La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/06/2008 | CANADA | N°2008_CSC_36

Canada | R. c. Devine, 2008 CSC 36 (19 juin 2008)


COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : R. c. Devine, [2008] 2 R.C.S. 283, 2008 CSC 36

Date : 20080619

Dossier : 31983

Entre :

Robert Allen Devine

Appelant

et

Sa Majesté la Reine

Intimée

Traduction française officielle

Coram : Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron et Rothstein

Motifs de jugement :

(par. 1 à 32)

La juge Charron (avec l’accord des juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella et Rothstein)

______________________________

R. c. Devine, [2008] 2 R.C.S. 283, 2

008 CSC 36

Robert Allen Devine Appelant

c.

Sa Majesté la Reine Intimée

Répertorié : R. c. Devine

Référence neutre : 2008 CSC 36.

No du greffe : 31...

COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : R. c. Devine, [2008] 2 R.C.S. 283, 2008 CSC 36

Date : 20080619

Dossier : 31983

Entre :

Robert Allen Devine

Appelant

et

Sa Majesté la Reine

Intimée

Traduction française officielle

Coram : Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron et Rothstein

Motifs de jugement :

(par. 1 à 32)

La juge Charron (avec l’accord des juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella et Rothstein)

______________________________

R. c. Devine, [2008] 2 R.C.S. 283, 2008 CSC 36

Robert Allen Devine Appelant

c.

Sa Majesté la Reine Intimée

Répertorié : R. c. Devine

Référence neutre : 2008 CSC 36.

No du greffe : 31983.

2008 : 26 février; 2008 : 19 juin.

Présents : Les juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron et Rothstein.

en appel de la cour d’appel de l’alberta

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Alberta (les juges Conrad, McFadyen et Berger) (2007), 404 A.R. 81, 394 W.A.C. 81, 218 C.C.C. (3d) 497, 46 C.R. (6th) 371, [2007] A.J. No. 277 (QL), 2007 CarswellAlta 323, 2007 ABCA 49, qui a confirmé la déclaration de culpabilité prononcée contre l’accusé, pour vol qualifié et voies de fait qui ont entraîné des lésions corporelles, par le juge Norheim, [2005] A.J. No. 1031 (QL), 2005 CarswellAlta 1146, 2005 ABPC 162. Pourvoi rejeté.

Steven J. Fix et Nicole R. Sissons, pour l’appelant.

James A. Bowron, pour l’intimée.

Version française du jugement de la Cour rendu par

[1] La juge Charron — Au procès, l’appelant, Robert Allen Devine, a été déclaré coupable de vol qualifié et de voies de fait causant des lésions corporelles à la suite d’un incident survenu le 19 novembre 2004. Il a été acquitté d’une deuxième accusation de voies de fait qui auraient été commises contre le même plaignant le 2 février 2005. En appel, les juges Conrad et McFadyen de la Cour d’appel de l’Alberta ont confirmé les déclarations de culpabilité. Le juge Berger, dissident, les aurait annulées et y aurait substitué un verdict de non‑culpabilité relativement aux deux chefs. Monsieur Devine se pourvoit de plein droit devant la Cour. Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis de rejeter le pourvoi.

1. Les juridictions inférieures

[2] Au procès, nul n’a contesté que le plaignant, Robert Schroeder, a été victime d’un vol et sauvagement battu en novembre 2004. Il a été agressé de nouveau en février 2005. La seule question en cause était celle de l’identification de l’accusé en tant qu’agresseur. Le plaignant et sa compagne, Cindy Pawliw, qui avait été témoin du premier incident, ont tous les deux refusé de faire une déclaration à la police immédiatement après l’agression de novembre. Cependant, à la suite de la deuxième agression, ils ont chacun fait une déclaration à la police dans laquelle ils ont identifié M. Devine comme l’agresseur. Au procès, les deux témoins ont déposé, mais ils sont revenus sur leur identification de M. Devine. Entre autres choses, Mme Pawliw a affirmé avoir donné le nom de M. Devine dans sa déclaration parce que [traduction] « quelqu’un — elle ne se rappelle pas qui — avait laissé entendre que c’était lui » ([2005] A.J. No. 1031 (QL), 2005 ABPC 162, par. 7).

[3] Le ministère public a demandé l’autorisation de mettre en preuve la déclaration de Mme Pawliw à la police pour établir la véracité de son contenu, conformément à l’exception raisonnée à la règle du ouï‑dire. Il a cité l’arrêt R. c. B. (K.G.), [1993] 1 R.C.S. 740 (« K.G.B. »), de notre Cour, à l’appui de cette demande. L’agent qui avait pris la déposition de Mme Pawliw avait respecté les directives énoncées dans cet arrêt. Monsieur Schroeder avait lui aussi fait une déclaration après avoir reçu la mise en garde d’usage, mais sa déclaration n’avait pas été enregistrée sur bande vidéo. Le ministère public n’a pas cherché à mettre en preuve la déclaration de M. Schroeder et le juge du procès ne l’a pas considérée pour arriver à son verdict.

