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09/06/2005 | CANADA | N°2005_CSC_34

Canada | Banque Royale du Canada c. State Farm Fire and Casualty Co., 2005 CSC 34 (9 juin 2005)


COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : Banque Royale du Canada c. State Farm Fire and Casualty Co., [2005] 1 R.C.S. 779, 2005 CSC 34

Date : 20050609

Dossier : 30275, 30231

Entre :

Banque royale du Canada

Appelante

c.

State Farm Fire and Casualty Company

Intimée

et entre :

Michael Ian Beardall Alexander

Appelant

c.

State Farm Fire and Casualty Company

Intimée

Traduction française officielle

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Major, Bastarache, Binnie, LeBel, Abell

a et Charron

Motifs de jugement :

(par. 1 à 31)

Le juge Major (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Bastarache, Binnie, LeBel, Abella...

COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : Banque Royale du Canada c. State Farm Fire and Casualty Co., [2005] 1 R.C.S. 779, 2005 CSC 34

Date : 20050609

Dossier : 30275, 30231

Entre :

Banque royale du Canada

Appelante

c.

State Farm Fire and Casualty Company

Intimée

et entre :

Michael Ian Beardall Alexander

Appelant

c.

State Farm Fire and Casualty Company

Intimée

Traduction française officielle

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Major, Bastarache, Binnie, LeBel, Abella et Charron

Motifs de jugement :

(par. 1 à 31)

Le juge Major (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Bastarache, Binnie, LeBel, Abella et Charron)

______________________________

Banque Royale du Canada c. State Farm Fire and Casualty Co., [2005] 1 R.C.S. 779, 2005 CSC 34

Banque Royale du Canada Appelante

c.

State Farm Fire and Casualty Company Intimée

et entre

Michael Ian Beardall Alexander Appelant

c.

State Farm Fire and Casualty Company Intimée

Répertorié : Banque Royale du Canada c. State Farm Fire and Casualty Co.

Référence neutre : 2005 CSC 34.

Nos du greffe : 30275, 30231.

2005 : 13 avril; 2005 : 9 juin.

Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Major, Bastarache, Binnie, LeBel, Abella et Charron.

en appel de la cour d’appel de l’ontario

POURVOI contre un jugement de la Cour d’appel de l’Ontario (le juge en chef McMurtry et les juges Doherty et Blair) (2004), 69 O.R. (3d) 591, 6 C.C.L.I. (4th) 20, 181 O.A.C. 134, [2004] I.L.R. ¶ I‑4263, [2004] O.J. No. 91 (QL), infirmant une décision du juge Wilton‑Siegel (2002), 43 C.C.L.I. (3d) 274, [2003] I.L.R. ¶ I‑4154, [2002] O.J. No. 4209 (QL). Pourvoi accueilli.

Richard Horodyski et Amanda Jackson, pour l’appelante Banque Royale du Canada.

Michael Ian Beardall Alexander, en personne.

David Zarek, pour l’intimée.

Version française du jugement de la Cour rendu par

1 Le juge Major — Un incendie a détruit une maison assurée par l’intimée, State Farm Fire and Casualty Company (l’« assureur »). Au moment de l’incendie, la maison n’était plus occupée par ses propriétaires et avait été sous le contrôle successif des appelants, la Banque Royale du Canada et Michael Alexander, respectivement détenteurs d’une hypothèque de premier rang et d’une hypothèque de deuxième rang sur le terrain sur lequel la maison était située. Les appelants ont présenté une demande d’indemnité en vertu de la police d’assurance établie par l’assureur, se fondant sur la clause hypothécaire type qui y était contenue.

2 Le présent pourvoi porte sur la question de savoir si l’assureur peut éviter d’appliquer la police et refuser ainsi les demandes d’indemnité des appelants, au motif qu’ils ne l’ont pas avisé que la maison était vacante. Pour les motifs qui suivent, il ne peut agir ainsi. Le pourvoi est accueilli.

I. Les faits

3 Après avoir acheté une maison près de London, en Ontario, en 1997, Julaine et Todd Deeks l’ont assurée contre l’incendie en souscrivant une police d’assurance propriétaires occupants auprès de l’assureur.

