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16/03/2006 | CANADA | N°2006_CSC_7

Canada | Mazzei c. Colombie-Britannique (Directeur des Adult Forensic Psychiatric Services), 2006 CSC 7 (16 mars 2006)


COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : Mazzei c. Colombie‑Britannique (Directeur des Adult Forensic Psychiatric Services), [2006] 1 R.C.S. 326, 2006 CSC 7

Date : 20060316

Dossier : 30415

entre :

Vernon Roy Mazzei

Appelant

c.

Directeur des Adult Forensic Psychiatric Services

et Procureur général de la Colombie-Britannique

Intimés

‑ et ‑

Commission d’examen de la Colombie-Britannique, Commission

ontarienne d’examen, Commission d’examen du Québec,

Commission d’examen de la Nouvelle-

cosse, Commission

d’examen du Nouveau-Brunswick, Commission d’examen du

Manitoba, Commission d’examen de l’Île-du-Prince-Édouard,

Commission d’examen...

COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : Mazzei c. Colombie‑Britannique (Directeur des Adult Forensic Psychiatric Services), [2006] 1 R.C.S. 326, 2006 CSC 7

Date : 20060316

Dossier : 30415

entre :

Vernon Roy Mazzei

Appelant

c.

Directeur des Adult Forensic Psychiatric Services

et Procureur général de la Colombie-Britannique

Intimés

‑ et ‑

Commission d’examen de la Colombie-Britannique, Commission

ontarienne d’examen, Commission d’examen du Québec,

Commission d’examen de la Nouvelle-Écosse, Commission

d’examen du Nouveau-Brunswick, Commission d’examen du

Manitoba, Commission d’examen de l’Île-du-Prince-Édouard,

Commission d’examen de la Saskatchewan, Commission

d’examen de l’Alberta, Commission d’examen de Terre-Neuve,

Commission d’examen des Territoires du Nord-Ouest,

Commission d’examen du Yukon, Commission d’examen du

Nunavut, procureur général de l’Ontario, Community Legal

Assistance Society et Mental Health Legal Advocacy Coalition

Intervenants

Traduction française officielle

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Major*, Bastarache, Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella et Charron

Motifs de jugement :

(par. 1 à 67)

Le juge Bastarache (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella et Charron)

* Le juge Major n’a pas pris part au jugement.

______________________________

Mazzei c. Colombie‑Britannique (Directeur des Adult Forensic Psychiatric Services), [2006] 1 R.C.S. 326, 2006 CSC 7

Vernon Roy Mazzei Appelant

c.

Directeur des Adult Forensic Psychiatric Services

et procureur général de la Colombie‑Britannique Intimés

et

Commission d’examen de la Colombie‑Britannique, Commission

ontarienne d’examen, Commission québécoise d’examen,

Commission d’examen de la Nouvelle‑Écosse, Commission

d’examen du Nouveau‑Brunswick, Commission d’examen du

Manitoba, Commission d’examen de l’Île‑du‑Prince‑Édouard,

Commission d’examen de la Saskatchewan, Commission

d’examen de l’Alberta, Commission d’examen de Terre‑Neuve,

Commission d’examen des Territoires du Nord‑Ouest,

Commission d’examen du Yukon, Commission d’examen du

Nunavut, procureur général de l’Ontario, Community Legal

Assistance Society et Mental Health Legal Advocacy Coalition Intervenants

Répertorié : Mazzei c. Colombie‑Britannique (Directeur des Adult Forensic Psychiatric Services)

Référence neutre : 2006 CSC 7.

No du greffe : 30415.

2005 : 14 novembre; 2006 : 16 mars.

Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Major*, Bastarache, Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella et Charron.

en appel de la cour d’appel de la colombie‑britannique

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique (les juges Ryan, Levine et Smith) (2004), 28 B.C.L.R. (4th) 69, 200 B.C.A.C. 79 (sub nom. Mazzei, Re), 327 W.A.C. 79, 15 Admin. L.R. (4th) 274, 185 C.C.C. (3d) 196, [2004] B.C.J. No. 831 (QL) (sub nom. British Columbia (Attorney General) c. British Columbia (Adult Forensic Psychiatric Services)), 2004 BCCA 237, qui a radié des conditions d’une décision de la Commission d’examen de la Colombie‑Britannique. Pourvoi accueilli.

Rod Holloway et Garth Barriere, pour l’appelant.

Angela R. Westmacott et Deborah K. Lovett, c.r., pour l’intimé le directeur des Adult Forensic Psychiatric Services.

George H. Copley, c.r., et Lyle B. Hillaby, pour l’intimé le procureur général de la Colombie‑Britannique.

Joseph J. Arvay, c.r., et Mark G. Underhill, pour l’intervenante la Commission d’examen de la Colombie‑Britannique.

Maureen D. Forestell et Joseph Wright, pour les intervenantes la Commission ontarienne d’examen, la Commission québécoise d’examen, la Commission d’examen de la Nouvelle‑Écosse, la Commission d’examen du Nouveau‑Brunswick, la Commission d’examen du Manitoba, la Commission d’examen de l’Île‑du‑Prince‑Édouard, la Commission d’examen de la Saskatchewan, la Commission d’examen de l’Alberta, la Commission d’examen de Terre‑Neuve, la Commission d’examen des Territoires du Nord‑Ouest, la Commission d’examen du Yukon et la Commission d’examen du Nunavut.

Sara Blake et Heather Mackay, pour l’intervenant le procureur général de l’Ontario.

David W. Mossop, c.r., pour l’intervenante Community Legal Assistance Society.

Anita Szigeti, pour l’intervenante Mental Health Legal Advocacy Coalition.

Version française du jugement de la Cour rendu par

Le juge Bastarache —

1. Introduction

1 Le présent pourvoi porte sur l’interprétation de la partie XX.1 du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46, en particulier l’art. 672.54, et sur l’examen du mandat des commissions d’examen et de leur pouvoir de rendre des ordonnances touchant des personnes « non responsables criminellement pour cause de troubles mentaux ». Au cœur du présent pourvoi se pose la question de l’étendue du pouvoir des commissions de fixer des modalités liant les autorités hospitalières et, plus particulièrement, des modalités reliées à la prestation de traitements médicaux.

1.1 Résumé des faits

2 En 1986, l’appelant Vernon Mazzei (« M. Mazzei ») a été déclaré « non coupable pour cause d’aliénation mentale », selon l’ancien régime établi par le Code criminel à l’égard des contrevenants atteints de troubles mentaux, des accusations de vol, vol qualifié, séquestration, introduction par effraction et agression armée. Conformément au régime législatif applicable, le tribunal a ordonné que M. Mazzei soit tenu sous garde rigoureuse au Forensic Psychiatric Institute, un établissement protégé de soins hospitaliers situé à Port Coquitlam (C.‑B.) « jusqu’à ce que le bon plaisir du lieutenant‑gouverneur en conseil soit connu ». M. Mazzei a été examiné par de nombreux psychiatres; ces derniers semblent convenir qu’il souffre de schizophrénie paranoïde chronique, d’un trouble grave de la personnalité, rendue antisociale, et d’une atteinte cérébrale organique, le tout apparemment exacerbé par une consommation prolongée et chronique d’alcool ou de drogues. En 1992, conformément à la nouvelle partie XX.1 du Code criminel, M. Mazzei a de nouveau été classé dans la catégorie des personnes non responsables criminellement et il relève depuis de la compétence de la commission d’examen de la Colombie‑Britannique (« commission »). À l’issue de certaines des nombreuses auditions relatives à M. Mazzei, la commission a ordonné sa libération conditionnelle; mais à chaque fois, sauf une, M. Mazzei a dû retourner à l’hôpital sous garde rigoureuse, soit parce qu’il avait contrevenu aux conditions de sa libération, soit parce que, en raison de son état mental inchangé, de son comportement antisocial et de sa toxicomanie, il continuait de représenter un risque pour la sécurité du public. Le 1er octobre 2001, alors qu’il bénéficiait d’une libération conditionnelle, M. Mazzei a plaidé coupable à une accusation de vol de moins de 5 000 $; il contrevenait ainsi à une ordonnance antérieure de la commission. Le 1er novembre 2001, la commission a ordonné le placement de M. Mazzei au Forensic Psychiatric Hospital (« hôpital »), tout en précisant que cette ordonnance devait être réexaminée dans un délai de six mois.

1.2 L’ordonnance contestée de la commission

3 Lors d’une nouvelle audition, le 3 avril 2002, la commission a entendu des témoignages selon lesquels M. Mazzei souhaitait, en tant qu’Autochtone, aller dans un centre autochtone de traitement en établissement où il recevrait un traitement adapté à sa culture pour soigner sa dépendance aux drogues et à l’alcool. L’avocat de M. Mazzei a exhorté la commission à envisager le traitement de son client « sous un angle nouveau » et à faire appel aux ressources et programmes autochtones. Cependant, la commission a aussi entendu des témoignages selon lesquels M. Mazzei se montrait « réticent » à collaborer avec l’équipe médicale, qu’il était toxicomane et avait maintes fois tenté de fuir (voir décision de la commission, p. 1‑2). La commission s’est dite préoccupée par le « retard » du gestionnaire de cas et de l’équipe médicale de M. Mazzei à lui fournir des renseignements et par l’insuffisance de ces derniers, par l’absence du psychiatre responsable de M. Mazzei à l’audition et par l’incapacité du gestionnaire de cas à répondre à plusieurs des questions de la commission (p. 2).

4 Finalement, la commission a ordonné que M. Mazzei soit maintenu en détention à l’hôpital (jusqu’à la prochaine audition, au plus tard dans quatre mois) et a imposé des conditions accordant à M. Mazzei un accès limité à la collectivité et lui interdisant d’utiliser des armes à feu et de consommer des drogues et de l’alcool. La commission a toutefois estimé que le traitement médical de M. Mazzei, ses progrès cliniques et ses possibilités de réinsertion étaient arrivés [traduction] « à la croisée des chemins ou dans une impasse inquiétante » et que M. Mazzei se trouvait [traduction] « coincé dans une situation intenable et vraisemblablement sans issue » (p. 3). La commission a indiqué que le programme thérapeutique établi à l’intention de M. Mazzei [traduction] « ne répondait ni à ses besoins ni à ceux du public » (p. 4). Par conséquent, la commission a ordonné à l’intimé, le directeur des Adult Forensic Psychiatric Services de l’hôpital (« directeur »), de reconsidérer le programme établi à l’intention de M. Mazzei et d’explorer de nouvelles avenues. Plus particulièrement, la commission a assorti sa décision des trois conditions suivantes, lesquelles font l’objet du présent pourvoi :

[traduction]

8. QUE, en vue de la prochaine audition du cas de M. Mazzei, le directeur procède à un examen global exhaustif du diagnostic, de la médication et des programmes en vue d’élaborer une thérapeutique intégrée qui tienne compte de l’impasse thérapeutique actuelle et de la réticence de l’accusé à participer activement à sa réadaptation;

9. QUE soit fournie à la commission, en vue de la prochaine audition, une évaluation indépendante du risque que représente l’accusé pour le public établie en fonction de la thérapeutique réorientée dont il est question ci‑dessus;

10. QUE le directeur déploie des efforts soutenus en vue de fournir à l’accusé la possibilité de participer à un programme thérapeutique adapté à sa culture . . .

1.3 La décision de la Cour d’appel ((2004), 28 B.C.L.R. (4th) 69, 2004 BCCA 237)

5 Le directeur a interjeté appel de cette ordonnance à la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique (« C.A.C.‑B. »), conformément à l’art. 672.72, qui accorde un droit d’appel à toute « partie » aux procédures (définie à l’art. 672.1 comme incluant la commission, l’accusé, le responsable de l’hôpital et le procureur général de la province). Le directeur a allégué que la commission n’avait pas compétence pour imposer les conditions 8, 9 et 10. La C.A.C.‑B., à l’unanimité, a accueilli l’appel. S’exprimant au nom de la cour, la juge Ryan a conclu que, en conformité avec le régime législatif et l’intention du législateur, le rôle de la commission se limite à la prise en charge de l’accusé non responsable criminellement en vue de la protection du public, alors que le directeur est responsable du traitement médical de l’accusé (par. 79). Une commission ne peut rendre une décision imposant un traitement médical sans porter atteinte à ce partage des rôles et des responsabilités. La juge Ryan a aussi affirmé que, lorsqu’elle rend une décision en vertu de l’art. 672.54, la commission d’examen ne peut l’assortir que des modalités qu’elle estime raisonnables et nécessaires, à la lumière du témoignage d’experts. La juge Ryan a conclu que [traduction] « l’économie de la loi suppose » que le personnel de l’hôpital [traduction] « serait le mieux placé pour recommander et administrer le traitement »; ainsi, une ordonnance enjoignant au personnel de l’hôpital de déterminer et d’administrer à M. Mazzei un traitement médical « serait redondante » (par. 77). En outre, la juge Ryan a statué que selon la jurisprudence, la commission ne peut fixer des modalités liant une personne autre que l’accusé (par. 90). Elle a conclu que les conditions 8, 9 et 10 constituaient un excès de compétence et un [traduction] « empiétement » sur un domaine relevant entièrement des attributions du directeur; pour cette raison, elles ont été radiées de l’ordonnance (par. 91). M. Mazzei se pourvoit maintenant de cette décision.

1.4 Dispositions législatives pertinentes

6 Les dispositions législatives pertinentes figurent à l’annexe. Pour les besoins de ce pourvoi, l’interprétation de la partie XXI du Code n’est pas touchée par les modifications apportées à l’art. 672.1 entrées en vigueur le 30 juin 2005, et celles apportées aux art. 672.54 et 672.55 entrées en vigueur le 2 janvier 2006.