[4] Le juge du procès a rejeté l’argument selon lequel l’identification de l’accusé par Mme Pawliw dans sa déclaration était elle‑même du ouï‑dire et donc inadmissible suivant la méthode d’analyse raisonnée. Il a conclu qu’il était [traduction] « hautement improbable » que l’identification ait été fondée sur ce que d’autres lui auraient dit :

[traduction] Lorsqu’on l’a interrogée à la barre sur son identification de l’accusé dans sa déclaration, elle a répondu : « On ne m’a pas demandé si je savais personnellement qui c’était et personne ne me l’a demandé non plus. J’ai simplement déduit, ou quelque chose du genre, j’ai présumé que c’était lui parce que quelqu’un m’avait dit que c’était lui. » Je remarque que, sans avoir été préparée à décrire les personnes qui sont entrées dans la chambre d’hôtel, elle a donné une description très détaillée de l’agresseur, jusqu’aux vêtements qu’il portait. Cette description correspond à l’apparence physique de l’accusé. Dans le contexte de cette petite ville et compte tenu de la manière dont la déclaration a été prise, je conclus qu’il est hautement improbable qu’elle ait pu faire la description qu’elle a faite, de la manière dont elle l’a faite dans sa déclaration, sans émettre de réserves quant à l’identification, si elle ne pouvait pas identifier l’agresseur. Je conclus que cette explication, donnée durant son témoignage, constituait une manœuvre pour éviter d’identifier l’accusé alors qu’elle se trouvait à la barre des témoins. [par. 33]

[5] Le juge du procès a conclu que la déclaration de Mme Pawliw était admissible suivant la méthode d’analyse raisonnée en matière de ouï‑dire. L’exigence de la nécessité était remplie puisque Mme Pawliw était incapable ou refusait d’identifier l’agresseur au procès. Pour ce qui est du seuil de fiabilité, le juge du procès a noté que la déclaration avait été enregistrée — sur bande audio et sur bande vidéo. Avant que Mme Pawliw fasse sa déclaration, un policier lui avait expliqué la gravité de la déclaration ainsi que les conséquences éventuelles d’une fausse déclaration, et il lui avait fait prêter une forme de serment. Ces facteurs, entre autres, ont convaincu le juge du procès que la déclaration était suffisamment fiable pour être admise en preuve.

[6] Le juge du procès a déclaré M. Devine coupable de voies de fait causant des lésions corporelles et de vol qualifié relativement à l’incident de novembre. Sa décision reposait principalement sur la force de la preuve d’identification obtenue de Mme Pawliw. Il a également conclu que le témoignage de M. Schroeder appuyait la description faite par Mme Pawliw dans sa déclaration sur la manière dont le vol qualifié et les voies de fait avaient eu lieu. Toutefois, le juge du procès ne pouvait pas être convaincu hors de tout doute raisonnable que l’agresseur lors de l’incident de février était l’accusé. Madame Pawliw n’avait pas été témoin de cet incident et sa déclaration de type K.G.B. ne fournissait pas de preuve originale de ces allégations. Par conséquent, le juge du procès a acquitté M. Devine de l’accusation relative à l’incident de février.

[7] Monsieur Devine a invoqué deux moyens d’appel. Premièrement, il a plaidé que le juge du procès avait eu tort d’admettre en preuve la déclaration de type K.G.B. faite par Mme Pawliw. Il a admis que l’exigence de la nécessité avait été remplie du fait de la rétractation de Mme Pawliw. Toutefois, il a soutenu que la déclaration n’était pas fiable et était donc inadmissible pour établir la véracité de son contenu. Il a plaidé plus particulièrement que, d’une part, le long délai entre la première agression et la déclaration et, d’autre part, la consommation de drogue avouée par le témoin ramenaient la déclaration en deçà du seuil de fiabilité exigé. Monsieur Devine a aussi plaidé que le juge du procès avait commis une erreur de droit en omettant de soupeser la valeur probante de la déclaration de type K.G.B. en regard de son effet préjudiciable si elle était admise en preuve.