4 Le 16 avril 2000, la maison des Deeks a été détruite par un incendie d’origine indéterminée. Les Deeks s’en sont tirés indemnes du sinistre étant donné qu’ils étaient depuis plusieurs mois en défaut de paiement hypothécaire et qu’ils avaient cessé d’occuper la maison après l’introduction d’une instance de pouvoir de vente.

5 Entre le moment où les Deeks ont cessé d’occuper la maison et le moment de l’incendie, la maison est toujours restée inoccupée. Toutefois, les appelants ont, successivement, assuré la sécurité et l’entretien des lieux.

6 Bien que les appelants aient pu exercer un certain contrôle sur la propriété des Deeks en prenant des mesures raisonnables pour en conserver la valeur, ni l’un ni l’autre n’en sont jamais devenus propriétaires. Les deux appelants auraient pu, à divers moments, demander une ordonnance de forclusion, qui leur aurait transféré le droit de propriété sur le bien, mais aucun d’eux n’a opté pour ce recours, chacun préférant exercer son pouvoir de vente. Lorsque l’incendie est survenu, l’appelant Alexander venait tout juste d’intenter une action en paiement hypothécaire et possession de la propriété.

7 Ni les Deeks ni les appelants n’ont avisé l’assureur de l’inoccupation de la maison.

8 La police d’assurance que les Deeks avait souscrite auprès de l’assureur comportait la clause type suivante au bénéfice des créanciers hypothécaires tels les appelants (la « clause hypothécaire ») :

[traduction] (Formule approuvée par le B.A.C.) : Ne sont pas opposables aux créanciers hypothécaires les actes, négligences ou déclarations des propriétaires, locataires ou occupants des biens assurés, notamment en ce qui concerne les transferts d’intérêts, la vacance ou l’inoccupation, ou l’affectation des lieux à des fins plus dangereuses que celles déclarées.

Les créanciers hypothécaires sont tenus d’aviser l’Assureur (si ce dernier leur est connu) dès qu’ils sont au courant de toute inoccupation ou vacance de plus de trente jours consécutifs, de tout changement dans les droits de propriété ou de toute aggravation du risque, à charge pour eux d’acquitter, sur demande raisonnable, les surprimes afférentes aux aggravations dépassant les normes d’acceptation fixées pour le présent contrat et cela au tarif établi à cet égard et pour la durée du contrat restant à courir à compter du début des aggravations en question.

. . .

En cas d’absence ou incapacité de l’Assuré, ou s’il refuse ou néglige de présenter les déclarations de sinistre ou formulaires de demandes d’indemnité exigés par le contrat, ces déclarations peuvent être faites par les créanciers hypothécaires dès qu’ils sont au courant des sinistres, les formulaires de demande devant dès lors être produits par eux dans les meilleurs délais.

Les effets de la présente clause prennent fin en même temps que le contrat, sous réserve des droits de résiliation dont l’Assureur peut se prévaloir aux termes de ce dernier, et à charge pour l’Assureur de se conformer aux dispositions de l’article 5 des Conditions légales et de donner aux créanciers hypothécaires le préavis exigé de toute résiliation ou modification pouvant leur causer préjudice.

Si les créanciers hypothécaires ou leurs ayants droit acquièrent, par saisie ou autrement, les titres ou les droits de propriété des biens assurés, ils ont droit dès lors au bénéfice de la présente assurance tant qu’elle demeure en vigueur.

Aux conditions ci‑dessus (lesquelles doivent par ailleurs prévaloir en ce qui concerne les intérêts des créanciers hypothécaires contre toutes celles du contrat entrant en conflit avec elles), les sinistres sont payables directement aux créanciers hypothécaires. . . [Je souligne.]

