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13/02/2009 | CANADA | N°2009_CSC_9

Canada | Bande et nation indiennes d'Ermineskin c. Canada, 2009 CSC 9 (13 février 2009)


COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : Bande et nation indiennes d'Ermineskin c. Canada, 2009 CSC 9, [2009] 1 R.C.S. 222

Date : 20090213

Dossiers : 31875, 31869

Entre :

Chef John Ermineskin, Lawrence Wildcat, Gordon Lee, Art Littlechild, Maurice Wolfe, Curtis Ermineskin, Gerry Ermineskin, Earl Ermineskin, Rick Wolfe, Ken Cutarm,

Brian Less et Lester Fraynn, le chef et les conseillers élus de la bande et nation indiennes d'Ermineskin, en leur nom et en celui des autres membres de

la bande et nation indiennes d'Ermineskin

Appelants

e

t

Sa Majesté la Reine du Chef du Canada, ministre des Affaires

indiennes et du Nord canadien et ministr...

COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : Bande et nation indiennes d'Ermineskin c. Canada, 2009 CSC 9, [2009] 1 R.C.S. 222

Date : 20090213

Dossiers : 31875, 31869

Entre :

Chef John Ermineskin, Lawrence Wildcat, Gordon Lee, Art Littlechild, Maurice Wolfe, Curtis Ermineskin, Gerry Ermineskin, Earl Ermineskin, Rick Wolfe, Ken Cutarm,

Brian Less et Lester Fraynn, le chef et les conseillers élus de la bande et nation indiennes d'Ermineskin, en leur nom et en celui des autres membres de

la bande et nation indiennes d'Ermineskin

Appelants

et

Sa Majesté la Reine du Chef du Canada, ministre des Affaires

indiennes et du Nord canadien et ministre des Finances

Intimés

‑ et ‑

Procureur général de l'Ontario, procureur général du Québec, procureur général de l'Alberta, Assemblée des Premières nations et Première nation du Lac Seul

Intervenants

Et entre :

Chef Victor Buffalo, en son nom et en celui des autres membres de la bande et nation indiennes de Samson, et bande et nation indiennes de Samson

Appelants

et

Sa Majesté la Reine du Chef du Canada, ministre des Affaires

indiennes et du Nord canadien et ministre des Finances

Intimés

‑ et ‑

Procureur général de l'Ontario, procureur général du Québec, procureur général de l'Alberta, Assemblée des Premières nations, bande indienne de Saddle Lake,

bande indienne de Stoney et Première nation du Lac Seul

Intervenants

Traduction française officielle

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron et Rothstein

Motifs de jugement :

(par. 1 à 203)

Le juge Rothstein (avec l'accord de la juge en chef McLachlin et des juges LeBel, Deschamps, Fish, Abella et Charron)

______________________________

Bande et nation indiennes d'Ermineskin c. Canada, 2009 CSC 9, [2009] 1 R.C.S. 222

Chef John Ermineskin, Lawrence Wildcat, Gordon Lee,

Art Littlechild, Maurice Wolfe, Curtis Ermineskin, Gerry

Ermineskin, Earl Ermineskin, Rick Wolfe, Ken Cutarm,

Brian Less et Lester Fraynn, le chef et les conseillers élus

de la bande et nation indiennes d'Ermineskin, en

leur nom et en celui des autres membres de

la bande et nation indiennes d'Ermineskin Appelants

c.

Sa Majesté la Reine du chef du Canada, ministre des Affaires

indiennes et du Nord canadien et ministre des Finances Intimés

et

Procureur général de l'Ontario, procureur général du

Québec, procureur général de l'Alberta, Assemblée des

Premières Nations et Première Nation du Lac Seul Intervenants

- et -

Chef Victor Buffalo, en son nom et en celui des autres

membres de la bande et nation indiennes de Samson,

et bande et nation indiennes de Samson Appelants

c.

Sa Majesté la Reine du chef du Canada, ministre des Affaires

indiennes et du Nord canadien et ministre des Finances Intimés

et

Procureur général de l'Ontario, procureur général du

Québec, procureur général de l'Alberta, Assemblée des

Premières Nations, bande indienne de Saddle Lake,

bande indienne de Stoney et Première Nation du Lac Seul Intervenants

Répertorié : Bande et nation indiennes d'Ermineskin c. Canada

Référence neutre : 2009 CSC 9.

Nos du greffe : 31875, 31869.

2008 : 22 mai; 2009 : 13 février.

Présents : La juge en chef McLachlin et les juges LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron et Rothstein.

en appel de la cour d'appel fédérale

POURVOIS contre un arrêt de la Cour d'appel fédérale (le juge en chef Richard et les juges Sexton et Sharlow), 2006 CAF 415, [2007] 3 R.C.F. 245, 357 N.R. 1, [2007] 2 C.N.L.R. 51, [2006] A.C.F. no 1961 (QL), 2006 CarswellNat 4833, qui a confirmé des décisions du juge Teitelbaum, 2005 CF 1623, 269 F.T.R. 188, [2005] A.C.F. no 1992 (QL), 2005 CarswellNat 5897, et 2005 CF 1622, 269 F.T.R. 1, [2006] 1 C.N.L.R. 100, [2005] A.C.F. no 1991 (QL), 2005 CarswellNat 6710. Pourvois rejetés.

Marvin R. V. Storrow, c.r., Maria A. Morellato, c.r., Joseph C. McArthur et Joanne Lysyk, pour les appelants Chief John Ermineskin et autres.

James A. O'Reilly, Edward H. Molstad, c.r., Marco Poretti, L. Douglas Rae, Nathan Whitling et David Sharko, pour les appelants Chef Victor Buffalo et autres.

Mitchell R. Taylor, c.r., W. Clarke Hunter, c.r., et Michele E. Annich, pour les intimés.

E. Ria Tzimas, pour l'intervenant le procureur général de l'Ontario.

Sylvain Leboeuf et Monique Rousseau, pour l'intervenant le procureur général du Québec.

Stanley H. Rutwind, c.r., pour l'intervenant le procureur général de l'Alberta.

Jack R. London, c.r., et Bryan P. Schwartz, pour l'intervenante l'Assemblée des Premières Nations.

W. Tibor Osvath, pour les intervenantes la bande indienne de Saddle Lake et la bande indienne de Stoney.

Joseph Eliot Magnet et William Major, pour l'intervenante la Première Nation du Lac Seul.

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphe

I. Introduction 1

II. Les faits 4

III. Les questions en litige 20

IV. Les décisions antérieures 23

A. Cour fédérale 23

B. Cour d'appel fédérale 30

(1) Le juge en chef Richard et la juge Sharlow 30

(2) Le juge Sexton 38

V. Analyse 44

A. La source des obligations fiduciales de la Couronne 44

B. Le Traité no 6 49

C. Les actes de cession de 1946 68

D. Le cadre législatif 80

(1) La Loi sur le pétrole et le gaz des terres 82

indiennes

(2) La Loi sur la gestion des finances 89

publiques

(3) La Loi sur les Indiens 99

a) L'alinéa 64(1)k) 105

b) Autres dispositions relatives à 110

l'administration de l'argent

c) Les modifications de 1951 112

(4) Le paragraphe 21(1) de la Loi sur la gestion 120

des finances publiques

E. Obligations fiduciales de la Couronne envers 124

les bandes

F. Détermination de l'obligation de la Couronne de faire 132

fructifier l'argent des bandes

(1) Taux fixe 133

(2) Rendement des bons du Trésor à court terme 134

(3) Rendement d'un portefeuille diversifié 135

(4) Taux variable fondé sur le rendement 137

des obligations à long terme du gouvernement

(5) Portefeuille échelonné d'obligations 141

(6) Conclusion concernant la formule retenue 147

par la Couronne

G. Transfert de sommes d'argent aux bandes 150

(1) La nation de Samson 153

(2) La nation d'Ermineskin 171

H. Enrichissement sans cause 182

I. Paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des 185

droits et libertés

VI. Conclusion 203

Version française du jugement de la Cour rendu par

Le juge Rothstein —

I. Introduction

[1] Les deux présents pourvois ont été entendus simultanément et marquent le point culminant d'un très long processus, dont un procès conjoint qui a duré plusieurs années. Le présent jugement ne porte que sur certaines des questions examinées en première instance.

[2] Les appelants prétendent que les obligations fiduciales (« fiduciary ») de la Couronne exigeaient qu'elle investisse de façon prudente, à savoir dans un portefeuille diversifié, les redevances pétrolières et gazières touchées en leur nom. La Couronne les a plutôt versées au Trésor, portant au crédit des appelants un intérêt calculé selon le rendement sur le marché des obligations à long terme du gouvernement. Les appelants soutiennent que depuis 1972, le refus ou l'omission de la Couronne d'investir leurs redevances les prive de centaines de millions de dollars.

[3] La Cour fédérale a débouté les appelants, et les juges majoritaires de la Cour d'appel fédérale ont rejeté leurs appels. Pour les motifs exposés ci‑après, je suis également d'avis de rejeter les deux pourvois.

II. Les faits

[4] Dans le pourvoi Ermineskin, les appelants sont le chef John Ermineskin et les conseillers de la bande et nation indiennes d'Ermineskin (« nation d'Ermineskin »), en leur nom et en celui des autres membres de la nation d'Ermineskin. Dans le pourvoi Samson, les appelants sont la bande et nation indiennes de Samson (« nation de Samson ») et le chef Victor Buffalo, en son nom et en celui des autres membres de la nation de Samson.