[8] Les juges majoritaires de la Cour d’appel ont rejeté ce moyen d’appel et ont statué que le juge du procès avait eu raison d’admettre la déclaration en preuve. Ils ont conclu en ces termes :

[traduction] Le juge du procès a bien énoncé le droit relatif à l’admissibilité des déclarations de type KGB. Dans un jugement minutieux et bien motivé, il a considéré tous les facteurs pertinents et a conclu que la déclaration était admissible. Il n’a pas mal saisi la preuve et il a appliqué les principes établis dans R. c. K.G.B., [1993] 1 R.C.S. 740 [. . .] Bien qu’il n’ait pas explicitement mentionné l’appréciation de la valeur probante en regard de l’effet préjudiciable de l’admission de la preuve, il n’est pas certain que la question ait été en litige au procès et, de toute façon, la déclaration de type KGB était un élément de preuve clé pour identifier l’accusé. Rien dans la déclaration ne laissait croire à l’existence d’un préjudice indu.

((2007), 404 A.R. 81, 2007 ABCA 49, par. 13)

[9] Le juge Berger, dissident, était d’avis que les principes énoncés dans K.G.B. ne s’appliquaient pas en l’espèce parce que la prétendue identification de l’accusé par Mme Pawliw dans sa déclaration à la police était [traduction] « de l’information obtenue d’autres personnes — des personnes qui ne se trouvaient pas devant le tribunal et dont on ne pouvait évaluer la sincérité » (par. 31).

[10] Comme deuxième moyen d’appel et à titre subsidiaire, M. Devine a plaidé que le verdict était déraisonnable. Il a soutenu que le juge du procès avait omis de considérer adéquatement la fiabilité ultime de la déclaration de type K.G.B. une fois qu’elle a été admise en preuve. Il a cité la consommation de drogue avouée par le témoin, ses mœurs, le délai écoulé depuis l’agression, l’absence de corroboration ainsi que les incohérences entre le témoignage du plaignant au procès et la déclaration de type K.G.B. du témoin comme des facteurs qui tendaient à réduire la fiabilité ultime de la déclaration.

[11] Les juges majoritaires ont également rejeté ce moyen d’appel. Même s’il existait des raisons de se méfier de la preuve d’identification, le juge du procès a considéré les facteurs pertinents, il a bien évalué la preuve et, en tant que juge des faits, il a conclu que la preuve le convainquait hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l’accusé. Il n’existait donc aucun motif de modifier le verdict.

[12] Le juge Berger n’était pas d’accord, concluant en ces termes, au par. 35 :

[traduction] La déclaration de type KGB aurait dû être exclue. Si elle avait été admise à bon droit, il n’aurait pas fallu s’appuyer sur elle. Le juge du procès a clairement indiqué que la déclaration de type KGB était essentielle pour pouvoir inscrire un verdict de culpabilité. Sans cette déclaration, le verdict rendu est un verdict qu’un jury ayant reçu les directives appropriées et agissant de manière judiciaire n’aurait pas pu raisonnablement prononcer. Le verdict est déraisonnable et il n’est pas appuyé par la preuve. Aucun jury agissant raisonnablement ne pourrait ne pas avoir de doute : R. c. Corbett, [1975] 2 R.C.S. 275 [. . .] p. 282; R. c. Yebes, [1987] 2 R.C.S. 168 [. . .] p. 185; et R. c. Davis (1995), 165 A.R. 243 [. . .] par. 9‑13.

2. Analyse

2.1 L’admissibilité de la déclaration de type K.G.B.

[13] La première question qui a divisé la Cour d’appel était celle de savoir si l’identification de l’accusé par Mme Pawliw était elle‑même du ouï‑dire. Comme la Cour l’a confirmé dans K.G.B., une déclaration antérieure incompatible ne peut être admise pour établir la véracité de son contenu suivant la méthode d’analyse raisonnée que lorsque la preuve qu’elle contient eût été admissible si son auteur l’avait présentée de vive voix à l’audience (K.G.B., p. 784). Par conséquent, la preuve d’identification émanant de Mme Pawliw ne peut être admise suivant la méthode d’analyse raisonnée que si l’identification n’était pas elle‑même fondée sur du ouï‑dire. Ce principe a été réitéré plus récemment dans l’arrêt R. c. Couture, [2007] 2 R.C.S. 517, 2007 CSC 28, par. 75 :

Il est également clair que l’exception raisonnée ne vise que la preuve par ouï‑dire qui serait par ailleurs admissible au moyen du témoignage direct du déclarant, eût‑il été disponible et habile à témoigner au procès : B. (K.G.), p. 784; Hawkins, par. 69. Il ne fait aucun doute que si Darlene avait été disponible et habile à témoigner au procès, elle aurait pu présenter la preuve en témoignant de vive voix. Certes, tout témoignage direct de sa part sur les déclarations que lui a faites David Couture constituerait en soi du ouï‑dire, mais les aveux d’un accusé relèvent d’une exception bien connue à la règle du ouï‑dire. En outre, Darlene n’étant pas une personne en situation d’autorité, aucun fardeau particulier ne s’applique.