1.5 Résumé du dispositif du présent pourvoi

7 Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi de M. Mazzei. Les commissions d’examen ont le pouvoir de lier les autorités hospitalières et de fixer des modalités contraignantes qui concernent (mais qui ne prescrivent ni n’imposent) le traitement médical d’un accusé non responsable criminellement ou ont pour objet la supervision de ce traitement. En l’espèce, les conditions 8, 9 et 10 entraient tout à fait dans le cadre des pouvoirs de supervision de la commission. Ces conditions sont clairement liées au mandat de la commission d’évaluer et de gérer le risque que représente M. Mazzei pour la sécurité du public, et elles faisaient partie d’une décision appropriée pour la protection du public tout en réduisant au minimum les privations de liberté de l’accusé.

2. Questions en litige et prétentions des parties

2.1 Questions en litige

8 Au cœur du présent pourvoi se posent les questions suivantes : (1) une commission d’examen a‑t‑elle le pouvoir de fixer des modalités liant les autorités hospitalières, notamment le directeur, et, dans l’affirmative, peut‑elle fixer des modalités relatives à un traitement médical? (2) Si tel est le cas, les trois conditions imposées par la commission en l’espèce étaient‑elles conformes à ce pouvoir?

2.2 Positions des parties et des intervenants

9 L’appelant M. Mazzei soutient que les commissions d’examen ont le pouvoir de fixer des modalités liant les autorités hospitalières et, plus particulièrement, de prescrire ou d’imposer un traitement médical. Ce pouvoir découle du fait que le directeur participe au processus décisionnel de la commission d’examen et favorise la réadaptation d’un accusé et sa réinsertion dans la collectivité. L’étendue de ce pouvoir, en particulier en ce qui a trait au traitement médical, ressort de l’examen contextuel et téléologique de la législation. Conformément à l’analyse de cette Cour dans Winko c. Colombie‑Britannique (Forensic Psychiatric Institute), [1999] 2 R.C.S. 625, l’objet de l’art. 672.54 est de créer un mécanisme par lequel les commissions d’examen évaluent et gèrent le risque que représentent pour la sécurité du public certains accusés non responsables criminellement et rendent des décisions appropriées qui protègent la société et facilitent le traitement médical de l’accusé tout en restreignant le moins possible sa liberté.

10 Le directeur et le procureur général de la Colombie‑Britannique, intimés, font valoir que le directeur n’est pas assujetti à la supervision de la commission, mais qu’il est plutôt régi par les lois provinciales telles que la Mental Health Act, R.S.B.C. 1996, ch. 288, et la Forensic Psychiatry Act, R.S.B.C. 1996, ch. 156. Le directeur soutient que la commission n’a aucun pouvoir sur les services médicaux prodigués à un accusé non responsable criminellement. Les intimés prétendent que le rôle de la commission est seulement de s’assurer que l’accusé bénéficie de l’application régulière de la loi et d’un traitement équitable; elle a simplement le pouvoir de recueillir les renseignements dont elle a besoin pour évaluer le risque que représente l’accusé et rendre une décision appropriée. Cette décision doit porter exclusivement sur la gestion du risque que représente l’accusé; elle ne peut empiéter sur la relation médecin‑patient établie entre l’hôpital et l’accusé. Les modalités assortissant une ordonnance ne lient que l’accusé et personne d’autre, car elles ne peuvent porter que sur la sécurité, les privilèges relatifs à l’hôpital et l’accès à la collectivité, et elles ne peuvent toucher aux questions de traitement médical.

11 La commission d’examen de la Colombie-Britannique intervenante soutient que la loi l’oblige à s’assurer qu’un accusé non responsable criminellement bénéficie de la possibilité de recevoir un traitement approprié; cela suppose qu’elle doit remettre en question les méthodes établies et explorer de nouvelles avenues. Par conséquent, la commission doit avoir le pouvoir de lier d’autres personnes que l’accusé. En définitive, bien que la commission ne puisse fixer des modalités prescrivant un traitement (sauf certaines exceptions limitées et restreintes), elle doit avoir le pouvoir d’examiner en détail le programme de traitement établi et d’obliger le directeur à explorer d’autres méthodes. Ces arguments sont repris dans les observations des commissions d’examen des autres provinces et territoires, intervenantes.

12 Le procureur général de l’Ontario (« l’Ontario ») intervenant met l’accent sur les différences qui caractérisent les plans de traitement provinciaux, les lois applicables en matière de services médicaux et de consentement au traitement, et la quantité des ressources et leur disponibilité. L’Ontario soutient aussi que, bien que la commission ait le pouvoir de fixer des modalités liant les autorités hospitalières, elle n’a pas le pouvoir de les faire exécuter. Même si la commission ne peut pas prescrire un traitement, elle doit rendre des décisions qui offrent des possibilités de traitement. La commission a le pouvoir de recueillir des renseignements existants afin d’évaluer le risque que représente un accusé pour la sécurité, mais elle ne peut exiger la production de « nouveaux » renseignements.

13 La Community Legal Assistance Society (« CLAS ») intervenante, qui représente souvent des accusés aux audiences de la commission, soutient que l’interprétation de l’art. 672.54 doit être fondée sur le sens commun et le pragmatisme. La CLAS préconise une méthode axée sur les résultats où le tribunal indique le « résultat qui s’impose » en fonction de concepts que la collectivité considère comme « manifestement véritables ». Une interprétation logique et pratique de l’art. 672.54 exige que la direction de l’hôpital soit liée par les décisions qui font appel au soutien et aux services nécessaires. La CLAS soutient que la commission peut fixer des modalités obligeant le directeur à traiter M. Mazzei si la décision est « la moins sévère et la moins privative de liberté » possible.

14 Enfin, la Mental Health Legal Advocacy Coalition (« MHLAC ») intervenante, un organisme de « défense des consommateurs » dont plusieurs membres ont fait l’objet de décisions de la commission d’examen, insiste pour sa part sur les besoins que les accusés non responsables criminellement ont eux‑mêmes identifiés et sur la participation de ces derniers à leur traitement. La MHLAC soutient que les commissions d’examen doivent être habilitées à fixer des modalités relatives à un traitement médical qui lient les autorités hospitalières dans la mesure où l’accusé y consent ou en fait la demande à la commission, et où le traitement est raisonnable et nécessaire. Finalement, la MHLAC fait valoir que, pour arriver à mettre en place un système de santé mentale axé sur le patient, la commission doit jouer un rôle de supervision en matière de traitement et doit donc avoir le pouvoir de rendre des ordonnances de traitement qui sont contraignantes.

3. Considérations préliminaires

3.1 Caractère théorique

15 Il faut signaler au départ que le présent pourvoi est en fait théorique puisque l’ordonnance contestée de la commission a été remplacée par des décisions subséquentes; il n’existe aucun « litige actuel » entre les parties (voir Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, p. 353‑354). Cependant, toutes les parties conviennent (comme elles l’ont fait devant la C.A.C.‑B., et comme cette dernière l’a fait elle‑même) que, parce que l’ordonnance contestée est [traduction] « susceptible à la fois de se répéter et de ne jamais être soumise aux tribunaux » (C.A.C.‑B., par. 3), le pourvoi devrait quand même être entendu. La question en l’espèce (les pouvoirs de la commission) demeure entière et les tribunaux pourraient de nouveau en être saisis. Pourtant, elle échappe à l’examen judiciaire, compte tenu de l’exigence du litige « actuel » entre les parties dans un contexte contradictoire; il en est ainsi parce que de nouvelles ordonnances sont continuellement formulées et que, comme en l’espèce, une ordonnance contestée peut rapidement être remplacée par des décisions subséquentes. Cette Cour devrait donc exercer son pouvoir discrétionnaire (comme dans l’arrêt Borowski) et entendre le présent pourvoi.

3.2 Norme de contrôle

16 Pour l’examen de la décision de la commission affirmant que celle‑ci avait compétence pour imposer les conditions 8, 9 et 10, la norme de contrôle applicable est celle de la « décision correcte ». Selon l’al. 672.78(1)b), une cour d’appel peut accueillir l’appel interjeté à l’égard d’une décision si elle est d’avis qu’il s’agit « d’une erreur de droit ». En l’espèce, le directeur a interjeté appel de la décision de la commission parce que cette dernière aurait outrepassé sa compétence en ce qui concerne son pouvoir de rendre des décisions contraignantes relatives au traitement de M. Mazzei. Parce qu’il s’agit d’une « question de droit » découlant de l’interprétation de l’art. 672.54, la norme de contrôle est indéniablement celle de la « décision correcte », conformément au libellé de l’al. 672.78(1)b). Ceci signifie que la commission doit interpréter correctement les pouvoirs que lui confère l’art. 672.54, parce qu’elle ne peut pas faire d’« erreur » à cet égard. C’est la norme qu’a adoptée la C.A.C.‑B. aux par. 27 et 28. Cette norme est aussi reprise implicitement dans la jurisprudence de notre Cour : voir Centre de santé mentale de Penetanguishene c. Ontario (Procureur général), [2004] 1 R.C.S. 498, 2004 CSC 20 (« Penetanguishene »), et Pinet c. St. Thomas Psychiatric Hospital, [2004] 1 R.C.S. 528, 2004 CSC 21, par. 24‑29.

17 Si la commission a agi dans le cadre de sa compétence, et si son interprétation de l’art. 672.54 est juste, il reste encore à déterminer si les conditions 8, 9 et 10 étaient « raisonnables ». C’est ce que prescrit l’al. 672.78(1)a), qui énonce que la cour d’appel peut accueillir l’appel interjeté à l’égard d’une décision de la commission si elle est d’avis que la décision « est déraisonnable ou ne peut pas s’appuyer sur la preuve », ce qui correspond à la norme de contrôle de la « décision raisonnable simpliciter » applicable en droit administratif. C’est ce qu’a confirmé l’arrêt R. c. Owen, [2003] 1 R.C.S. 779, 2003 CSC 33, par. 33 : « la Cour d’appel devrait se demander si l’évaluation du risque et l’ordonnance de la Commission étaient déraisonnables en ce sens qu’elles n’étaient étayées par aucun motif capable de résister à un examen assez poussé [. . .] En règle générale, la cour devrait s’abstenir d’intervenir si la décision de la Commission est telle que les membres de la Commission ayant une bonne connaissance des faits et une perception juste du droit applicable pourraient raisonnablement se trouver en désaccord ». Il convient de signaler que devant la C.A.C.‑B., le directeur n’a invoqué le caractère (dé)raisonnable des conditions 8, 9 et 10 en l’espèce qu’à titre de moyen d’appel subsidiaire (et ce moyen n’est abordé que brièvement dans le mémoire que le directeur a soumis à la Cour). L’appelant M. Mazzei ne l’a pas non plus invoqué explicitement dans le présent pourvoi; qui plus est, il s’agit manifestement d’une question théorique. La Cour devrait néanmoins examiner la question du caractère raisonnable afin de fournir aux tribunaux et aux commissions d’examen des indications pour l’avenir.

4. Analyse : l’interprétation de la loi

4.1 Le pouvoir de lier des personnes autres que l’accusé non responsable criminellement

18 À mon avis, les commissions d’examen ont généralement le pouvoir de rendre des décisions assorties de conditions qui lient des personnes autres que l’accusé. En l’espèce, la question soulevée en appel devant la C.A.C.‑B. était plus précisément celle de savoir si le directeur pouvait être lié par les décisions et les modalités de la commission, et c’est la question que cette Cour est appelée à trancher. Selon moi, cette question doit recevoir une réponse affirmative. Le directeur et, implicitement, l’équipe médicale et l’administration hospitalière, sont liés par les décisions et les modalités de la commission. Cela découle du libellé de l’art. 672.54, du régime législatif, de l’intention du législateur et de la jurisprudence pertinente.

4.1.1 Le libellé de l’art. 672.54

19 Selon l’art. 672.54, une commission d’examen (ou un tribunal) doit formuler une décision appropriée à l’égard de la personne jugée « non responsable criminellement ». Elle doit d’abord déterminer si l’accusé représente un « risque important pour la sécurité du public ». S’il n’existe aucun risque, la décision doit porter « libération inconditionnelle » (al. 672.54a)) de l’accusé non responsable criminellement; s’il existe un risque, la commission doit rendre une décision portant « libération de l’accusé sous réserve des modalités que le tribunal ou la commission juge indiquées » (al. 672.54b)) ou, « détention de l’accusé dans un hôpital sous réserve des modalités que le tribunal ou la commission juge indiquées » (al. 672.54c)). Finalement, la décision doit être « la moins sévère et la moins privative de liberté », compte tenu de la nécessité de protéger le public face aux personnes dangereuses, de l’état mental de l’accusé et de ses « besoins », notamment de la nécessité de sa réinsertion sociale.

20 Un examen du sens ordinaire et grammatical des mots employés à l’art. 672.54 étaye l’idée que les commissions d’examen ont le pouvoir de rendre des décisions qui pourraient lier des personnes autres que l’accusé. Lorsque la commission ordonne autre chose qu’une libération inconditionnelle, elle rend soit une décision « portant libération de l’accusé sous réserve des modalités . . . », soit une décision « portant détention de l’accusé dans un hôpital sous réserve des modalités . . . ». C’est la décision proprement dite (la libération conditionnelle ou la détention dans un hôpital) qui est rendue « sous réserve » des modalités jugées indiquées — non pas l’accusé lui‑même. Le libellé ne laisse pas entendre, explicitement ou implicitement, que les modalités visent la conduite et les obligations de l’accusé. Si le législateur avait voulu s’assurer que les modalités établies dans les décisions ne pourraient viser et lier que l’accusé, le libellé de la loi aurait été beaucoup plus explicite. Par exemple, le texte aurait pu indiquer que l’accusé doit être libéré ou détenu « et être assujetti aux modalités . . . » (je souligne). Ceci indiquerait clairement que c’est l’accusé, et seulement l’accusé, qui est visé par les modalités imposées. En l’absence d’un tel libellé, l’objet des modalités fixées par la commission reste ouvert et indéterminé, de sorte que les ordonnances et leurs modalités peuvent également, selon les circonstances, lier d’autres personnes, telles que les autorités de l’hôpital et son directeur.

