énoncée par les éditeurs de Dicey and Morris on the Conflict of Laws (13e éd. 2000), vol. 2, p. 1184 :

[traduction] Le principe général du droit anglais veut que la faillite ou toute autre procédure de même nature, survenue dans un pays étranger où les tribunaux ont compétence à l’égard d’un débiteur, agisse comme une cession de tous ses biens meubles situés en Angleterre, en faveur du syndic, des cessionnaires, des curateurs ou des autres personnes qui, suivant le droit en vigueur dans ce pays, ont le droit d’administrer ses biens, si c’est là l’effet du droit étranger.

Voir également I. F. Fletcher, Insolvency in Private International Law (1999), p. 61-62.

Comme c’est le cas au Canada, la cession légale des biens du débiteur est sujette à certaines restrictions dont l’une, comme nous l’avons vu, veut que les biens soient transmis sous réserve des charges existantes reconnues par le droit anglais :

[traduction] Les biens situés en Angleterre sont transmis sous réserve de toute charge qui les grève en vertu du droit anglais, même si cette charge était subordonnée, en vertu de la loi du lieu de la faillite, à la réclamation des créanciers, et même si en vertu de la faillite anglaise, elle était annulée par le titre du syndic de faillite.

(Dicey and Morris on the Conflict of Laws, op. cit., p. 1184-1185)

57 On trouve, dans l’arrêt Galbraith c. Grimshaw, [1910] A.C. 508 (H.L.), un exemple de la proposition selon laquelle le syndic ne peut obtenir plus de droits que ceux qui pouvaient être cédés par le débiteur. Dans cette affaire, les créanciers avaient eu gain de cause en Écosse contre une société écossaise et, après avoir obtenu que le jugement soit exécutoire en Angleterre, ils avaient signifié une ordonnance de saisie-arrêt à une entreprise anglaise endettée envers le débiteur écossais. Deux semaines plus tard, le débiteur écossais faisait faillite. Le syndic a cherché à prendre possession de la créance saisie, mais s’est heurté au refus de la Chambre des lords qui s’est fondée sur le principe selon lequel le syndic [traduction] « ne pourrait l’obtenir que si le failli lui-même avait pu la céder » (p. 511). En conséquence, le syndic n’avait pas le droit d’obtenir la créance exempte de l’ordonnance de saisie-arrêt [traduction] « parce que le failli n’aurait pu la céder que le 12 novembre, sous réserve de l’ordonnance de saisie‑arrêt » (p. 511). Dans Anantapadmanabhaswami c. Official Receiver of Secunderabad, [1933] A.C. 394, le Conseil privé a étendu l’analyse faite dans Galbraith aux créances qui faisaient l’objet d’une procédure de recouvrement pourvu que, à la date de la faillite, le failli n’ait pas été en mesure de céder la créance exempte de la réclamation du demandeur.

58 Bien qu’une telle règle puisse être modifiée par un texte législatif, elle n’a subi au Canada aucune modification pertinente quant à la question de la faillite étrangère dont nous sommes saisis.

59 Je conclus donc que, le 5 avril 1996, les syndics belges ont, en vertu du droit canadien, acquis le droit que le propriétaire failli du navire avait sur le N/M « Brussel » mais que ce droit était et demeurait assujetti à la réclamation antérieure des créanciers garantis, y compris les titulaires du privilège maritime qui cherchaient à obtenir réparation devant la Section de première instance de la Cour fédérale.

5. La Cour fédérale du Canada a-t-elle perdu compétence à la suite des diverses ordonnances délivrées par la Cour supérieure du Québec siégeant en matière de faillite?

60 Les syndics font valoir qu’une fois que le tribunal de faillite belge a délivré l’ordonnance sollicitant le concours des tribunaux canadiens le 5 avril 1996 ou, au plus tard, lorsque le tribunal de faillite canadien a accueilli cette requête, l’affaire soumise au juge MacKay est devenue une affaire de faillite relevant de la compétence exclusive du tribunal de faillite canadien. J’ai déjà rejeté l’idée des syndics que, dès qu’un tribunal de faillite étranger est saisi d’un dossier, il a nécessairement compétence exclusive sur les questions concernant le failli dans notre pays. J’ai également rejeté l’idée que la « coordination internationale » exige l’approbation sans discussion des ordonnances délivrées par le tribunal de faillite étranger.

61 Les syndics appelants affirment néanmoins que la Cour fédérale a perdu compétence en raison de l’effet conjugué du par. 183(1) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et du par. 17(6) de la Loi sur la Cour fédérale. Le paragraphe 183(1) se lit ainsi :

183. (1) Les tribunaux suivants possèdent la compétence en droit et en équité qui doit leur permettre d’exercer la juridiction de première instance, auxiliaire et subordonnée en matière de faillite et en d’autres procédures autorisées par la présente loi durant leurs termes respectifs, tels que ces termes sont maintenant ou peuvent par la suite être tenus, pendant une vacance judiciaire et en chambre :

. . .

b) dans la province de Québec, la Cour supérieure;

(Les syndics ont engagé leurs procédures à Montréal (Québec), parce que c’était le lieu d’affaires des représentants du propriétaire du navire au Canada.)

62 Le paragraphe 17(6) de la Loi sur la Cour fédérale prévoit ce qui suit :

17. . . .