[14] Si Mme Pawliw avait affirmé au procès que quelqu’un lui avait dit que M. Devine était l’agresseur, son témoignage aurait été inadmissible parce que constituant du ouï‑dire, à moins qu’il ait pu être démontré que la déclaration relevait d’une exception reconnue à la règle du ouï‑dire. Toutefois, en l’espèce, le juge du procès a rejeté l’argument selon lequel l’identification antérieure de l’agresseur par Mme Pawliw était fondée sur les dires de quelqu’un d’autre, concluant plutôt qu’elle tentait d’éviter d’identifier M. Devine au procès. Il faut faire preuve de déférence à l’égard de cette conclusion sur la crédibilité. Qui plus est, le juge du procès a explicitement conclu que l’identification était fondée sur les observations de Mme Pawliw elle‑même. À mon avis, il n’y a aucune raison de modifier ces conclusions. Je vais maintenant examiner la justesse de la décision du juge du procès d’admettre en preuve la déclaration de Mme Pawliw suivant la méthode d’analyse raisonnée en matière de ouï‑dire.

2.2 La méthode d’analyse raisonnée

[15] La déclaration de Mme Pawliw ne relève d’aucune exception traditionnelle à la règle du ouï‑dire. La question est donc de savoir si la déclaration satisfait au double critère de la nécessité et de la fiabilité.

2.2.1 La nécessité

[16] Tous concèdent que le critère de la nécessité est rempli. Comme la Cour l’a souligné dans les arrêts K.G.B. et R. c. Khelawon, [2006] 2 R.C.S. 787, 2006 CSC 57, la nécessité ne tient pas à la non‑disponibilité du témoin :

Comme nous le savons, dans l’arrêt B. (K.G.), la Cour a statué en fin de compte — et ce principe est maintenant bien établi — que la nécessité ne saurait être assimilée à la non‑disponibilité du témoin. Le critère de la nécessité reçoit une définition souple. Dans certains cas, comme dans l’affaire B. (K.G.) où un témoin revient sur une déclaration antérieure, la nécessité tient à la non‑disponibilité du témoignage et non du témoin.

(Khelawon, par. 78 (je souligne))

[17] Toutefois, avant d’aborder la question du seuil de fiabilité, il peut être utile de rappeler brièvement pourquoi la déclaration de Mme Pawliw constitue du ouï‑dire même si elle est présente pour être contre‑interrogée parce que, à première vue, cette idée semble paradoxale. Le fait de rappeler pourquoi cette déclaration constitue du ouï‑dire permettra aussi de mettre en lumière les dangers qu’il y a à admettre la preuve sous sa forme relatée : Khelawon, par. 57‑58.

[18] Lorsque, devant le tribunal, le témoin réitère ou adopte — sous la foi du serment ou d’une affirmation solennelle — une déclaration extrajudiciaire antérieure, aucune question de ouï‑dire ne se pose. Ce n’est pas la déclaration elle‑même qui constitue un élément de preuve, mais plutôt le témoignage, qui peut être vérifié de la façon habituelle en observant le témoin et en lui faisant subir un contre‑interrogatoire. Toutefois, la question du ouï‑dire se pose lorsque le témoin ne réitère pas ou n’adopte pas le contenu de la déclaration extrajudiciaire, et que la déclaration elle‑même est présentée pour établir la véracité de son contenu. Dans ces circonstances, on demande au juge des faits de retenir la déclaration extrajudiciaire plutôt que le témoignage sous serment du témoin. Étant donné qu’on privilégie habituellement le témoignage offert à l’audience, il faut se poser l’importante question de savoir s’il est vraiment nécessaire de présenter la déclaration. De plus, la fiabilité de cette déclaration devient cruciale.

[19] Cependant, on peut aisément comprendre que, même si la raison d’être de la règle d’exclusion générale n’est peut‑être pas aussi évidente lorsque le déclarant est disponible pour témoigner, elle demeure la même, soit la difficulté de vérifier la fiabilité de la déclaration extrajudiciaire. Cette difficulté explique pourquoi la déclaration extrajudiciaire est visée par la définition du ouï‑dire et assujettie à la règle d’exclusion générale. Cependant, il s’ensuit que cette difficulté peut être atténuée substantiellement lorsque le déclarant peut être contre‑interrogé au sujet de sa déclaration antérieure, en particulier lorsqu’il est possible de déposer en preuve un enregistrement fidèle de la déclaration.