21 Cette conclusion est renforcée par la version française de l’art. 672.54, laquelle est libellée et structurée de manière légèrement différente. Alors que la version anglaise indique que la commission doit « ordonner (direct) » que l’accusé soit libéré ou détenu sous réserve de certaines modalités (mettant ainsi l’accent sur le verbe), le texte français met l’accent sur le substantif « décision » lorsqu’il est question des modalités assortissant une décision. Dans le texte français, la commission doit rendre « une décision portant libération de l’accusé sous réserve des modalités », ou « une décision portant détention de l’accusé dans un hôpital sous réserve des modalités ». La version française indique que c’est la décision elle‑même qui est visée par l’expression « sous réserve » des modalités jugées indiquées, plutôt que l’accusé lui‑même. À l’instar du texte anglais, si l’accusé était seul visé par les modalités, le texte français aurait employé des termes indiquant que l’accusé serait « sujet à » ou « soumis à » certaines conditions.

22 Enfin, signalons que selon le texte de l’art. 672.54, une commission d’examen « rend [. . .] une décision portant [libération conditionnelle ou détention de l’accusé dans un hôpital] »; cette formulation vient également appuyer l’idée que les ordonnances rendues par une commission d’examen et les modalités qui les assortissent sont censées lier des parties autres que l’accusé non responsable criminellement, notamment les autorités de l’hôpital comme le directeur. En précisant que les commissions d’examen ont pour mandat de « rendre une décision portant » sur le sort réservé à un accusé non responsable criminellement, plutôt que de simplement « ordonner » une libération conditionnelle ou une détention dans un hôpital, le libellé de l’art. 672.54 laisse entendre que le législateur a voulu que les commissions d’examen puissent superviser le processus de mise en œuvre de la décision ou de la modalité. Le verbe « to direct » est synonyme de contrôler, superviser ou régir les actions d’autrui, y compris ordonner à autrui d’appliquer une décision : voir Concise Oxford English Dictionary (11e éd. 2004), p. 406, « direct ». Cela signifie que les commissions d’examen ont le pouvoir rendre des décisions et de fixer des modalités qui lient d’autres personnes.

4.1.2 Le régime législatif

23 Deuxièmement, l’ensemble du régime législatif étaye également la conclusion selon laquelle l’art. 672.54 accorde aux commissions d’examen le pouvoir de rendre des décisions et de fixer des modalités qui lient les autorités hospitalières, notamment le directeur. Chaque fois qu’une commission d’examen ou un tribunal rend une décision fondée sur la partie XX.1, le régime législatif présuppose que le personnel hospitalier appelé à appliquer cette décision ou cette ordonnance doit en respecter les modalités. Il serait illogique, ainsi que l’ont signalé l’appelant et certains intervenants, que la commission ordonne la détention à l’hôpital d’un accusé sans qu’elle ait le pouvoir de lier le responsable de l’hôpital, de même que l’équipe médicale et le personnel administratif participant à la mise en œuvre de cette détention. Si les commissions ont pour mandat de « rendre ou de réviser des décisions concernant les accusés [non responsables criminellement] », conformément au par. 672.38(1), et pour mandat spécifique de rendre des décisions, en vertu de l’art. 672.54, et de les réviser selon l’art. 672.81, elles ne peuvent le faire sans disposer du pouvoir de lier toutes les autorités hospitalières concernées.

24 De même, les dispositions du régime législatif qui portent sur l’exécution des décisions prononcées par une commission et de leurs modalités n’étayent pas l’opinion des intimés selon laquelle une commission ne peut rendre de décisions liant des personnes autres que l’accusé. Les intimés signalent que les dispositions relatives à l’exécution prévues à la partie XX.1 (art. 672.9 à 672.94) ne traitent que des conséquences qui attendent l’accusé qui ne respecte pas une décision ou une modalité. Cet argument ne tient toutefois pas compte du fait que l’accusé n’est pas tenu de respecter les modalités d’une décision de la commission, si ce n’est qu’il doit se soumettre en général au pouvoir qu’exerce l’État en droit criminel; pour cette raison, des dispositions d’exécution expresses sont nécessaires pour obliger l’accusé non responsable criminellement à les respecter. Par contre, d’autres parties intéressées (les autorités de l’hôpital, par exemple) sont déjà tenues par les lois provinciales d’assumer la garde de l’accusé et de lui offrir un traitement, conformément aux obligations que leur imposent ces lois, notamment la Mental Health Act et la Forensic Psychiatry Act de la Colombie-Britannique. Le régime législatif établi dans la partie XX.1 suppose qu’en raison de ces obligations légales expresses, les autorités hospitalières, notamment le directeur, doivent respecter, et respecteront, les décisions de la commission et leurs modalités. Comme l’accusé non responsable criminellement n’est pas assujetti à ces obligations, la partie XX.1 prévoit un mécanisme d’exécution particulier pour l’obliger à respecter les ordonnances de la commission et à collaborer à leur mise en œuvre.

25 Enfin, les dispositions de la partie XX.1 portant sur les appels (art. 672.72 à 672.78) appuient implicitement la conclusion selon laquelle le directeur doit être lié par les décisions de la commission et leurs modalités. Étant « parties » aux procédures en vertu de l’art. 672.1, le directeur et l’accusé non responsable criminellement sont tous deux liés par une décision de la commission et par les modalités qui l’assortissent. Chaque partie peut interjeter appel de cette décision, en tout ou en partie, pour toute question de droit, de fait ou mixte de droit et de fait (voir le par. 672.72(1)). Une cour d’appel provinciale peut alors, à sa discrétion, accueillir l’appel si elle est d’avis que la décision (ou une partie de celle‑ci) « est déraisonnable ou ne peut pas s’appuyer sur la preuve », repose sur « une erreur de droit » ou qu’elle donne lieu à une « erreur judiciaire » (par. 672.78(1)). Le pouvoir dont dispose le directeur d’interjeter appel des décisions, en tout ou en partie, suppose et confirme que le législateur voulait que le directeur soit lié par ces décisions. Ainsi, parce qu’elles sont « parties » aux procédures de la commission, et parce qu’elles disposent de vastes droits d’appel, les autorités de l’hôpital, notamment le directeur, doivent respecter les décisions de la commission et leurs modalités.

4.1.3 L’intention du législateur et l’évolution de la jurisprudence

26 Enfin, l’intention du législateur dans l’adoption de la partie XX.1 et dans la formulation des pouvoirs spécifiques et du mandat précis des commissions d’examen milite également en faveur d’une interprétation de l’art. 672.54 qui assure aux commissions d’examen une grande latitude leur permettant de rendre des décisions et de fixer des modalités qui lient d’autres parties, telles que les autorités de l’hôpital. La jurisprudence portant sur la partie XX.1 a considérablement distingué et élaboré cette intention législative. Les modifications apportées par la partie XX.1 étaient censées répondre et remédier aux problèmes et aux préoccupations que cette Cour a dégagés dans R. c. Swain, [1991] 1 R.C.S. 933, en ce qui concerne l’absence, dans l’ancien régime législatif, de garanties procédurales et de l’assurance que les contrevenants atteints de troubles mentaux soient traités avec dignité et équité. Cette Cour a jugé que l’ancien régime législatif visait à assurer, de par son le caractère véritable, « la protection de la société contre les individus dangereux qui ont eu un comportement prohibé par le Code criminel et ce, par le biais de la prévention de tels actes dans l’avenir » (Swain, p. 998). Selon cette analyse, le traitement médical des contrevenants atteints de troubles mentaux « n’est pas l’objectif dominant des dispositions législatives », même si ce « processus peut certes comporter accessoirement une phase de traitement » (ibid.). Le traitement médical était donc un élément de l’ancien régime, mais il n’était « pas prescrit par les dispositions contestées; il ne constitue que le moyen d’atteindre les fins visées, soit la protection de la société » (Swain, p. 1005). Le problème de l’ancien régime n’était ni son objet ni la façon dont il s’intéressait, incidemment ou accessoirement, au traitement médical des contrevenants atteints de troubles mentaux; le problème résidait plutôt dans l’absence de garanties assurant l’équité procédurale et le respect des droits à la dignité et à la liberté de l’accusé non responsable criminellement.

27 Comme la jurisprudence portant sur la partie XX.1 l’a révélé et expliqué, le nouveau régime législatif conserve l’objectif global de l’ancien régime, l’accent mis sur le traitement médical de l’accusé non responsable criminellement étant simplement un effet ou un élément accessoire de l’objectif principal que poursuit le législateur conformément à sa compétence en droit criminel, à savoir la protection du public et la gestion du risque pour la sécurité que peut représenter un accusé. Le nouvel élément ajouté à la partie XX.1 est une garantie protégeant l’équité procédurale et la dignité de l’accusé non responsable criminellement, ainsi qu’un engagement de veiller à ce que le droit à la liberté de l’accusé non responsable criminellement soit restreint le moins possible. Au nom de la majorité dans Winko, la juge McLachlin (maintenant Juge en chef) a confirmé les deux objectifs de la partie XX.1 : (1) « la protection du public » et (2) « de traiter équitablement » l’accusé (voir, par exemple, les par. 20, 21 et 44). Cette conclusion a été reprise dans Penetanguishene, par. 19, 30 et 69, dans Pinet, par. 1 et 19, ainsi que dans R. c. Demers, [2004] 2 R.C.S. 489, 2004 CSC 46, par. 18.

28 Il convient de souligner que la notion de « traiter équitablement » l’accusé se veut l’expression d’une garantie d’équité procédurale, et non d’un souci d’offrir un traitement « médical ». L’appelant a peut‑être en l’espèce assimilé erronément la préoccupation exprimée par la juge McLachlin dans Winko (par. 20, 21 et 30) au sujet du « traitement équitable », au sens de « l’application régulière de la loi », à l’objectif d’offrir un traitement « médical » approprié (voir par. 16, 27 et 39‑42). Comme nous le verrons plus loin, cette confusion a peut‑être amené à croire erronément que les commissions d’examen sont tenues de participer activement à la prestation de services médicaux aux accusés non responsables criminellement. Bien que les deux concepts soient parfois employés concurremment (voir par. 42‑43), ils doivent généralement demeurer distincts. Néanmoins, le traitement médical joue un rôle important dans la partie XX.1. Il en est ainsi parce que le « double objectif » de protection du public et de traitement équitable de l’accusé peut être atteint grâce à un modèle « d’évaluation et de traitement » individualisé (voir Winko, par. 16 et 41‑44). Les accusés non responsables criminellement sont évalués en fonction du niveau de risque qu’ils représentent pour la sécurité du public; ils sont alors placés ou traités en conséquence, et les mesures qui sont adoptées visent à entraver le moins possible leur droit à la liberté. Cette prise en charge de l’accusé peut ou non comporter un traitement médical destiné à réduire le niveau de risque qu’il représente et à favoriser sa réadaptation et sa réinsertion dans la collectivité; ce sera habituellement le cas des ordonnances de détention à l’hôpital fondées sur l’al. 672.54c). Ainsi, alors que le « traitement équitable » de l’accusé (c.‑à‑d. la garantie que l’accusé soit traité avec dignité et selon les règles d’équité procédurale) est l’un des objectifs principaux de la partie XX.1, lui offrir des « occasions de recevoir un traitement [médical] approprié » (voir Winko, par. 39 et 43) est l’un des moyens employés pour atteindre cet objectif. Comme l’a dit la juge McLachlin dans Winko (par. 44), l’art. 672.54 « vise explicitement la réalisation de l’objectif de la partie XX.1 [. . .] grâce au modèle d’évaluation et de traitement établi » (je souligne).

29 En ce qui concerne le mécanisme utilisé pour réaliser ces objectifs, le régime législatif se caractérise par : (1) la création de commissions d’examen spécialisées dans chaque province et territoire pour surveiller la prise en charge de l’accusé non responsable criminellement au sein du système de justice pénale; et (2) la participation des autorités provinciales de la santé et des établissements de santé provinciaux à la prestation des services médicaux appropriés, au besoin, afin de faciliter l’évaluation et la gestion du risque que représente l’accusé non responsable criminellement pour la sécurité du public, et d’améliorer ses chances de réadaptation et de réinsertion dans la collectivité. Pour s’acquitter du mandat que leur confie la loi de surveiller l’évaluation et le « traitement équitable » (au sens de « l’application régulière de la loi ») des accusés non responsables criminellement, les commissions d’examen doivent disposer du pouvoir de rendre des décisions et de fixer des modalités qui lient les accusés ainsi que les autres parties intéressées, telles que le responsable de l’hôpital où l’accusé sera détenu, pris en charge et traité. Le législateur ne peut pas avoir voulu créer un organisme chargé de la surveillance et de l’application du modèle « d’évaluation et de traitement » sans s’assurer que ce dernier aurait le pouvoir de contraindre d’autres personnes à se soumettre à ses décisions et modalités; s’il en était autrement, l’objet de la loi serait contrarié. Ces principes ont été repris et confirmés par notre Cour dans la jurisprudence sur la partie XX.1 postérieure à Winko : voir Penetanguishene, Pinet, Demers et Owen.

4.2 L’étendue du pouvoir de rendre des décisions reliées au traitement

30 Ayant établi que le libellé de la partie XX.1 (et en particulier de l’art. 672.54), son régime et l’intention législative qui s’en dégage démontrent clairement que les commissions d’examen ont le pouvoir de rendre des décisions et de fixer des modalités qui lient d’autres parties, y compris les autorités de l’hôpital, il est maintenant nécessaire de délimiter l’étendue exacte de ce pouvoir dans le contexte de la prestation de services médicaux à un accusé non responsable criminellement. Un examen de la structure opérationnelle de la partie XX.1 dans son ensemble et de l’interprétation qui en a été faite dans la jurisprudence révèle que les commissions d’examen disposent du pouvoir de rendre des décisions et de les assortir des modalités « concernant » le traitement médical d’un accusé non responsable criminellement ou visant la « supervision » de ce traitement, et que ces modalités lient les autorités de l’hôpital; toutefois, les commissions d’examen n’ont pas le pouvoir de prescrire un traitement ou d’exiger qu’il soit dispensé par le personnel de l’hôpital.