(6) La Section de première instance n’a pas compétence dans les cas où une loi fédérale donne compétence à un tribunal constitué ou maintenu sous le régime d’une loi provinciale sans prévoir expressément la compétence de la Cour fédérale.

63 Les syndics ne prétendent pas que la saisie du navire et le règlement des réclamations en vertu du droit maritime sont des questions de faillite. Ils estiment que l’ordonnance de faillite délivrée par le tribunal de faillite belge et les ordonnances complémentaires du tribunal de faillite canadien ont transformé une question de droit maritime en une question de faillite. Cet argument a pour corollaire que la Cour fédérale, qui n’a pas compétence en matière de faillite, a de ce fait perdu sa compétence ratione materiae dans l’affaire.

64 À mon avis, le juge MacKay n’exerçait pas une juridiction de première instance, auxiliaire ou subordonnée en matière de faillite. Si cela avait été le cas, il n’aurait pas eu compétence et il ne serait pas nécessaire de recourir au par. 17(6) de la Loi sur la Cour fédérale, parce que ce paragraphe présuppose que la Cour fédérale serait a priori compétente. Dans l’arrêt ITO--International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc., [1986] 1 R.C.S. 752, p. 766, notre Cour a conclu que la Cour fédérale a compétence seulement si certaines conditions sont remplies, notamment s’il y a attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral. La Cour fédérale ne s’est pas vu attribuer pareille compétence en matière de faillite.

65 Le litige soumis au juge MacKay concernait le privilège maritime invoqué par Holt ainsi que les réclamations par d’autres créanciers d’une garantie sur le navire. Le juge MacKay était saisi de réclamations in rem contre le navire et non pas de réclamations in personam contre le propriétaire du navire. Il ressortait de l’intervention de la SNCI que sa créance hypothécaire de 68 000 000 $ engloutirait, si on y faisait droit, tous les fonds qui pourraient rester après l’acquittement des réclamations des titulaires de privilège maritime. Il n’y avait donc aucune possibilité réaliste qu’il reste des fonds auxquels les syndics pourraient régulièrement prétendre.

66 La faillite n’était certainement pas dépourvue de pertinence dans le cadre des procédures engagées devant la Cour fédérale. Les syndics ont à bon droit demandé (et obtenu) le droit de participer aux procédures afin de protéger les intérêts du propriétaire failli du navire. Après le 5 avril 1996, les procédures devant la Cour fédérale ont comporté un aspect « faillite » dont le juge MacKay a tenu compte dans ses diverses ordonnances. Néanmoins, après avoir décidé de reconnaître la garantie de Holt sur le plan du droit maritime et avoir tenu compte de la priorité accordée aux créanciers garantis dans l’ordonnance du tribunal de faillite canadien en date du 28 juin 1996, il a conclu à juste titre qu’aucune entrave juridictionnelle n’empêchait la Cour fédérale de continuer d’instruire l’action in rem de Holt contre le navire.

6. Même si la Cour fédérale avait conservé compétence, aurait-elle dû néanmoins s’en remettre au tribunal de faillite belge au nom de la « courtoisie internationale » et en raison de la nécessité d’une approche « universaliste » intégrée en matière de faillite?

67 Je vais examiner d’abord la question de la « courtoisie internationale » qui s’applique au présent pourvoi. Par la suite, j’analyserai certaines approches plus particulières qui ont été conçues pour régler les problèmes résultant des faillites internationales. Je vais enfin exposer l’approche qui, selon moi, doit être privilégiée en pareils cas.

a) Le rôle de la courtoisie internationale

68 Dans l’arrêt Zingre c. La Reine, [1981] 2 R.C.S. 392, p. 401, le juge Dickson (plus tard Juge en chef) affirme que « les tribunaux d’un ressort donneront effet aux lois et aux décisions judiciaires d’un autre, non parce qu’ils y sont tenus, mais par déférence et respect mutuels ».

69 Subséquemment, dans l’arrêt Spencer c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 278, p. 283, le juge Estey reconnaît la justesse de la définition suivante de la courtoisie internationale :

[traduction] La « courtoisie » au sens juridique n’est ni une question d’obligation absolue d’une part ni de simple politesse et bonne volonté de l’autre. Mais c’est la reconnaissance qu’une nation accorde sur son territoire aux actes législatifs, exécutifs ou judiciaires d’une autre nation, compte tenu à la fois des obligations et des convenances internationales et des droits de ses propres citoyens ou des autres personnes qui sont sous la protection de ses lois : Hilton v. Guyot, 159 U.S. 113 (1895), aux pp. 163 et 164.

70 En l’espèce, le tribunal de faillite canadien n’avait pas le monopole pour ce qui était de décider quelle mesure « de déférence et de respect » était due au tribunal de faillite belge. Certes, il pouvait prendre cette décision en vertu de sa propre compétence en matière de faillite, et il l’a fait. Dans la mesure où la réclamation de Holt était « entièrement liée aux affaires maritimes », elle relevait de la compétence de la Cour fédérale (Succession Ordon c. Grail, [1998] 3 R.C.S. 437, par. 73) et il appartenait à cette cour de décider si elle devait s’en remettre au tribunal de faillite belge « compte tenu à la fois des obligations et des convenances internationales et des droits de ses propres citoyens ou des autres personnes qui sont sous la protection de ses lois ».