[20] En l’espèce, le juge des faits était invité à considérer et à accepter l’identification préalable de M. Devine par Mme Pawliw en vue d’en établir la véracité, même si, devant le tribunal, elle a affirmé sous la foi du serment qu’elle n’avait pas une connaissance directe de l’identité de l’agresseur — on lui aurait simplement dit qu’il s’agissait de M. Devine. Dans K.G.B., la Cour a souligné que, lorsque la preuve par ouï‑dire est une déclaration antérieure incompatible, la fiabilité est une « préoccupation fondamentale » (p. 787) :

Cette préoccupation s’accentue dans le cas des déclarations antérieures incompatibles parce que le juge des faits doit choisir entre deux déclarations faites par le même témoin, par opposition aux autres formes de ouï‑dire dans lesquelles une seule version des faits est présentée. Autrement dit, dans le cas des déclarations antérieures incompatibles, l’examen est axé sur la fiabilité relative de la déclaration antérieure et du témoignage entendu au procès, de sorte que des indices et garanties de fiabilité autres que ceux énoncés dans les arrêts Khan et Smith doivent être prévus afin que la déclaration antérieure soit soumise à une norme de fiabilité comparable avant que les déclarations de ce genre soient admises quant au fond. [Je souligne.]

[21] J’examinerai maintenant la question de savoir si la déclaration de Mme Pawliw satisfait à une « norme de fiabilité comparable » qui justifierait son admission en preuve suivant la méthode d’analyse raisonnée en matière de ouï‑dire.

2.2.2 Le seuil de fiabilité

[22] Comme l’impossibilité de vérifier la preuve constitue la préoccupation majeure sous‑jacente à la règle interdisant le ouï‑dire, l’exigence de fiabilité vise à déterminer les cas où cette difficulté est suffisamment surmontée pour justifier l’admission de la preuve à titre d’exception à la règle d’exclusion générale. Il y a deux manières — qui ne s’excluent pas mutuellement — de satisfaire à l’exigence de fiabilité. « Une manière consiste à démontrer qu’il n’y a pas de préoccupation réelle quant au caractère véridique ou non de la déclaration, vu les circonstances dans lesquelles elle a été faite. [. . .] Une autre manière de satisfaire à l’exigence de fiabilité consiste à démontrer que le fait que la déclaration soit relatée ne suscite aucune préoccupation réelle étant donné que, dans les circonstances, sa véracité et son exactitude peuvent néanmoins être suffisamment vérifiées » (Khelawon, par. 62‑63).

[23] Bien que les deux fondements ne soient pas mutuellement exclusifs, dans les cas où le déclarant est disponible pour être contre‑interrogé, l’examen portera nécessairement sur le dernier. Comme l’a expliqué la Cour dans l’arrêt Khelawon, au par. 76 :

Le facteur contextuel le plus important dans l’arrêt B. (K.G.) est la disponibilité du déclarant. Contrairement à la situation dans l’affaire Khan ou l’affaire Smith, le juge des faits est beaucoup mieux en mesure d’apprécier la fiabilité de la preuve parce que le déclarant est disponible pour être contre‑interrogé au sujet de sa déclaration antérieure incompatible. Par conséquent, l’examen du seuil de fiabilité applicable en matière d’admissibilité ne porte pas tant sur la question de savoir s’il y a un motif de croire que la déclaration est véridique que sur celle de savoir si le juge des faits sera en mesure d’apprécier rationnellement la preuve. Il faut chercher des substituts adéquats au processus qui aurait été disponible si la preuve avait été présentée de la façon habituelle, à savoir par l’entremise du témoin qui vient déposer sous la foi du serment ou d’une affirmation solennelle et qui subit un contre‑interrogatoire au moment précis où la déclaration est faite.

[24] En effet, dans toute affaire, comme la Cour l’a affirmé dans Couture, il y a un avantage à d’abord se demander s’il existe d’autres moyens adéquats de vérifier la preuve (par. 87) :

Même s’il n’existe pas de règle simple et rigide sur la façon de décider de l’admissibilité de la preuve par ouï‑dire, il existe de bonnes raisons de déterminer en premier lieu s’il existe d’autres moyens adéquats de vérifier la preuve. L’existence ou l’absence de tels moyens est généralement assez facile à établir. De plus, lorsqu’il est satisfait à l’exigence de la fiabilité parce que le juge des faits dispose de suffisamment d’éléments pour apprécier la véracité et l’exactitude de la déclaration, il n’est pas nécessaire de s’enquérir davantage de la véracité probable de la déclaration. Cette tâche revient en fin de compte entièrement au juge des faits. Rappelons les faits dans Hawkins, où le témoin avait donné des versions contradictoires sous serment. Il ne fait aucun doute que rien ne permettait d’admettre la preuve par ouï‑dire au motif qu’elle était fiable en soi. La preuve a été admise pour le seul motif qu’il existait d’autres moyens largement suffisants de la vérifier : la déclaration avait été faite sous serment et accompagnée de la possibilité de contre‑interroger le déclarant au moment même, dans le cadre d’une audience intéressant exactement les mêmes parties et les mêmes questions que celles qui allaient être examinées au procès. La Cour n’a donc pas procédé à une appréciation préliminaire de la fiabilité du témoignage même recueilli à l’enquête préliminaire.

