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01/06/2006 | CANADA | N°2006_CSC_21

Canada | Jesuit Fathers of Upper Canada c. Cie d'assurance Guardian du Canada, 2006 CSC 21 (1 juin 2006)


COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : Jesuit Fathers of Upper Canada c. Cie d’assurance Guardian du Canada, [2006] 1 R.C.S. 744, 2006 CSC 21

Date : 20060601

Dossier : 30709

Entre :

Jesuit Fathers of Upper Canada

Appelant

et

Compagnie d’assurance Guardian du Canada et

Compagnie d’assurance ING Canada

Intimées

Traduction française officielle

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Bastarache, Binnie, LeBel, Deschamps, Abella et Charron

Motifs de jugement :

(par. 1 à 64)

Le jug

e LeBel (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Bastarache, Binnie, Deschamps, Abella et Charron)

______________________________

J...

COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : Jesuit Fathers of Upper Canada c. Cie d’assurance Guardian du Canada, [2006] 1 R.C.S. 744, 2006 CSC 21

Date : 20060601

Dossier : 30709

Entre :

Jesuit Fathers of Upper Canada

Appelant

et

Compagnie d’assurance Guardian du Canada et

Compagnie d’assurance ING Canada

Intimées

Traduction française officielle

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Bastarache, Binnie, LeBel, Deschamps, Abella et Charron

Motifs de jugement :

(par. 1 à 64)

Le juge LeBel (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Bastarache, Binnie, Deschamps, Abella et Charron)

______________________________

Jesuit Fathers of Upper Canada c. Cie d’assurance Guardian du Canada, [2006] 1 R.C.S. 744, 2006 CSC 21

Jesuit Fathers of Upper Canada Appelant

c.

Compagnie d’assurance Guardian du Canada et

Compagnie d’assurance ING Canada Intimées

Répertorié : Jesuit Fathers of Upper Canada c. Cie d’assurance Guardian du Canada

Référence neutre : 2006 CSC 21.

No du greffe : 30709.

2006 : 10 janvier; 2006 : 1 juin.

Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Bastarache, Binnie, LeBel, Deschamps, Abella et Charron.

en appel de la cour d’appel de l’ontario

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario (les juges Doherty, Moldaver et Gillese) (2004), 74 O.R. (3d) 79, 192 O.A.C. 102, 16 C.C.L.I. (4th) 24, [2005] I.L.R. ¶I‑4351, [2004] O.J. No. 4641 (QL), qui a confirmé un jugement du juge Whitten (2003), 68 O.R. (3d) 178, 6 C.C.L.I. (4th) 276, [2004] I.L.R. ¶I‑4247, [2003] O.J. No. 4534 (QL). Pourvoi rejeté.

Donald G. McLean, c.r., Wally Zimmerman et Eugene Meehan, c.r., pour l’appelant.

Vernol I. Rogers et Thomas J. Donnelly, pour les intimées.

Version française du jugement de la Cour rendu par

Le juge LeBel —

I. Survol

(1) Litige

1 Dans le présent pourvoi, notre Cour doit décider si une police d’assurance établie par la Compagnie d’assurance Guardian du Canada (« Guardian ») au bénéfice des Jesuit Fathers of Upper Canada (« Jésuites ») obligeait l’assureur à défendre l’assuré dans le cadre d’actions en dommages‑intérêts découlant de l’administration, par les Jésuites, du Garnier Residential School for Boys près de Spanish, en Ontario (« pensionnat de Spanish »). Nous verrons qu’il s’agissait d’une police basée sur la présentation d’une réclamation. Ainsi, pour que l’assureur soit tenu de défendre l’assuré, il fallait à tout le moins que, pendant la période d’assurance, un tiers communique son intention de tenir ce dernier responsable d’un dommage. À défaut d’une telle communication au cours de cette période, l’assureur n’avait pas à défendre l’assuré dans le cadre des actions. En conséquence, le pourvoi doit échouer.

(2) Faits

a) Administration du pensionnat de Spanish par les Jésuites

2 De la fin des années 1800 à 1969, le gouvernement fédéral a administré en partenariat avec divers ordres religieux un nombre important de pensionnats. On avait donné à ces derniers la mission d’éduquer les enfants autochtones et de favoriser leur assimilation à la culture dominante, celle de l’Europe occidentale. Dans ce contexte, le gouvernement fédéral s’est associé au diocèse de Sault Ste. Marie, qui a retenu les services des Jésuites pour diriger et administrer le pensionnat de Spanish de 1913 jusqu’à sa fermeture en 1958. Les pensionnaires étaient de jeunes autochtones provenant de réserves de tout l’Ontario. Le financement limité accordé par le gouvernement fédéral obligeait les pensionnaires de Spanish à participer à la culture des aliments et à leur préparation, à l’élevage des animaux, à la confection de vêtements et à l’entretien physique des lieux, sous la surveillance des Jésuites.

b) Premiers indices de problèmes au pensionnat de Spanish

3 À la fin de juillet 1988, après une réunion d’anciens pensionnaires pendant le congé férié provincial, le Sudbury Sun et le Globe and Mail ont publié des articles qui critiquaient l’administration du pensionnat de Spanish. Leurs critiques insistaient particulièrement sur la discipline rigoureuse de l’établissement et son impact négatif sur la culture autochtone.

4 Le 11 juillet 1991, un paroissien autochtone a confié au curé du village de Cape Croker que, lorsqu’il était servant de messe, le père George Epoch, un jésuite qui travaillait au pensionnat de Spanish, l’avait agressé et que les pensionnats avaient [traduction] « gâché la vie » de générations d’Autochtones. L’épouse du paroissien a ajouté que les pensionnats avaient été le lieu d’activités sexuelles « contre nature ».

c) Enquête sur les allégations d’agression sexuelle

5 Par suite de ces révélations, les Jésuites ont confié au père William Addley le mandat de faire la lumière sur les faits reprochés au père Epoch. Au cours de l’enquête, Larry Lavallee, pensionnaire de 1948 à 1956, a révélé que le père Brown l’avait brutalisé et qu’un autre prêtre avait agressé sexuellement son cousin. M. Lavallee a incité son fils à ne pas en dire davantage à l’enquêteur avant de consulter un avocat. Le 16 octobre 1991, le conseil de bande de Cape Croker et des représentants des Jésuites se sont réunis pour discuter des actes imputés au père Epoch. Certaines des personnes présentes appuyaient la tenue d’une enquête, d’autres non.

6 En juin 1992, une travailleuse sociale, Linda Thompson Reid, a rédigé pour le compte du comité sur la violence sexuelle de la réserve des Premières nations de Cape Croker un rapport intitulé Statement to the Jesuits on Behalf of the Survivors of Child Sexual Abuse By the Jesuit Priest. Elle y traitait des abus du père Epoch et, de façon plus générale, de l’« insensibilité » de la collectivité autochtone de Cape Croker, qui avait toujours nié les sévices infligés aux siens dans les pensionnats. Le rapport invitait aussi les Jésuites à accepter l’entière responsabilité des actes commis, et les victimes à s’identifier et à demander une indemnité.