71 Dans l’arrêt Morguard Investments Ltd. c. De Savoye, [1990] 3 R.C.S. 1077, la Cour a élargi la définition de la courtoisie internationale en soulignant que le droit international privé, en général, et la règle de la courtoisie internationale, en particulier, poursuivaient un double objectif d’ordre et d’équité. Cela a été réitéré dans l’arrêt Hunt c. T&N PLC, [1993] 4 R.C.S. 289, p. 325, et de nouveau dans l’arrêt Tolofson c. Jensen, [1994] 3 R.C.S. 1022, p. 1058, où la Cour a donné préséance à l’ordre :

S’il ne fait aucun doute, ainsi qu’il a été souligné dans l’arrêt Morguard, que l’ordre et l’équité sont les principes fondamentaux du droit international privé, l’ordre vient en premier. L’ordre est une condition préalable de la justice.

72 Bien sûr, le droit maritime international vise, depuis des siècles, à créer un climat d’ordre et d’équité pour ceux qui se livrent au commerce maritime.

b) L’approche « universaliste »

73 Les syndics allèguent que, pour réaliser ce double objectif d’ordre et d’équité en matière d’insolvabilité internationale, il est nécessaire d’adopter l’approche « universaliste » parce qu’en toute équité [traduction] « les réclamations des créanciers ne peuvent être définitivement réglées que par le tribunal du domicile du débiteur conformément au droit en vigueur à cet endroit » (Castel, op. cit., p. 553). Ils préconisent [traduction] « l’établissement entre les tribunaux d’un réseau serré d’entraide internationale » (mémoire, par. 36).

74 En l’espèce, le débiteur était domicilié en Belgique, et les syndics soutiennent que la Cour fédérale a commis une erreur en n’exigeant pas que Holt et les autres créanciers garantis déposent leurs réclamations dans ce pays. Les syndics font également valoir que, puisque la Cour supérieure du Québec avait décidé de prêter son concours au tribunal de faillite belge, la Cour fédérale devait, par courtoisie « nationale », s’en remettre à cette décision.

75 Il y a beaucoup à dire au sujet de la proposition selon laquelle, étant donné que les procédures principales d’insolvabilité ont été engagées en Belgique, les autres ressorts où la faillie possède des éléments d’actif devraient coopérer avec les tribunaux belges dans la mesure permise par leurs lois respectives. La nécessité d’une telle coopération internationale en matière de faillite et d’insolvabilité se fait sentir depuis fort longtemps, même si la montée constante des entreprises multinationales et l’accélération de la mondialisation de l’économie ont accentué les problèmes sous-jacents. Dès 1883, dans l’affaire Canada Southern Railway Co. c. Gebhard, 109 U.S. 527 (1883), la Cour suprême des États-Unis affirmait, à la p. 539 :

[traduction] À moins que toutes les parties en cause, où qu’elles résident, ne puissent être liées par l’entente qu’on cherche à légaliser, l’initiative peut échouer. Tous les créanciers du pays peuvent être liés. Ce qu’il faut, c’est lier ceux qui sont à l’étranger. Dans ces circonstances, l’esprit véritable de la courtoisie internationale commande que des initiatives de cette nature, légalisées au pays, soient reconnues dans d’autres pays.

76 L’approche universaliste préconisée par les syndics veut essentiellement qu’il y ait des procédures principales en matière de faillite, que le titre de propriété des biens situés sur place soit dévolu au représentant étranger de l’actif du failli, que les créanciers ne soient pas autorisés à réaliser les biens d’un débiteur étranger devant les tribunaux locaux en dehors du cadre de la faillite principale, et que les ordonnances délivrées dans le cadre de procédures de faillite à l’étranger soient reconnues et mises à exécution ailleurs.

77 Le professeur J. S. Ziegel oppose l’approche « universaliste » à l’approche « territorialiste », désignée plus haut comme étant la « règle de l’appropriation », et conclut que des éléments des deux approches se retrouvent dans la plupart des ressorts :

[traduction] Les juristes spécialisés en insolvabilité internationale classent depuis longtemps les pays et leurs règles de conflit des lois en fonction de leur volonté de reconnaître et de mettre à exécution les ordonnances et les jugements en matière d’insolvabilité rendus à l’étranger. Les régimes qui sont favorables à cette reconnaissance sont dits universalistes, et ceux qui sont contre sont dits territorialistes. Les pays de common law sont souvent considérés comme faisant partie de la famille des universalistes, alors que les régimes de droit civil ont la réputation d’être territorialistes.

Toutefois, cette catégorisation est trompeuse. Les pays de common law se distinguent autant entre eux par leurs règles d’insolvabilité internationale que le font les pays de droit civil. Un examen plus attentif montrera que certains pays qui se disent universalistes ne pratiquent qu’une forme très diluée d’universalisme alors que les pays dits territorialistes reconnaissent plus ou moins les ordonnances en matière d’insolvabilité délivrées à l’étranger et les représentants étrangers en la matière.

(« Ships at Sea, International Insolvencies, and Divided Courts » (1998), 50 C.B.R. (3d) 310. Voir aussi In re Treco, précité, et Castel, op. cit., p. 553‑554.)