[5] Chacune des nations d'Ermineskin et de Samson est une « bande » au sens de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I‑5, art. 2, et ce terme est employé dans les présents motifs pour les désigner. Chacune constitue également une « bande » bénéficiant du Traité no 6 conclu en 1876. L'expression les « bandes » désigne collectivement tous les appelants.

[6] Dans les deux pourvois, les intimés sont Sa Majesté la Reine du chef du Canada, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et le ministre des Finances (collectivement, la « Couronne »). Affaires indiennes et du Nord Canada est le « titre d'usage » du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (« MAINC »). J'emploie l'acronyme du nom légal — MAINC — dans les présents motifs.

[7] Vu le grand nombre de prétentions, les actions des nations d'Ermineskin et de Samson ont été divisées en plusieurs parties. L'instruction ayant mené aux présents pourvois a porté sur les deux premières, celle des « données générales et historiques », à savoir les éléments de preuve historique et contextuelle relatifs aux prétentions précises formulées dans les autres parties, et celle de l'« administration de l'argent » relative aux allégations de manquement de la Couronne à ses obligations à l'égard de sommes d'argent détenues en fiducie pour les bandes. Les questions qui font l'objet du présent pourvoi ont trait à la « phase de l'administration de l'argent ».

[8] Les sommes détenues en fiducie pour les bandes se composent principalement des redevances tirées de l'exploitation des ressources pétrolières et gazières découvertes dans le sous‑sol des réserves de Samson et de Pigeon Lake, en Alberta. La réserve de Samson a été établie en 1889 conformément au Traité no 6 pour la nation de Samson, et celle de Pigeon Lake en 1896 conformément au Traité no 6 pour quatre bandes (souvent appelées « les quatre bandes »), dont les nations de Samson et d'Ermineskin. La réserve appartenant en propre à la nation d'Ermineskin n'a pas produit de redevances.

[9] Le Traité no 6 et la Loi sur les Indiens exigeaient la cession par les bandes de leurs droits sur les ressources pétrolières et gazières se trouvant dans le sous‑sol de leurs réserves afin que la Couronne puisse conclure avec des tiers les accords voulus pour l'exploitation des ressources. Des actes de cession aux dispositions identiques ont été signés en 1946 (« actes de cession ») par les quatre bandes pour la réserve de Pigeon Lake et par la nation de Samson pour la réserve de Samson, et la Couronne a accepté les cessions.

[10] Le régime législatif applicable à la gestion de l'argent des Indiens, auquel sont assimilées les redevances pétrolières et gazières visées en l'espèce, comprend la Loi sur les Indiens, la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F‑11 (« LGFP »), et la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes, L.R.C. 1985, ch. I‑7 (« LPGTI »). Les dispositions législatives et réglementaires pertinentes sont reproduites en annexe.

[11] Dans la Loi sur les Indiens, l'argent des Indiens appartient soit au « compte en capital », soit au « compte de revenu », lesquels sont tenus séparément par la Couronne. Il existe pour chacune des quatre bandes, dont la nation de Samson et celle d'Ermineskin, un compte en capital et un compte de revenu distincts.

[12] Les redevances — qui appartiennent au « compte en capital » — ont été versées au Trésor au crédit du receveur général du Canada conformément à la LGFP. La Couronne a payé à leur égard un intérêt dont le taux a été fixé par un décret pris en application du par. 61(2) de la Loi sur les Indiens.

[13] En 1859, le taux d'intérêt sur l'argent des Indiens a été fixé par la province du Canada à 6 p. 100. En 1861, un décret a abaissé ce taux à 5 p. 100 pour les nouvelles sommes touchées, mais maintenu le taux de 6 p. 100 pour l'argent que détenait déjà la Couronne du chef de la Province puis, après la Confédération de 1867, la Couronne du chef du Dominion du Canada. Entre 1861 et 1969, le taux a été modifié à l'occasion, se situant entre 3 et 5 p. 100, bien qu'il semble que le taux de 6 p. 100 soit demeuré applicable aux sommes détenues en fiducie avant 1861.

[14] En 1969, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a proposé — et la Couronne a accepté — de lier le taux d'intérêt au rendement sur le marché des obligations du gouvernement d'une durée de 10 ans ou plus (la « formule applicable à l'argent des Indiens ») et de ne plus maintenir à 6 p. 100 le taux d'intérêt consenti sur les sommes détenues avant 1861. Dès lors, le taux a donc varié au gré des fluctuations du rendement sur le marché des obligations à long terme du gouvernement.

[15] À la fin des années 1970 et au début des années 1980, la Couronne et les dirigeants de différentes bandes, dont celles de Samson et d'Ermineskin, ont eu des discussions par suite, notamment, d'une inversion où, pendant une brève période, le rendement sur le marché des investissements à court terme a dépassé celui des investissements à long terme. La situation s'est rétablie, mais un nouveau décret a été adopté en 1981.

[16] Le nouveau décret prévoyait que l'intérêt serait calculé selon la moyenne trimestrielle des rendements sur le marché des obligations du gouvernement du Canada d'une durée de 10 ans ou plus publiés chaque mercredi par la Banque du Canada. Les discussions entre la Couronne et les bandes ont également mené à l'adoption d'un mode de calcul consistant à créditer les intérêts semestriellement plutôt qu'annuellement. Depuis avril 1980, les intérêts sont crédités tous les six mois au taux fixé conformément au décret de 1981.

[17] La déclaration de la nation de Samson a été déposée en 1989, celle de la nation d'Ermineskin, en 1992.

[18] Le 1er février 2006, en application d'une ordonnance rendue par le juge de première instance le 22 décembre 2005, les sommes d'argent au compte en capital de la nation de Samson ont été transférées du Trésor à la fiducie patrimoniale Kisoniyaminaw.

[19] Dans la présente affaire, les sommes en cause sont très importantes. Au procès, les bandes ont présenté des éléments de preuve sur les sommes supplémentaires estimatives qu'elles auraient pu toucher, suivant leur thèse, si leurs redevances avaient été investies sur le marché au lieu de rapporter de l'intérêt selon la formule applicable à l'argent des Indiens. Ce manque à gagner se situerait approximativement entre 239 millions et 1,53 milliard de dollars pour la nation de Samson, et entre 156 et 217 millions de dollars pour la nation d'Ermineskin.

III. Les questions en litige

[20] La principale question en litige dans les présents pourvois est celle de savoir s'il incombait à la Couronne, en tant que fiducial, d'investir les redevances pétrolières et gazières qu'elle détenait pour le compte des bandes. À défaut d'une telle obligation, il faut alors déterminer si, par la manière dont elle a fixé et payé l'intérêt sur les redevances, la Couronne a manqué à ses obligations fiduciales en payant l'intérêt sur les redevances et en fixant le taux de cet intérêt.

[21] Les bandes font également valoir que la Couronne a manqué à ses obligations à leur égard parce que, en qualité de fiducial, elle s'est trouvée en conflit d'intérêts en « empruntant » les redevances sans permission, et qu'il y a eu enrichissement sans cause du fait de cet « emprunt ».

[22] Les appelants soutiennent par ailleurs que si les art. 61 à 68 de la Loi sur les Indiens empêchent la Couronne d'investir les redevances, ces dispositions portent atteinte à leur droit à l'égalité garanti à l'art. 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.

IV. Les décisions antérieures

A. Cour fédérale

[23] En première instance, le juge Teitelbaum a rejeté les actions des nations de Samson et d'Ermineskin contre la Couronne : 2005 CF 1622, [2005] A.C.F. no 1991 (QL), et 2005 CF 1623, [2005] A.C.F. no 1992 (QL).

[24] Le juge Teitelbaum relève que la Couronne a reconnu son rôle de fiduciaire à l'égard des redevances, mais il ajoute qu'il aurait conclu à son existence même sans cet aveu.

[25] Il ne convient pas avec les bandes que la fiducie découle soit des relations historiques entre la Couronne et les peuples autochtones, soit du Traité no 6. Le texte des actes de cession suffit à établir une fiducie; il offre la certitude voulue quant à l'intention, à la matière et à l'objet, et il renvoie explicitement à une fiducie.

[26] Le juge Teitelbaum statue que la loi éclaire les obligations fiduciaires de la Couronne et qu'elle n'autorise pas cette dernière à investir les redevances. Même si, en qualité de fiduciaire, il incombe à la Couronne d'investir l'argent selon la norme du « soin et [de] l'habileté raisonnables d'un bon père de famille » (motifs Samson, par. 670, motifs Ermineskin, par. 278), la Couronne s'est acquittée de cette obligation en payant de l'intérêt conformément au par. 61(2) de la Loi sur les Indiens.

[27] En ce qui concerne la question de savoir si les dispositions de la Loi sur les Indiens portent atteinte aux droits des bandes garantis au par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 ou si elles sont incompatibles avec eux, le juge Teitelbaum conclut que la nation de Samson n'a pas établi l'existence de droits ancestraux ou issus de traités relativement à l'autonomie gouvernementale ou à l'argent des Indiens. La nation d'Ermineskin n'a pas revendiqué l'autonomie gouvernementale, mais elle a fait valoir que la loi était inconstitutionnelle si elle avait pour effet de la priver de ses droits à titre de bénéficiaire. Cependant, le juge de première instance statue que la fiducie a pour origine les actes de cession, de sorte que les droits des bandes ne sont pas issus de traités.

[28] Le juge Teitelbaum statue en outre que les bandes ne sont pas visées par le mot « tous » employé au par. 15(1) de la Charte et qu'elles n'ont donc pas qualité pour faire valoir un droit garanti par cette disposition.