4.2.1 Aucun pouvoir de « prescrire » un traitement

31 Même si les commissions d’examen ont le pouvoir de rendre des décisions et de fixer des modalités qui lient les autorités de l’hôpital, ce pouvoir n’est pas si large qu’il permette de prescrire ou d’imposer un traitement médical à un accusé non responsable criminellement. Ce pouvoir appartient exclusivement à l’autorité provinciale responsable de l’hôpital où l’accusé non responsable criminellement est détenu, conformément aux diverses lois provinciales régissant la prestation des services médicaux aux personnes détenues dans un établissement hospitalier. Il serait inapproprié que les commissions d’examen empiètent sur le pouvoir législatif provincial (et sur les programmes et procédures de traitement des hôpitaux) en exigeant des autorités de l’hôpital qu’elles administrent certains traitements médicaux dans l’intérêt d’un accusé non responsable criminellement.

32 Tel qu’il a été mentionné précédemment, malgré les arguments contraires de M. Mazzei, le fait que le « traitement équitable » de l’accusé soit l’un des « deux objectifs » de la partie XX.1 ne signifie pas que la loi a pour objet principal de veiller à ce que tous les accusés non responsables criminellement reçoivent un traitement médical ou d’obliger les commissions d’examen à participer activement à la prestation de services médicaux. Rappelons que l’objectif principal du régime législatif est de protéger le public tout en restreignant le moins possible le droit à la liberté de l’accusé non responsable criminellement; en soi, l’expression « traitement équitable » apparue dans Winko ne désigne que la garantie d’une protection de la dignité et de l’équité procédurale lors de l’évaluation et de la gestion du risque pour le public que représente l’accusé non responsable criminellement. La prestation de services médicaux dans ce contexte est simplement un effet logique et inévitable (mais accessoire et secondaire) de l’importance qu’accorde la partie XX.1 à la protection du public et à la réinsertion dans la collectivité. La prestation de services médicaux visés à la partie XX.1 n’est donc autorisée que si elle sert les objectifs de protection du public et de maximisation du droit à la liberté (sous réserve, bien sûr, des autres services médicaux offerts par le personnel hospitalier conformément à l’obligation qui incombe à l’hôpital concernant la santé de ses patients pour traiter d’autres maladies ou affections qui n’ont aucun rapport direct ou aucun lien avec la maladie mentale à l’origine de la déclaration de non‑responsabilité criminelle de l’accusé). Le traitement médical de l’accusé non responsable criminellement ne peut avoir pour objet que de réduire le niveau de risque que celui‑ci représente pour la sécurité du public et de créer un contexte où ce risque n’est plus important, permettant ainsi sa réinsertion sociale. Selon la juge McLachlin dans Winko (par. 39‑40), des soins « s’imposent pour stabiliser l’état mental d’un accusé non responsable criminellement qui est dangereux et pour diminuer le risque que celui‑ci représente pour la sécurité du public en raison de son état. [. . .] La sécurité du public ne peut être assurée qu’en stabilisant l’état mental de l’accusé non responsable criminellement qui est dangereux. »

33 Ainsi, les commissions d’examen doivent simplement s’assurer que l’on offre à un accusé non responsable criminellement la possibilité de recevoir un traitement médical, au besoin, afin de réduire le niveau de risque qu’il représente (voir Winko, par. 41). Offrir à l’accusé non responsable criminellement la possibilité de recevoir un traitement médical efficace sert l’objectif de protection du public du fait que l’on tente de réduire le risque qu’il représente pour la sécurité; l’objectif de protection du droit à la liberté de l’accusé est également favorisé par les efforts faits en vue de sa réinsertion sociale et de l’abandon de la plupart, sinon de toutes les restrictions au droit à la liberté de l’accusé. Offrir à l’accusé la possibilité de recevoir un traitement médical est donc conforme (et accessoire) aux objectifs principaux de la loi, sans écarter ou supplanter ces objectifs.

34 Les commissions d’examen ne peuvent outrepasser ce pouvoir en imposant un traitement particulier ou en exigeant des autorités de l’hôpital qu’elles administrent ce traitement. Agir ainsi reviendrait à empiéter sur le pouvoir et la responsabilité des autorités de l’hôpital d’offrir des services médicaux aux personnes dont elles ont la garde selon ce qu’elles estiment approprié et efficace. La compétence législative nécessaire pour adopter des lois régissant l’administration des services et traitements médicaux à l’ensemble des personnes hospitalisées (y compris les accusés non responsables criminellement) appartient aux provinces en vertu du par. 92(7) de la Loi constitutionnelle de 1867, non au législateur fédéral. Seules la prévention du crime et la protection contre les personnes dangereuses qui relèvent de sa compétence en droit criminel en vertu du par. 91(27) peuvent justifier ou expliquer la participation du législateur fédéral au traitement médical des accusés. D’ailleurs, un accusé non responsable criminellement qui bénéficie d’une libération inconditionnelle en vertu de l’al. 672.54a) peut avoir besoin d’un traitement psychiatrique, mais un tel traitement ne peut être imposé par une commission d’examen. L’article 672.54 ne s’applique pas si une telle personne ne représente pas un risque important pour la sécurité du public; plus rien ne justifie que cette personne soit assujettie à la compétence en droit criminel de l’État, et tout traitement médical lié à son état mental doit faire l’objet d’une ordonnance relevant d’un autre pouvoir législatif. Logiquement, ce pouvoir ne peut relever que des domaines de compétence provinciale qui concernent les services de santé.

35 Ce partage législatif des compétences se reflète dans la réalité pratique du régime législatif qui attribue différentes fonctions et responsabilités aux commissions d’examen et aux autorités hospitalières provinciales. Selon le par. 672.38(1), les commissions d’examen sont chargées de « rendre ou de réviser des décisions » concernant les accusés non responsables criminellement. Leurs décisions doivent tenir compte du double objectif de protection du public et de traitement équitable des accusés non responsables criminellement; elles doivent également respecter le modèle « d’évaluation et de traitement » instauré par la partie XX.1, lequel met l’accent sur l’évaluation et la gestion des risques pour la sécurité du public en offrant la possibilité d’un traitement efficace et approprié. Par contre, les hôpitaux où sont détenus les accusés non responsables criminellement sont définis à l’art. 672.1 comme des lieux désignés « en vue de la garde, du traitement ou de l’évaluation d’un accusé ». Ainsi, les définitions opposées que donne la loi des commissions d’examen et des autorités hospitalières, de même que les mandats concurrents qu’elle leur confie, reflètent un certain partage des tâches et des pouvoirs. Cette conclusion est renforcée par l’absence d’une définition générale du terme « traitement » à la partie XX.1; le droit provincial devrait indiquer en quoi consiste un traitement médical puisque ce sont les autorités hospitalières provinciales qui détermineront et administreront les services médicaux. Par exemple, selon l’art. 30 de la Mental Health Act de la Colombie-Britannique, un accusé non responsable criminellement qui est détenu dans un établissement psychiatrique ou un hôpital provincial [traduction] « doit recevoir les soins et les traitements adaptés à son état que le directeur autorise ». Le législateur a donc voulu laisser aux autorités provinciales de la santé les décisions relatives aux traitements spécifiques, alors que les commissions d’examen sont chargées de rendre des décisions qui garantissent à l’accusé non responsable criminellement qu’on lui offrira des possibilités de traitement. Les commissions d’examen ne sont donc pas censées exercer des pouvoirs qui pourraient éventuellement empiéter sur le pouvoir discrétionnaire des hôpitaux en matière de prestation de services médicaux.

36 L’idée que les commissions d’examen n’aient pas la compétence nécessaire pour exiger que des services ou traitements médicaux soient dispensés par le personnel hospitalier a été examinée et confirmée dans la jurisprudence. Par exemple, dans Manitoba (Attorney General) c. Wiebe, [2005] 2 W.W.R. 707, la Cour d’appel du Manitoba a souscrit à la décision de la C.A.C.‑B. en l’espèce, concluant que [traduction] « dans l’accomplissement du mandat que leur confie l’art. 672.54 du Code, il n’appartient pas au tribunal ou à la commission de prescrire un traitement médical particulier » (par. 32). La Cour d’appel du Manitoba a semblé souscrire aux arguments de la commission d’examen du Manitoba dans cette affaire, à savoir que la [traduction] « question des soins et des traitements dispensés aux personnes atteintes de troubles mentaux est de compétence provinciale » et que « la responsabilité de soigner les détenus n’incombe pas au Parlement mais plutôt aux provinces » (par. 28).

37 La composition des commissions d’examen et l’expertise de leurs membres étayent aussi la conclusion selon laquelle les commissions d’examen ne peuvent rendre des décisions ou fixer des modalités prescrivant expressément un traitement médical à un accusé non responsable criminellement. La commission doit être composée d’au moins une personne autorisée à exercer la psychiatrie et, s’il n’y a qu’un seul psychiatre, d’au moins une personne dont la formation relève de la santé mentale et qui est autorisée à exercer la médecine ou la profession de psychologue (art. 672.39). Bien que cette disposition semble laisser croire que les questions de traitements médicaux seront abordées avec un certain niveau d’expertise, cette expertise ne saurait justifier une interprétation de l’art. 672.54 conférant aux commissions d’examen le pouvoir de rendre des ordonnances prescrivant un traitement. Le fait qu’au moins un ou deux membres puissent posséder une certaine expertise ou une formation en psychiatrie ou en psychologie n’autorise pas la commission à « se substituer » au médecin ou à l’équipe médicale qui traite l’accusé. Cela est bien évident, compte tenu que le quorum de la commission, pour rendre une décision fondée sur l’art. 672.54, est constitué de trois membres, dont un seul doit être autorisé à exercer la psychiatrie (par. 672.41(1)), et que les décisions d’une commission d’examen se prennent à « la majorité des membres de la commission qui sont présents » (art. 672.42). Ainsi, si une commission était autorisée à rendre une décision prescrivant un traitement médical à un accusé non responsable criminellement, elle pourrait sans doute le faire par le vote majoritaire de deux membres de la commission n’ayant aucune formation ou expertise en psychiatrie et ce, malgré les objections d’un psychiatre; il est donc difficile de voir comment, dans de telles circonstances, l’expertise de la commission en matière de traitement psychiatrique justifierait son pouvoir de rendre des décisions contraignantes prescrivant un traitement médical.

38 Ces observations sont compatibles avec l’attribution de vastes pouvoirs aux cours de révision saisies d’un appel d’une décision de la commission. Selon l’al. 672.78(3)a), la cour d’appel provinciale peut, si elle accueille l’appel, « rendre la décision en vertu de l’article 672.54 ou l’ordonnance de placement que la commission d’examen aurait pu rendre ». Si la thèse de l’appelant est retenue (c.‑à‑d. que les commissions ont le pouvoir de prescrire un traitement), on peut donc soutenir qu’une cour d’appel pourrait aussi prescrire un traitement médical en vertu de l’al. 672.78(3)a) si la décision initiale de la commission est muette à cet égard. Les juges d’appel n’ont toutefois besoin d’aucune expertise, formation ou expérience quelconque en médecine ou en psychiatrie. Il est difficile de concevoir que le législateur ait voulu conférer aux commissions d’examen la compétence et le pouvoir de rendre des ordonnances de traitement contraignantes et de fixer des modalités de traitement puisque, de ce fait, il autoriserait aussi les tribunaux de révision à faire de même, sans posséder l’expertise pertinente et nécessaire.

4.2.2 Le pouvoir de superviser un traitement médical

39 Même si les commissions d’examen ne peuvent ni prescrire ni imposer un traitement médical particulier à un accusé non responsable criminellement, elles ont quand même le pouvoir de rendre des décisions et de fixer des modalités qui leur permettent de « superviser » le traitement médical et les progrès cliniques de l’accusé non responsable criminellement. Les commissions d’examen sont en fait habilitées à rendre des ordonnances et à fixer des modalités « reliées » ou « relatives » au traitement médical d’un accusé non responsable criminellement (ou à la supervision de ce traitement) pendant qu’il est détenu dans un hôpital provincial; les commissions d’examen ont aussi le pouvoir, comme nous l’avons vu, de rendre des décisions et de fixer des modalités liant toutes les parties intéressées, y compris les autorités hospitalières. Essentiellement, les modalités « relatives » à un traitement médical ou à sa supervision sont celles que les commissions d’examen peuvent imposer pour s’assurer qu’un accusé non responsable criminellement ait la possibilité de recevoir un traitement médical approprié et efficace, de façon à réduire le risque qu’il représente pour la sécurité du public et à faciliter sa réadaptation et sa réinsertion sociale. On pourrait soutenir que l’étendue de ce pouvoir englobe tout sauf le fait même de prescrire que le traitement soit administré par les autorités de l’hôpital. Il permettrait par conséquent d’exiger des autorités de l’hôpital et de leur personnel qu’ils remettent en question et réexaminent les programmes de traitement ou les diagnostics antérieurs ou actuels, et qu’ils explorent d’autres programmes de traitement qui pourraient se révéler plus efficaces et mieux adaptés. Ce pouvoir découle de l’objet du régime législatif, du mandat et de l’expertise des commissions d’examen, de même que du libellé des diverses dispositions de la partie XX.1; il trouve aussi écho dans la jurisprudence.

40 Premièrement, il est évident que l’objectif général de la partie XX.1 étaye l’idée que les commissions d’examen devraient disposer du pouvoir de rendre des décisions et de fixer des modalités relatives au traitement médical d’un accusé non responsable criminellement, ou du pouvoir de superviser ce traitement. Étant donné que la partie XX.1 a pour but, du moins en partie, d’offrir à l’accusé non responsable criminellement la possibilité de recevoir un traitement médical ou psychiatrique approprié dans le cadre de ses objectifs généraux qui sont de protéger le public tout en protégeant le droit à la liberté de l’accusé, les commissions d’examen doivent disposer du pouvoir d’imposer des modalités relatives à cette possibilité, ainsi qu’à la prestation et à la supervision des services médicaux. Si les commissions d’examen n’avaient pas ce pouvoir, l’objectif législatif d’offrir la possibilité de recevoir un traitement médical, au besoin, serait alors contrecarré.