78 Traditionnellement, seuls quelques éléments-clés de l’approche universaliste ont marqué le droit canadien. Bien que nos tribunaux favorisent généralement une procédure de répartition universelle et reconnaissent le titre de propriété d’un syndic étranger, ils permettent également les faillites concomitantes et protègent les droits acquis de ce que nous considérons comme des créanciers garantis en droit canadien. Dans ce dernier cas, on estime habituellement au Canada qu’un syndic de faillite étranger ne doit pas avoir plus de droits sur les éléments d’actif garantis d’un failli que si la faillite était survenue dans notre pays. Dans un véritable régime universaliste, la question des charges serait réglée par la loi du lieu de la faillite (ce qui peut, comme en l’espèce, entraîner un résultat contraire au droit maritime canadien).

79 En outre, le droit canadien a toujours reconnu que l’engagement de procédures de faillite à l’étranger n’empêche pas l’engagement de procédures d’insolvabilité concomitantes au Canada : voir Castel, op. cit., p. 565; Allen c. Hanson (1890), 18 R.C.S. 667; Re Breakwater Co. (1914), 33 O.L.R. 65 (H.C.), et Re E. H. Clarke & Co., [1923] 1 D.L.R. 716 (C.S. Ont.). L’existence de deux séries de procédures fait naître manifestement le spectre de décisions ou d’approches contradictoires même si, comme le faisait remarquer, en 1890, le juge en chef Ritchie de notre Cour dans l’arrêt Allen, précité, p. 674, [traduction] « les tribunaux des deux pays [sont] tenus de veiller à ce qu’aucun conflit ne survienne ». Les conflits peuvent être évités de plusieurs façons, notamment par le rejet ou la suspension des procédures au Canada. Le paragraphe 43(7) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité autorise le tribunal à rejeter une pétition pour une « cause suffisante ». Cette condition peut être remplie si le débiteur a été mis en faillite ailleurs. En fait, les tribunaux ont suspendu des procédures de liquidation au moment où des procédures de faillite étaient en cours dans un ressort étranger : Re Stewart & Matthews, Ltd. and The Winding-Up Act (1916), 10 W.W.R. 154 (B.R. Man.). De même, lorsqu’une affaire s’y prête, la Cour fédérale peut éviter un conflit en suspendant ses procédures conformément à l’art. 50 de la Loi sur la Cour fédérale.

80 Bref, le Canada a adopté un point de vue intermédiaire (qualifié d’« approche pluraliste ») qui consiste à admettre que différents ressorts peuvent avoir un intérêt légitime et concomitant dans le déroulement d’une faillite internationale, et que les droits réclamés devant les tribunaux canadiens peuvent mais ne doivent pas nécessairement être subordonnés à un régime de faillite étranger dans un cas particulier. Cette approche générale témoigne d’un désir de coordination plutôt que de subordination, où l’on ne fait preuve de déférence qu’après avoir bien examiné toutes les circonstances pertinentes, et non pas automatiquement en fonction d’un principe « universaliste » abstrait. Comme l’a souligné le professeur Castel, op. cit., p. 554-555 :

[traduction] Selon la règle de la pluralité appliquée au Canada, chaque pays a le droit, s’il le juge utile, de permettre que des procédures de faillite soient engagées sur son territoire sous le régime de sa loi sur la faillite. Le tribunal applique ses propres règles de fond. Ainsi, des procédures de faillite peuvent être engagées dans plusieurs pays à l’égard du même débiteur. Au Canada, cette règle rigide est partiellement tempérée par une étroite collaboration avec les tribunaux étrangers.

81 La question est de savoir si cette orientation canadienne doit maintenant céder le pas à une approche plus « universaliste », comme l’ont fait valoir les syndics appelants.

c) Les modifications apportées à la Loi en 1997

82 En avril 1997, le législateur a adopté la partie XIII de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, intitulée « Insolvabilité en contexte international ». Cette partie ne s’applique qu’aux procédures de faillite engagées après le 30 septembre 1997 et n’a donc aucun impact direct en l’espèce. Il importe néanmoins de souligner que le législateur a maintenu l’universalisme dilué (ou « approche pluraliste ») adopté par les tribunaux canadiens sous le régime de la common law. Il existe désormais, en vertu de la partie XIII, une autorisation particulière de prêter concours aux tribunaux étrangers et aux « représentants étrangers » dans l’administration et le règlement des insolvabilités ayant des dimensions internationales. Les tribunaux canadiens sont également autorisés, en vertu du par. 271(1), à demander « le concours d’une cour, d’un tribunal ou d’une autre autorité à l’étranger ». Ces dispositions ont pour objet de faciliter la coordination des procédures d’insolvabilité engagées à l’étranger et au pays. Néanmoins, aucune règle n’empêche les tribunaux canadiens d’instruire des procédures concomitantes. Au contraire, les procédures concomitantes sont prévues étant donné que le par. 268(3) habilite les tribunaux canadiens à rendre des ordonnances qui entraîneront une coordination des procédures engagées au pays et à l’étranger, et non l’élimination des unes au profit des autres. En autorisant, au par. (2), le tribunal canadien à limiter le pouvoir du syndic canadien aux biens situés au Canada, le législateur s’attendait visiblement à ce que l’approche territorialiste soit acceptable dans certains cas. Les modifications prévoient spécifiquement qu’un tribunal n’est pas tenu de mettre à exécution les ordonnances délivrées par un tribunal étranger : par. 268(6).

83 De plus, l’art. 269 prévoit explicitement que les ordonnances de suspension des procédures à l’étranger n’ont aucune portée extraterritoriale. Aux termes de ce paragraphe, la suspension des procédures à l’étranger « n’est opposable aux créanciers qui résident ou font affaires au Canada en ce qui touche les biens du débiteur situés au Canada que si elle résulte de procédures intentées au Canada ».