[29] Enfin, il conclut que la Couronne ne s'est pas enrichie par l'« emprunt » de l'argent des bandes et que s'il y avait eu enrichissement de sa part, il aurait été justifié par le régime législatif.

B. Cour d'appel fédérale

(1) Le juge en chef Richard et la juge Sharlow

[30] Le juge en chef Richard et la juge Sharlow rejettent les appels des nations de Samson et d'Ermineskin : 2006 CAF 415, [2007] 3 R.C.F. 245. Ils estiment qu'en raison de l'application simultanée de la Loi sur les Indiens et de la LGFP, les obligations fiduciaires de la Couronne vis‑à‑vis des redevances diffèrent fondamentalement de celles d'un fiduciaire de common law. Si le législateur avait voulu que la Couronne soit tenue d'investir, il aurait adopté le texte législatif voulu pour lui conférer ce pouvoir. Les nations de Samson et d'Ermineskin ayant reconnu l'absence de consentement de leurs conseils de bande respectifs à l'investissement de l'argent du compte en capital, les juges majoritaires estiment que la Couronne n'aurait pu, de toute façon, investir l'argent au profit des bandes.

[31] Ils affirment que la Couronne est fiduciaire des redevances parce que c'est « ce qui est énoncé à l'article 4 de la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes » et que « s'il y avait eu le moindre doute au sujet de l'existence d'une fiducie, ce doute n'aurait pu subsister après l'édiction de la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes » (par. 109). Ils ajoutent que même si cette loi n'avait pas été adoptée, la Couronne aurait été fiduciaire par l'effet du Traité no 6 et de la Loi sur les Indiens.

[32] Ils estiment que si les bandes lui demandaient de leur verser l'argent du compte en capital pour qu'elles l'investissent elles‑mêmes, la Couronne pouvait raisonnablement exiger un plan d'investissement la convainquant que la dépense serait à l'avantage des bandes comme le veut l'al. 64(1)k) de la Loi sur les Indiens. La Couronne n'était pas tenue de proposer un plan d'investissement aux bandes. L'intention du législateur était de laisser aux bandes le soin de décider de l'utilisation de l'argent du compte en capital, et ces dernières sont généralement plus en mesure que la Couronne de déterminer les dépenses nécessaires.

[33] De l'avis des juges majoritaires, la décision du gouverneur en conseil relative au taux d'intérêt et à la formule applicable à l'argent des Indiens doit être considérée au regard de la norme de la décision raisonnable. De nature essentiellement discrétionnaire, elle résulte cependant de l'exercice du pouvoir discrétionnaire dans un contexte où la Couronne s'acquitte d'une obligation fiduciaire et engage son honneur. Elle est confirmée lorsqu'elle se fonde sur des éléments rationnels et non hors de propos et qu'elle se situe à l'intérieur de la « marge de manœuvre prévue par le texte législatif qui accorde le pouvoir discrétionnaire » (par. 167). Les motifs du juge de première instance sont brefs sur ce point, mais « suffisamment d'éléments de preuve étaya[ie]nt [s]a conclusion [. . .] selon laquelle les taux d'intérêt étaient raisonnables » (par. 168). De plus, chaque fois que les bandes l'ont demandé, la Couronne les a consultées convenablement pour la fixation du taux.

[34] Les juges majoritaires rejettent la thèse des bandes fondées sur le par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. Selon eux, l'abrogation en 1951 des dispositions leur conférant le pouvoir d'investir les redevances ne les a pas privées de leurs droits issus du Traité no 6 et n'a pas porté atteinte à ceux‑ci. Ils concluent que la Couronne n'a jamais promis de conserver intact le pouvoir d'investissement prévu dans la Loi sur les Indiens.

[35] Ils écartent les prétentions des bandes fondées sur le par. 15(1) de la Charte. Ils concluent que même si chacun des membres de la bande avait qualité pour agir, ils n'auraient aucun droit à faire valoir, car sa demande toucherait la gestion d'un bien de la bande, et non un droit personnel. Même si les allégations sont formulées dans le cadre de recours collectifs, il ne s'agit pas pour autant de demandes individuelles.

[36] Les allégations d'enrichissement sans cause et de conflit d'intérêts sont rejetées. Suivant les faits établis par le juge de première instance, la Couronne ne s'est pas enrichie. Tout conflit d'intérêts découle inévitablement du régime législatif et est licite.

[37] Les juges majoritaires rejettent les appels des bandes.

(2) Le juge Sexton

[38] Dissident, le juge Sexton aurait accueilli les appels. Selon lui, les actes de cession sont à l'origine de la fiducie. La Couronne devait avant tout agir comme fiduciaire de common law et elle avait le pouvoir d'investir les redevances des bandes. La Loi sur les Indiens ne l'empêchait pas d'investir les sommes en cause. Elle n'exigeait pas non plus que l'argent des Indiens demeure indéfiniment dans le Trésor.

[39] La Couronne avait l'obligation d'agir avec le soin et la diligence qu'une personne normalement prudente apporte à l'administration de ses propres affaires, de sorte qu'elle devait notamment évaluer la situation du fonds et des bénéficiaires afin d'arrêter les bons placements, constituer au besoin un portefeuille diversifié, assurer le suivi des investissements, consulter des spécialistes et faire preuve d'équité envers les bénéficiaires successifs. La Couronne devait obtenir le meilleur rendement possible grâce à de bons placements. Elle a manqué à ses obligations en omettant de consulter un expert sur les stratégies prudentes en la matière, de proposer un plan d'investissement aux bandes, de s'engager activement dans la gestion de l'argent et d'évaluer la situation du fonds.

[40] Le juge Sexton souligne l'abondance de la preuve d'expert sur le caractère raisonnable ou non du rendement versé par la Couronne. Il estime qu'il est « loin d'être certain que le [. . .] rendement de l'argent des [bandes] était raisonnable » (par. 296).

[41] Vu sa conclusion selon laquelle la Couronne a manqué à son obligation d'investir, il ne lui paraît pas nécessaire de se prononcer sur l'application du par. 15(1) de la Charte. Cependant, il estime que l'interprétation du juge de première instance va à l'encontre du par. 15(1), car la loi réserve aux Indiens par rapport aux non‑Indiens un traitement inférieur fondé sur leur statut d'Indiens et leur appartenance à une bande. L'action ayant été intentée au nom de chacun de leurs membres, les bandes avaient qualité pour invoquer le par. 15(1).

[42] Enfin, le juge Sexton opine qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les allégations de conflit d'intérêts et d'enrichissement sans cause. Il ajoute toutefois que la Couronne n'a bénéficié d'aucun avantage ou enrichissement et qu'il ne convient pas d'annuler les conclusions du juge de première instance sur ce point. En ce qui concerne le conflit d'intérêts, la Couronne aurait dû l'éviter en soumettant continuellement des plans d'investissement prudents à l'approbation des bandes.

[43] Le juge Sexton aurait accueilli les appels et renvoyé l'affaire à la Cour fédérale pour détermination du préjudice.

V. Analyse

A. La source des obligations fiduciales de la Couronne

[44] En l'espèce, la Couronne a manifestement — elle l'a reconnu — des obligations fiduciales en ce qui concerne les redevances des bandes. Ce qu'il faut déterminer c'est le fondement et la teneur de ces obligations.

[45] En l'espèce, la « source » des obligations fiduciales de la Couronne a suscité moult débats. Les bandes soutiennent que le Traité no 6 est la source première de la relation fiduciale entre la Couronne et elles, mais que cette relation découle également des actes de cession, de la LPGTI, de la common law et de la Loi sur les Indiens.

[46] Si la relation fiduciale découle du Traité no 6, on peut soutenir que les droits des bandes, en tant que bénéficiaires de la relation, sont issus de traités et sont de ce fait garantis au par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. Les bandes font valoir que toute disposition législative dont l'objet serait de limiter les obligations fiduciales de la Couronne et les droits correspondants des bandes en qualité de bénéficiaires serait incompatible avec leurs droits issus du Traité no 6 et, en conséquence, inconstitutionnelle et inopérante suivant l'art. 52 de la Loi constitutionnelle de 1982.

[47] Plus précisément, les bandes soutiennent que la Couronne doit s'acquitter des mêmes obligations que celles du fiduciaire de common law, ce qui comprend l'obligation d'investir les sommes en cause. Elles prétendent essentiellement jouir du droit constitutionnel issu d'un traité à l'investissement de leurs redevances par la Couronne. Si tel était le cas, toute disposition de la Loi sur les Indiens empêchant la Couronne d'investir les redevances serait inconstitutionnelle et inopérante.

[48] Si, par contre, les obligations fiduciales de la Couronne découlaient des actes de cession, de la LPGTI ou de la Loi sur les Indiens, ou des trois, les bandes seraient titulaires de droits en tant que bénéficiaires des obligations de la Couronne, mais ces droits ne seraient pas garantis par la Constitution. Dans ce contexte, toute disposition législative faisant obstacle à l'investissement des redevances des Indiens serait valide.

B. Le Traité no 6

[49] Selon les bandes, le traité impose à la Couronne les obligations d'un fiduciaire de common law. À mon avis, pareille intention n'y est pas exprimée. Il y est précisé par exemple que les tribus indiennes Cris des Plaines et Cris des Bois renoncent à « tous droits, titres et privilèges quelconques, qu'ils peuvent avoir aux terres [dans le territoire délimité] ». Le traité mentionne en outre que des terres sont mises à part et que la Couronne peut aliéner les réserves de terre « pour le bénéfice et avantage des dits Sauvages, qui y auront droit », avec le consentement de ceux‑ci. La Couronne conserve toutefois aussi le droit de prendre, moyennant indemnité convenable, des réserves de terre à des fins publiques.