[25] En l’espèce, la déclarante n’a pas été contre‑interrogée au moment même de la déclaration comme dans l’affaire R. c. Hawkins, [1996] 3 R.C.S. 1043, mais le juge du procès a conclu qu’il avait été satisfait aux exigences énoncées dans K.G.B. : la déclaration a été enregistrée sur bande audio et sur bande vidéo et, avant que Mme Pawliw ne fasse sa déclaration, un policier lui a expliqué la gravité de la déclaration ainsi que les conséquences éventuelles d’une fausse déclaration, et il lui a fait prêter une forme de serment. Ces facteurs ont été identifiés dans l’arrêt K.G.B. comme les caractéristiques générales d’un témoignage en cour qui offrent les garanties habituelles de fiabilité (p. 795‑796). Comme il est dit dans l’arrêt K.G.B., en plus de la disponibilité du déclarant pour un contre‑interrogatoire, ces caractéristiques font en sorte que « la déclaration antérieure [est] soumise à une norme de fiabilité comparable » qui lui permet d’être « admis[e] quant au fond —» (p. 787).

[26] Il est important de noter que la disponibilité du déclarant pour être contre‑interrogé ne fera pas nécessairement pencher la balance du côté de l’admissibilité. Pour que ce facteur milite en faveur de l’admission, la partie adverse doit avoir eu la « possibilité voulue de contre‑interroger le témoin » au procès (K.G.B., p. 796). Comme la Cour l’a expliqué dans l’arrêt R. c. U. (F.J.), [1995] 3 R.C.S. 764, par. 46 :

Le premier facteur contribuant à la fiabilité est le contre‑interrogatoire du témoin. Si le témoin donne une explication du changement de son récit, le juge des faits sera en mesure d’évaluer les deux versions du récit, ainsi que l’explication. Toutefois, lorsqu’un témoin ne se rappelle pas avoir fait une déclaration antérieure, ou refuse de répondre à des questions, le juge du procès devrait tenir compte du fait que cela peut empêcher le jury d’évaluer la fiabilité ultime de la déclaration.

[27] Par exemple, dans l’affaire R. c. Post (2007), 217 C.C.C. (3d) 225, 2007 BCCA 123, l’accusé a invoqué la conclusion du juge du procès selon laquelle les facteurs énoncés dans l’arrêt K.G.B. étayaient tous son argument que la déclaration du témoin aux policiers devait être admise en preuve suivant la méthode d’analyse raisonnée en matière de ouï‑dire. À l’unanimité, les juges de la Cour d’appel ont rejeté cet argument, faisant remarquer qu’il [traduction] « est clair que le plus important de ces trois facteurs, soit l’occasion de contre‑interroger, n’existait qu’en théorie : en effet, bien que Mme Malloway ait été présente dans la salle d’audience, il n’y avait eu aucune occasion véritable de vérifier son récit puisqu’elle était incapable de se rappeler ce qu’elle avait vu, ou d’affirmer que ce qu’elle avait dit auparavant était vrai » (par. 65). Le tribunal est arrivé à une conclusion semblable dans l’affaire R. c. N. (T.G.) (2007), 216 C.C.C. (3d) 329, 2007 BCCA 2. Dans cette affaire, la Cour d’appel a conclu, au par. 17 :

[traduction] En l’espèce, la « possibilité voulue de contre‑interroger » a été complètement éliminée. Il n’y a eu aucune comparaison sérieuse entre les divers récits parce que M. Mason a nié toute connaissance des faits, mis à part une concession du bout des lèvres qu’il avait fait, aux policiers, une déclaration qu’il a qualifiée de complètement fausse.