84 Il appert donc que la politique générale du Canada, énoncée dès 1997 par le législateur, entérine l’approche pluraliste établie au fil des ans par les tribunaux.

d) L’approche privilégiée

85 Vu la variété quasi infinie des circonstances qui peuvent entourer une « faillite internationale », le pragmatisme de l’approche pluraliste continue de s’imposer. La coordination internationale est un facteur important, mais elle ne constitue pas nécessairement un facteur déterminant.

86 Lorsqu’un tribunal canadien (en l’occurrence la Cour fédérale) est saisi d’une demande de suspension de ses procédures par déférence pour un tribunal de faillite étranger, il doit être conscient des difficultés auxquelles sont confrontés les syndics de faillite dans l’accomplissement de leur mandat public de rétablir l’ordre dans un désordre financier, et de l’intérêt de maximiser la taille de l’actif du failli. Ces objectifs peuvent être atteints en réduisant au minimum la multiplicité des procédures et les coûts qui s’y rattachent, ainsi que la possibilité que les mêmes réclamations ou les mêmes éléments d’actif fassent l’objet de décisions incompatibles.

87 Toutefois, les tribunaux doivent tenir compte de la nécessité de rendre justice aux parties qui se présentent devant eux, ainsi que de l’intérêt qu’a le public dans l’administration efficace de l’actif du failli. Il ne conviendrait pas qu’une considération soit qualifiée de déterminante par un tribunal de faillite qui exerce son pouvoir discrétionnaire de rejeter une pétition fondée sur le par. 43(7) ou de suspendre des procédures en vertu de la partie XIII de la Loi, ou encore par la Cour fédérale lorsqu’elle décide de suspendre des procédures en vertu de l’art. 50 de la Loi sur la Cour fédérale. Le pouvoir discrétionnaire ne doit pas être ainsi prédéterminé. L’utilité de la coordination internationale est certes une considération importante. Dans certains cas, elle peut être déterminante. Les tribunaux doivent néanmoins exercer leur pouvoir discrétionnaire de suspendre ou de ne pas suspendre les procédures engagées au pays en tenant compte de tous les faits pertinents de l’affaire.

7. À la lumière de ce qui précède, la Cour fédérale a-t-elle commis une erreur dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de refuser la demande de suspension des procédures présentée par les syndics?

88 La question monétaire en l’espèce ne doit pas être totalement éclipsée par le débat doctrinal entre les universalistes, les pluralistes et les territorialistes. Les syndics préconisent une approche « universaliste » parce que, du fait qu’ils agissent pour le compte de tous les créanciers, il est dans leur intérêt de rapatrier en Belgique le produit de la vente du navire pour le répartir conformément au droit belge. Une telle mesure n’est manifestement pas dans l’intérêt de l’intimée puisqu’il appert que, en droit belge, la réclamation de Holt ne bénéficierait pas de la priorité dont elle bénéficie en droit canadien. Si Holt doit défendre des variantes de l’approche « territorialiste », c’est parce qu’il semble que ce soit la seule façon de voir sa réclamation acquittée en totalité en temps opportun ou peut-être même tout simplement acquittée.

89 Le pouvoir de la Cour fédérale de suspendre des procédures est, comme nous l’avons vu, conféré par l’art. 50 de la Loi sur la Cour fédérale :

50. (1) La Cour a le pouvoir discrétionnaire de suspendre les procédures dans toute affaire :

a) au motif que la demande est en instance devant un autre tribunal;

b) lorsque, pour quelque autre raison, l’intérêt de la justice l’exige.

Les principes qui doivent sous-tendre l’exercice du pouvoir discrétionnaire dans ce type d’affaire ont été établis péremptoirement dans l’arrêt Amchem, précité. Le juge Sopinka, s’exprimant au nom de la Cour, s’est demandé, à la p. 920, si « un autre tribunal serai[t] plus approprié, compte tenu des facteurs pertinents », ce à quoi il a ajouté, à la p. 921, qu’« il faut établir clairement qu’un autre tribunal est plus approprié pour que soit écarté celui qu’a choisi le demandeur » (souligné dans l’original).

90 L’affaire Amchem était un litige purement privé où il était question d’actions en responsabilité du fait du produit liées à une exposition à l’amiante. Les faillites internationales comportent un aspect public, car il est dans l’intérêt public de faciliter le règlement rapide des retombées d’un effondrement financier. Cela ne change rien à l’analyse prévue dans l’arrêt Amchem. Il s’agit simplement de souligner que la présente affaire comporte un aspect public important, qui était absent dans l’affaire Amchem.

91 Le « ressort logique » est celui avec lequel l’action a le lien le plus réel et le plus important (Amchem, précité, p. 916 et 935). Les circonstances pertinentes comprennent non seulement les questions de politique générale (comme en l’espèce) mais également la possibilité que la suspension des procédures fasse perdre au demandeur un avantage juridique à tel point qu’il en résulterait une injustice, le ou les endroits où les parties exploitent leur entreprise, l’avantage de soumettre un litige dans un ressort ou un autre et les frais qui s’y rattachent, et la nécessité de dissuader les parties de rechercher un tribunal favorable. Bref, dans le contexte global d’une politique générale, toute injustice que subirait le demandeur si son action était suspendue doit être appréciée en fonction de toute injustice qui serait causée au défendeur si l’action pouvait suivre son cours. Ces facteurs doivent soigneusement être soupesés.