[50] Ces éléments n'étayent pas l'existence de l'intention d'imposer à la Couronne les obligations d'un fiduciaire de common law. Tous les droits ont été cédés à la Couronne, qui a alors convenu de réserver certaines terres à l'usage des Indiens signataires. Le libellé du traité et le contexte donnent à penser qu'il y a eu transfert conditionnel des terres, et non établissement d'une fiducie de common law.

[51] Quoi qu'il en soit, le Traité no 6 n'étaye pas selon moi la thèse des bandes, et l'invoquer comme fondement des obligations fiduciales de la Couronne ne leur permet pas d'obtenir le résultat escompté, à savoir la reconnaissance de l'obligation de la Couronne d'investir les redevances.

[52] Selon les bandes, les obligations de la Couronne à l'égard de leurs redevances découlent du passage suivant du Traité no 6 :

[L]es dites réserves de terre ou tout droit en icelles pourront être vendues et adjugées par le gouvernement de Sa Majesté pour le bénéfice et avantage des dits Sauvages, qui y auront droit, après qu'on aura au préalable obtenu leur consentement; . . .

[53] Les bandes font aussi valoir que les « conditions verbales » du Traité no 6 englobent la promesse d'Alexander Morris, lieutenant‑gouverneur du Manitoba et des Territoires du Nord‑Ouest, qu'en cas de vente d'une partie des réserves, le produit de la vente serait [traduction] « mis de côté pour qu'il fructifie ». Selon le compte rendu des négociations préalables à la signature du Traité no 6 rédigé par le secrétaire de la commission, A. G. Jackes, le lieutenant‑gouverneur Morris aurait déclaré ce qui suit :

[traduction] Lorsque [les autres bandes] ont constaté qu'[elles] avaient trop de terre, [elles] ont demandé à la Reine de la vendre pour [elles]; [elles] en ont conservé autant qu'[elles] le voulaient, et le prix auquel le reste fut vendu fut mis de côté pour qu'il fructifie, et de nombreuses bandes tirent aujourd'hui un revenu annuel de la terre. [Je souligne.]

[54] Il a été jugé inacceptable que la Couronne fasse fi des conditions verbales d'un traité et s'en remette uniquement au texte écrit. On peut recourir à la preuve extrinsèque pour donner l'effet voulu aux conditions du traité définies suivant leur interprétation par tous les signataires (voir l'arrêt R. c. Marshall, [1999] 3 R.C.S. 456, par. 12). Alors que les propos du lieutenant‑gouverneur Morris se rapportaient à la vente antérieure de réserves de terre d'autres Indiens, les représentants des bandes auraient vu dans la promesse qui leur était faite l'affirmation que l'entente en question vaudrait aussi pour elles.

[55] Lorsqu'elle interprète un traité, la Cour doit « "choisir, parmi les interprétations de l'intention commune [au moment de la conclusion du traité] qui s'offrent à [elle], celle qui concilie le mieux" les intérêts des [Autochtones] et ceux de la Couronne britannique » (Marshall, par. 14 (soulignement supprimé), citant le juge Lamer (plus tard Juge en chef) dans l'arrêt R. c. Sioui, [1990] 1 R.C.S. 1025, p. 1069).

[56] En l'espèce, la promesse du lieutenant‑gouverneur Morris constituait une affirmation de la Couronne que le produit de la vente de toute partie de la réserve serait « mis de côté pour qu'il fructifie ». À mon sens, les Indiens signataires du Traité no 6 ont vraisemblablement vu dans cette affirmation la garantie que le produit de la vente de toute partie d'une réserve serait conservé pour eux par la Couronne, qu'il serait en sûreté et qu'il croîtrait avec le temps. La Couronne a en effet garanti la restitution aux bandes de l'argent du compte en capital ainsi que l'obtention d'un rendement sans risque de perte.

[57] Cependant, la promesse que le produit de la vente serait « mis de côté pour qu'il fructifie » n'a pas établi de fiducie de common law ni imposé à la Couronne les obligations d'un fiduciaire de common law. Il n'incombe pas à un tel fiduciaire de garantir la masse fiduciaire contre le risque de perte ni d'assurer sa croissance. Pour reprendre les propos du juge Dickson (plus tard Juge en chef) dans l'arrêt Fales c. Canada Permanent Trust Co., [1977] 2 R.C.S. 302, p. 315, « [t]raditionnellement, le soin et la diligence que l'on exige d'un fiduciaire dans l'administration d'une fiducie sont ceux qu'un bon père de famille apporte à l'administration de ses propres affaires ». Il ajoute cependant qu'« [u]n fiduciaire n'est pas tenu à l'infaillibilité, pas plus qu'il n'est le garant de la sécurité de l'actif de la succession » (p. 319). Le passage suivant de Waters' Law of Trusts in Canada (3e éd. 2005), D. W. M. Waters, M. R. Gillen et L. D. Smith, dir., le confirme (p. 962) :

[traduction] La prudence d'un investissement n'écarte pas tout risque de perte, et compte tenu de la volatilité des marchés boursiers, un fiduciaire peut fort bien satisfaire à la norme de diligence même lorsque la valeur des investissements fléchit.

[58] Les capitaux investis sont toujours exposés à un certain risque. Si la Couronne avait investi les redevances, leur valeur aurait pu connaître une baisse importante au moment où les bandes auraient eu besoin de liquidités.

[59] L'interprétation de la promesse faite par traité — soit la garantie et l'appréciation des sommes — est compatible avec le dossier historique, la pratique du gouvernement et la compréhension qu'en avaient les Indiens au moment de la signature du traité.

[60] En 1859, le gouvernement de la province du Canada était saisi de la question de la [traduction] « gestion de la fiducie et des fonds des Indiens ». Le 25 août 1859, John A. Macdonald, plus tard premier ministre, a adressé au Conseil exécutif un document recommandant de virer les fonds des Indiens [traduction] « au Fonds consolidé [. . .] au crédit de la fiducie, et d'imputer les intérêts annuels au débit du Fonds consolidé » plutôt que de conserver l'ancien « système d'investissements comportant un risque de perte pour la fiducie » (recommandation au Conseil exécutif, 25 août 1859, d.i., p. 657‑658). Il a été reconnu que tout défaut de paiement des sommes annuelles requises par les Indiens [traduction] « serait certainement imputé à un abus de confiance de la part du gouvernement et [qu'il] ne pourrait pas être expliqué à la satisfaction des tribus » et que le « Parlement jugerait probablement nécessaire de compenser les pertes de la fiducie » (d.i., p. 657‑658).

[61] Le gouvernement n'a plus jamais investi l'argent des Indiens. Dès lors, le gouvernement de la province du Canada, puis le Dominion du Canada, ont toujours versé cet argent au Trésor et payé de l'intérêt à un taux annuel variant entre 3 et 6 p. 100.

[62] Enfin, la détention des fonds pour leur compte et le paiement d'un intérêt annuel correspondaient aux attentes mêmes des Indiens.

[63] Selon les bandes, la promesse que l'argent serait « mis de côté pour qu'il fructifie » visait [traduction] « à simplifier la notion d'investissement à l'intention de personnes vraisemblablement non familiarisées avec elle (mémoire de la nation d'Ermineskin, par. 102). Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une interprétation plausible de la promesse ou de la compréhension que les représentants des bandes en ont eue à l'époque. Dans son mémoire, la nation de Samson affirme que [traduction] « les Cris des Plaines étaient très peu familiarisés avec l'argent et s'en remettaient à la Reine pour s'occuper de leurs affaires » (par. 105). Macdonald a fait observer que la perte des fonds serait difficile à expliquer aux bandes et serait vue comme un abus de confiance. Je crois que la promesse a été faite et comprise dans ce contexte.

[64] La promesse ambiguë faite par traité doit certes être interprétée de la manière qui soit la plus favorable aux Autochtones signataires (voir R. c. Badger, [1996] 1 R.C.S. 771, par. 9), mais l'interprétation doit demeurer réaliste. Suivant la promesse faite en l'espèce, l'argent devait être « mis de côté pour qu'il fructifie ». Le gouvernement ne pouvait la remplir et les Indiens ne pouvaient être assurés de son respect que par le dépôt des fonds dans le Trésor au crédit des Indiens.

[65] Deux possibilités s'offraient à la Couronne, et aucune n'exigeait le placement des redevances. La première était de ne pas investir les redevances. La deuxième consistait à les investir conformément aux dispositions législatives alors en vigueur, s'exposant alors au risque d'une perte qu'elle serait tenue de compenser, comme l'avait prévu Macdonald, en plus d'être tenu d'assurer un rendement. Or, je le répète, rien n'oblige le fiduciaire de common law à se rendre débiteur d'une telle obligation.

[66] Suivant les dispositions en vigueur jusqu'en 1951 (Loi des Indiens, S.R.C. 1927, ch. 98, art. 92), la Couronne aurait pu investir l'argent des Indiens, mais elle ne pouvait être contrainte de le faire. La notion d'obligation fiduciale serait poussée trop loin si la Couronne devait investir l'argent et courir le risque y associé. Pour ne pas s'exposer à ce risque, la Couronne pouvait détenir les sommes dans le Trésor et verser aux bandes un rendement de nature à remplir sa promesse d'appréciation faite par voie de traité.