7 Dès le 6 janvier 1993, les Jésuites avaient appris que la Police provinciale de l’Ontario enquêtait sur des dénonciations relatives au pensionnat de Spanish. Les appelants ont alors offert de collaborer sans réserve à l’enquête. Le 21 janvier suivant, le comité consultatif des Jésuites a été informé qu’une enquête policière était en cours et qu’un membre de la collectivité autochtone avait reconnu que des agressions sexuelles avaient eu lieu, mais refusé d’en dire plus. Peu après, les Jésuites ont retenu les services de Mike Myers pour amorcer un dialogue avec la collectivité de Cape Croker. Au fil de ses entretiens, le facilitateur a appris que certains des abus allégués remontaient à l’époque où le père Epoch travaillait au pensionnat de Spanish. À ce moment, il a recommandé aux Jésuites d’appuyer le comité de défense des Premières nations ainsi que le groupe de travail sur les victimes et de collaborer avec eux.

8 Les Jésuites ont par la suite engagé un autre enquêteur, Mary Wells. Le 30 juin 1993, un entretien de Mme Wells avec Jane Mundy, qui fréquentait régulièrement le centre spirituel anishnabe, lui a appris que (1) James Mara, cuisinier au pensionnat de Spanish, aurait pu agresser des pensionnaires, que (2) selon certaines rumeurs, plusieurs enseignants jésuites, dont le père Epoch, auraient commis des abus et que (3) 10 anciens pensionnaires nommément identifiés auraient, selon elle, été agressés. Mme Wells n’était pas autorisée à divulguer d’autres noms. Dans son rapport préliminaire déposé le 18 octobre 1993, elle a confirmé les noms de 10 victimes possibles, dont Peter Cooper, et précisé que Mme Mundy s’était proposée pour retracer les victimes et les encourager à communiquer avec l’enquêtrice. Apparemment insatisfaite du déroulement de l’enquête, Mme Mundy a par la suite demandé qu’on lui rende ses notes et indiqué que tout échange ultérieur se ferait par l’entremise de son avocat.

9 Certaines des victimes des abus reprochés au père Epoch ont retenu les services d’un avocat, Roger Tucker. Ce dernier a écrit au négociateur engagé pour donner suite aux plaintes, expliquant que de nombreux abus auraient été commis au pensionnat de Spanish, mais qu’il ne lui semblait pas opportun de soutenir un groupe de victimes, celui des victimes d’un prêtre, le père Epoch, sans appuyer l’autre, celui de leurs parents, victimes d’abus au pensionnat de Spanish.

10 En novembre 1993, les chefs des Premières nations en cause ont informé les Jésuites que leur enquête perturberait leur collectivité et qu’aucune autre démarche ne devait être entreprise sans la participation et le consentement du conseil de bande. Les Jésuites ont répondu qu’ils respecteraient leur vœu.

11 Bref, en janvier 1994, les Jésuites connaissaient l’existence d’allégations tant générales que particulières de mauvais traitements infligés au pensionnat de Spanish. La police avait abandonné son enquête. Jane Mundy avait révélé l’identité de victimes et d’agresseurs allégués, mais seul M. Lavallee avait communiqué ses allégations directement aux Jésuites.

d) Événements à l’origine du litige — la première réclamation : Peter Cooper

12 Le 27 janvier 1994, l’avocate Helen Pierce a transmis aux Jésuites une lettre les informant de la réclamation de son client, Peter Cooper (« réclamation Cooper »). Elle y expliquait que ce dernier avait fréquenté le pensionnat de Spanish de 1941 à 1949 et y précisait les abus physiques et sexuels ainsi que les privations d’ordre culturel et physique dont il avait été victime. La lettre contenait des allégations au sujet des insuffisances de la surveillance des enseignants fautifs et de leurs élèves et soulignait l’impact des sévices sur la vie de M. Cooper. Me Pierce s’informait également de la possibilité de négocier un règlement. Le 8 mai 1995, une action en justice renfermant des allégations similaires a été déposée.

(3) La garantie d’assurance en 1994

13 Les Jésuites avaient souscrit auprès de Guardian une police d’assurance responsabilité civile générale (« police ») et une police d’assurance complémentaire pour la période du 30 septembre 1988 au 30 septembre 1994. La première protégeait l’assuré contre les erreurs et les omissions liées à la prestation de services professionnels; la limite annuelle était de 1 000 000 $ par événement et de 1 000 000 $ au total. La seconde police était rédigée de la même manière, sauf à l’égard de la limite annuelle qu’elle portait à 4 000 000 $ par événement et au total.

14 Les deux parties conviennent que le dommage allégué dans la réclamation Cooper et dans les réclamations subséquentes résulte de l’inexécution par les Jésuites de leur obligation de rendre des services professionnels appropriés. L’assureur admet de plus que la réclamation Cooper a été présentée pendant la période d’assurance, par l’entremise de Me Pierce, de sorte qu’il doit assumer la défense de l’assuré.

(4) La déclaration des Jésuites à Guardian (« lettre de Me Zimmerman »)

15 Le 18 mars 1994, l’avocat des Jésuites, W. Zimmerman, a écrit à Guardian pour l’informer que d’autres réclamations pourraient viser ses clients dans un avenir rapproché. Conformément aux stipulations des polices, la lettre donnait des renseignements sur les réclamations en cours et celles qui pourraient survenir. Cette lettre respectait ainsi la condition F(1) (Déclaration d’accident ou de sinistre). En effet, elle précisait l’identité des jésuites fautifs ainsi que les dates et les lieux où se seraient produits les actes reprochés, la nature des réclamations éventuelles et les noms des 10 victimes identifiées par Mme Mundy, dont Peter Cooper. Elle ajoutait qu’aucune des victimes alléguées ne s’était manifestée (ce qui n’était pas le cas de Peter Cooper). On ignore le sort exact des réclamations de ces 10 personnes. Des commentaires des avocats présents à l’audience devant notre Cour laissent penser qu’elles n’ont plus vraiment d’importance.

(5) Les autres réclamations

16 De nombreuses réclamations — environ 100 — ont été présentées après l’expiration de la police. Elles comportaient des allégations analogues à celles formulées dans la lettre de Me Zimmerman, y compris les abus physiques, sexuels et culturels commis au pensionnat de Spanish à cause des insuffisances de la surveillance du personnel et des élèves par les Jésuites. Selon l’appelant, la police devrait s’appliquer à ces réclamations même si les demandes d’indemnité n’ont pas été présentées pendant la période d’assurance. Pour régler ces réclamations, les Jésuites ont versé à ce jour 1,2 million dollars. En outre, ils ont payé plus de 1,8 million de dollars en honoraires d’avocats dans le cadre de la présente instance et pour contester les réclamations à l’égard desquelles l’assureur a refusé d’admettre toute obligation de défense.

(6) Le refus de Guardian de renouveler la garantie

17 Après que Me Zimmerman l’eut informée par lettre des réclamations en cours et des réclamations éventuelles découlant de l’administration du pensionnat de Spanish, Guardian a refusé de renouveler la police au‑delà du 30 septembre 1994. Les Jésuites ont finalement obtenu une garantie d’un autre assureur, mais la police stipulait expressément que la garantie relative aux abus sexuels et physiques ne s’appliquait pas aux réclamations résultant des activités du pensionnat de Spanish.

(7) La négation par Guardian de son obligation de défendre l’assuré

18 Sauf dans le cas de la réclamation Cooper, Guardian a refusé d’assumer la défense contre les réclamations découlant de l’administration du pensionnat de Spanish. Selon elle, la police ne s’appliquait pas à ces réclamations puisqu’elles n’avaient été [traduction] « présentées pour la première fois » qu’après son expiration.