92 En examinant la question de la suspension, le juge MacKay a reconnu l’importance de la courtoisie et de la coordination internationale lorsqu’une affaire s’y prête. Il a ensuite insisté principalement sur le fait qu’il était saisi d’une action in rem intentée par des créanciers garantis contre un navire dont la Cour fédérale avait déjà ordonné la saisie au moment de la faillite, et dont il avait déjà ordonné l’évaluation et la vente au moment des interventions du tribunal de faillite canadien (11 juin et 28 juin 1996). En outre, l’ordonnance du 28 juin avait expressément assujetti l’intérêt des syndics appelants aux [traduction] « droits des créanciers dont les réclamations sont garanties sous le régime des lois du Canada, conformément à la loi ».

93 L’argument le plus solide des appelants veut que le litige ne soit que faiblement lié au Canada. Cependant, dans l’arrêt Antares Shipping Corp. c. Le navire « Capricorn », [1977] 2 R.C.S. 422, notre Cour a reconnu que l’absence de lien important avec un ressort particulier, y compris leur port d’attache, est une caractéristique des navires qui servent au commerce maritime international. Dans cette affaire, la Cour a refusé de suspendre les procédures in rem dans lesquelles trois sociétés libériennes contestaient au Canada la propriété d’un navire immatriculé au Libéria. Bien entendu, le pavillon du Libéria est un pavillon de complaisance. Les navires qui y sont immatriculés n’auront peut-être jamais l’occasion de « rentrer à la maison ». Dans Antares Shipping, le seul lien qui existait avec le Canada était que le navire avait été saisi à la demande d’une des sociétés libériennes, alors qu’il était en eaux canadiennes. Le juge Ritchie, s’exprimant au nom de la majorité, a reconnu que les navires de haute mer posent un problème particulier. À la page 453, il a fait siennes les observations suivantes de lord Simon, dissident, dans The Atlantic Star, [1973] 2 All E.R. 175 (H.L.), p. 197 :

[traduction] Les navires se dérobent facilement. Le pouvoir de les saisir dans n’importe quel port et d’intenter une action in rem est de plus en plus nécessaire, compte tenu de la coutume de la propriété unique des navires et l’usage des pavillons de complaisance. Un grand pétrolier, naviguant avec négligence, peut causer des dommages considérables aux plages ou à d’autres navires; il évitera soigneusement les ports situés dans le ressort d’un tribunal « compétent ». Si la partie lésée parvient à le saisir ailleurs, on opposera énergiquement (comme le font les appelantes en l’espèce) que : « Le défendeur n’a aucun lien avec le tribunal, si ce n’est qu’il a été saisi dans son ressort. » Mais souvent, ce sera la seule façon d’obtenir justice.

Le pavillon de la Belgique n’est pas un « pavillon de complaisance » comme l’était le pavillon du Libéria, mais le principe demeure le même. Le critère du « lien réel et important » doit tenir compte du « mode de vie » particulier des cargos.

94 Quant à l’allégation des appelants selon laquelle Holt était à la « recherche du tribunal le plus favorable », les observations suivantes de lord Simon, citées dans Antares Shipping, p. 453, sont également pertinentes :

[traduction] La « recherche d’un tribunal » est de fait inévitablement liée au concept du privilège maritime et à l’action in rem. Chaque port constitue automatiquement un choix possible en matière d’amirauté. Cela peut être très ennuyeux pour certains défendeurs; mais de façon générale, le système sert incontestablement les fins de la justice.

95 En ce qui a trait à l’avantage juridique, le juge de première instance a dit que « la Cour n’a été saisie d’aucun élément de preuve comparant le statut de la réclamation de la demanderesse en droit belge et en droit canadien » (par. 76). En appel, comme nous l’avons vu, la Cour d’appel fédérale a fait remarquer que les « deux parties admettent [qu’il était] peu probable que les droits in rem de [Holt] puissent subsister sous une forme ou une autre sous le régime des lois belges sur la faillite » (note de renvoi 5). Cette concession manifeste lors de l’audience devant la Cour d’appel fédérale ne fait que s’ajouter au poids des arguments précédemment acceptés par le juge MacKay pour autoriser la poursuite de l’action in rem.

96 Si, contrairement à la concession faite devant la Cour d’appel fédérale, nous devions présumer, au profit des syndics, que Holt ou les autres créanciers garantis n’avaient aucun avantage juridique à poursuivre l’action in rem au Canada, cela signifierait que les syndics n’auraient également aucun avantage à déplacer les procédures en Belgique. Les mêmes créanciers garantis (selon cette présomption) épuiseraient le produit de la vente du navire, mais devraient assumer les frais additionnels liés à la répétition des mêmes procédures en Belgique. Dans ces circonstances, parler des avantages de l’approche « universaliste » en matière de faillites internationales est illusoire.

97 Le juge de première instance a également souligné qu’il était avantageux pour les créanciers américains d’engager des procédures au Canada plutôt qu’en Belgique. Ce facteur est pertinent (Amchem, précité, p. 917), mais je ne pense pas qu’il aurait une grande importance si les syndics appelants avaient pu établir que la justice exigeait de s’en remettre au tribunal du domicile de la faillie.