[67] Pour ces motifs, je conclus que si le Traité no 6, y compris la promesse du lieutenant‑gouverneur Morris, constituait le fondement de l'obligation fiduciale de la Couronne envers les bandes, cette obligation consistait à conserver les redevances en sûreté et à les faire s'accroître avec le temps. La Couronne pouvait s'en acquitter en détenant les redevances et en payant de l'intérêt de façon que la valeur des fonds augmente. Le Traité no 6 ne l'obligeait nullement à les investir. Elle devait plutôt assurer la conservation des fonds et leur appréciation. Vu l'absence d'un droit issu de traité à l'investissement des sommes par la Couronne, le par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 ne s'applique pas.

C. Les actes de cession de 1946

[68] Les bandes soutiennent que les actes de cession de 1946 rendaient la Couronne débitrice de l'obligation du fiduciaire de common law d'investir leurs redevances. Voici le passage pertinent des actes de cession :

[traduction] POUR par Sa Majesté le Roi et ses successeurs avoir et posséder ladite étendue de pays, à toujours, en fiducie pour que soit concédé, à l'égard de telle étendue, le droit de prospecter, d'extraire, de recouvrer et d'enlever les minéraux qui s'y trouvent, aux personnes et selon les conditions que le gouvernement du Canada peut juger les plus appropriées pour assurer à notre bien‑être et celui de notre peuple; [Je souligne.]

Les actes de cession prévoient expressément que la Couronne conserve les minéraux en fiducie et que les conditions auxquelles elle peut accorder à un tiers le droit de les exploiter doivent être les plus appropriées pour assurer le bien‑être des bandes.

[69] La Couronne pouvait à son gré déterminer les conditions d'octroi du droit d'exploiter les minéraux ainsi que le sort réservé aux redevances touchées pour le compte des bandes. Elle devait exercer son pouvoir discrétionnaire au bénéfice des bandes, qui s'étaient rendues vulnérables par la cession à la Couronne de leurs droits sur les minéraux. Les bandes étaient en droit d'escompter que la Couronne exerce ce pouvoir avec loyauté et diligence.

[70] Dans l'arrêt Bande indienne de la rivière Blueberry c. Canada (Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1995] 4 R.C.S. 344, notre Cour a statué qu'une cession avait imposé une obligation fiduciale à la Couronne. Dans cette affaire, la formulation de la cession était presque identique à celle visée en l'espèce. Plus particulièrement, elle renvoyait aux conditions [traduction] « que le gouvernement du Canada peut juger les plus appropriées pour assurer notre bien‑être et celui de notre peuple ». J'estime que les obligations fiduciales de la Couronne quant à l'octroi à des tiers du droit d'exploiter les ressources minérales des bandes et quant à la gestion des redevances perçues existent du fait des actes de cession de 1946.

[71] Dans l'arrêt Guerin c. La Reine, [1984] 2 R.C.S. 335, le juge Dickson explique en termes généraux la nature de la relation fiduciale (p. 384) :

[L]orsqu'une loi, un contrat ou peut‑être un engagement unilatéral impose à une partie l'obligation d'agir au profit d'une autre partie et que cette obligation est assortie d'un pouvoir discrétionnaire, la personne investie de ce pouvoir devient un fiducia[l]. L'equity vient alors exercer un contrôle sur ce rapport en imposant à la personne en question l'obligation de satisfaire aux normes strictes de conduite auxquelles le fiducia[l] est tenu de se conformer.

[72] Les bandes affirment que la Couronne était tenue aux obligations d'un fiduciaire de common law, dont celle d'investir leur argent. Au fil des ans, la jurisprudence, la législation et la doctrine ont cerné et expliqué la relation fiduciaire en common law, mais je ne vois aucune raison pour laquelle les obligations du fiduciaire de common law ne vaudraient pas dans le cadre d'une autre relation fiduciale lorsque la nature de celle‑ci l'exige. Comme l'affirme le juge La Forest dans l'arrêt McInerney c. MacDonald, [1992] 2 R.C.S. 138, « les relations et les obligations fiducia[l]es ne sont pas toutes les mêmes; elles sont tributaires des exigences de la situation » (p. 149).

[73] Lorsque la situation d'un fiducial s'apparente à celle d'un fiduciaire de common law sans qu'il s'agisse nécessairement d'une « fiducie de common law », je ne vois pas pourquoi les obligations du fiduciaire de common law ne pourraient pas s'appliquer lorsque les circonstances l'exigent. En l'espèce, les bandes insistent particulièrement sur l'obligation du fiduciaire d'investir la masse fiduciaire constituée de leurs redevances. À mon avis, lorsque les circonstances font de la Couronne un fiducial, mais non, à strictement parler, un fiduciaire de common law, et qu'elle détient des fonds pour le compte des bandes, il n'est pas injustifié de lui attribuer l'obligation d'investir ces fonds comme le ferait un fiduciaire de common law, sous réserve de toute disposition législative limitant son pouvoir de le faire.

[74] J'estime par conséquent que la relation entre la Couronne et les bandes est fiduciale et s'apparente à celle établie par une fiducie. La Couronne a le pouvoir discrétionnaire d'agir au mieux des intérêts des bandes, et ces dernières sont en situation de vulnérabilité quant à l'exercice de ce pouvoir. La Couronne ne peut accorder de droits sur les minéraux qu'aux conditions les plus appropriées pour assurer le bien‑être des bandes, et elle conserve le produit de l'octroi de ces droits pour le compte de celles‑ci.

[75] Rappelons que le pouvoir discrétionnaire et les actes d'un fiducial — qu'il s'agisse de la Couronne ou d'une autre personne — peuvent être limités par la loi.

[76] Dans l'arrêt Guerin, le juge Dickson dit à la p. 387 :

Le pouvoir discrétionnaire qui constitue la marque distinctive de tout rapport fiducia[l] peut, dans un cas donné, être considérablement restreint. Cela s'applique aussi bien au pouvoir discrétionnaire que possède Sa Majesté à l'égard des Indiens qu'au pouvoir discrétionnaire des fiduciaires, des mandataires et des personnes qui relèvent des autres catégories traditionnelles de fiducia[l]. Les paragraphes 18(1) et 38(2) de la Loi sur les Indiens prévoient expressément une telle restriction. Il va toutefois sans dire que l'obligation [fiduciale] n'est pas supprimée par l'imposition de conditions ayant pour effet de restreindre le pouvoir discrétionnaire du fiducia[l]. Le défaut de remplir ces conditions constitue tout simplement, à première vue, un manquement à l'obligation.

[77] L'arrêt Authorson c. Canada (Procureur général), 2003 CSC 39, [2003] 2 R.C.S. 40, a été rendu dans une affaire où la Couronne gérait, en qualité de fiducial, les pensions et d'autres allocations pour d'anciens combattants invalides. Avant 1990, la Couronne avait rarement versé de l'intérêt et elle avait rarement investi les fonds. En 1990, le ministère des Anciens combattants a commencé à verser des intérêts, mais le législateur a limité l'obligation antérieure de l'État d'en payer en modifiant la Loi sur le ministère des Anciens combattants, L.R.C. 1985, ch. V‑1. Concluant que le demandeur n'avait pas le droit de réclamer à l'État des intérêts pour la période antérieure, le juge Major dit au par. 62 :

Des décennies d'intérêts sur leurs pensions et allocations sont dues à l'intimé et aux anciens combattants invalides qu'il représente. L'État ne conteste pas ces conclusions. Le législateur a toutefois décidé, pour des raisons qu'il n'a pas dévoilées, de refuser en toute légalité ces intérêts — dus en vertu de la common law, de l'equity ou d'une fiducie — aux anciens combattants envers lesquels l'État avait néanmoins une obligation [fiduciale].

[78] Constituée de plusieurs instances faisant en réalité partie d'un même dossier, Authorson avait pour objet une question semblable à celle considérée en l'espèce. Dans l'arrêt Authorson (Litigation Administrator of) c. Canada (Attorney General), 2007 ONCA 501, 86 O.R. (3d) 321 (autorisation de pourvoi refusée, [2008] 1 R.C.S. v), la Cour d'appel de l'Ontario affirme ce qui suit (par. 102) :

[traduction] La Couronne devait respecter des limitations législatives claires dans l'administration du Trésor lorsqu'elle était légalement tenue de détenir les fonds gérés par [le ministère des Anciens combattants]. Comme nous l'expliquons ci‑après, le cadre législatif applicable ne permettait pas à la Couronne d'investir sur les marchés extérieurs ou d'offrir un autre rendement que l'intérêt. La Couronne ne peut enfreindre la loi même lorsqu'elle agit à titre de fiducial. Pendant la période considérée, l'intérêt était la seule forme de rendement que la Couronne pouvait légalement être tenue de verser.

[79] Dans les arrêts Guerin et Authorson, notre Cour a statué que le législateur peut adopter des lois limitant ou supprimant les obligations fiduciales de la Couronne. Il incombe à celle‑ci de s'acquitter de ses obligations fiduciales conformément aux limites que leur apporte la loi applicable. Il faut donc se demander si la loi limite les obligations fiduciales de la Couronne envers les bandes à l'égard de leurs redevances.

D. Le cadre législatif

[80] Le cadre législatif dans lequel la Couronne remplit ses obligations comprend la Loi sur les Indiens, la LGFP et la LPGTI. Selon les bandes, le régime législatif, plus précisément le par. 61(1) de la Loi sur les Indiens, autorise la Couronne à investir les redevances. Je ne partage pas cet avis.

[81] Afin de déterminer l'effet de la législation sur les obligations de la Couronne, il est nécessaire d'examiner le régime législatif en entier, à commencer par la LPGTI. Il faut ensuite considérer la LGFP et la Loi sur les Indiens et, plus particulièrement, l'incidence de leurs dispositions sur les obligations de la Couronne dans la gestion des redevances pétrolières et gazières.