(8) Historique des procédures judiciaires

a) Cour supérieure de justice de l’Ontario ((2003), 68 O.R. (3d) 178)

19 Dans son analyse des différentes questions en litige, le juge Whitten a reconnu au départ que l’appelant avait rendu des services professionnels assurés. Aucune des clauses d’exclusion de la police n’écartait son application. La question consistait plutôt à déterminer si la réclamation s’inscrivait dans les limites temporelles de la police. Le juge de première instance a alors interprété le contrat d’assurance comme une police basée sur la présentation d’une réclamation, mais comportant des éléments d’une police basée sur la déclaration du sinistre pendant la période d’assurance :

[traduction] La police établie par Guardian est une police dont l’application de la garantie dépend de la présentation d’une réclamation ou de la découverte d’un sinistre susceptible de donner lieu à une réclamation, et elle comporte certains éléments d’une police basée sur la réalisation du sinistre. Ces éléments ressortent de la qualification de la réclamation et des stipulations relatives à la déclaration d’un sinistre, lesquelles exigent plus particulièrement que soit signalé tout dommage allégué auquel s’applique la police d’assurance. Les éléments d’une police basée sur la réalisation du sinistre et l’absence de définition du mot « réclamation » et d’une demande formelle relative à une « réclamation » ont mené à une analyse fondée sur le contexte et sur ce qui est objectivement raisonnable pour déterminer ce que constitue une « réclamation ».

. . . Par essence, la négligence alléguée des Jésuites ressortit à la police. Il s’agit de savoir si des « réclamations » garanties ont été présentées dans les limites temporelles de la police. [par. 130‑131]

20 Pour déterminer si les réclamations avaient été présentées dans les limites temporelles de la police, le juge de première instance a estimé que la réclamation Cooper ainsi que celles des autres victimes mentionnées dans la lettre de Me Zimmerman bénéficiaient dans la garantie de défense et que Guardian avait l’obligation de défendre l’assuré contre elles. Cependant, les réclamations ultérieures ne relevaient pas du champ d’application de cette garantie. La communication d’une croyance générale que des réclamations seraient présentées ne constituait pas une réclamation présentée au cours de la période d’assurance et, partant, n’engageait pas l’obligation de l’assureur de défendre l’assuré :

[traduction] Vu la situation des Jésuites au début de 1994, il ne fait aucun doute que la réclamation de Peter Cooper constitue bel et bien une « réclamation » au sens de la police, notamment sur le plan temporel. La réclamation de M. Cooper s’ajoute à ce contexte initial, tout comme celles des autres victimes identifiées dans la lettre de W. Zimmerman datée du 18 mars 1994. L’assureur a donc l’obligation de défendre l’assuré à l’égard de ces réclamations. Ne constituent pas des « réclamations » pour l’application de la garantie les réclamations de demandeurs ou de plaignants non identifiés pendant la période d’assurance puisqu’elles n’ont été ni « présentées pour la première fois » ni découvertes pendant la période d’assurance comme l’exigeait la police. La croyance générale que des réclamations pourraient être présentées à un moment ou l’autre n’est pas suffisamment précise pour constituer une réclamation au sens de la police. [par. 132]

b) Cour d’appel de l’Ontario ((2004), 74 O.R. (3d) 79)

21 La Cour d’appel de l’Ontario a rejeté le pourvoi, faisant sienne la décision du juge de première instance :

[traduction] . . . la connaissance qu’avait l’appelant de circonstances ou d’événements antérieurs susceptibles donner lieu ultérieurement à des demandes d’indemnité dirigées contre lui ne pouvait être assimilée à une réclamation pour l’application des clauses de la police précisant l’objet de l’assurance. [par. 2]

II. Analyse

22 Fondamentalement, le présent pourvoi porte sur l’étendue de la garantie : la police est‑elle basée sur la présentation d’une réclamation? Cette première interrogation soulève une question connexe : qu’est‑ce qu’une réclamation?

(1) La garantie contre la négligence professionnelle

a) Les types de polices

23 On observe des différences importantes dans la nature et la structure des polices d’assurance contre le risque lié à la prestation de services professionnels. En règle générale, deux approches principales fondées sur le libellé de ces polices permettent de déterminer si une réclamation existe du point de vue temporel. La première, plus traditionnelle, est axée sur l’événement et met l’accent sur le moment o— survient l’acte négligent. Lorsque la négligence à l’origine du dommage se produit au cours de la période d’assurance, l’assureur est tenu d’indemniser l’assuré de tout dommage qui en découle, quel que soit le moment de la réclamation. La seconde, axée sur la réclamation, s’attache à la demande du tiers. Lorsque ce dernier présente une réclamation pendant la période d’assurance, l’assureur doit indemniser l’assuré sans égard au moment où s’est produit l’acte négligent. Évidemment, une police donnée peut faire appel à la première ou à la seconde approche, ou aux deux (police hybride). Toutefois, il s’agit toujours de déterminer ce qu’elle prévoit. Voir généralement l’arrêt Reid Crowther & Partners Ltd. c. Simcoe & Erie General Insurance Co., [1993] 1 R.C.S. 252.

24 Les polices basées sur la présentation d’une réclamation (appelées ci‑après « polices‑réclamation ») et les polices hybrides ont connu un essor et une popularité accrus en grande partie à cause des graves problèmes que l’exécution des garanties prévues par les polices basées sur la réalisation du sinistre ont causé aux assureurs. Ce dernier type de police convient lorsque le dommage résultant d’un acte négligent est immédiatement apparent (ou le devient rapidement). Il s’adapte moins aux services professionnels, comme ceux des médecins, des ingénieurs ou des fabricants, où le dommage causé par l’acte négligent peut se manifester bien des années plus tard. D’abord, le caractère « prolongé » de la responsabilité rend alors possible la présentation de nombreuses réclamations bien après l’expiration de la police. Ensuite, l’évolution du droit et de la science rend difficile pour l’assureur de prévoir l’étendue d’obligations susceptibles de découler de réclamations présentées des années plus tard. Enfin, lorsqu’un assuré change fréquemment d’assureur, la présentation d’une réclamation risque de provoquer des affrontements entre les compagnies d’assurance successives devant les tribunaux lorsque le moment exact de l’acte négligent n’est pas connu ou que la négligence revêt un caractère continu. Ces problèmes rendent alors plus difficile le calcul du risque actuariel. En conséquence, les primes peuvent augmenter considérablement, et la garantie peut même disparaître du marché. (Voir Reid Crowther, p. 262‑263.)