98 En résumé, le juge de première instance a tenu compte des facteurs pertinents pour conclure que la Cour fédérale était le tribunal compétent pour régler la réclamation de l’intimée. Il n’a commis aucune erreur de principe et n’a pas refusé « de tenir compte d’un élément prépondérant en l’espèce » : Harelkin c. Université de Regina, [1979] 2 R.C.S. 561, p. 588; Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3, p. 77. En l’absence d’erreur, nous n’avons pas le droit d’intervenir dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

V. Conclusion

99 Le pourvoi est rejeté avec dépens.

Pourvoi rejeté avec dépens.

Procureurs des appelants : Brisset Bishop, Montréal.

Procureurs de l’intimée : McInnes Cooper & Robertson, Halifax, Nouvelle‑Écosse.


Synthèse
Référence neutre : 2001 CSC 90 ?
Date de la décision : 20/12/2001
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Tribunaux - Compétence - Cour fédérale du Canada - Droit maritime - Suspension des procédures - Créancier américain intentant en Cour fédérale une action fondée sur le droit maritime contre un navire belge - Faillite du propriétaire belge survenue par la suite en Belgique - Cour supérieure du Québec délivrant des ordonnances censées statuer sur le sort du navire et le produit de la vente - La Cour fédérale a‑t‑elle commis une erreur dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de refuser la demande de suspension des procédures présentée par les syndics? - Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F‑7, art. 50.

À la fin du mois de mars 1996, un navire belge a été saisi à Halifax à la suite d’une action in rem que l’intimée Holt, une compagnie américaine, avait intentée devant la Cour fédérale et dans laquelle elle invoquait un privilège maritime pour des services d’acconage fournis aux États‑Unis. Le propriétaire belge du navire a, par la suite, été mis en faillite par le tribunal de faillite belge, et les appelants ont été désignés syndics de faillite. Au cours du mois de mai, les syndics appelants ont obtenu auprès de la Chambre civile de la Cour supérieure du Québec une ordonnance « reconn[aissant] et déclar[ant] exécutoir[e] au Québec » l’ordonnance de faillite délivrée en Belgique. Leur requête déposée devant la Section de première instance de la Cour fédérale en vue d’obtenir l’ajournement des procédures in rem contre le navire a été rejetée et, faute de défense, Holt a obtenu jugement contre le navire, les syndics étant autorisés à contester le montant accordé à la condition d’agir promptement. La Cour fédérale a ordonné l’évaluation du navire et établi la procédure à suivre pour le vendre. Les syndics ont alors demandé à la Cour fédérale de suspendre les procédures « en attendant le règlement définitif de l’affaire par la Cour supérieure ». Ils ont produit diverses ordonnances de la Cour supérieure du Québec siégeant en matière de faillite, dont l’une était censée statuer sur le sort du navire et le produit de la vente. La Section de première instance de la Cour fédérale a refusé de mettre à exécution les ordonnances du tribunal de faillite canadien et de suspendre ses propres procédures. La Cour d’appel fédérale a confirmé cette décision.

Arrêt : Le pourvoi est rejeté.

Un privilège maritime validement créé sous le régime d’une loi étrangère est reconnu et se voit accorder, au Canada, la même priorité qu’un privilège maritime créé au Canada sous le régime du droit maritime canadien, à moins qu’il n’aille à l’encontre d’une règle quelconque de politique ou de procédure intérieure qui en empêche la reconnaissance. Holt avait droit en l’espèce à la reconnaissance de son privilège maritime par la Cour fédérale.

La Cour fédérale n’a pas perdu compétence à la suite des diverses ordonnances délivrées par la Cour supérieure du Québec siégeant en matière de faillite. Le juge de la Section de première instance de la Cour fédérale n’exerçait pas une juridiction de première instance, auxiliaire ou subordonnée en matière de faillite, mais était plutôt saisi de réclamations in rem contre le navire. Après avoir décidé de reconnaître la garantie de Holt sur le plan du droit maritime, le juge de première instance a conclu à juste titre qu’aucune entrave juridictionnelle n’empêchait la Cour fédérale de continuer d’instruire l’action in rem de Holt contre le navire. Dans la mesure où la réclamation de Holt était entièrement liée aux affaires maritimes, elle relevait de la compétence de la Cour fédérale et il appartenait à cette cour de décider si elle devait s’en remettre au tribunal de faillite belge, compte tenu à la fois de la courtoisie et des convenances internationales et des droits de ses propres citoyens ou des autres personnes qui sont sous la protection de nos lois.

En examinant la question de la suspension, le juge de première instance a reconnu l’importance de la courtoisie et de la coordination internationale en matière de faillite. Il a ensuite insisté principalement sur le fait qu’il était saisi d’une action in rem intentée par des créanciers garantis contre un navire dont la Cour fédérale avait déjà ordonné la saisie au moment de la faillite, et dont il avait déjà ordonné l’évaluation et la vente au moment des interventions du tribunal de faillite canadien.

L’argument le plus solide des appelants veut que les parties et l’objet du litige ne soient que faiblement liés au Canada. Cependant, l’absence de lien important avec un ressort particulier, y compris leur port d’attache, est une caractéristique des navires qui servent au commerce maritime international. Le juge de première instance a tenu compte des facteurs pertinents pour conclure que la Cour fédérale était le tribunal compétent pour régler la réclamation garantie de Holt contre le navire. Il n’a commis aucune erreur de principe et n’a pas refusé de tenir compte d’un élément prépondérant en l’espèce. En l’absence d’une telle erreur, il y a lieu de confirmer la validité de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.