41 Deuxièmement, si l’on veut que les commissions d’examen s’acquittent du rôle et du mandat que la loi leur a confiés, à savoir de rendre des décisions appropriées en vue de protéger le public tout en protégeant le droit à la liberté de l’accusé, elles doivent disposer d’un certain pouvoir leur permettant de superviser le traitement médical des accusés non responsables criminellement qui sont détenus dans les hôpitaux. De par la définition même d’un verdict de « non‑responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux », c’est en fait à cause de son état mental que l’accusé est maintenant assujetti à la partie XX.1, et dans la plupart des cas, c’est la raison même pour laquelle l’accusé représente un risque pour la sécurité du public et pour laquelle son droit à la liberté a été restreint en fonction de ce risque. Il est donc logique qu’une commission dispose, pour réaliser les objectifs de protection du public et d’équité envers l’accusé non responsable criminellement, du pouvoir de superviser le traitement médical offert à l’accusé, puisque ce traitement vise principalement à réduire le risque que représente l’accusé non responsable criminellement pour la sécurité et à assurer à ce dernier la plus grande liberté possible.

42 Lorsqu’elle s’acquitte du mandat et du rôle que la loi lui confie en vertu de la partie XX.1, il est nécessaire et essentiel qu’une commission d’examen forme sa propre opinion indépendante sur le programme de traitement et les progrès cliniques de l’accusé et, en fin de compte, sur le risque que celui‑ci représente pour la sécurité du public et sur ses chances de réadaptation et de réinsertion. Ce faisant, une commission doit pouvoir ordonner que l’on procède à une réévaluation des méthodes de traitement, actuelles ou antérieures, et à une exploration des solutions de rechange au besoin, — c.‑à‑d., lorsqu’aucun progrès n’a été ou ne sera vraisemblablement réalisé. De tels pouvoirs de supervision font partie intégrante du mandat confié à la commission; en cas d’« impasse » thérapeutique, la commission ne pourrait s’acquitter convenablement de sa tâche à moins de pouvoir imposer des modalités visant à remédier à cette absence de progrès et de pouvoir chercher des possibilités de traitement plus efficace. Le rôle d’une commission est d’évaluer le risque que représentent certains accusés non responsables criminellement pour la sécurité du public, de leur offrir la possibilité de recevoir un traitement médical approprié et efficace afin de gérer et de réduire ce risque, de travailler à l’atteinte de l’objectif ultime de réadaptation et de réinsertion, et de protéger le droit à la liberté des accusés dans le cadre de ce processus. Il est tout simplement impossible d’atteindre ces objectifs sans disposer de renseignements exacts, indépendants et à jour concernant l’état mental d’un accusé, son programme de traitement, ses progrès cliniques et ses chances de réadaptation. D’où le pouvoir permettant à une commission de superviser le traitement médical jusque‑là administré, et de proposer ou d’explorer d’autres méthodes, au besoin. Les commissions d’examen peuvent donc validement obliger le personnel hospitalier à reconsidérer un diagnostic ou un programme de traitement, et à envisager des solutions de rechange qui pourraient se révéler plus efficaces ou mieux adaptées, obligeant ainsi les autorités de l’hôpital à justifier leur position devant une « impasse thérapeutique ».

43 La composition des commissions d’examen et l’expertise de leurs membres étayent également l’idée que les commissions jouissent d’un pouvoir de supervision à l’égard d’un traitement médical. Comme je l’ai mentionné précédemment, la commission est composée de manière à assurer que ses membres possèdent de l’expertise et de l’expérience en psychiatrie, surtout dans le cadre de sa tâche principale d’évaluation du risque. Le législateur a manifestement voulu que les commissions d’examen aient une certaine expertise dans l’évaluation et la gestion des risques pour la sécurité que représentent certains accusés non responsables criminellement. Si cette expertise et cette expérience ne sauraient justifier la prescription d’un traitement médical, elles peuvent aider à justifier le pouvoir de supervision dont dispose une commission en matière de traitement, et son pouvoir de rendre des décisions et de fixer des modalités « relatives » au traitement; elles sont aussi compatibles avec la « grande latitude » et le pouvoir discrétionnaire conférés à une commission dans l’exercice de ses fonctions (voir Winko, par. 27).

44 Enfin, la conclusion selon laquelle une commission peut rendre des décisions ou fixer des modalités « relatives » à un traitement trouve appui dans la jurisprudence. Par exemple, bien que la Cour d’appel du Manitoba ait conclu dans Wiebe que les commissions d’examen n’ont pas le pouvoir de prescrire des services médicaux que fournirait le personnel d’un hôpital, elle a tout de même reconnu qu’elles pouvaient validement fixer des modalités relatives à la supervision des services médicaux offerts (ou non offerts) à un accusé non responsable criminellement. Dans Wiebe, le programme de traitement soumis à la commission d’examen du Manitoba proposait dans les faits qu’il ne soit offert [traduction] « “aucun traitement” ni rien d’autre » (par. 31), parce que le médecin traitant l’accusé non responsable criminellement croyait essentiellement qu’aucun traitement ne pouvait améliorer l’état mental de son patient. La Cour d’appel a jugé qu’en pareils cas, une commission pouvait, conformément à son pouvoir de supervision, fixer des modalités qui remettaient en question un programme de traitement donné afin de s’assurer que l’accusé ne soit pas indûment privé de la possibilité de recevoir un traitement médical approprié. La Cour d’appel a aussi résumé l’argument de la commission du Manitoba, et a semblé y souscrire, selon lequel il existe [traduction] « une différence entre le fait pour la commission d’envisager un traitement — dans la mesure où il concerne l’état mental du détenu ou les modalités qu’elle se propose de fixer en vertu de l’art. 672.54 — et le fait d’ordonner un traitement particulier », et que c’est une chose que la commission peut faire dans le premier cas, mais pas dans le second (par. 30 (je souligne)). Dans Wiebe, la Cour d’appel a finalement renvoyé l’affaire devant la commission, l’enjoignant de tenir compte non seulement de l’opinion du médecin qui traitait alors l’accusé, mais également de l’avis et des propositions devant être formulées par d’autres experts.

45 L’appelant M. Mazzei a signalé un certain nombre d’autres décisions au soutien de son point de vue selon lequel la commission peut imposer des conditions liées à la remise en question et à la supervision d’un traitement médical et rendre des décisions qui lient les autorités de l’hôpital : voir R. c. Lewis (1999), 132 C.C.C. (3d) 163 (C.S.Î.‑P.‑É., Div. app.); Beauchamp c. Penetanguishene Mental Health Centre (Administrator) (1999), 138 C.C.C. (3d) 172 (C.A. Ont.); Brockville Psychiatric Hospital c. McGillis (1996), 2 C.R. (5th) 242 (C.A. Ont.), Pinet et Penetanguishene. Le directeur et le procureur général de la Colombie‑Britannique soutiennent que ces décisions n’appuient pas la position de M. Mazzei puisque les conditions imposées par les commissions d’examen dans ces affaires ne concernaient que le niveau de sécurité applicable à la détention d’un accusé non responsable criminellement et le droit à la liberté de l’accusé — non pas les questions de traitement.

46 À mon avis, cet argument ne réfute pas entièrement l’allégation selon laquelle la jurisprudence étaye en fait l’idée que les commissions d’examen peuvent rendre des décisions contraignantes reliées à la supervision d’un traitement médical. J’estime que le même résultat aurait dû et devrait être atteint dans les décisions citées par M. Mazzei si les conditions contestées avaient expressément porté sur la supervision d’un traitement médical. S’il est admis que l’objectif général du régime législatif autorise les commissions d’examen à rendre des décisions et à imposer des modalités qui touchent le niveau de sécurité applicable à la détention de l’accusé et les restrictions imposées à sa liberté, et que ces décisions et modalités lient les autorités de l’hôpital, alors les décisions et modalités relatives à un traitement médical (sans le prescrire expressément) seraient aussi valides et opposables aux autorités de l’hôpital. Il en est ainsi parce que ce traitement s’inscrirait dans l’objectif global de la loi (à savoir la protection du public et la maximisation du droit à la liberté). Donc, la jurisprudence citée par M. Mazzei tend à appuyer l’allégation selon laquelle les commissions sont habilitées à rendre des décisions contraignantes examinant en profondeur un traitement médical ou visant la supervision de ce traitement.

47 La C.A.C.‑B. elle‑même a semblé souscrire en l’espèce à l’idée qu’il existe une différence entre le pouvoir (invalide) de prescrire un traitement, et celui (valide) de superviser la prestation de services médicaux et de s’assurer que la possibilité de recevoir un traitement efficace et approprié soit offerte, même si, en définitive, elle a conclu que les conditions imposées par la commission en l’espèce s’inscrivaient dans la première catégorie. La C.A.C.‑B. a confirmé que la partie XX.1 [traduction] « ne confère pas à la commission le pouvoir de diagnostiquer et de traiter un accusé non responsable criminellement ou d’intervenir dans son programme de traitement »; mais elle a ajouté que la loi [traduction] « confère à la commission le pouvoir [. . .] de remettre en question le traitement que l’accusé reçoit » (par. 89 (je souligne)). Ainsi, il se peut que la C.A.C.‑B. ait bien formulé le critère applicable pour établir la portée du pouvoir de la commission, mais comme je l’ai expliqué précédemment, j’estime avec égards qu’elle a mal appliqué ce critère en ce qui a trait aux conditions 8, 9 et 10.

4.2.3 Le rôle et la portée du par. 672.55(1)

48 Une dernière question doit être abordée avant de passer à l’application de ces principes aux faits de l’espèce. Cette ultime question concerne l’interprétation correcte du par. 672.55(1), lequel est ainsi rédigé :

672.55 (1) La décision visée à l’article 672.54 ne peut prescrire de traitement, notamment un traitement psychiatrique, pour l’accusé ou ordonner que celui‑ci s’y soumette; elle peut toutefois comporter une condition relative à un traitement que le tribunal ou la commission d’examen estime raisonnable et nécessaire aux intérêts de l’accusé et à laquelle celui‑ci consent.

49 Dans leurs observations, les parties et les intervenants ont présenté des interprétations contradictoires du par. 672.55(1) en vue d’étayer ou de réfuter la prétention selon laquelle les commissions d’examen peuvent ordonner ou prescrire un traitement. Le directeur et le procureur général de la Colombie-Britannique prétendent de façon générale que cette disposition interdit aux commissions d’examen d’exercer ce pouvoir, préconisant ainsi une interprétation restrictive de ce paragraphe. Ils soutiennent qu’en vertu du par. 672.55(1), si une équipe médicale recommande un certain traitement que la commission estime raisonnable et nécessaire, et si l’accusé y consent, il serait alors possible d’assortir la décision d’une condition relative à ce traitement. Toutefois, comme cette condition constituerait simplement une façon d’aider le personnel de l’hôpital à s’acquitter de son obligation de soigner l’accusé, elle ne « lierait » pas le directeur et serait soumise à son pouvoir discrétionnaire. M. Mazzei interprète aussi le par. 672.55(1) de manière restrictive, mais soutient que la portée de cette disposition peut être grande. L’avocat de l’appelant a donné un exemple hypothétique. En décidant de faire passer l’accusé d’une situation où il est détenu à l’hôpital à une autre où il est en liberté conditionnelle dans la collectivité, une commission d’examen pourrait, par exemple, assortir sa décision d’une condition imposant à l’accusé de continuer à prendre ses médicaments. Cette condition serait valide, vu le par. 672.55(1), pourvu que l’accusé y ait consenti et que la commission l’ait jugée raisonnable et nécessaire. L’avocat de l’appelant semble suggérer qu’on pourrait assimiler cela à un engagement de la part de l’accusé à poursuivre un traitement particulier (commencé à l’hôpital) pendant qu’il est en liberté conditionnelle dans la collectivité (étant donné qu’il ne serait plus sous la responsabilité de l’hôpital). Cet engagement équivaudrait à une contrepartie donnée pour l’accroissement de liberté envisagé par la commission, et non à une « prescription » de « traitement » par la commission. Ainsi, M. Mazzei ne prétend pas que le par. 672.55(1) justifie d’inclure, par interprétation large, un pouvoir de prescrire un traitement à l’art. 672.54, mais plutôt que le par. 672.55(1) constitue une « disposition autonome » ayant son propre objet et sa propre application. La commission intervenante est en faveur d’une interprétation plus large du par. 672.55(1), mais préconise une application restrictive. Dans ses observations orales, l’avocat de la commission a soutenu que cette disposition permet véritablement à la commission de prescrire ou d’ordonner un traitement médical à un accusé non responsable criminellement si les trois conditions préalables (le consentement, la nécessité et le caractère raisonnable) sont respectées, par exception à l’interdiction générale de prescrire un traitement. Or, l’avocat de la commission a fait valoir que ce pouvoir ne devrait être que très rarement utilisé, voire jamais, et que l’expérience a confirmé que la commission n’invoque le par. 672.55(1) que très rarement.

50 Il s’agit donc de déterminer si la deuxième partie du par. 672.55(1) (« elle peut toutefois ») constitue une véritable exception à l’interdiction générale de prescrire un traitement prévue dans la première partie de la disposition. Dans l’affirmative, on peut alors dire que les commissions d’examen ont le pouvoir d’ordonner ou de prescrire un traitement à un accusé non responsable criminellement si les trois conditions préalables (le consentement, la nécessité et le caractère raisonnable) sont respectées; dans le cas contraire, il n’est pas permis aux commissions de prescrire un traitement, bien qu’elles puissent exercer un pouvoir de « supervision » à l’égard des décisions relatives à un traitement, ainsi que nous l’avons vu. À mon avis, la deuxième partie du par. 672.55(1) ne constitue pas une véritable exception à l’interdiction de prescrire un traitement et n’est qu’un exemple ou une manifestation du pouvoir de supervision dont dispose la commission à l’égard d’un traitement.