25 Par contre, la police‑réclamation et la police hybride comportent aussi des inconvénients. L’absence de possibilités de réclamations après l’expiration de la période d’assurance réduit substantiellement la prime, mais diminue en contrepartie l’étendue de la protection offerte. Ce type de police peut même laisser des trous dans les garanties requises par l’assuré (Reid Crowther, p. 266). En effet, dans le cas d’une police basée sur la découverte, l’assureur doit protéger l’assuré lorsque le dommage est découvert pendant la période d’assurance. Dans celui d’une police‑réclamation, cette obligation n’est engagée que lorsque la réclamation est présentée au cours de la période d’assurance. D’ailleurs, bien des polices‑réclamation offrent une garantie encore plus restreinte. Par exemple, la police peut exclure toute négligence dont l’assuré a connaissance avant la période d’assurance même si aucune réclamation n’a été présentée. Dans ce cas, bien que l’assuré ait toujours été assuré pendant des années, certaines réclamations se situeront hors du cadre de la couverture d’assurance — par exemple, lorsque le dommage sous‑jacent et la négligence qui l’a causé sont découverts au cours d’une période d’assurance, mais que le tiers ne présente sa réclamation qu’au cours d’une période subséquente. L’assureur du moment peut alors échapper à toute obligation, alors que l’assureur suivant aura exigé l’exclusion des réclamations éventuelles. L’assuré se retrouvera assis entre deux chaises.

b) La garantie complémentaire offerte

26 En raison des lacunes que peuvent présenter les garanties prévues par certaines catégories de polices‑réclamation et de polices hybrides, les assureurs offrent des garanties complémentaires. Ces garanties ont leur prix. Ainsi, on peut proposer à l’assuré de souscrire diverses clauses destinées à éviter des lacunes dans son assurance responsabilité professionnelle. Une des clauses proposées est la [traduction] « Prolongation de la période de déclaration », « Prolongation de la période de découverte » ou « Prolongation de couverture », qui permet de présenter des réclamations dans un délai précis après l’expiration de la police. Par exemple, une police prolongeant de deux ans la période de déclaration s’appliquerait aux réclamations présentées au plus tard deux ans après son expiration (Holmes’ Appleman on Insurance 2d, vol. provisoire 23 (2003), § 146.4, p. 83). Une telle clause protège l’assuré contre le refus de l’assureur de renouveler le contrat après avoir été informé de faits susceptibles de donner lieu à de nombreuses réclamations dans un avenir rapproché. Une autre clause, celle de la [traduction] « Déclaration de circonstances », permet à l’assuré de signaler, au cours de la période d’assurance, des faits pouvant donner lieu à des réclamations ultérieures. Toute réclamation présentée après l’expiration de la période d’assurance, mais relative à ces faits, est alors réputée l’avoir été pendant la durée du contrat d’assurance. Ce type de garantie était disponible sur le marché lors du dernier renouvellement des polices de Guardian.

(2) L’interprétation d’une police d’assurance

a) Règles d’interprétation

27 La police d’assurance constitue un type particulier de contrat. Comme pour tout contrat, il faut examiner ses termes à la lumière des circonstances pour déterminer l’intention des parties et la portée de l’entente. Au cours de sa longue histoire, le droit des assurances a donné naissance à quelques principes propres à l’interprétation des polices d’assurance. Notre Cour les a récemment examinés dans l’arrêt Non‑Marine Underwriters, Lloyd’s of London c. Scalera, [2000] 1 R.C.S. 551, 2000 CSC 24. Ils ne s’appliquent toutefois qu’en cas d’ambiguïté des dispositions de la police.

28 Premièrement, les tribunaux doivent rester conscients de l’inégalité du rapport de force entre les parties et interpréter les clauses du contrat d’assurance en conséquence. Ils peuvent le faire en recourant (1) soit à la règle contra proferentem, (2) soit à l’interprétation large des clauses de garantie et à l’interprétation restrictive des clauses d’exclusion. Suivant ces règles, toute clause ambiguë s’interprète contre son auteur. En effet, dans la plupart des cas, l’assureur rédige la police et l’assuré est essentiellement tenu d’y adhérer. Évidemment, dans une affaire o—, comme en l’espèce, la police a apparemment été négociée (et rédigée en partie) par un courtier d’assurances à partir de clauses types, l’identité de l’auteur semble moins évidente. Cependant, dans l’arrêt Reid Crowther, la juge McLachlin a interprété les ambiguïtés du contrat contre l’assureur même si un courtier d’assurances avait négocié la police, adaptée aux besoins de l’assuré. Une telle approche confirme que notre Cour reconnaît la persistance du rapport d’inégalité entre l’assuré et l’assureur malgré l’intervention d’un courtier dans la négociation du contrat. Dans la présente affaire, le juge de première instance a conclu que, dans les faits, l’exigence d’un double aval conférait à l’assureur un avantage dans la négociation (par. 18). Quoi qu’il en soit, comme je ne constate aucune ambiguïté dans la police, il est inutile d’avoir recours à ces principes.

29 Deuxièmement, les tribunaux doivent tenter de donner effet aux attentes raisonnables des parties tout en se gardant de favoriser l’une d’elles. Essentiellement, « les cours devraient être réticentes à appuyer une interprétation qui permettrait soit à l’assureur de toucher une prime sans risque soit à l’assuré d’obtenir une indemnité que l’on n’a pas pu raisonnablement rechercher ni escompter au moment du contrat » (Exportations Consolidated Bathurst Ltée c. Mutual Boiler and Machinery Insurance Co., [1980] 1 R.C.S. 888, p. 901‑902; Non‑Marine Underwriters, par. 71).

30 Enfin, il faut également tenir compte du contexte dans lequel s’inscrit le risque en cause. L’appelant a d’ailleurs beaucoup insisté sur ce point dans sa plaidoirie sur l’étendue de la garantie.

b) Contexte des pensionnats

31 Notre Cour a reconnu l’intérêt public que sert l’assurance, puisqu’elle peut contribuer à répondre aux besoins et aux attentes d’un tiers victime d’accident ou de négligence en lui donnant accès à un fonds d’indemnisation. L’appelant fait valoir qu’en présence de cet intérêt public, le mot « réclamation » commande une interprétation large des polices pour tenir compte de la réalité propre aux réclamations présentées à l’égard des abus commis dans les pensionnats.

32 Nul ne conteste qu’il soit d’intérêt public d’indemniser les victimes de différentes formes d’abus dans les pensionnats. Toutefois, le problème du mode d’indemnisation demeure entier. Les difficultés d’ordre psychologique et social liées à la violence faite aux enfants ne permettent pas de s’attendre à ce que les victimes présentent leurs réclamations dans des délais qui conviennent aux assureurs. En l’espèce, la suite des événements qui ont mené aux premières allégations de sévices près de trois décennies après la fermeture du pensionnat de Spanish illustre fort bien ce genre de difficultés. La plupart des victimes ont hésité à se manifester au début de l’enquête. Les collectivités autochtones en cause ont aussi redouté légitimement qu’une incitation pressante à porter plainte n’entraîne des effets dévastateurs. L’attitude de souplesse dans la mise en œuvre de la loi, déjà nécessaire dans le cas des poursuites civiles pour agression sexuelle, comme notre Cour l’a constaté dans l’arrêt M. (K.) c. M. (H.), [1992] 3 R.C.S. 6, s’impose encore davantage dans le contexte des pensionnats en raison du nombre des victimes, du temps écoulé depuis les sévices et de leur impact sur la totalité de la communauté.

33 Cependant, même s’ils prennent tous ces éléments en compte, les tribunaux ne doivent oublier les règles et les principes du droit des assurances. À long terme, une approche contextuelle, mais dépourvue de respect pour les principes de droit, nuirait non seulement aux assureurs, mais également aux assurés et aux victimes. Elle créerait d’autres difficultés pour l’obtention d’une garantie et d’une indemnité. Les deux parties au contrat d’assurance ont droit au respect des principes bien établis pour son interprétation et son application. À cet égard, un autre volet de l’intérêt public entre en jeu. Pour ces motifs, les tribunaux doivent examiner attentivement la structure et le libellé de la police dans son ensemble.