9 La police d’assurance comporte également la clause suivante (« Condition légale numéro 4 ») :

[traduction] Tout changement essentiel pour l’appréciation du risque sur lequel l’Assuré a un contrôle ou dont il a connaissance est une cause de nullité du contrat pour la partie ainsi touchée, à moins qu’avis de ce changement ne soit promptement donné par écrit à l’Assureur ou à son agent local; et l’Assureur ainsi avisé peut rembourser la part non acquise, s’il en est, de la prime versée et annuler le contrat, ou aviser par écrit l’Assuré que, s’il désire la continuation de la police, il doit, dans les quinze jours suivant la réception de l’avis, verser à l’Assureur une surprime; et à défaut de paiement, le contrat cesse d’être en vigueur . . . [Je souligne.]

La condition légale numéro 4 figure dans tous les contrats conclus en Ontario établissant des « assurances contre les pertes de biens ou les dommages causés à ceux‑ci dus aux risques d’incendie », conformément à la partie IV de la Loi sur les assurances, L.R.O. 1990, ch. I.8.

10 Invoquant la clause hypothécaire, les appelants ont présenté à l’assureur des demandes d’indemnité pour le sinistre causé par l’incendie, lesquelles ont été refusées. Selon l’assureur, l’inoccupation de la maison des Deeks constituait un « changement essentiel pour l’appréciation du risque » sur lequel les appelants avaient un contrôle ou dont ils avaient connaissance; comme il n’en avait pas été avisé, son refus de paiement au titre de la police était justifié selon la condition légale numéro 4.

11 Les appelants ont poursuivi l’assureur, invoquant la violation de la police d’assurance. Toutes les parties ont demandé un jugement sommaire sur la question de savoir si l’assureur pouvait annuler la protection des appelants.

II. Historique judiciaire

A. Cour supérieure de justice de l’Ontario (2002), 43 C.C.L.I. (3d) 274

12 Le juge Wilton‑Siegel a affirmé que la condition légale numéro 4 n’entrait pas en conflit avec la clause hypothécaire. Celle‑ci visait les changements dans le risque survenus du fait du débiteur hypothécaire et à la connaissance du créancier hypothécaire, alors que la condition légale numéro 4 visait les changements sur lesquels le créancier hypothécaire avait un contrôle ou dont il avait connaissance. À son avis, la condition légale numéro 4 permettait à l’assureur d’annuler la garantie offerte au créancier hypothécaire qui n’a pas avisé l’assureur d’un « changement essentiel pour l’appréciation du risque » sur lequel il avait un contrôle ou dont il avait connaissance.

13 Le juge Wilton‑Siegel a estimé que la condition légale numéro 4 ne s’appliquait pas dans les circonstances. Le seul « changement essentiel pour l’appréciation du risque » s’est produit lorsque les Deeks ont cessé d’occuper leur maison. Aucun des appelants n’était en mesure d’inverser ce changement étant donné que ni l’un ni l’autre ne détenait le titre de propriété. Par conséquent, ni l’un ni l’autre ne pouvait être considéré comme ayant eu un contrôle sur le changement.

14 Sur ce fondement, le juge Wilton‑Siegel a accordé jugement en faveur des appelants.

B. Cour d’appel de l’Ontario (2004), 69 O.R. (3d) 591

15 Le juge Doherty, au nom de la cour unanime, a convenu avec le juge Wilton‑Siegel que la condition légale numéro 4 n’entrait pas en conflit avec la clause hypothécaire. Toutefois, contrairement au juge Wilton‑Siegel, il a estimé que les appelants avaient enclenché l’application de cette condition, de sorte que l’assureur pouvait annuler la police. À son avis, l’inoccupation continue de la maison des Deeks après sa prise de contrôle par les appelants constituait un « changement essentiel pour l’appréciation du risque » qui existait à l’entrée en vigueur de la police et sur lequel les appelants avaient un contrôle ou dont ils avaient connaissance.

16 En définitive, la cour a accueilli l’appel et a accordé jugement en faveur de l’assureur.

III. Questions en litige

17 Le pourvoi soulève deux questions :

1. La condition légale numéro 4 permet‑elle à l’assureur d’annuler la protection accordée à un créancier hypothécaire par la clause hypothécaire type advenant un « changement essentiel pour l’appréciation du risque » sur lequel ce créancier hypothécaire a un contrôle ou dont il a connaissance, et dont l’assureur n’a pas été avisé?