51 En plus d’être conforme aux deux principales conclusions susmentionnées, le libellé de la disposition les appuie indirectement — à savoir que les commissions d’examen n’ont pas le pouvoir d’ordonner ou de prescrire expressément un traitement, mais qu’elles peuvent exercer des pouvoirs de supervision à l’égard des décisions relatives à un traitement. La première partie du par. 672.55(1) renforce l’interdiction générale : « La décision visée à l’article 672.54 ne peut prescrire de traitement, notamment un traitement psychiatrique, pour l’accusé ou ordonner que celui‑ci s’y soumette . . . ». La deuxième partie de la disposition introduit une nouvelle idée : « . . . elle peut toutefois comporter une condition relative à un traitement que le tribunal ou la commission d’examen estime raisonnable et nécessaire aux intérêts de l’accusé et à laquelle celui‑ci consent ». Si l’on avait voulu faire de cette seconde partie une véritable exception à l’interdiction générale prévue dans la première partie, on aurait employé un libellé beaucoup plus précis. Le législateur aurait pu, par exemple, utiliser l’une ou l’autre des formulations suivantes :

La décision visée à l’article 672.54 ne peut prescrire de traitement, notamment un traitement psychiatrique, pour l’accusé ou ordonner que celui‑ci s’y soumette, à moins que le tribunal ou la commission d’examen estime que cette condition est raisonnable et nécessaire aux intérêts de l’accusé et que l’accusé y consente. [Je souligne.]

OU

La décision visée à l’article 672.54 ne peut prescrire de traitement, notamment un traitement psychiatrique, pour l’accusé ou ordonner que celui‑ci s’y soumette; elle peut toutefois comporter une condition prescrivant un traitement si le tribunal ou la commission de révision estime qu’elle est raisonnable et nécessaire aux intérêts de l’accusé et que ce dernier y consent. [Je souligne.]

L’une ou l’autre de ces deux formulations auraient indiqué clairement que le législateur voulait établir une exception précise à l’interdiction générale de prescrire un traitement, pour autant que les éléments de consentement, de nécessité et de caractère raisonnable soient présents.

52 Or, le législateur a plutôt adopté délibérément une formulation différente dans la deuxième partie du par. 672.55(1). Alors que la première partie de la disposition prévoit qu’une décision ne peut « prescrire » de traitement à un accusé ou ordonner que celui‑ci s’y « soumette », la deuxième partie précise que la décision peut « comporter » une « condition relative à un traitement ». À mon avis, le libellé de la première partie interdit clairement à la commission d’ordonner ou de prescrire directement un traitement, alors que la seconde partie se rapporte au traitement d’une manière plus indirecte, et elle est plus conforme ou correspond davantage au pouvoir de supervision de la commission à l’égard des décisions relatives à un traitement, comme nous l’avons vu. Si le législateur ne voulait pas que la « condition relative à un traitement » soit quelque peu différente de la décision prescrivant un traitement ou ordonnant que l’accusé se soumette à un traitement, alors le texte actuel du par. 672.55(1) serait effectivement inutilement maladroit et redondant, surtout qu’il existe des formulations beaucoup plus claires et plus simples, comme nous l’avons vu précédemment. À mon avis, le libellé précis pour lequel a opté le législateur est révélateur et pertinent, et cette distinction législative particulière devrait se refléter dans l’interprétation du par. 672.55(1).

53 Cette interprétation est renforcée par le recours à la version française du par. 672.55(1) selon laquelle une commission ou un tribunal peut inclure « une condition relative à un traitement », ce qui suppose clairement un niveau d’intervention plus indirect (c.‑à‑d. une supervision des décisions relatives à un traitement, non pas une véritable prescription de traitement). Aussi, lorsque le législateur a voulu qu’un traitement soit expressément imposé ou prescrit à un accusé, il a employé un libellé différent et une structure opérationnelle différente. Par exemple, l’art. 672.58 traite ainsi du pouvoir d’un tribunal (mais non d’une commission d’examen) qui peut : « sur demande du poursuivant, rendre une décision prévoyant le traitement de l’accusé pour une période maximale de soixante jours, [. . .] lui enjoignant de s’y soumettre et de se présenter à la personne ou à l’hôpital indiqué » dans le cas où l’accusé a été déclaré « inapt[e] à subir son procès ». Il convient de noter qu’une décision de cette nature ne peut être rendue qu’afin de rendre l’accusé apte à subir son procès (par. 672.59(1)), et qu’elle doit être rendue avec le consentement de la personne chargée du traitement (par. 672.62(1)), et au besoin, sans le consentement de l’accusé (par. 672.62(2)). Sans ce libellé et cette structure opérationnelle explicites, la deuxième partie du par. 672.55(1) ne peut être considérée comme créant une véritable « exception » à l’interdiction générale prévue dans la première partie de la disposition. De plus, même si cette interdiction dans la première partie du par. 672.55(1) vise clairement le traitement médical sous forme de médicaments ou de thérapies dont la recommandation, l’approbation, l’administration et la supervision relèvent du personnel hospitalier, on peut prétendre, comme le propose l’avocat de l’appelant dans son exemple hypothétique, que la deuxième partie du par. 672.55(1) vise l’« engagement » personnel de l’accusé à continuer, pendant qu’il est dans la collectivité, un traitement particulier entrepris ou recommandé alors qu’il était toujours détenu à l’hôpital. Cet engagement à poursuivre un traitement particulier, s’agissant pour l’accusé d’une condition à respecter pour accéder à une plus grande liberté (en passant d’une détention à l’hôpital à une libération conditionnelle dans la collectivité, par exemple) n’équivaut pas, de par sa nature ou sa portée, à une prescription ou à une ordonnance portant qu’un traitement médical soit administré par des professionnels de la santé, ce qu’interdit expressément la première partie du par. 672.55(1). La deuxième partie de la disposition ne concerne le « traitement » que sur le plan de l’engagement personnel de l’accusé à poursuivre un traitement particulier dans la collectivité, alors qu’il n’est plus sous la responsabilité de l’hôpital.

54 Ainsi, une condition « relative » à un traitement dans le contexte du par. 672.55(1) ne constitue pas l’exercice, par la commission, du pouvoir d’exiger d’une autorité hospitalière qu’elle offre certains services médicaux, ou d’exiger de l’accusé qu’il se soumette à un traitement, ce qui est expressément interdit; cette disposition ne permet donc pas d’étayer l’idée que la commission a le pouvoir d’ordonner ou de prescrire un traitement à un accusé non responsable criminellement en vertu de l’art. 672.54. Cette interprétation du par. 672.55(1) est compatible avec la distinction établie précédemment entre la « prescription » d’un traitement et la « supervision » des décisions relatives à un traitement; en permettant à la commission d’inclure une condition « relative » à un traitement, si l’accusé y consent et si la commission l’estime raisonnable et nécessaire, la seconde partie du par. 672.55(1) constitue effectivement un exemple ou une manifestation des pouvoirs de supervision dont dispose la commission en vertu de l’art. 672.54. Ces pouvoirs de supervision ne sont pas exclusivement fondés sur le par. 672.55(1) et n’en dépendent pas non plus; comme je l’ai expliqué ci‑dessus, ils découlent d’un examen du rôle et du mandat de la commission, de la structure et du libellé du régime législatif dans son ensemble, de l’objectif législatif et de l’intention du législateur telle qu’interprétée et développée par la jurisprudence.

55 J’estime en outre que l’application et la portée du par. 672.55(1) devraient être très restrictives et limitées, comme l’a soutenu la commission. Il est probable que les commissions d’examen ne recourront à ce pouvoir d’inclure des conditions « relatives » à un traitement que rarement et dans des situations précises — lorsque par exemple la commission envisage d’assouplir de façon importante les privations de liberté de l’accusé à la condition qu’il s’engage en fait à poursuivre un traitement particulier (déjà entrepris ou approuvé par l’équipe médicale de l’hôpital alors qu’il était visé par une ordonnance de détention à l’hôpital) pendant qu’il est dans la collectivité. Cette condition relative à l’engagement vise à assurer une gestion adéquate du risque que représente l’accusé pour la sécurité du public pendant qu’il est dans la collectivité, étant donné qu’il n’est plus sous la supervision de l’hôpital. Cela signifie que le pouvoir d’inclure une condition « relative » à un traitement conféré par le par. 672.55(1) n’a pas pour effet d’écarter, de réduire ou de passer sous silence le pouvoir discrétionnaire dont dispose le directeur ou toute autre autorité hospitalière compétente. Dans l’exemple donné par l’avocat de l’appelant, la commission pourrait validement ordonner à M. Mazzei de continuer à prendre ses médicaments (s’il y consent et si cette mesure est raisonnable et nécessaire), mais il est implicite que cette médication aurait déjà été recommandée, approuvée ou prescrite par le directeur pendant que l’accusé était détenu à l’hôpital. Cela signifie que la commission aurait simplement ordonné à M. Mazzei de continuer un traitement déjà approuvé par l’autorité hospitalière compétente; la commission n’aurait pas pu elle‑même décider d’un nouveau traitement ou prescrire une thérapie qui n’aurait pas fait partie du programme de traitement établi à l’égard de M. Mazzei au cours de sa détention à l’hôpital. Ainsi, le pouvoir discrétionnaire du directeur n’a pas été écarté, mais plutôt confirmé et respecté. Pour l’essentiel donc, le pouvoir limité de fixer une condition « relative » à un traitement prévu au par. 672.55(1) est simplement une manifestation du mandat de la commission qui consiste à offrir la « possibilité de recevoir un traitement » lorsque l’accusé se trouve dans la collectivité et qu’il n’est plus sous la supervision d’une autorité provinciale en matière de santé. On peut se demander pourquoi le législateur aurait choisi d’adopter le par. 672.55(1) s’il avait déjà prévu des pouvoirs de supervision. À mon avis, cette disposition devait préciser que les pouvoirs de supervision continuent d’exister même lorsque les programmes de traitement sont contestés, mais qu’ils ne doivent pas primer sur les pouvoirs et les responsabilités du directeur de prescrire un traitement en tant que tel.

5. Application aux faits

56 En l’espèce, la décision de la commission enjoignait au directeur de : (1) fournir une évaluation indépendante concernant le diagnostic, le traitement et les progrès cliniques de M. Mazzei; (2) fournir une évaluation indépendante du risque que représente M. Mazzei pour la sécurité du public établie en fonction d’une nouvelle thérapeutique réorientée; et (3) déployer des efforts soutenus en vue de fournir à M. Mazzei la possibilité de participer à un programme thérapeutique adapté à sa culture. Compte tenu du régime législatif et du mandat de la commission dont il a été question précédemment, faudrait‑il qualifier ces conditions de demandes de renseignements valides relevant des pouvoirs de supervision de la commission, ou d’un empiètement invalide sur les décisions du directeur en matière de traitement? Je suis d’avis que les trois conditions constituent un exercice valide du pouvoir de la commission de demander des renseignements en vue de l’évaluation et de la gestion du risque que représente M. Mazzei pour la sécurité, ainsi que de son pouvoir de superviser son traitement, qui inclut celui d’examiner les méthodes antérieures et d’explorer d’autres avenues. De plus, les trois conditions étaient « raisonnables » étant donné les circonstances de l’espèce et la preuve soumise à la commission lors de l’audition relative à M. Mazzei.

5.1 Compétence pour imposer les conditions

5.1.1 Condition 8 : réévaluation du programme thérapeutique établi

57 La condition 8 assortissant l’ordonnance du 3 avril 2002 enjoignait au directeur de [traduction] « procéder à un examen [. . .] exhaustif », du diagnostic et du traitement de M. Mazzei, en vue d’élaborer [traduction] « une thérapeutique intégrée qui tienne compte de l’impasse thérapeutique actuelle et de la réticence de l’accusé à participer activement à sa réadaptation ». Cette condition relève clairement du pouvoir de la commission de [traduction] « remettre en question le traitement que l’accusé reçoit », ainsi que l’a reconnu la C.A.C.‑B. (par. 89), et d’obliger le directeur à reconsidérer le programme de traitement établi et à explorer d’autres méthodes qui pourraient se révéler plus efficaces et mieux adaptées pour M. Mazzei. Rien dans cette condition ne prescrit un traitement ou n’empiète sur les services médicaux approuvés et mis en œuvre par le directeur et le personnel hospitalier; cette condition n’empiète pas non plus sur le pouvoir discrétionnaire ultime dont jouit le directeur à l’égard du traitement particulier offert à M. Mazzei. Elle oblige simplement le directeur à reconsidérer l’approche jusqu’alors adoptée et à explorer d’autres solutions compte tenu de l’échec apparent de la méthode établie. Elle représente cependant une limite claire et acceptable au pouvoir du directeur de juger seul de l’efficacité d’une méthode de traitement et constitue un exercice valide par la commission de ses pouvoirs de supervision quant à la possibilité d’offrir un traitement médical approprié.

58 Cette condition est aussi conforme au mandat légal de la commission de rendre une décision appropriée qui respecte le double objectif de la partie XX.1 : la protection du public et la protection du droit à la liberté de M. Mazzei. Dans l’exécution de ce mandat, la commission est tenue de recueillir des renseignements exacts afin d’évaluer le risque que représente M. Mazzei pour la sécurité du public. Cette obligation se reflète dans les facteurs énumérés à l’art. 672.54, tels que la nécessité de tenir compte de « l’état mental de l’accusé ». Obliger le directeur à procéder à un examen des méthodes de traitement actuelles et antérieures, ainsi que des motifs de l’« impasse » apparente, est conforme à ce régime. Il s’agit d’un pouvoir de supervision qui est accessoire et nécessaire au mandat de la commission d’obtenir tous les renseignements pertinents dont elle a besoin pour parvenir à une évaluation exacte du risque que représente un accusé pour la sécurité du public et de ses chances de réinsertion sociale. Former sa propre opinion sur l’opportunité et l’efficacité d’un programme de traitement particulier est une composante nécessaire de ce pouvoir.