[28] En l’espèce, bien que, lors du procès, Mme Pawliw ait rétracté son identification de M. Devine, il existait une possibilité réelle de vérifier son témoignage en la contre‑interrogeant. Madame Pawliw a affirmé sous serment qu’elle était consciente de la gravité de sa déclaration au moment où elle l’avait faite et qu’elle s’était efforcée de dire la vérité. Le juge du procès a été en mesure d’évaluer le comportement du témoin et a fait un compte‑rendu détaillé de son attitude évasive et de sa réticence à identifier M. Devine dans la salle d’audience. Il a conclu en ces termes, au par. 41 :

[traduction] J’ai examiné la manière dont Mme Pawliw a livré son témoignage à la barre et je l’ai comparée à la manière directe dont elle avait décrit l’incident, et la participation de M. Devine, lorsqu’elle a fait sa déclaration de type KGB aux policiers. Je conclus qu’elle tentait d’éviter d’identifier l’accusé à l’audience et qu’elle tente de se distancier, à la barre, de toute identification de l’accusé.

Il n’y a aucune raison de modifier la conclusion du juge du procès à cet égard.

[29] Puisque j’ai conclu qu’il y a un fondement suffisant pour apprécier la véracité et l’exactitude de la déclaration, il n’est pas nécessaire de vérifier davantage si elle est susceptible d’être véridique. L’examen des autres indices de fiabilité plaidés par M. Devine ne sera requis que pour l’évaluation de la fiabilité ultime de la déclaration.

2.2.3 L’application du pouvoir discrétionnaire d’exclusion

[30] Même lorsqu’il a été satisfait aux critères de la nécessité et de la fiabilité, une question peut subsister dans certaines situations, soit celle de savoir si le juge du procès devrait exercer son pouvoir discrétionnaire de refuser d’admettre la déclaration au motif que son effet préjudiciable l’emporte sur sa valeur probante. Par exemple, dans K.G.B., le juge en chef Lamer a reconnu le pouvoir discrétionnaire du juge du procès de refuser que la déclaration soit soumise au jury comme preuve de fond, même dans le cas où les critères mentionnés dans cet arrêt sont respectés, s’il y a à craindre que la déclaration soit le produit d’une forme d’inconduite de la part des enquêteurs (p. 801‑802; Khelawon, par. 81). D’autres circonstances pourraient justifier l’exercice du pouvoir discrétionnaire résiduel du juge du procès, mais ce n’est pas le cas en l’espèce. À mon avis, la Cour d’appel a eu raison de conclure que le juge du procès n’avait pas commis d’erreur en omettant de mentionner expressément l’appréciation de la valeur probante en regard de l’effet préjudiciable.

2.3 Le caractère raisonnable du verdict

[31] Monsieur Devine fait valoir que le verdict du juge du procès n’est pas un verdict qu’un jury ayant reçu des directives appropriées et agissant d’une manière judiciaire aurait pu raisonnablement prononcer (voir R. c. Biniaris, [2000] 1 R.C.S. 381, 2000 CSC 15, et R. c. Yebes, [1987] 2 R.C.S. 168). Il plaide plus particulièrement que la preuve d’identification présentée par Mme Pawliw était insuffisante pour fonder une condamnation. Je suis d’accord avec les juges majoritaires de la Cour d’appel pour dire que la qualité de la preuve d’identification n’était pas idéale et qu’il aurait été préférable que Mme Pawliw identifie l’agresseur lors d’une séance d’identification à l’aide de photos. Toutefois, je ne puis conclure que le verdict est déraisonnable pour autant. La preuve d’identification présentée par Mme Pawliw pouvait étayer la conclusion du juge du procès selon laquelle M. Devine était l’agresseur. Le juge du procès a correctement évalué la preuve et a conclu qu’il était convaincu hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l’accusé. Je ne ferais donc pas droit à ce moyen d’appel.

3. Dispositif

[32] Pour ces motifs, je suis d’avis de rejeter le pourvoi.

Pourvoi rejeté.

Procureurs de l’appelant : Fix & Smith, Edmonton.

Procureur de l’intimée : Procureur général de l’Alberta, Edmonton.


Synthèse
Référence neutre : 2008 CSC 36 ?
Date de la décision : 19/06/2008
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté. la déclaration était admissible en preuve et le verdict n’était pas déraisonnable

Analyses

Droit criminel - Preuve - Admissibilité - Ouï‑dire - Exception raisonnée à la règle du ouï‑dire - Un témoin se rétracte au procès d’une déclaration extrajudiciaire identifiant l’accusé - Le juge du procès admet la déclaration extrajudiciaire en preuve en vertu de l’exception raisonnée à la règle du ouï‑dire - Fallait‑il admettre la déclaration en preuve?.