(3) La police

a) Structure

34 La structure de la police correspond à celle de nombreux contrats d’assurance responsabilité commerciale :

[traduction]

Conditions particulières

A. Objet de l’assurance

B. Objet complémentaire de l’assurance

C. Exclusions de l’application de la clause Objet de l’assurance, A(1) et (2)

D. Limite de la garantie

E. Définitions

F. Conditions

Avenants

35 Les conditions particulières identifient l’assuré, Jesuit Fathers of Upper Canada et al., et précisent la durée de la garantie, soit du 30 septembre 1988 au 30 septembre 1989 (avec renouvellements annuels jusqu’au 30 septembre 1994). Elles indiquent également que la limite de la garantie est fixée à 1 000 000 $ par réclamation et au total (clause Objet de l’assurance, A(2)).

36 L’objet de l’assurance établit les paramètres de la garantie. Le présent pourvoi porte sur l’étendue de la garantie prévue à la clause A(2), dont voici le texte :

[traduction] Verser pour le compte de l’assuré toute somme qu’il est légalement tenu de verser à titre de dommages‑intérêts pour tout dommage découlant de services professionnels rendus ou omis dans l’exercice de sa profession. La garantie ne s’applique cependant qu’aux réclamations présentées pour la première fois contre l’assuré au cours de la période d’assurance précisée dans les Conditions particulières.

La garantie s’applique donc aux réclamations « présentées pour la première fois contre l’assuré au cours de la période d’assurance ».

37 Les exclusions précisent les réclamations auxquelles ne s’applique pas la garantie même si elles sont par ailleurs visées à la clause Objet de l’assurance, A(1) ou A(2). La clause C(16), en particulier, exclut les réclamations découlant de circonstances connues de l’assuré avant la période d’assurance :

[traduction] Tout événement ou circonstance qui, dans le cas d’un nouvel assuré, survient au cours de la période d’assurance et avait déjà été porté à la connaissance de l’assuré, ou qui pourrait découler d’actes ou de circonstances déjà connus de lui et susceptibles de donner lieu à une réclamation, que ces actes ou ces circonstances soient mentionnés ou non dans la proposition.

38 La limite de la garantie stipule que le montant d’assurance correspond à celui qui figure dans les Conditions particulières. Pour expliquer le mode de mise en application de cette limite, la clause D(4) précise ce qui suit :

[traduction] Suivant la clause A(2) de la présente police, la limite de la garantie offerte par l’assureur correspond au montant figurant aux Conditions particulières pour « chaque réclamation » (c’est‑à‑dire une ou plusieurs réclamations découlant des mêmes circonstances ou d’un même événement à l’occasion des services professionnels rendus ou qui auraient dû être rendus par une personne ou plus) pour tous dommages‑intérêts (décès, soins et perte de services) découlant d’une réclamation ou d’une poursuite visée aux présentes, sous réserve de la limite globale établie aux Conditions particulières à l’égard de tous dommages pour une période de douze mois se terminant à l’anniversaire de la police.

39 L’appelant soutient que cette clause éclaire le sens du mot « réclamation ». Selon lui, elle étaye la thèse selon laquelle ce terme s’entend de toute action en justice issue du même événement ou des mêmes circonstances (empreints de négligence) mettant en cause une ou plusieurs personnes. Les intimées opposent que cette clause n’ajoute rien au mot « réclamation », mais abaisse plutôt la limite de la garantie dans le cas de réclamations multiples présentées pendant la même période d’assurance lorsqu’elles découlent des mêmes événements ou circonstances. Elle s’appliquerait lorsque la limite de la garantie globale excède celle de la garantie par réclamation, ce qui n’est pas le cas de la police considérée en l’espèce.

40 Les Conditions de la police demandent à l’assuré de signaler à l’assureur tout accident ou sinistre, et toute réclamation ou poursuite auxquelles s’applique l’assurance. En voici un extrait :

[traduction]

1. Déclaration d’accident ou de sinistre. Lorsque se produit un accident ou un sinistre ou que l’assuré est informé d’un préjudice allégué auquel s’applique la présente police d’assurance, avis écrit de l’accident, du sinistre ou du préjudice est donné dès que possible par l’assuré ou pour son compte à l’assureur ou à son mandataire autorisé. L’avis est suffisamment détaillé pour permettre l’identification de l’assuré et renferme les renseignements qui peuvent raisonnablement être obtenus quant au moment, au lieu et aux circonstances de l’accident, du sinistre ou du préjudice, les nom et adresse des sinistrés et des témoins connus, ainsi que des précisions sur les biens endommagés.

2. Avis de réclamation ou de poursuite. L’assuré qui fait l’objet d’une réclamation ou d’une poursuite transmet sans délai à l’assureur tout document — mise en demeure, avis, assignation, etc. — reçu par lui ou son représentant.

b) Police‑réclamation

41 Comme le démontrent amplement la clause Objet de l’assurance, A(2), et les clauses connexes, le contrat est une police‑réclamation. La garantie relative aux services professionnels ne s’applique qu’aux [traduction] « réclamations présentées pour la première fois [. . .] au cours de la période d’assurance ». Comme l’a signalé le juge Whitten, la police comporte aussi des éléments propres à une police basée sur la réalisation du sinistre. Après examen des différentes dispositions de la police, je conclus, contrairement à la prétention de l’appelant, que ces éléments n’accroissent pas la garantie, mais ont généralement pour effet de la restreindre.

42 D’abord, la police exige de l’assuré qu’il signale tant les sinistres que les réclamations. Les stipulations relatives à la déclaration ne changent rien à la nature de la garantie, d’autant plus que la police ne comporte elle‑même aucune ambiguïté. Même dans le cas d’une police‑réclamation, l’assureur peut exiger que l’assuré l’informe des circonstances ou de l’accident en cause avant la présentation de toute réclamation. L’information sur les circonstances de la survenance d’un accident auquel s’applique l’assurance permet à l’assureur de prévoir les réclamations ultérieures possibles et de constituer les réserves qui s’imposent. En l’espèce, la clause F(1) (Déclaration d’accident ou de sinistre) de la police en cause permet aussi à l’assureur : (1) d’être informé de circonstances susceptibles de faire jouer la garantie basée sur la réalisation du sinistre prévue à la clause A(1); (2) d’obtenir des renseignements sur des circonstances susceptibles d’écarter l’application de la garantie pendant une période d’assurance subséquente suivant la clause C(16).

43 Ensuite, la clause C(16) de la police rend la garantie inapplicable à toute réclamation découlant de circonstances connues de l’assuré avant la période d’assurance. Essentiellement, cette clause constitue une restriction, fondée sur la réalisation du sinistre, de la garantie prévue à la clause Objet de l’assurance, A(2), fondée sur la présentation d’une réclamation.

44 Enfin, la clause D(4) établit le montant maximal de la garantie pour toute réclamation présentée au cours de la période d’assurance relativement aux mêmes circonstances. La section portant sur la limite de la garantie n’accroît pas la garantie offerte ni ne définit les termes employés dans la police. Elle ne vise que les réclamations. Je dois à présent me pencher sur le sens du mot « réclamation » pour les besoins de l’interprétation et de l’application de la police.

(4) La nature d’une « réclamation »

a) Stipulations de la police

45 La police ne définit pas le mot « réclamation ». Toutefois, la clause Objet de l’assurance, A(2), renvoie aux « réclamations présentées pour la première fois ». Ce renvoi tend à indiquer qu’une réclamation doit être véritablement présentée, et non simplement découverte. La police distingue également entre [traduction] « événement ou circonstance » et « réclamation ».