5.1.2 Condition 9 : évaluation indépendante du risque

59 La condition 9 enjoignait au directeur de fournir une [traduction] « évaluation indépendante » du risque que représente M. Mazzei pour le public [traduction] « établie en fonction de la thérapeutique réorientée dont il est question ci‑dessus », en vue de la prochaine audition relative à M. Mazzei. Une des objections qui pourraient être soulevées relativement à cette condition est qu’elle suppose que le directeur doit présenter une nouvelle thérapeutique « réorientée » compte tenu de l’insatisfaction de la commission en regard de la méthode établie, comme l’indique la condition 8. On pourrait ainsi dire que la condition 9 s’apparente davantage au type de condition invalide prescrivant effectivement un traitement. Or, cette condition doit également être interprétée en fonction du mandat légal de la commission et de la nécessité de recueillir tous les renseignements pertinents dont celle‑ci a besoin pour rendre une décision appropriée. Il serait justifié qu’elle obtienne un avis indépendant compte tenu de l’impasse thérapeutique susmentionnée. La commission doit avoir le droit d’exiger qu’on lui fournisse de nouveaux renseignements indépendants lorsqu’il existe une importante divergence d’opinions opposant l’accusé et l’équipe médicale quant à la méthode adoptée, notamment quand elle est en présence d’un manque flagrant de communication et de confiance. Ainsi, en ordonnant une évaluation indépendante du risque que représente M. Mazzei pour la sécurité du public, étant donné l’échec des méthodes thérapeutiques antérieures et la perspective de nouvelles solutions de rechange, la commission exerçait de toute évidence un pouvoir de supervision valide sur les progrès réalisés par M. Mazzei dans sa réadaptation.

60 Rien dans cette condition n’outrepasse la compétence de la commission de rendre des ordonnances contraignantes et d’imposer des modalités « relatives » à un traitement. Cette condition vise simplement à exiger du directeur qu’il aide la commission à obtenir et à analyser les renseignements pertinents dont celle‑ci a besoin pour procéder à une évaluation juste et exacte du risque que représente M. Mazzei pour la sécurité du public, notamment à la lumière du nouveau [traduction] « programme thérapeutique intégré » envisagé par la condition 8, lequel pourrait contribuer à réduire ce risque grâce à la prise en charge de M. Mazzei et à un traitement plus efficace et mieux adapté de son état mental.

5.1.3 Condition 10 : traitement adapté à la culture

61 La condition 10 exigeait du directeur qu’il [traduction] « déploie des efforts soutenus en vue de fournir à l’accusé la possibilité de participer à un programme thérapeutique adapté à sa culture ». Cette condition est peut‑être la plus controversée en ce qu’elle se rapproche le plus du fait de « prescrire » un traitement. Cependant, un examen plus approfondi révèle que la condition 10 relève clairement de la compétence de la commission puisqu’elle s’apparente davantage à une ordonnance enjoignant au directeur d’explorer de nouvelles avenues et d’en examiner l’efficacité. On demande au directeur d’examiner sérieusement la possibilité d’obtenir la participation de M. Mazzei à un programme thérapeutique adapté à sa culture; dans ce contexte, on peut soutenir que les termes « déploie des efforts soutenus » comportent l’obligation de s’informer auprès des personnes qui administrent le programme en question, de consulter les personnes responsables du programme, d’évaluer les probabilités d’admissibilité et de participation, etc. La condition 10 est donc compatible avec l’obligation qu’a le directeur de fournir des renseignements exacts et pertinents à la commission, d’étudier et d’offrir des possibilités de traitement médical adapté. Le libellé de la condition requiert simplement du directeur qu’il « déploie des efforts soutenus » (je souligne) en vue de fournir à M. Mazzei la possibilité de participer à un programme thérapeutique adapté à sa culture; il est loin de prescrire expressément une telle participation. On demande simplement au directeur d’obtenir de plus amples renseignements sur les programmes adaptés et sur l’admissibilité de M. Mazzei.

62 À mon avis, la condition 10 n’empiète aucunement sur le programme thérapeutique de M. Mazzei, ni sur le pouvoir discrétionnaire dont disposent l’équipe médicale et le directeur à cet égard. Toutes les parties semblent avoir convenu qu’un programme thérapeutique adapté au plan culturel serait vraisemblablement bénéfique pour M. Mazzei; le seul sujet de discorde était la personne qui devrait se charger d’approfondir cette solution. Le fait d’exiger du directeur qu’il examine sérieusement la possibilité d’un traitement adapté au plan culturel n’a pas pour effet de lui enlever ou de compromettre le pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur les progrès cliniques de M. Mazzei. Tout ce qu’on demande au directeur, c’est qu’il déploie des « efforts soutenus ». Si le directeur peut démontrer que de tels efforts ont été déployés, mais qu’il estime en définitive que ce programme ne convient pas à M. Mazzei ou ne lui serait pas bénéfique, ou qu’un traitement mieux adapté est déjà offert à l’hôpital, la commission devra alors accepter cette opinion (à moins, bien sûr, qu’elle la juge déraisonnable, selon les circonstances et la preuve qui lui est soumise, conformément au pouvoir de supervision susmentionné dont elle dispose à l’égard des décisions relatives à un traitement). Dans la mesure où le directeur respecte la décision de la commission et démontre qu’il a étudié la possibilité d’offrir un traitement adapté au plan culturel et qu’il a tenté d’obtenir la participation de M. Mazzei, la commission ne pourrait pas aller plus loin dans l’exercice de son pouvoir. Le directeur conserverait quand même son pouvoir discrétionnaire à l’égard du traitement et des progrès cliniques de M. Mazzei, lesquels seraient soumis, au besoin, à la supervision de la commission, tout en étant cependant à l’abri de son ingérence.

63 Il est évident que la commission n’aurait pas pu prescrire un tel programme thérapeutique ni exiger du directeur qu’il obtienne de fait la participation de M. Mazzei à ce programme, même avec le consentement de M. Mazzei lui‑même aux termes du par. 672.55(1), comme l’ont proposé l’appelant et certains des intervenants. Pareille condition constituerait vraisemblablement un excès de compétence de la part de la commission; comme nous l’avons vu, les conditions « relatives » à un traitement visées par le par. 672.55(1) doivent être d’application beaucoup plus limitée et restrictive, et l’application du par. 672.55(1) en l’espèce ne serait ni appropriée, ni nécessaire.

5.2 Le caractère raisonnable des conditions

64 Après avoir décidé que la commission a correctement interprété les pouvoirs que lui confère l’art. 672.54, et que les conditions 8, 9 et 10 étaient conformes à ces pouvoirs, il reste encore à déterminer si ces trois conditions étaient en fait « raisonnables » étant donné les circonstances et la preuve soumise à la commission lors de l’audition relative à M. Mazzei. À mon avis, les trois conditions étaient raisonnables en ce qu’elles étaient amplement étayées et justifiées par les faits, les circonstances et la preuve dont disposait la commission à l’audition.

65 En particulier, les trois conditions étaient motivées et justifiées par les circonstances que constituaient la situation de M. Mazzei et l’audition de son cas devant la commission; les conditions dénouaient en fait l’« impasse thérapeutique » dans laquelle semblait se trouver, selon la commission, le cas de M. Mazzei. La décision de la commission de chercher à obtenir un examen global (à la condition 8) était principalement motivée par sa frustration, étant donné que le programme thérapeutique et les efforts de réadaptation de M. Mazzei n’avaient pas porté fruit, quel que soit le responsable de cette impasse. Elle constituait également une réponse directe au manque apparent de renseignements sur l’état mental de M. Mazzei et à l’incapacité du gestionnaire de cas à répondre aux questions de la commission sur certains aspects médicaux (voir décision de la commission, p. 2). De même, la nouvelle évaluation du risque envisagée à la condition 9 était motivée par l’impasse apparente dans laquelle se trouvait M. Mazzei relativement à ses progrès cliniques et par la frustration de la commission devant le manque de renseignements exacts et pertinents dont elle disposait à l’audition, comme en témoignent les derniers rapports déposés par l’équipe médicale et l’absence du psychiatre supervisant M. Mazzei à l’audition (voir décision de la commission, p. 2). Cette frustration était exacerbée par l’importante divergence d’opinions qui opposait le directeur et M. Mazzei sur la question de savoir à qui attribuer la responsabilité pour l’arrêt des progrès cliniques. En outre, la décision d’étudier la possibilité d’appliquer un programme autochtone de réadaptation en établissement à la condition 10 reflète également l’obligation de la commission d’offrir la « possibilité de recevoir un traitement approprié » (voir Winko, par. 43 (je souligne)) et son obligation de tenir compte des « besoins » de l’accusé lorsqu’elle élabore une décision fondée sur l’art. 672.54. Parmi ces « besoins » pourrait figurer la nécessité de recevoir un traitement qui soit adapté au plan culturel et qui tienne compte de la culture et du patrimoine autochtones de l’accusé.

66 Par conséquent, non seulement la commission a correctement interprété les pouvoirs et la compétence que lui confère l’art. 672.54, mais les modalités qu’elle a imposées étaient conformes à ces pouvoirs et étaient raisonnables compte tenu de l’impasse thérapeutique dans laquelle se trouvait M. Mazzei et de la preuve (ou de l’absence de preuve) dont disposait la commission lors de l’audition.

6. Conclusion et dispositif

67 Compte tenu de la présente analyse, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi de M. Mazzei; la C.A.C.‑B. a eu tort de retrancher les trois conditions contestées de l’ordonnance rendue par la commission le 3 avril 2002. Les commissions d’examen ont le pouvoir de fixer des modalités relatives à la prestation et à la supervision d’un traitement médical et de rendre ces conditions opposables aux autres parties, telles que les autorités de l’hôpital. Ce pouvoir est justifié par le rôle et le mandat que la loi attribue aux commissions d’examen; il s’agit tout de même d’un mandat limité, puisque les commissions d’examen ne peuvent aller jusqu’à prescrire ou imposer un traitement médical ou à exiger des autorités hospitalières qu’elles administrent ce traitement. En l’espèce, les conditions 8, 9 et 10 ne dépassent pas ces limites puisqu’elles constituent un exercice valide par la commission de son pouvoir de supervision pour ce qui est de fournir la possibilité de recevoir un traitement médical et de réaliser les objectifs de la partie XX.1 — protéger le public et protéger le droit à la liberté de l’accusé. Aussi, les trois conditions étaient raisonnables et étayées par la preuve dont disposait la commission lors de l’audition relative à M. Mazzei, le 3 avril 2002. Comme les trois conditions ont été remplacées par des décisions subséquentes de la commission, la question centrale du présent pourvoi est théorique et par conséquent, l’appelant n’obtient aucun redressement pratique. Les parties n’ont pas demandé les dépens et il n’y a pas lieu de les accorder.

ANNEXE

Dispositions législatives pertinentes

Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46

672.1 . . .

« hôpital » Lieu d’une province désigné par le ministre de la santé de la province en vue de la garde, du traitement ou de l’évaluation d’un accusé visé par une décision ou une ordonnance d’évaluation ou de placement.

. . .

« parties » Les parties au processus de détermination ou de révision de la décision qui doit être prise par un tribunal ou une commission d’examen, c’est‑à‑dire :

a) l’accusé;

b) le responsable de l’hôpital où l’accusé est détenu ou doit se présenter en conformité avec une ordonnance d’évaluation ou une décision;

c) un procureur général désigné par le tribunal ou la commission d’examen en vertu du paragraphe 672.5(3);

d) toute autre personne intéressée qui est désignée par le tribunal ou la commission d’examen, en vertu du paragraphe 672.5(4);

e) le poursuivant responsable de l’accusation portée contre l’accusé lorsque la décision doit être rendue par un tribunal.

. . .

672.54 Pour l’application du paragraphe 672.45(2) ou de l’article 672.47, le tribunal ou la commission d’examen rend la décision la moins sévère et la moins privative de liberté parmi celles qui suivent, compte tenu de la nécessité de protéger le public face aux personnes dangereuses, de l’état mental de l’accusé et de ses besoins, notamment de la nécessité de sa réinsertion sociale :

a) lorsqu’un verdict de non‑responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux a été rendu à l’égard de l’accusé, une décision portant libération inconditionnelle de celui‑ci si le tribunal ou la commission est d’avis qu’il ne représente pas un risque important pour la sécurité du public;

b) une décision portant libération de l’accusé sous réserve des modalités que le tribunal ou la commission juge indiquées;

c) une décision portant détention de l’accusé dans un hôpital sous réserve des modalités que le tribunal ou la commission juge indiquées.

672.55 (1) La décision visée à l’article 672.54 ne peut prescrire de traitement, notamment un traitement psychiatrique, pour l’accusé ou ordonner que celui‑ci s’y soumette; elle peut toutefois comporter une condition relative à un traitement que le tribunal ou la commission d’examen estime raisonnable et nécessaire aux intérêts de l’accusé et à laquelle celui‑ci consent.

. . .

672.58 Dans le cas où un verdict d’inaptitude à subir son procès a été rendu à l’égard de l’accusé et à la condition que le tribunal n’ait rendu aucune décision à son égard en vertu de l’article 672.54, le tribunal peut, sur demande du poursuivant, rendre une décision prévoyant le traitement de l’accusé pour une période maximale de soixante jours, sous réserve des modalités que le tribunal fixe et, si celui‑ci n’est pas détenu, lui enjoignant de s’y soumettre et de se présenter à la personne ou à l’hôpital indiqué.

672.59 (1) Aucune décision ne peut être rendue en vertu de l’article 672.58 à moins que le tribunal ne soit convaincu, à la lumière du témoignage d’un médecin, qu’un traitement particulier devrait être donné à l’accusé afin de le rendre apte à subir son procès.

. . .

672.62 (1) Le tribunal ne peut rendre une décision en vertu de l’article 672.58 sans le consentement du responsable de l’hôpital où l’accusé doit subir le traitement, ou de la personne que le tribunal charge de ce traitement.