Il était allégué que l’accusé avait commis des voies de fait à l’endroit du plaignant lors de deux incidents distincts. Le plaignant et sa compagne, P, qui avait été témoin du premier incident, ont tous les deux refusé de faire une déclaration à la police après la première agression. Cependant, à la suite de la deuxième agression, ils ont chacun fait une déclaration à la police dans laquelle ils ont identifié l’accusé comme l’agresseur. Avant que P fasse sa déclaration, qui a été enregistrée sur bande audio et sur bande vidéo, un policier lui avait expliqué la gravité de la déclaration ainsi que les conséquences éventuelles d’une fausse déclaration, et il lui avait fait prêter une forme de serment. Au procès, tant le plaignant que P sont revenus sur leur identification de l’accusé. P a aussi affirmé durant son témoignage que son identification dans sa déclaration était fondée sur de l’information obtenue d’autres personnes. Le ministère public a demandé l’autorisation de mettre en preuve la déclaration de P à la police pour établir la véracité de son contenu, conformément à l’exception raisonnée à la règle du ouï‑dire. Le juge du procès a jugé que l’identification par P dans sa déclaration n’était pas elle‑même du ouï‑dire comme le prétendait la défense. Il a conclu que l’identification par P était fondée sur ses propres observations et qu’en affirmant le contraire sous serment, elle tentait d’éviter d’identifier l’accusé au procès. Il a admis en preuve la déclaration extrajudiciaire suivant la méthode d’analyse raisonnée en matière de ouï‑dire et a déclaré l’accusé coupable de voies de fait causant des lésions corporelles et de vol qualifié relativement au premier incident. Les juges majoritaires de la Cour d’appel ont confirmé la décision d’admettre la déclaration en preuve et ont rejeté la prétention selon laquelle le verdict était déraisonnable. Le juge dissident aurait jugé la déclaration inadmissible en preuve au motif que l’identification par P était elle‑même du ouï‑dire. En outre, il jugeait le verdict déraisonnable.

Arrêt : Le pourvoi est rejeté. La déclaration était admissible en preuve et le verdict n’était pas déraisonnable.

Il n’y a aucune raison de modifier la conclusion du juge du procès selon laquelle l’identification de l’accusé par P dans sa déclaration extrajudiciaire était fondée sur ses propres observations. Comme l’identification de l’accusé par P ne constitue pas en soi du ouï‑dire, la déclaration peut être admise en preuve suivant la méthode d’analyse raisonnée s’il est satisfait au double critère de la nécessité et de la fiabilité. En l’espèce, tous concèdent que le critère de la nécessité est rempli. Lorsqu’un témoin revient sur une déclaration antérieure, la nécessité tient à la non‑disponibilité du témoignage et non du témoin. L’exigence de la fiabilité est aussi remplie parce qu’on dispose de suffisamment d’éléments pour apprécier la véracité et l’exactitude de la déclaration de P. En prenant la déposition de P, le policier a respecté les directives énoncées dans R. c. B. (K.G.), [1993] 1 R.C.S. 740, de façon que la déclaration réponde à une norme de fiabilité comparable à celle d’un témoignage livré à l’audience. En outre, bien que, lors du procès, P ait rétracté son identification de l’accusé, il existait une possibilité réelle de vérifier son témoignage en la contre‑interrogeant. P a affirmé sous serment qu’elle était consciente de la gravité de sa déclaration au moment où elle l’avait faite et qu’elle s’était efforcée de dire la vérité. Le juge du procès a été en mesure d’évaluer le comportement du témoin et a fait un compte‑rendu détaillé de son attitude évasive et de sa réticence à identifier l’accusé dans la salle d’audience. Il n’y a aucune raison de modifier sa conclusion selon laquelle elle tentait de se distancier, à la barre, de toute identification de l’accusé. [14-16] [20] [28]

Finalement, le verdict rendu n’était pas déraisonnable puisque la preuve d’identification par P pouvait étayer la conclusion du juge du procès selon laquelle l’accusé était l’agresseur. [31]


Parties
Demandeurs : Sa Majesté la Reine
Défendeurs : Devine

Références :

Jurisprudence
Arrêts appliqués : R. c. B. (K.G.), [1993] 1 R.C.S. 740
R. c. Khelawon, [2006] 2 R.C.S. 787, 2006 CSC 57
arrêts mentionnés : R. c. Couture, [2007] 2 R.C.S. 517, 2007 CSC 28
R. c. Hawkins, [1996] 3 R.C.S. 1043
R. c. U. (F.J.), [1995] 3 R.C.S. 764
R. c. Post (2007), 217 C.C.C. (3d) 225, 2007 BCCA 123
R. c. N. (T.G.) (2007), 216 C.C.C. (3d) 329, 2007 BCCA 2
R. c. Biniaris, [2000] 1 R.C.S. 381, 2000 CSC 15
R. c. Yebes, [1987] 2 R.C.S. 168.

Proposition de citation de la décision: R. c. Devine, 2008 CSC 36 (19 juin 2008)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2008-06-19;2008.csc.36 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award