(1) La Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes

[82] Le paragraphe 4(1) de la LPGTI est libellé comme suit :

4. (1) Nonobstant les modalités d'une concession, d'un bail, d'un permis, d'une licence ou d'un autre acte d'aliénation, les dispositions d'un règlement sur le pétrole ou sur le gaz ou les modalités d'un accord sur les redevances applicables au pétrole ou au gaz, qu'ils soient ou non survenus avant le 20 décembre 1974, mais sous réserve du paragraphe (2), le pétrole et le gaz tirés des terres indiennes après le 22 avril 1977 sont assujettis au paiement à Sa Majesté du chef du Canada, en fiducie pour les bandes indiennes concernées, des redevances réglementaires.

[83] La LPGTI a été sanctionnée en 1974, soit 28 ans après les actes de cession. Les obligations de la Couronne découlent de ceux‑ci, et non de la LPGTI, laquelle confirme seulement que les redevances pétrolières et gazières doivent être versées à la Couronne en fiducie pour les bandes. Comme cette loi n'établit ni les conditions de la fiducie ni les obligations de la Couronne, elle ne restreint pas les obligations fiduciales de la Couronne. Elle n'apporte pas de limitation empêchant la Couronne d'investir les redevances.

[84] Les intervenantes les bandes indiennes de Saddle Lake et de Stoney prétendent que la LPGTI constitue un régime législatif complet et exhaustif à l'égard des redevances pétrolières et gazières. Selon elles, les propos tenus lors des débats parlementaires préalables à son adoption confirment que l'intention du législateur était de faire en sorte que les bandes touchent « tous les profits » et « [l]e plus grand revenu possible » sur le pétrole et le gaz tirés de leurs réserves (Débats de la Chambre des communes, vol. I, 1re sess., 30e Parl., 21 octobre 1974, p. 558). Tel serait le fondement de l'engagement de la Couronne envers ces bandes à obtenir [traduction] « le plus grand profit possible de l'exploitation du pétrole et du gaz sur leurs terres » (mémoire des bandes indiennes de Saddle Lake et de Stoney, par. 45). Ces intervenantes soutiennent que la LPGTI emploie des termes propres à la « fiducie » et que l'honneur contraint la Couronne à respecter cet engagement en s'acquittant des obligations d'un fiduciaire de droit privé.

[85] Je ne peux déduire de ces déclarations d'intention générale l'intention précise que la Couronne agisse à titre de fiduciaire de common law à l'égard des redevances pétrolières et gazières. Si telle avait été l'intention du législateur, la loi aurait été libellée en conséquence, ce qui n'est pas le cas. La LPGTI n'a pas pour objet de limiter ou d'écarter l'application des dispositions d'autres lois comme la Loi sur les Indiens ou la LGFP.

[86] Quoi qu'il en soit, je ne crois pas que les propos susmentionnés tenus lors des débats parlementaires l'aient été dans l'optique de l'investissement des redevances. Ils visaient plutôt à garantir « aux Indiens une juste part des profits réalisés par l'exploitation du pétrole et du gaz sur leurs terres » et à faire en sorte que « [l]e plus grand revenu possible [soit] perçu par la bande indienne lors de l'extraction du pétrole, car par la suite, il sera perdu à jamais pour elle » (Débats de la Chambre des communes, vol. I, 1re sess., 30e Parl., le 21 octobre 1974, p. 557-558). Il semble que l'examen du Parlement ait porté sur l'obtention par les bandes du meilleur prix possible pour leurs réserves de pétrole et de gaz, et non sur la question de savoir si les redevances porteraient intérêt au taux fixé par le gouvernement ou si elles seraient investies dans un portefeuille de valeurs ou de titres.

[87] Les bandes indiennes de Saddle Lake et de Stoney font également valoir que dans la mesure où les redevances peuvent être payées en espèces ou « en nature » suivant le par. 33(5) du Règlement de 1995 sur le pétrole et le gaz des terres indiennes, DORS/94‑753, pris en vertu de la LPGTI (et ses versions antérieures remontant au moins au 1er avril 1974), et où la LGFP et la Loi sur les Indiens ne s'appliquent pas aux redevances « en nature », [traduction] « les dispositions de la Loi sur les Indiens et de la LGFP qui confèrent à la Couronne un pouvoir discrétionnaire sur l'argent sont incompatibles et ne sauraient donc constituer la toile de fond de l'examen des obligations fiduciaires de Sa Majesté à l'égard des redevances pétrolières et gazières des Indiens » (mémoire, par. 28). En conséquence, la Couronne doit gérer les redevances comme le ferait un fiduciaire de common law.

[88] À mon avis, rien ne s'oppose à ce que les redevances en espèces soient examinées au regard de la LGFP et de la Loi sur les Indiens. Même si la LGFP autorise le paiement de redevances « en nature », ces lois demeurent applicables aux redevances en espèces. Les deux textes législatifs s'appliquent aux redevances en espèces, car celles‑ci sont visées par la définition de « fonds publics » de la LGFP. Il n'y a rien d'incompatible entre la LPGTI et l'application de la LGFP et de la Loi sur les Indiens aux redevances en espèces.

(2) La Loi sur la gestion des finances publiques

[89] La LGFP régit l'administration et la gestion de l'État, en particulier sa gestion financière et ses dépenses. Elle établit des règles précises pour le prélèvement, la gestion et la dépense des fonds publics.

[90] Voici comment l'art. 2 de la LGFP définit les « fonds publics » :

Fonds appartenant au Canada, prélevés ou reçus par le receveur général ou un autre fonctionnaire public agissant en sa qualité officielle ou toute autre personne autorisée à en prélever ou recevoir. La présente définition vise notamment :

. . .

d) les fonds prélevés ou reçus par un fonctionnaire public sous le régime d'un traité, d'une loi, d'une fiducie, d'un contrat ou d'un engagement et affectés à une fin particulière précisée dans l'acte en question ou conformément à celui‑ci.

[91] Les redevances étant perçues par le Canada pour le compte des bandes en conformité avec la LPGTI, elles constituent des « fonds publics » au sens de cette loi et doivent donc être considérées au regard de celle‑ci.

[92] Le paragraphe 17(1) prévoit que « [s]ous réserve des autres dispositions de la présente partie, les fonds publics sont déposés au crédit du receveur général. »

[93] Suivant l'article 2, tous les fonds déposés au crédit du receveur général constituent le « Trésor », qui est défini comme « [l]e total des fonds publics en dépôt au crédit du receveur général ». Le paragraphe 21(1) dispose que les redevances, qui constituent des fonds publics suivant l'al. d) de la définition, ne peuvent être prélevées sur le Trésor que sous réserve « des lois applicables » :

Les fonds visés à l'alinéa d) de la définition de « fonds publics » à l'article 2 et qui sont reçus par Sa Majesté, ou en son nom, à des fins particulières et versés au Trésor peuvent être prélevés à ces fins sur le Trésor sous réserve des lois applicables.

[94] La nation de Samson fait valoir que le par. 17(1) exige seulement que les sommes soient versées au Trésor, et non qu'elles y soient conservées. Selon elle, il n'est pas interdit à la Couronne de les investir. Je ne peux être d'accord. Le paragraphe 21(1) dispose que les fonds ne peuvent être prélevés que sous réserve des lois applicables. Il s'ensuit nécessairement que les redevances doivent être détenues dans le Trésor et ne doivent être prélevées que sous réserve de toute loi applicable, soit en l'espèce la Loi sur les Indiens.

[95] La nation de Samson prétend par ailleurs que l'ancien art. 18 de la LGFP, adopté en 1951, mais abrogé en 1999 (L.C. 1999, ch. 26, art. 20), conférait à la Couronne le pouvoir d'investir les redevances. Selon elle, son adoption (il s'agissait alors de l'art. 17) a coïncidé avec la modification de la Loi sur les Indiens en 1951 et il devait remplacer l'ancienne disposition de la Loi sur les Indiens portant sur l'investissement. Les anciens par. 18(1) et (2) étaient rédigés comme suit :

(1) Au présent article, « valeurs » s'entend des titres émis ou garantis par le Canada, ainsi que de ceux qui sont mentionnés dans la définition de « valeurs » ou « titres » à l'article 2.

(2) Le ministre peut, lorsqu'il le juge opportun pour la bonne gestion des fonds publics ou de la dette publique, acheter ou acquérir des valeurs, y compris lors de leur émission, les payer sur le Trésor et les détenir.

[96] Or, les par. 18(1) et (2) n'autorisaient pas l'investissement dans le marché public des valeurs mobilières, mais prévoyaient uniquement l'acquisition de « valeurs » ou de « titres » au sens de ces paragraphes et de l'art. 2 de la LGFP, à savoir des valeurs représentant une partie de la dette publique du Canada. La Cour d'appel de l'Ontario l'explique dans l'arrêt Authorson, où elle se penche sur l'effet de la législation applicable, dont le par. 18(2) et l'art. 90 de la LGFP. Sauf autorisation d'une loi fédérale, l'art. 90 interdit l'acquisition d'actions d'une personne morale qui seraient détenues par Sa Majesté, en son nom ou en fiducie pour elle.

[97] La Cour d'appel de l'Ontario a statué que les fonds gérés par le ministère des Anciens combattants ne pouvaient être investis dans le marché public des valeurs mobilières. Elle dit au par. 109 de ses motifs :

[traduction] [C]ompte tenu de ce contexte législatif et de l'absence de dispositions législatives expresses à l'effet contraire, les fonds gérés par le ministère des Anciens combattants et visés en l'espèce entrent dans la définition des « fonds publics » qui doivent être détenus dans le Trésor conformément aux attributions et aux restrictions prévues dans la LGFP, de sorte qu'ils ne pouvaient pas être investis sur les marchés extérieurs.