Parties
Demandeurs : Holt Cargo Systems Inc.
Défendeurs : ABC Containerline N.V. (Syndics de)

Références :

Jurisprudence
Arrêts mentionnés : Antwerp Bulkcarriers, N.V. (Re), [2001] 3 R.C.S. 951, 2001 CSC 91
Amchem Products Inc. c. Colombie‑Britannique (Workers’ Compensation Board), [1993] 1 R.C.S. 897
In re Treco, 240 F.3d 148 (2001)
Laane and Baltser c. Estonian State Cargo & Passenger Steamship Line, [1949] R.C.S. 530
Q.N.S. Paper Co. c. Chartwell Shipping Ltd., [1989] 2 R.C.S. 683
The Tolten, [1946] P. 135
Olympia & York Developments Ltd. c. Royal Trust Co. (1993), 20 C.B.R. (3d) 165
Re Cadillac Fairview Inc. (1995), 30 C.B.R. (3d) 17
Roberts c. Picture Butte Municipal Hospital (1998), 64 Alta. L.R. (3d) 218
Re Walker (1998), 5 C.B.R. (4th) 123
Re Babcock & Wilcox Canada Ltd. (2000), 18 C.B.R. (4th) 157
Banque fédérale de développement c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), [1988] 1 R.C.S. 1061
The Strandhill c. Walter W. Hodder Co., [1926] R.C.S. 680
Todd Shipyards Corp. c. Altema Compania Maritima S.A., [1974] R.C.S. 1248
Marlex Petroleum Inc. c. Har Rai (Le), [1987] 1 R.C.S. 57, conf. [1984] 2 C.F. 345
Riordon Co. c. Danforth Co., [1923] R.C.S. 319
Husky Oil Operations Ltd. c. Ministre du Revenu national, [1995] 3 R.C.S. 453
Galbraith c. Grimshaw, [1910] A.C. 508
Anantapadmanabhaswami c. Official Receiver of Secunderabad, [1933] A.C. 394
ITO--International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc., [1986] 1 R.C.S. 752
Zingre c. La Reine, [1981] 2 R.C.S. 392
Spencer c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 278
Hilton c. Guyot, 159 U.S. 113 (1895)
Succession Ordon c. Grail, [1998] 3 R.C.S. 437
Morguard Investments Ltd. c. De Savoye, [1990] 3 R.C.S. 1077
Hunt c. T&N PLC, [1993] 4 R.C.S. 289
Tolofson c. Jensen, [1994] 3 R.C.S. 1022
Canada Southern Railway Co. c. Gebhard, 109 U.S. 527 (1883)
Allen c. Hanson (1890), 18 R.C.S. 667
Re Breakwater Co. (1914), 33 O.L.R. 65
Re E. H. Clarke & Co., [1923] 1 D.L.R. 716
Re Stewart & Matthews, Ltd. and The Winding‑Up Act (1916), 10 W.W.R. 154
Antares Shipping Corp. c. Le navire « Capricorn », [1977] 2 R.C.S. 422
The Atlantic Star, [1973] 2 All E.R. 175
Harelkin c. Université de Regina, [1979] 2 R.C.S. 561
Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3.
Lois et règlements cités
Commercial Instruments and Maritime Liens Act, 46 U.S.C. § 31342.
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F‑7, art. 3 [abr. & rempl. 1993, ch. 34, art. 68], 17(6) [abr. & rempl. 1990, ch. 8, art. 3], 22(1), 50(1).
Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. 1985, ch. B‑3, art. 2 « créancier garanti », 43(7), 69.3 [aj. 1992, ch. 27, art. 36], 136(1), 183(1)b), partie XIII [aj. 1997, ch. 12, art. 118], 268(2), (3), (6) [idem], 269 [idem], 271(1) [idem].
Doctrine citée
Benedict, Erastus Cornelius. Benedict on Admiralty, vol. 1, 7th ed. New York : M. Bender, 1974 (loose‑leaf updated April 2001, release 84).
Castel, J.‑G. Canadian Conflict of Laws, 4th ed. Toronto : Butterworths, 1997.
Dicey and Morris on the Conflict of Laws, vol. 2, 13th ed. Under the general editorship of Lawrence Collins. London : Sweet & Maxwell, 2000.
Fletcher, Ian F. Insolvency in Private International Law : National and International Approaches. Oxford : Clarendon Press, 1999.
Honsberger, John D. « Canadian Recognition of Foreign Judicially Supervised Arrangements » (1990), 76 C.B.R. (N.S.) 204.
Houlden, L. W., and Geoffrey B. Morawetz. The 2001 Annotated Bankruptcy and Insolvency Act. Scarborough, Ont. : Carswell, 2000.
LoPucki, Lynn M. « Cooperation in International Bankruptcy : A Post‑Universalist Approach » (1999), 84 Cornell L. Rev. 696.
Tetley, William. Maritime Liens and Claims, 2nd ed. Montréal : Yvon Blais, 1998.
Ziegel, Jacob S. « Ships at Sea, International Insolvencies, and Divided Courts » (1998), 50 C.B.R. (3d) 310.

Proposition de citation de la décision: Holt Cargo Systems Inc. c. ABC Containerline N.V. (Syndics de), 2001 CSC 90 (20 décembre 2001)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2001-12-20;2001.csc.90 ?
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