2. Dans l’affirmative, y a‑t‑il eu un « changement essentiel pour l’appréciation du risque » sur lequel l’un ou l’autre des créanciers hypothécaires appelants avaient un contrôle ou dont ils avaient connaissance, et dont l’assureur n’a pas été avisé?

18 Vu ma conclusion quant à la première question, je n’examinerai pas la seconde.

IV. Analyse

19 Des conditions telles la clause hypothécaire sont « le moyen normal par lequel les créanciers hypothécaires assurent leur intérêt dans les biens grevés » : Banque nationale de Grèce (Canada) c. Katsikonouris, [1990] 2 R.C.S. 1029, p. 1047. Elles permettent aux créanciers hypothécaires de se « greffer » à l’assurance souscrite par les débiteurs hypothécaires et représentent « le moyen le plus économique, rationnel et juste d’assurer l’intérêt des créanciers hypothécaires » : Katsikonouris, p. 1053.

20 Le libellé de la clause hypothécaire pertinente détermine la portée de la garantie offerte au créancier hypothécaire. Dans Katsikonouris, le juge La Forest a conclu que la clause hypothécaire en cause protégeait le créancier hypothécaire contre toute déclaration du débiteur hypothécaire, y compris celle faite avant la souscription de la police. Bien que le juge La Forest ait examiné la question de l’existence d’un contrat indépendant entre l’assureur et le créancier hypothécaire créé par la clause hypothécaire, il est clair que la protection du créancier hypothécaire contre les déclarations contenues dans ce contrat était fondée sur les « termes simples et non techniques » de la clause (p. 1038).

21 En l’espèce, la clause hypothécaire prévoit que « les sinistres sont payables directement aux créanciers hypothécaires ou à leurs ayants droit ». En soi, cet énoncé indique que les créanciers hypothécaires obtiennent, grâce à la clause hypothécaire, une protection assujettie à toutes les conditions de la police.

22 Toutefois, la clause hypothécaire prévoit également que ses conditions « doivent par ailleurs prévaloir en ce qui concerne les intérêts des créanciers hypothécaires contre toutes celles du contrat entrant en conflit avec elles ». Cela signifie que les conditions de la police incompatibles avec la clause hypothécaire, y compris les exceptions à la protection du débiteur hypothécaire, n’affectent pas la protection des créanciers hypothécaires.

23 La condition légale numéro 4 va à l’encontre de la clause hypothécaire. L’assureur ne peut donc pas s’en prévaloir pour annuler la protection que la clause hypothécaire confère aux appelants.

24 Il y a conflit parce que la condition légale numéro 4 permettrait à l’assureur d’annuler la protection pour cause de « changement essentiel pour l’appréciation du risque sur lequel l’Assuré a un contrôle ou dont il a connaissance », et dont l’assureur n’a pas été avisé. Si l’on présume que le mot « assuré » désigne le débiteur hypothécaire, il est impossible de concilier ce droit avec le premier paragraphe de la clause hypothécaire, lequel prévoit que ne sont pas opposables aux créanciers hypothécaires les actes du débiteur hypothécaire — y compris, forcément, un acte entraînant un « changement essentiel pour l’appréciation du risque » — et que le créancier hypothécaire doit acquitter les surprimes afférentes aux « aggravations [. . .] pour la durée du contrat restant à courir ».

25 La situation demeure la même si l’on présume que le terme « assuré » dans la condition légale numéro 4 englobe à la fois les créanciers hypothécaires et le débiteur hypothécaire. Le conflit susmentionné subsiste.

26 La seule façon d’éviter le conflit entre la condition légale numéro 4 et la clause hypothécaire est d’interpréter le mot « assuré » dans la condition légale comme désignant uniquement le créancier hypothécaire, et non le débiteur hypothécaire. Or, une telle interprétation est insoutenable, pour deux raisons.