[98] Les mêmes dispositions législatives s'appliquent en l'espèce. L'ancien par. 18(2) de la LGFP n'autorisait pas la Couronne à investir sur les marchés extérieurs. Son alinéa 90(1)b) interdit l'acquisition d'actions, sauf autorisation de la Couronne par une loi fédérale. Il faut donc trouver dans la Loi sur les Indiens le pouvoir du gouvernement du Canada — ou d'un tiers pour le compte du gouvernement du Canada ou en fiducie pour lui — d'acquérir et de détenir des actions. En conséquence, je ne puis faire droit à la prétention de la nation de Samson selon laquelle l'ancien par. 18(2) de la LGFP autorisait la Couronne à investir dans le marché public des valeurs mobilières. Nous devons donc nous en remettre à la Loi sur les Indiens pour déterminer si la Couronne avait le pouvoir d'investir les redevances.

(3) La Loi sur les Indiens

[99] La Loi sur les Indiens compte un certain nombre d'articles sous la rubrique « Administration de l'argent des Indiens », à savoir les art. 61 à 69. Le paragraphe 61(1) dispose :

L'argent des Indiens ne peut être dépensé qu'au bénéfice des Indiens ou des bandes à l'usage et au profit communs desquels il est reçu ou détenu, et, sous réserve des autres dispositions de la présente loi et des clauses de tout traité ou cession, le gouverneur en conseil peut décider si les fins auxquelles l'argent des Indiens est employé ou doit l'être, est à l'usage et au profit de la bande.

La question est celle de savoir si le mot « dépensé » autorise la Couronne à investir l'argent des Indiens détenu dans le Trésor.

[100] Les bandes font valoir que la seconde partie du par. 61(1) — « le gouverneur en conseil peut décider si les fins auxquelles l'argent des Indiens est employé ou doit l'être, est à l'usage et au profit de la bande » — permet l'investissement des redevances parce que cette mesure serait à l'usage et au profit de la bande. Or, le paragraphe doit être considéré dans son ensemble (voir l'arrêt Barrie Public Utilities c. Assoc. canadienne de télévision par câble, 2003 CSC 28, [2003] 1 R.C.S. 476, par. 27). Considéré globalement, le paragraphe dispose que l'argent des Indiens ne peut être « dépensé » qu'à l'« usage et au profit » des bandes.

[101] C'est le contexte dans lequel un mot est employé qui doit être pris en compte pour déterminer son sens et sa portée. La signification du mot « dépensé » doit donc être circonscrite eu égard aux dispositions dans lesquelles il figure à la rubrique « Administration de l'argent des Indiens » constituée des art. 61 à 69. Le mot « dépensé(e) » ou « dépense » est utilisé aux art. 61, 64, 66 et 67 de la Loi sur les Indiens.

[102] L'article 62 établit une distinction entre l'argent du compte en capital et celui du compte de revenu. L'article 64 porte sur la dépense de l'argent du compte en capital, et l'art. 66 sur celle de l'argent du compte de revenu. Ce qu'il faut entendre par « dépense » de l'argent du compte en capital tient au contexte dans lequel ce mot est employé dans les dispositions portant sur cet argent.

[103] Le paragraphe 64(1) de la Loi sur les Indiens énonce qu'« [a]vec le consentement du conseil d'une bande, le ministre peut autoriser et prescrire la dépense de sommes d'argent au compte en capital de la bande » aux fins énumérées. Les dépenses qu'autorisent les al. 64(1)a) à j) comprennent la distribution per capita, la construction de routes et de ponts, la construction de clôtures de délimitation extérieure sur les réserves, l'achat de terrains devant constituer une réserve, l'achat des droits d'un membre de la bande sur les terrains d'une réserve, l'achat d'animaux et de matériel de ferme, l'établissement et l'entretien des améliorations ou ouvrages permanents, l'octroi de prêts aux membres de la bande, le paiement de frais accessoires à la gestion des terres d'une réserve et la construction de maisons dans une réserve. L'alinéa 64(1)k) autorise la dépense de sommes d'argent au compte en capital « pour toute autre fin qui, d'après le ministre, est à l'avantage de la bande ».

[104] Les alinéas 64(1)a) à j) visent clairement des dépenses (p. ex. pour la gestion de la réserve) ou des éléments d'actif (comme les terrains ou les maisons) qui sont physiquement liés à la réserve et aux activités qui s'y déroulent. Suivant le par. 64(1), dès que les fonds sont dépensés avec le consentement de la bande, leur gestion échappe à la Couronne, tout comme la possession ou l'administration des éléments d'actif acquis.

a) L'alinéa 64(1)k)

[105] L'alinéa 64(1)k) est le seul élément du par. 64(1) susceptible d'autoriser l'investissement des redevances. La question qui se pose est celle de savoir si l'investissement par la Couronne pourrait être assimilé à une « autre fin » au sens de l'al. 64(1)k). En Cour fédérale et en Cour d'appel fédérale, les bandes ont soutenu que l'al. 64(1)k) ne permettait pas l'investissement de ces sommes, mais que c'était plutôt le par. 61(1) qui l'autorisait. Il semble que les bandes aient craint que l'exigence, prévue au par. 64(1), que la Couronne obtienne leur consentement à toute dépense effectuée par prélèvement sur le Trésor atténue son obligation d'investir les redevances. Devant notre Cour, la nation d'Ermineskin fait maintenant valoir à titre subsidiaire que l'al. 64(1)k) autorise l'investissement des redevances par la Couronne.

[106] Je le répète, le par. 64(1) prévoit que le ministre peut autoriser et prescrire la « dépense » de l'argent du compte en capital à un certain nombre de fins. La règle ejusdem generis veut que la dépense autorisée à l'al. 64(1)k) soit du même ordre que celles énumérées aux alinéas précédents. Les dépenses ont une caractéristique commune : dès qu'elles sont effectuées, la Couronne n'a plus de droit de regard sur les fonds prélevés ou sur les biens acquis ni aucune obligation de gestion s'y rattachant. Par conséquent, cette absence de droit de regard ou d'obligation de gestion vaudrait aussi pour les dépenses effectuées et les éléments d'actif acquis sur le fondement de l'al. 64(1)k).

[107] L'intervenante Assemblée des Premières Nations a soutenu en plaidoirie que le par. 64(1) renferme trois alinéas touchant l'investissement, de sorte que le contexte du par. 64(1) ne devrait pas empêcher l'investissement fondé sur l'al. 64(1)k). Elle cite l'al. 64(1)g), qui prévoit l'établissement et l'entretien des améliorations ou des ouvrages permanents, l'al. 64(1)h), qui prévoit l'octroi de prêts aux membres de la bande, de même que la perception d'intérêts et l'obtention de gages à cet égard, et l'al. 64(1)j), qui prévoit l'octroi de prêts aux membres de la bande aux fins de construction. Or, ces dépenses visent des éléments d'actif situés sur la réserve. Il ne s'agit pas de placements détenus, gérés et administrés par la Couronne.

[108] Les alinéas dont l'objet s'apparente le plus à l'investissement effectué et géré par la Couronne sont les al. 64(1)h) et j), qui disposent que des prêts peuvent être consentis aux membres de la bande et, dans le cas de l'al. h), que des intérêts peuvent être perçus et des gages obtenus. Le dossier ne précise pas si les arrangements relatifs au prêt et à la garantie interviennent entre la Couronne et le membre de la bande ou entre la bande et l'un de ses membres. De toute manière, il est évident que ces arrangements ne sont qu'accessoires à la fin première de la dépense, à savoir fournir des avantages et un appui tangibles à la bande ainsi qu'à ses membres. En effet, la perception d'intérêts et l'obtention d'une garantie étant discrétionnaires, on peut difficilement y voir un indice d'investissement prudent. Les alinéas 64(1)h) et j) visent l'amélioration physique de la réserve, la construction de maisons et l'octroi de prêts aux membres de la bande. Ils ne prévoient pas l'investissement effectué et géré par la Couronne pour en tirer un revenu.

[109] L'alinéa 64(1)k) est une disposition formulée d'une manière très générale et, dans l'abstrait, il pourrait englober tout motif de dépenser des fonds. Toutefois, je le rappelle, suivant la règle ejusdem generis, les dépenses visées à l'al. 64(1)k) sont du même ordre que celles énumérées précédemment. La dépense effectuée pour investir dans des valeurs ou des titres détenus et gérés par la Couronne est étrangère au contexte du par. 64(1) et, à mon avis, elle n'est pas envisagée à l'al. 64(1)k).

b) Autres dispositions relatives à l'administration de l'argent

[110] À la rubrique « Administration de l'argent des Indiens », d'autres dispositions prévoient le versement de sommes d'argent à des personnes par prélèvement sur le compte en capital. L'article 63 autorise le versement à un Indien de sommes touchées en application d'un bail ou d'une entente conclu sous le régime de la Loi sur les Indiens. Le paragraphe 64(2) permet des dépenses sur les sommes d'argent au compte de capital en vue de faire des paiements à toute personne dont le nom a été retranché de la liste de la bande. Le paragraphe 66(3) dispose que le ministre peut autoriser la dépense de sommes d'argent du compte de revenu pour les objets qui y sont énumérés, dont la destruction d'herbes nuisibles, d'insectes et de parasites, la prophylaxie de maladies, l'inspection des locaux et la prévention de leur surpeuplement, leur salubrité, ainsi que la construction et l'entretien de clôtures de délimitation, toujours dans une réserve. L'article 68 autorise les paiements « de rentes ou d'intérêts » auxquels a droit un Indien et qui, dans certains cas précis, serviront au soutien de l'époux, du conjoint de fait ou de sa famille. L'emploi du mot « intérêts » à l'art. 68 permet encore de conclure que le législateur s'attendait à ce que l'argent versé au Trésor aux fins de « paiement » ou de « dépense » suivant la Loi sur les Indiens porte intérêt, et non qu'il soit investi.