(2) Le tribunal peut ordonner le traitement de l’accusé en conformité avec une décision rendue en vertu de l’article 672.58 sans le consentement de celui‑ci ou de la personne qui, selon le droit de la province où la décision est rendue, est autorisée à donner ce consentement au nom de l’accusé.

. . .

672.72 (1) Toute partie aux procédures peut interjeter appel à la cour d’appel de la province où elles sont rendues d’une décision d’un tribunal ou d’une commission d’examen, ou d’une ordonnance de placement rendue par cette dernière pour tout motif de droit, de fait ou mixte de droit et de fait.

. . .

672.78 (1) La cour d’appel peut accueillir l’appel interjeté à l’égard d’une décision ou d’une ordonnance de placement et annuler toute ordonnance rendue par le tribunal ou la commission d’examen si elle est d’avis que, selon le cas :

a) la décision ou l’ordonnance est déraisonnable ou ne peut pas s’appuyer sur la preuve;

b) il s’agit d’une erreur de droit;

c) il y a eu erreur judiciaire.

(2) La cour d’appel peut rejeter l’appel, dans l’un ou l’autre des cas suivants :

a) les alinéas (1)a), b) et c) ne s’appliquent pas;

b) l’alinéa (1)b) peut s’appliquer, mais elle est d’avis qu’aucun tort important ou aucune erreur judiciaire ne s’est produit.

(3) La cour d’appel, si elle accueille l’appel, peut :

a) rendre la décision en vertu de l’article 672.54 ou l’ordonnance de placement que la commission d’examen aurait pu rendre;

b) renvoyer l’affaire au tribunal ou à la commission d’examen pour une nouvelle audition, complète ou partielle, en conformité avec les instructions qu’elle lui donne;

c) rendre toute autre ordonnance que la justice exige.

Pourvoi accueilli.

Procureur de l’appelant : Legal Services Society of British Columbia, Vancouver.

Procureurs de l’intimé le directeur des Adult Forensic Psychiatric Services : Lovett Westmacott, Victoria.

Procureur de l’intimé le procureur général de la Colombie‑Britannique : Procureur général de la Colombie‑Britannique, Victoria.

Procureurs de l’intervenante la Commission d’examen de la Colombie‑Britannique : Arvay Finlay, Vancouver.

Procureurs des intervenantes la Commission ontarienne d’examen, la Commission québécoise d’examen, la Commission d’examen de la Nouvelle‑Écosse, la Commission d’examen du Nouveau‑Brunswick, la Commission d’examen du Manitoba, la Commission d’examen de l’Île‑du‑Prince‑Édouard, la Commission d’examen de la Saskatchewan, la Commission d’examen de l’Alberta, la Commission d’examen de Terre‑Neuve, la Commission d’examen des Territoires du Nord‑Ouest, la Commission d’examen du Yukon et la Commission d’examen du Nunavut : Cavalluzzo Hayes Shilton McIntyre & Cornish, Toronto.

Procureur de l’intervenant le procureur général de l’Ontario : Procureur général de l’Ontario, Toronto.

Procureur de l’intervenante Community Legal Assistance Society : Community Legal Assistance Society, Vancouver.

Procureurs de l’intervenante Mental Health Legal Advocacy Coalition : Hiltz Szigeti, Toronto.

* Le juge Major n’a pas pris part au jugement.


Synthèse
Référence neutre : 2006 CSC 7 ?
Date de la décision : 16/03/2006
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Droit criminel - Troubles mentaux - Décisions de la commission d’examen - Modalités des décisions - Code criminel prévoyant que les commissions d’examen peuvent rendre des décisions portant que l’accusé non responsable criminellement soit détenu dans un hôpital sous réserve de modalités - Étendue du pouvoir de la commission - La commission a‑t‑elle le pouvoir de rendre des décisions liant des parties autres que l’accusé, notamment les autorités de l’hôpital? - Le cas échéant, la commission peut‑elle imposer des modalités reliées au traitement médical de l’accusé? - Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46, art. 672.54.

En 1986, l’accusé, un Autochtone, a été déclaré non coupable de plusieurs infractions pour cause d’aliénation mentale. Selon le diagnostic, il souffrait de schizophrénie paranoïde chronique, un trouble grave de la personnalité qui le rendait antisocial, et d’une atteinte cérébrale organique. Le tribunal a ordonné sa détention sous garde rigoureuse. En 1992, conformément à la nouvelle partie XX.1 du Code criminel, il a été classé dans la catégorie des personnes « non responsables criminellement » (« NRC ») et il relève depuis de la compétence de la commission d’examen de la Colombie-Britannique. Après de nombreuses libérations conditionnelles infructueuses, il a été placé au Forensic Psychiatric Hospital. L’accusé a dit souhaiter aller dans un centre autochtone de traitement pour soigner sa dépendance aux drogues et à l’alcool. Lors d’une audition le 3 avril 2002, la commission d’examen a estimé que le traitement de l’accusé était arrivé dans une impasse et s’est dite préoccupée par l’insuffisance des renseignements fournis par le gestionnaire de cas et l’équipe médicale de l’accusé, ainsi que par la réticence de ce dernier à collaborer avec l’équipe médicale. La commission a ordonné que l’accusé soit maintenu en détention à l’hôpital. La décision de la commission enjoignait au directeur des Adult Forensic Psychiatric Services, en vue de la prochaine audition du cas de l’accusé, de fournir une évaluation indépendante concernant le diagnostic, le traitement et les progrès cliniques de l’accusé, de fournir relativement au risque qu’il représentait pour la sécurité du public une évaluation indépendante établie en fonction d’une nouvelle thérapeutique réorientée, et de déployer des efforts soutenus en vue de fournir à l’accusé la possibilité de participer à un programme thérapeutique adapté à sa culture. Le directeur a interjeté appel de cette ordonnance à la Cour d’appel, qui a conclu que la commission n’avait pas compétence pour rendre une décision imposant un traitement médical ou pour fixer des modalités liant une personne autre que l’accusé. La Cour d’appel a radié de l’ordonnance les conditions imposées au directeur.

Arrêt : Le pourvoi est accueilli.

Bien que l’ordonnance contestée de la commission ait été remplacée par des décisions subséquentes et qu’il n’existe plus de litige actuel entre les parties, la question des pouvoirs de la commission demeure entière et la Cour a exercé son pouvoir discrétionnaire d’entendre le pourvoi. Pour l’examen de la compétence de la commission pour imposer les conditions, la norme de contrôle applicable est celle de la « décision correcte ». Si la commission a agi dans le cadre de sa compétence, et si son interprétation de l’art. 672.54 du Code criminel est juste, il reste encore à déterminer si les conditions étaient « raisonnables » (al. 672.78(1)a)). [15‑17]

Les commissions d’examen ont le pouvoir de rendre des décisions et de fixer des modalités qui lient des parties autres que l’accusé, notamment le directeur, les autorités de l’hôpital et les équipes médicales. C’est ce qu’indiquent le sens ordinaire et grammatical des mots employés à l’art. 672.54, la structure et la formulation du texte français de cette disposition ainsi que les dispositions de la partie XX.1 qui traitent de l’exécution des décisions et des appels. Le régime législatif et l’intention du législateur étayent également cette conclusion. Le régime législatif se caractérise par : (1) la création de commissions d’examen spécialisées dans chaque province et territoire pour surveiller la prise en charge de l’accusé NRC au sein du système de justice pénale; et (2) la participation des autorités provinciales de la santé et des établissements de santé provinciaux à la prestation des services médicaux appropriés, au besoin, afin de faciliter l’évaluation et la gestion du risque que représente l’accusé NRC pour la sécurité du public, et d’améliorer ses chances de réadaptation et de réinsertion dans la collectivité. Compte tenu du mandat des commissions, le législateur ne peut pas avoir voulu charger ces commissions de la surveillance et de l’application du régime d’évaluation et de traitement sans s’assurer qu’elles puissent rendre des décisions opposables à des parties autres que les accusés. [19‑29]

La structure opérationnelle de la partie XX.1 et son interprétation par les tribunaux révèlent que les commissions d’examen n’ont pas le pouvoir de prescrire un traitement. Ce pouvoir appartient exclusivement à l’autorité provinciale responsable de l’hôpital où l’accusé NRC est détenu, conformément aux diverses lois provinciales régissant la prestation des services médicaux aux personnes détenues dans un établissement hospitalier. Les commissions d’examen doivent simplement s’assurer que l’on offre la possibilité de recevoir un traitement médical. En accordant aux commissions d’examen le pouvoir d’imposer un traitement, on empiéterait sur la compétence législative des provinces en matière de services de santé. La composition des commissions et l’expertise de leurs membres étayent cette interprétation des pouvoirs que l’art. 672.54 accorde aux commissions. Si une commission pouvait prescrire un traitement, les deux membres n’ayant aucune expertise en psychiatrie pourraient rendre une décision malgré les objections du troisième membre qui doit, aux termes du Code, être autorisé à exercer la psychiatrie. Accorder aux commissions d’examen le pouvoir d’imposer un traitement conférerait aussi un pouvoir similaire aux tribunaux même s’ils ne possèdent pas l’expertise pertinente, puisqu’une cour qui entend l’appel d’une décision d’une commission peut rendre toute décision que la commission aurait pu rendre. [30‑38]

Même si les commissions d’examen n’ont pas le pouvoir de prescrire un traitement, elles ont en fait le pouvoir de rendre des décisions assorties de modalités « reliées » ou « relatives » à la « supervision » du traitement médical d’un accusé NRC. Afin de s’acquitter du rôle et du mandat que la loi leur a confiés, à savoir de rendre des décisions appropriées en vue de protéger le public tout en protégeant le droit à la liberté de l’accusé, elles doivent disposer d’un certain pouvoir leur permettant de superviser le traitement médical des accusés non responsables criminellement. On pourrait soutenir que l’étendue du pouvoir des commissions, dans leur fonction de supervision, de rendre des décisions et de fixer des modalités « reliées » ou « relatives » au traitement médical d’un accusé englobe tout sauf le fait même de prescrire le traitement. Une commission d’examen doit être en mesure de former sa propre opinion indépendante sur le traitement de l’accusé, sur ses chances de réadaptation et de réinsertion et sur le risque que celui‑ci représente pour la sécurité du public, et elle doit pouvoir ordonner que l’on procède à une réévaluation des méthodes de traitement et à une exploration des solutions de rechange au besoin. Ce pouvoir découle de l’objet du régime législatif, du mandat et de l’expertise des commissions d’examen, de même que du libellé des diverses dispositions de la partie XX.1; il trouve aussi écho dans la jurisprudence. [39‑47]

Interprétée correctement, la deuxième partie du par. 672.55(1) ne constitue pas une véritable exception à l’interdiction de prescrire un traitement mais n’est qu’un exemple du pouvoir de supervision dont dispose la commission à l’égard des décisions relatives au traitement. L’application et la portée du par. 672.55(1) devraient être restrictives et limitées. Pour l’essentiel, le pouvoir de fixer une condition « relative » à un traitement prévu au par. 672.55(1) est simplement une manifestation du mandat de la commission qui consiste à offrir la « possibilité de recevoir un traitement » lorsque l’accusé se trouve dans la collectivité et qu’il n’est plus sous la supervision d’une autorité provinciale en matière de santé. [50‑55]

Les conditions imposées au directeur n’auraient pas dû être radiées de la décision de la commission. Elles constituent un exercice valide par la commission du pouvoir et de la compétence que lui accorde l’art. 672.54. Elles relèvent clairement de son pouvoir de remettre en question le programme thérapeutique de l’accusé, d’explorer de nouvelles avenues de traitement, de superviser sa réadaptation et d’évaluer le risque qu’il représente pour la sécurité du public. Les conditions n’empiètent pas sur le programme thérapeutique de l’accusé ou sur le pouvoir discrétionnaire du directeur. Les trois conditions étaient raisonnables en ce qu’elles étaient amplement étayées par la preuve dont disposait la commission à l’audition et qu’elles étaient justifiées par l’impasse que présentait le traitement de l’accusé et le manque apparent, à l’audience du 3 avril 2002, de renseignements exacts et utiles concernant l’accusé. [56‑66]


Parties
Demandeurs : Mazzei
Défendeurs : Colombie-Britannique (Directeur des Adult Forensic Psychiatric Services)

Références :

Jurisprudence
Arrêts mentionnés : Winko c. Colombie‑Britannique (Forensic Psychiatric Institute), [1999] 2 R.C.S. 625
Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342
Centre de santé mentale de Penetanguishene c. Ontario (Procureur général), [2004] 1 R.C.S. 498, 2004 CSC 20
Pinet c. St. Thomas Psychiatric Hospital, [2004] 1 R.C.S. 528, 2004 CSC 21
R. c. Owen, [2003] 1 R.C.S. 779, 2003 CSC 33
R. c. Swain, [1991] 1 R.C.S. 933
R. c. Demers, [2004] 2 R.C.S. 489, 2004 CSC 46
Manitoba (Attorney General) c. Wiebe, [2005] 2 W.W.R. 707
R. c. Lewis (1999), 132 C.C.C. (3d) 163
Beauchamp c. Penetanguishene Mental Health Centre (Administrator) (1999), 138 C.C.C. (3d) 172
Brockville Psychiatric Hospital c. McGillis (1996), 2 C.R. (5th) 242.
Lois et règlements cités
Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46, partie XX.1, art. 672.1, 672.38(1), 672.39, 672.41(1), 672.42, 672.54, 672.55(1), 672.58, 672.59(1), 672.62, 672.72 à 672.78, 672.81, 672.9 à 672.94.
Forensic Psychiatry Act, R.S.B.C. 1996, ch. 156.
Loi constitutionnelle de 1867, art. 91(27), 92(7).
Mental Health Act, R.S.B.C. 1996, ch. 288, art. 30.
Doctrine citée
Concise Oxford English Dictionary, 11th ed. Oxford : University Press, 2004, « direct ».

Proposition de citation de la décision: Mazzei c. Colombie-Britannique (Directeur des Adult Forensic Psychiatric Services), 2006 CSC 7 (16 mars 2006)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2006-03-16;2006.csc.7 ?
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