27 Premièrement, la clause hypothécaire établit expressément une distinction entre le créancier hypothécaire et « l’assuré » :

[traduction] En cas d’absence ou incapacité de l’Assuré, ou s’il refuse ou néglige de présenter les déclarations de sinistre ou formulaires de demandes d’indemnité exigés par le contrat, ces déclarations peuvent être faites par les créanciers hypothécaires dès qu’ils sont au courant des sinistres, les formulaires de demande devant dès lors être produits par eux dans les meilleurs délais.

Ce libellé est conforme aux conditions particulières de la police, où les Deeks sont désignés comme assuré et les appelants, comme créanciers hypothécaires.

28 Deuxièmement, interpréter le mot « assuré » comme s’entendant uniquement du créancier hypothécaire alors que ce mot figure dans d’autres parties de la police donne lieu à des résultats absurdes. Par exemple, la police prévoit que le contrat [traduction] « peut être résilié [. . .] par l’Assuré en tout temps [sur production d’]une demande à cet effet ». Si, s’agissant de cette condition, on entendait par « assuré » le créancier hypothécaire et non le débiteur hypothécaire, le créancier hypothécaire pourrait unilatéralement résilier la police contractée par le débiteur hypothécaire, alors que ce dernier ne le pourrait pas.

29 Un autre conflit entre la condition légale numéro 4 et la clause hypothécaire se dégage des faits de la présente espèce. Le « changement essentiel pour l’appréciation du risque » sur lequel les appelants avaient un contrôle ou dont ils avaient connaissance, aux dires de l’assureur, découle du fait que les Deeks ont cessé d’occuper la maison assurée. Or, la clause hypothécaire stipule que ne sont pas opposables aux appelants [traduction] « la vacance ou l’inoccupation » attribuables aux débiteurs hypothécaires (c’est‑à‑dire les Deeks). Même si la condition légale numéro 4 n’entrait pas plus généralement en conflit avec la clause hypothécaire et que l’assureur pouvait prouver qu’il y a eu « changement essentiel pour l’appréciation du risque » sur lequel les appelants avaient un contrôle ou dont ils avaient connaissance, il ne pourrait invoquer ce changement pour annuler la protection des appelants dans la mesure où celui‑ci concernait la vacance ou l’inoccupation de la maison assurée. Permettre à l’assureur d’agir ainsi irait en effet à l’encontre de son engagement, contenu dans la clause hypothécaire, de maintenir la protection en cas de vacance.

30 Si l’assureur voulait être en mesure d’annuler la protection d’un créancier hypothécaire advenant un « changement essentiel pour l’appréciation du risque » sur lequel ce créancier hypothécaire a un contrôle ou dont il a connaissance, et dont l’assureur n’a pas été avisé, il aurait dû le dire clairement. Il ne peut demander à la Cour de déformer la clause hypothécaire et la condition légale numéro 4 afin de donner suite à son intention non manifeste, si véritable soit‑elle.

V. Conclusion

31 Vu l’incompatibilité de la condition légale numéro 4 avec la clause hypothécaire, celle‑ci doit prévaloir conformément à son dernier paragraphe. L’assureur ne peut l’invoquer pour annuler la protection des appelants et refuser de les indemniser. Le pourvoi est accueilli avec dépens partie‑partie en faveur des appelants dans toutes les cours.

Pourvoi accueilli avec dépens.

Procureurs de l’appelante Banque Royale du Canada : Gowling Lafleur Henderson, Hamilton.

Procureurs de l’intimée : Zarek Taylor Grossman Hanrahan, Toronto.


Synthèse
Référence neutre : 2005 CSC 34 ?
Date de la décision : 09/06/2005
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Assurance - Assurance‑incendie - Conditions légales - Changement essentiel pour l’appréciation du risque - Inoccupation - Clause hypothécaire - Maison assurée inoccupée par les propriétaires au moment de l’incendie - Assureur n’ayant pas été avisé de l’inoccupation - Demande d’indemnité par les créanciers hypothécaires en vertu de la police d’assurance, selon la clause hypothécaire type - Condition légale permettant d’annuler le contrat d’assurance si l’assureur n’a pas été promptement avisé d’un changement essentiel pour l’appréciation du risque sur lequel l’assuré avait un contrôle ou dont il avait connaissance - Demande d’indemnité refusée par l’assureur, au motif que l’inoccupation constituait un « changement essentiel pour l’appréciation du risque » - L’assureur peut‑il refuser la protection, au motif que les créanciers hypothécaires ne l’ont pas avisé de l’inoccupation de la maison?.