46 Premièrement, au chapitre des exclusions, la clause C(16) écarte l’application de la garantie à l’égard de ce qui suit :

[traduction] Tout événement ou circonstance qui, dans le cas d’un nouvel assuré, survient au cours de la période d’assurance et avait déjà été porté à la connaissance de l’assuré, ou qui pourrait découler d’actes ou de circonstances déjà connus de lui et susceptibles de donner lieu à une réclamation, que ces actes ou ces circonstances soient mentionnés ou non dans la proposition.

Cette clause montre bien que la police établit une distinction entre une réclamation et les circonstances ou l’événement qui la sous‑tendent.

47 Deuxièmement, la partie de la clause D(4) portant sur la limite de la garantie précise le mode de calcul de la limite lorsque plus d’une réclamation est présentée dans une même année en liaison avec les mêmes événements ou circonstances. En effet, elle définit alors l’expression « chaque réclamation » employée dans les Conditions particulières pour établir le montant maximum payable en vertu de la police pour une réclamation donnée. Je cite à nouveau le texte de la clause D(4) :

[traduction] Suivant la clause A(2) de la présente police, la limite de la garantie offerte par l’assureur correspond au montant figurant aux Conditions particulières pour « chaque réclamation » (c’est‑à‑dire une ou plusieurs réclamations découlant des mêmes circonstances ou d’un même événement à l’occasion des services professionnels rendus ou qui auraient dû être rendus par une personne ou plus) pour tous dommages‑intérêts (décès, soins et perte de services) découlant d’une réclamation ou d’une poursuite visée aux présentes, sous réserve de la limite globale établie aux Conditions particulières à l’égard de tous dommages pour une période de douze mois se terminant à l’anniversaire de la police.

La police utilise l’expression « une ou plusieurs réclamations découlant des mêmes circonstances ou d’un même événement ». Cette rédaction permet de conclure encore une fois à l’existence d’une nette différence entre l’événement ou les circonstances donnant lieu à la réclamation et la réclamation comme telle.

48 Enfin, les Conditions renferment deux clauses différentes en matière de déclaration et d’avis. La première, F(1), exige que l’assuré donne avis à l’assureur de tout accident, sinistre ou préjudice allégué auquel s’applique l’assurance :

[traduction]

1. Déclaration d’accident ou de sinistre. Lorsque se produit un accident ou un sinistre ou que l’assuré est informé d’un préjudice allégué auquel s’applique la présente police d’assurance, avis écrit de l’accident, du sinistre ou du préjudice est donné dès que possible par l’assuré ou pour son compte à l’assureur ou à son mandataire autorisé. L’avis est suffisamment détaillé pour permettre l’identification de l’assuré et renferme les renseignements qui peuvent raisonnablement être obtenus quant au moment, au lieu et aux circonstances de l’accident, du sinistre ou du préjudice, les nom et adresse des sinistrés et des témoins connus, ainsi que des précisions sur les biens endommagés.

La deuxième, F(2), demande à l’assuré de transmettre à l’assureur tout document relatif à une réclamation ou à une poursuite contre lui :

[traduction]

2. Avis de réclamation ou de poursuite. L’assuré qui fait l’objet d’une réclamation ou d’une poursuite transmet sans délai à l’assureur tout document — mise en demeure, avis, assignation, etc. — reçu par lui ou son représentant.

49 Non seulement ces clauses confirment la distinction entre « un accident ou un sinistre » et « une réclamation ou une poursuite », mais elles jettent une lumière nouvelle sur la nature d’une « réclamation ». Plus particulièrement, la clause F(2) n’exige pas la description de la réclamation, mais bien la transmission de « tout document — mise en demeure, avis, assignation, etc. — reçu ». Même s’il n’est pas déterminant, ce libellé laisse entendre que, faute d’une mise en demeure ou d’un autre document, il n’y a ni réclamation ni poursuite.

b) Doctrine de common law

50 Dans l’arrêt Reid Crowther, à la p. 273, la juge McLachlin explique l’exigence selon laquelle, pour que l’on considère qu’une réclamation a été présentée, le demandeur doit communiquer certains renseignements à l’assuré :

Selon la jurisprudence et la doctrine, en règle générale, pour qu’une « réclamation » soit présentée, le tiers doit d’une façon quelconque communiquer à l’assuré l’existence d’une demande d’indemnisation ou d’un autre type de réparation ou encore, il doit tout au moins lui communiquer qu’il a clairement l’intention de tenir l’assuré responsable des dommages en question.

51 Pour qu’il y ait réclamation, la common law exige essentiellement qu’un tiers ait communiqué son intention de tenir l’assuré responsable d’un dommage. Le tiers peut évidemment communiquer son intention par l’entremise d’un représentant, qu’il s’agisse d’un avocat, d’un chef de bande, d’un ami, d’un conseiller ou d’une autre personne. Il suffit que le représentant transmette fidèlement l’intention du demandeur, avec le consentement et l’approbation de ce dernier. La question de savoir qui peut présenter une réclamation a été discutée dans l’arrêt Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, Inc. c. Federal Insurance Co., 189 F.3d 208 (2d Cir. 1999), p. 216, où la Cour d’appel du 2e circuit a conclu :

[traduction] En conséquence, pour qu’il y ait réclamation, le tiers dont les droits auraient été violés doit être à l’origine de la déclaration ou de l’avis à l’assuré.

. . .

Pour qu’il y ait réclamation au sens du contrat d’assurance, la déclaration doit être faite par l’auteur de la réclamation ou pour son compte.

52 L’exigence que le demandeur soit à l’origine de la réclamation demeure logique. Comme il a droit à l’indemnité, son consentement s’avère nécessaire pour que la réclamation suive son cours par voie de négociation ou de recours judiciaire.

c) Circonstances et réclamation

53 À l’appui de sa thèse, l’appelant plaide que toutes les demandes d’indemnité découlant de sévices infligés au pensionnat de Spanish appartiennent à une seule et même réclamation au sens de la police, celle du pensionnat de Spanish. Selon lui, la réclamation s’entend essentiellement de l’ensemble des circonstances (en l’occurrence, le manque de surveillance au pensionnat de Spanish) susceptibles de donner lieu à des demandes d’indemnité. Cette thèse ne se concilie pas avec le libellé de la police. Comme nous l’avons vu, celui‑ci établit une distinction entre une réclamation et un accident, un sinistre ou une circonstance. Cette interprétation ne reflète pas non plus la notion de « réclamation » en common law, qui exige la communication de l’intention de tenir l’assuré responsable d’un dommage. La signification du mot « réclamation » dans la police détermine si, en l’espèce, l’assureur avait l’obligation de défendre l’assuré.

(5) Obligation de défendre

54 L’obligation de défendre l’assuré découle de la police d’assurance. Bien que liée directement à l’obligation d’indemniser, elle conserve une portée beaucoup plus large. Elle résulte des actes de procédure, mais uniquement lorsque la garantie s’appliquerait à la réclamation si elle était établie. Comme l’a expliqué la juge McLachlin dans l’arrêt Nichols c. American Home Assurance Co., [1990] 1 R.C.S. 801, p. 810‑811 :

[L]’obligation de défendre n’existe que lorsque les actes de procédure portent sur des réclamations qui seraient payables en vertu de la clause d’indemnisation du contrat d’assurance. . .