Un incendie a détruit une maison. Au moment de l’incendie, la maison assurée n’était plus occupée par ses propriétaires et était sous le contrôle des créanciers hypothécaires. Ceux‑ci ont présenté une demande d’indemnité en vertu de la police d’assurance, se fondant sur la clause hypothécaire type qui y était contenue. L’assureur a refusé la demande d’indemnité parce qu’il n’avait pas été avisé de l’inoccupation de la maison. Selon lui, l’inoccupation constituait un « changement essentiel pour l’appréciation du risque » sur lequel les créanciers hypothécaires avaient un contrôle et, d’après la condition légale numéro 4, il avait le droit d’annuler la protection. Les créanciers hypothécaires ont poursuivi l’assureur, invoquant la violation de la police d’assurance. Selon la Cour supérieure de justice de l’Ontario, la condition légale numéro 4 n’entrait pas en conflit avec la clause hypothécaire, mais elle ne s’appliquait pas dans les circonstances. La Cour d’appel a annulé la décision et a accordé jugement en faveur de l’assureur.

Arrêt : Le pourvoi est accueilli.

L’assureur ne peut pas se prévaloir de la condition légale numéro 4 pour annuler la protection. D’après le libellé de la clause hypothécaire, les conditions de la police incompatibles avec cette clause, y compris les exceptions à la protection du débiteur hypothécaire, n’affectent pas la protection des créanciers hypothécaires. En l’espèce, la condition légale numéro 4 va à l’encontre de la clause hypothécaire. Il y a conflit parce que la condition légale numéro 4 permettrait à l’assureur d’annuler la protection pour cause de « changement essentiel pour l’appréciation du risque sur lequel l’Assuré a un contrôle ou dont il a connaissance », et dont l’assureur n’a pas été avisé. Si l’on présume que le mot « assuré » désigne le débiteur hypothécaire, il est impossible de concilier ce droit avec la clause hypothécaire, qui prévoit que la protection des créanciers hypothécaires est maintenue malgré les actes du débiteur hypothécaire — y compris un acte entraînant un « changement essentiel pour l’appréciation du risque ». Le conflit subsiste si l’on présume que le terme « assuré » englobe à la fois les créanciers hypothécaires et le débiteur hypothécaire. Même s’il est possible d’éviter le conflit en interprétant le mot « assuré » comme désignant uniquement le créancier hypothécaire, une telle interprétation est insoutenable. [22-26]

De plus, d’après les faits de la présente espèce, même s’il n’y a pas conflit et que l’assureur pouvait prouver qu’il y a eu un « changement essentiel pour l’appréciation du risque » sur lequel les créanciers hypothécaires avaient un contrôle ou dont ils avaient connaissance, il ne pourrait invoquer ce changement pour annuler la protection dans la mesure où celui‑ci concernait la vacance ou l’inoccupation de la maison assurée. La clause hypothécaire stipule clairement : « Ne sont pas opposables aux créanciers hypothécaires les actes [. . .] des [débiteurs hypothécaires] [. . .] notamment en ce qui concerne [. . .] la vacance ou l’inoccupation ». [29]


Parties
Demandeurs : Banque Royale du Canada
Défendeurs : State Farm Fire and Casualty Co.

Références :

Jurisprudence
Arrêt mentionné : Banque nationale de Grèce (Canada) c. Katsikonouris, [1990] 2 R.C.S. 1029.
Lois et règlements cités
Loi sur les assurances, L.R.O. 1990, ch. I.8, partie IV.

Proposition de citation de la décision: Banque Royale du Canada c. State Farm Fire and Casualty Co., 2005 CSC 34 (9 juin 2005)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2005-06-09;2005.csc.34 ?
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