En même temps, il n’est pas nécessaire d’établir qu’il y aura effectivement obligation d’indemniser pour déclencher l’obligation de défendre. La seule possibilité qu’une réclamation relevant de la police puisse être accueillie suffit. En ce sens, comme je l’ai déjà souligné, l’obligation de défendre a une portée plus large que l’obligation d’indemniser.

. . .

La très grande majorité des arrêts canadiens confirment l’opinion qu’en temps normal l’obligation de défendre n’intervient qu’à l’égard des réclamations qui, si elles sont prouvées, relèveraient de la couverture de la police : voir Dobish v. Garies (1985), 15 C.C.L.I. 69 (B.R. Alb.); Thames Steel Construction Ltd. v. Northern Assurance Co., [1989] I.L.R. 1‑2399 (C.A. Ont.); Vancouver General Hospital v. Scottish & York Insurance Co. (1987), 15 B.C.L.R. (2d) 178 (C.S.C.‑B.)

55 En somme, [traduction] « l’obligation de défendre naît lorsque la plainte s’appuie sur des faits susceptibles d’emporter l’application de la garantie » : Non‑Marine Underwriters, par. 78. Les parties au présent pourvoi reconnaissent que si les réclamations avaient été présentées dans les limites temporelles de la police, l’obligation de défendre aurait pris naissance. Les dommages allégués auraient résulté [traduction] « de services professionnels rendus ou omis dans l’exercice de [la] profession [des Jésuites] » (voir la clause A(2) de la police) et aucune exclusion ne s’applique manifestement.

(6) Application aux réclamations en l’espèce

a) La réclamation Cooper

56 Par l’entremise de son avocate, Peter Cooper a informé les Jésuites du dommage qu’il avait subi à cause du manque de surveillance administrative au pensionnat de Spanish et il s’est enquis de la possibilité de négocier un règlement. La lettre de l’avocate de M. Cooper constituait une réclamation aux fins de la police. Elle communiquait l’intention de tenir les Jésuites responsables du dommage. Présentée avant l’expiration de la police le 30 septembre 1994, la réclamation a rendu exécutoire l’obligation de défendre l’assuré, ce que reconnaît d’ailleurs Guardian.

b) Les réclamations postérieures à l’expiration de la police

57 Un certain nombre de demandes d’indemnité ont été présentées après l’expiration de la police relativement à des abus perpétrés au pensionnat de Spanish. Entre 1988 et janvier 1994, les Jésuites ont reçu peu à peu des informations sur les circonstances générales à l’origine de ces réclamations. Les articles de journaux parus en 1988, l’enquête sur les actes du père Epoch et les témoignages des paroissiens leur ont permis de prendre connaissance d’allégations selon lesquelles la surveillance au pensionnat de Spanish avait été insuffisante, de sorte que certains élèves avaient été victimes de privations et d’abus de la part d’enseignants, d’employés et d’autres élèves.

58 Les Jésuites n’ont été informés qu’après l’expiration de la police de l’intention d’autres personnes que Peter Cooper de les tenir responsables d’un préjudice imputable à la situation au pensionnat de Spanish. Comme les autres victimes n’ont pas communiqué directement ou indirectement leur intention de tenir les Jésuites responsables de leurs dommages au cours de la période d’assurance, l’obligation de défendre l’assuré n’a pas été déclenchée.

c) Les neuf autres victimes nommées dans la lettre de Me Zimmerman

59 Le juge de première instance a conclu que des réclamations avaient été présentées au cours de la période d’assurance par les neuf autres victimes nommées dans la lettre de Me Zimmerman. On ignore si ces victimes ou certaines d’entre elles ont intenté une action en justice dans le délai prescrit. Les intimées n’ont pas interjeté appel à ce sujet et, je le répète, la question est désormais théorique, mais quelques observations s’imposent.

60 Mme Mary Wells, l’enquêtrice des Jésuites, a découvert l’identité des victimes. Lors d’un entretien, Mme Jane Mundy lui a révélé le nom de personnes qui avaient selon elle été victimes d’abus au pensionnat de Spanish. Aucun élément du dossier ne permet de conclure que Mme Mundy avait été autorisée à donner cette information. Mme Mundy n’a donc pu présenter une réclamation au sens de la police. Qui plus est, il aurait fallu communiquer l’intention de tenir les Jésuites responsables des dommages subis au pensionnat de Spanish. Sans l’autorisation expresse ou tacite des victimes, Mme Mundy ne pouvait communiquer une telle intention en leur nom. En fait, il n’est pas certain que les neuf victimes aient jamais formé pareille intention. Le juge de première instance a donc eu tort de conclure qu’elles avaient présenté des réclamations. L’erreur ne tient pas à la forme de la communication — directe ou indirecte — , mais bien à ce qui a été communiqué ou, plus précisément, à ce qui ne l’a pas été.

(7) L’étendue de la garantie

61 La conclusion qui précède reflète bien l’étendue et la nature de la garantie pendant toutes les périodes considérées. Les Jésuites ont souscrit une police d’assurance responsabilité professionnelle établie sur la base de la présentation de réclamations pour la période du 30 septembre 1988 au 30 septembre 1994. La police s’appliquait aux réclamations présentées pour la première fois au cours de la période d’assurance et prévoyait des plafonds et des restrictions à l’égard des réclamations multiples découlant des mêmes circonstances et des réclamations découlant de circonstances connues de l’assuré avant la période d’assurance. Elle établissait également des exigences strictes à l’égard de l’étendue et de l’exécution de l’obligation de déclaration assumée par l’assuré.

62 Les Jésuites ont fait l’objet d’allégations de négligence dans l’administration du pensionnat de Spanish. Bien que les Jésuites aient connu les circonstances générales à l’origine de ces allégations avant l’expiration de la police, les réclamations n’ont été présentées qu’après celle‑ci. Puisque les demandeurs (ou leurs représentants) n’ont pas communiqué au cours de la période d’assurance leur intention de tenir les Jésuites responsables des dommages subis, l’obligation de Guardian de défendre l’assuré n’est pas devenue exécutoire.

63 D’autres polices d’assurance offertes sur le marché auraient pu englober les réclamations présentées après la période d’assurance. Par exemple, une police basée sur la réalisation du sinistre comportant une clause d’extension de couverture à l’égard des sinistres survenus durant la période de validité de la police se serait appliquée aux réclamations présentées après la période d’assurance si les circonstances à l’origine de ces réclamations avaient été découvertes pendant la période d’assurance. Or, les Jésuites n’ont jamais souscrit une telle police et ne peuvent aujourd’hui bénéficier d’une garantie de cette nature.

III. Dispositif

64 Sauf dans le cas de la réclamation Cooper, Guardian n’est pas tenue de défendre l’assuré contre les actions en dommages‑intérêts intentées en liaison avec l’administration du pensionnat de Spanish. Le pourvoi est rejeté avec dépens en faveur des intimées.

Pourvoi rejeté avec dépens.

Procureurs de l’appelant : Zimmerman Lawyers, Hamilton; Lang Michener, Ottawa.

Procureurs des intimées : Cassels Brock & Blackwell, Toronto.


Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté. Sauf dans le cas de la réclamation de C, l’assureur n’est pas tenu de défendre les Jésuites dans le cadre des actions intentées contre eux en liaison avec l’administration du pensionnat

Analyses

Assurances - Obligation de défendre de l’assureur - Assurance responsabilité civile générale - Pensionnat autochtone dirigé et administré par un ordre religieux - Police souscrite par l’ordre applicable aux erreurs et aux omissions liées à la prestation de services professionnels - Stipulation selon laquelle la garantie ne s’applique qu’aux « réclamations présentées pour la première fois contre l’assuré au cours de la période d’assurance » - Réclamation d’un ancien pensionnaire amenant l’assuré à informer l’assureur d’abus physiques et sexuels commis au pensionnat et à lui donner avis, pendant la période d’assurance, de réclamations similaires possibles de la part d’autres anciens pensionnaires - L’assureur doit‑il défendre l’assuré uniquement contre les réclamations « présentées pour la première fois » avant l’expiration de la police? - L’assureur avait‑il l’obligation, suivant la police, de défendre l’assuré dans le cadre d’actions intentées relativement à des réclamations dont il avait été informé de la présentation éventuelle pendant la période d’assurance?.

Assurances - Assurance responsabilité civile générale - Étendue de la garantie - Le contrat d’assurance équivaut‑il à une police basée sur la présentation d’une réclamation? - Signification du terme « réclamation » employé dans la police.

Les Jésuites ont dirigé et administré un pensionnat autochtone de 1913 jusqu’à sa fermeture en 1958. En 1988, ils ont souscrit une police d’assurance responsabilité civile générale les protégeant contre les erreurs et les omissions dans la prestation de services professionnels. La police avait une durée d’un an et était renouvelable chaque année. En janvier 1994, les Jésuites ont appris de différentes sources l’existence d’allégations tant générales que particulières de mauvais traitements infligés à des pensionnaires. Dans une lettre datée du 27 janvier 1994, l’avocate de C a communiqué aux Jésuites la réclamation de son client, y précisant les abus physiques et sexuels ainsi que les privations d’ordre culturel et physique dont il avait été victime. L’avocate s’est également informée de la possibilité de négocier un règlement. Le 18 mars 1994, l’avocat des Jésuites a écrit à l’assureur, l’informant que d’autres réclamations pourraient viser ses clients dans un avenir rapproché. La lettre précisait l’identité des Jésuites fautifs ainsi que les dates et les lieux où se seraient produits les actes reprochés, la nature des réclamations éventuelles et les noms de 10 victimes, dont C. Une fois informé de la réclamation et des réclamations éventuelles, l’assureur a refusé de renouveler la police au‑delà du 30 septembre 1994. De nombreuses réclamations comportant des allégations analogues ont été présentées après l’expiration de la police. Sauf dans le cas de la réclamation de C, l’assureur a refusé d’assumer la défense contre les réclamations découlant de l’administration du pensionnat au motif que ces réclamations n’avaient été « présentées pour la première fois » qu’après l’expiration de la police et ne bénéficiaient pas de la garantie. En première instance, le juge de la Cour supérieure de justice de l’Ontario a interprété le contrat d’assurance comme une police basée sur la présentation d’une réclamation. Il a estimé que la réclamation de C et celles des neuf autres victimes mentionnées dans la lettre du 18 mars 1994 transmise à l’assureur avaient été présentées dans les limites temporelles de la police et que l’assureur avait l’obligation de défendre l’assuré contre elles. La Cour d’appel a confirmé sa décision.

Arrêt : Le pourvoi est rejeté. Sauf dans le cas de la réclamation de C, l’assureur n’est pas tenu de défendre les Jésuites dans le cadre des actions intentées contre eux en liaison avec l’administration du pensionnat.

Vu l’absence d’ambiguïté dans la police, il est inutile d’avoir recours aux principes d’interprétation propres aux assurances. Considéré dans son ensemble, le contrat d’assurance est une police basée sur la présentation d’une réclamation : la garantie relative aux services professionnels ne s’applique qu’aux « réclamations présentées pour la première fois contre l’assuré au cours de la période d’assurance ». Le fait que la police exige la déclaration tant des sinistres que des réclamations ne modifie pas la nature de la garantie. Même dans le cas d’une police basée sur la présentation d’une réclamation, l’assureur peut, pour un certain nombre de raisons, exiger que l’assuré l’informe des circonstances ou de l’accident en cause avant la présentation de toute réclamation. Les éléments propres à une police basée sur la réalisation du sinistre n’accroissent pas la garantie, mais ont généralement pour effet de la restreindre. [27‑29] [41‑43]

Comme le contrat d’assurance était une police basée sur la présentation d’une réclamation, la signification du mot « réclamation » dans la police détermine si, en l’espèce, l’assureur avait l’obligation de défendre l’assuré. La police ne définit pas ce terme, mais la clause limitant la portée de la garantie renvoie aux réclamations « présentées pour la première fois », ce qui tend à indiquer qu’une réclamation doit être véritablement présentée, et non simplement découverte. Cette interprétation du mot « réclamation » est non seulement compatible avec le libellé de la police, qui distingue entre « événement ou circonstance » et « réclamation », mais également avec la définition de « réclamation » en common law, qui exige la communication par un tiers de son intention de tenir l’assuré responsable d’un dommage. Le tiers peut communiquer son intention par l’entremise d’un représentant. Il suffit que son intention soit transmise fidèlement, avec son consentement et son approbation. [45‑53]

Dans la présente affaire, à l’exception de C, les anciens pensionnaires n’ont pas communiqué leur intention de tenir l’assuré responsable d’un dommage pendant la période d’assurance, de sorte que l’assureur n’a pas l’obligation de défendre l’assuré dans le cadre des actions. Même si elle n’a pas été contestée devant notre Cour, la conclusion du juge de première instance selon laquelle les neuf autres victimes identifiées dans la lettre du 18 mars 1994 transmise à l’assureur avaient présenté des réclamations était erronée. Aucun élément du dossier ne tend à indiquer que la personne qui a communiqué leurs noms à l’enquêtrice des Jésuites avait été expressément ou tacitement autorisée à communiquer leur intention de tenir les Jésuites responsables de dommages subis au pensionnat. En fait, il n’est pas certain que ces victimes aient jamais formé pareille intention. [1] [60]


Parties
Demandeurs : Jesuit Fathers of Upper Canada
Défendeurs : Cie d'assurance Guardian du Canada

Références :

Jurisprudence
Arrêts mentionnés : Reid Crowther & Partners Ltd. c. Simcoe & Erie General Insurance Co., [1993] 1 R.C.S. 252
Non‑Marine Underwriters, Lloyd’s of London c. Scalera, [2000] 1 R.C.S. 551, 2000 CSC 24
Exportations Consolidated Bathurst Ltée c. Mutual Boiler and Machinery Insurance Co., [1980] 1 R.C.S. 888
M. (K.) c. M. (H.), [1992] 3 R.C.S. 6
Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, Inc. c. Federal Insurance Co., 189 F.3d 208 (1999)
Nichols c. American Home Assurance Co., [1990] 1 R.C.S. 801.
Doctrine citée
Holmes’ Appleman on Insurance 2d, Interim vol. 23. Newark, N.J. : LexisNexis, 2003.
Reid, Linda Thompson. Statement to the Jesuits on Behalf of the Survivors of Child Sexual Abuse By the Jesuit Priest. Ontario : Committee on Sexual Abuse, First Nations Cape Croker Reserve, June 1992.

Proposition de citation de la décision: Jesuit Fathers of Upper Canada c. Cie d'assurance Guardian du Canada, 2006 CSC 21 (1 juin 2006)


Origine de la décision
Date de la décision : 01/06/2006
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : 2006 CSC 21 ?
Numéro d'affaire : 30709
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2006-06-01;2006.csc.21 ?
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