[111] Aucun des art. 61 à 69 de la Loi sur les Indiens n'envisage que l'argent des Indiens fasse l'objet de placements effectués, détenus et administrés par la Couronne.

c) Les modifications de 1951

[112] Avant sa modification en 1951, la Loi sur les Indiens autorisait expressément le gouverneur en conseil à investir l'argent des Indiens. Voici le texte de l'ancien art. 92 de la Loi des Indiens, S.R.C. 1927, ch. 98 :

À l'exception de la somme, n'excédant pas cinquante pour cent du produit d'une terre, de bois de construction ou d'autres biens qu'il est convenu, lors de la rétrocession, de verser aux membres de la bande y intéressée, le gouverneur en son conseil peut, sous réserve des dispositions de la présente Partie, prescrire comment, de quelle manière et par qui les deniers provenant de l'aliénation ou de la vente de terres indiennes, ou de biens tenus ou à tenir en fiducie pour les Indiens, ou de bois de construction sur les terres ou dans les réserves indiennes, ou provenant de toute autre source au bénéfice des Indiens, doivent être placés à toute époque, et il peut prescrire le mode de versement ou de secours auxquels les Indiens ont droit.

[113] Abrogée en 1951 (Loi sur les Indiens, S.C. 1951, ch. 29, art. 123), cette disposition n'a été remplacée par aucune autre autorisant le placement. L'Assemblée des Premières Nations soutient que le pouvoir d'investir que conférait auparavant la Loi sur les Indiens s'est retrouvé à l'al. 64(1)k) dès 1951 (qui correspondait alors à l'al. 64(1)j)). Toutefois, une disposition sur les dépenses très semblable à l'actuel par. 64(1) existait déjà avant les modifications de 1951 et l'abrogation de la disposition sur le placement. Il s'agit de l'ancien art. 93, S.R.C. 1927, ch. 98, dont voici le texte :

Le gouverneur en son conseil peut, du consentement d'une bande, autoriser et prescrire l'emploi de capitaux portés au crédit de la bande, à l'achat de terrains devant servir de réserve à la bande ou augmenter sa réserve, ou à l'achat de bestiaux, d'instruments aratoires ou de machines pour la bande, ou à l'exécution d'améliorations permanentes dans la réserve de la bande, ou aux travaux dans la réserve ou connexes à la réserve, qu'il estime devoir procurer une valeur permanente, ou qui, après leur achèvement, représenteront un capital effectif, ou à faire des prêts aux membres de la bande afin de favoriser le progrès; toutefois, ces prêts ne doivent pas être supérieurs à la moitié de la valeur estimative de l'intérêt de l'emprunteur dans les terres qu'il détient.

[114] La confrontation de l'ancien art. 93 et de l'actuel par. 64(1) de la Loi sur les Indiens révèle que le second correspond à une version élargie du premier. Chacune des dépenses permises à l'art. 93 se retrouve dans le nouveau par. 64(1), ce à quoi s'ajoutent quelques dépenses supplémentaires et l'expression « pour toute autre fin » employée à l'al. 64(1)k).

[115] Avant 1951, le législateur envisageait des dispositions distinctes pour les dépenses et les placements. On ne peut inférer que son intention était de reprendre, à l'al. 64(1)k), le pouvoir exprès de la Couronne de placer l'argent qu'il avait supprimé. L'alinéa 64(1)k) confère un pouvoir général et non spécifique de dépenser qui suit l'énumération de dépenses ou d'acquisitions à l'égard desquels la Couronne n'a aucun pouvoir ni aucune obligation. Après avoir abrogé la disposition autorisant expressément l'investissement, le législateur n'a pu vouloir préserver ce pouvoir au moyen de la disposition supplétive d'un article sur la « dépense » de sommes d'argent.

[116] L'absence de tout régime législatif régissant l'investissement de l'argent des Indiens est également révélateur. Comme le signale la Cour d'appel de l'Ontario dans l'arrêt Authorson, [traduction] « [l]orsque le législateur a autorisé l'investissement sur les marchés extérieurs, il l'a fait expressément au moyen de régimes législatifs complexes » (par. 108). La Loi sur les Indiens n'établit aucun régime législatif complexe de cette nature.

[117] Un autre indice de l'intention du législateur réside dans l'omission de la Couronne d'investir l'argent des Indiens, entre 1859 et 1951, et dans son choix de verser de l'intérêt à un taux oscillant entre 3 et 6 p. 100. Il est raisonnable d'inférer de l'abrogation du pouvoir d'investir prévu dans la Loi sur les Indiens que le législateur voulait rendre la loi conforme à la pratique établie.

[118] Les bandes font valoir que le législateur aurait pu, grâce au par. 4(2) de la Loi sur les Indiens, rendre inapplicables les art. 61 à 68. Si ces derniers étaient privés d'effet par proclamation, le pouvoir d'investir de la Couronne ne connaîtrait aucune limitation législative. Le paragraphe 4(2) est rédigé comme suit :

(2) Le gouverneur en conseil peut, par proclamation, déclarer que la présente loi, ou toute partie de celle‑ci, sauf les articles 5 à 14.3 et 37 à 41, ne s'applique pas :

a) à des Indiens ou à un groupe ou une bande d'Indiens;

b) à une réserve ou à des terres cédées, ou à une partie y afférente.

Il peut en outre, par proclamation, révoquer toute semblable déclaration.

[119] Toutefois, un tel recours au par. 4(2) aurait eu pour effet de rendre inapplicables les dispositions en question de la Loi sur les Indiens à toute fin liée à la dépense de l'argent du compte en capital et du compte de revenu des bandes en cause, et non seulement en ce qui a trait à l'investissement de leurs redevances. Par l'adoption de ces dispositions sur l'administration de l'argent, le législateur a créé un code complet de gestion de l'argent des Indiens. L'inapplicabilité des dispositions sur l'administration de l'argent aurait donc de graves conséquences, dont la suppression de l'obligation légale de la Couronne d'obtenir le consentement des bandes pour la dépense des sommes détenues dans le Trésor. Il n'aurait pas été réaliste que le législateur recoure au par. 4(2) comme le préconisent les bandes vu l'incidence considérable d'une telle mesure.

(4) Le paragraphe 21(1) de la Loi sur la gestion des finances publiques

[120] L'intervenante Première Nation du Lac Seul soutient que la LGFP et la Loi sur les Indiens ne modifient pas l'obligation de la Couronne en tant que fiduciaire de common law. Elle fait valoir qu'un « investissement » n'est pas une « dépense », que l'art. 64 de la Loi sur les Indiens ne s'applique pas et que la Loi sur les Indiens ne constitue donc pas une loi « applicabl[e] » au sens de l'art. 21 de la LGFP. En conséquence, l'art. 21 confère à la Couronne le pouvoir général de prélever des sommes sur le Trésor pour s'acquitter de ses obligations à titre de fiduciaire de common law, notamment pour investir.

[121] Je ne puis faire droit à cette prétention. Suivant le paragraphe 21(1) de la LGFP, des fonds ne peuvent être prélevés sur le Trésor que « sous réserve des lois applicables ». Le législateur ne peut avoir voulu que la Couronne conserve le pouvoir unilatéral de prélever des sommes sur l'argent des Indiens détenu dans le Trésor sans le consentement des bandes et à des fins non prévues dans la Loi sur les Indiens. Faire fi de l'exigence du consentement des bandes serait contraire à l'esprit de la Loi sur les Indiens, qui vise à reconnaître aux Indiens un droit accru à l'autodétermination, tout en protégeant leurs intérêts. Dans l'arrêt McDiarmid Lumber Ltd. c. Première Nation de God's Lake, 2006 CSC 58, [2006] 2 R.C.S. 846, la juge en chef McLachlin renvoie aux débats de la Chambre des communes sur la réforme de la Loi sur les Indiens de 1951. Dans cette affaire, le litige portait sur les dispositions de la Loi sur les Indiens prévoyant l'insaisissabilité de biens situés sur une réserve. Or, ces dispositions n'étaient pas le seul sujet de préoccupation du Parlement en 1951. Comme la juge en chef le fait observer au par. 55, lors des débats de la Chambre des communes sur la réforme proposée, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration d'alors, Walter Edward Harris, a résumé l'enjeu en termes généraux :

Il s'agit de répartir l'administration de la loi sur les Indiens de façon à accorder à tous les Indiens du pays la liberté d'action et l'autonomie administrative qui paraîtront opportunes, tout en nous assurant, dans l'intervalle, l'autorité législative dont nous avons besoin pour les protéger et les aider.

(Débats de la Chambre des communes, vol. II, 4e sess., 21e lég., 16 mars 1951, p. 1380)

[122] La loi applicable est la Loi sur les Indiens, car celle‑ci encadre la possession et la gestion de l'argent des Indiens. Elle ne permet pas la dépense ou le versement de cet argent à d'autres fins que celles énumérées, non plus que son investissement.

[123] Il appert du libellé de la Loi sur les Indiens et des modifications législatives qui y ont été apportées en 1951 que la Couronne ne pouvait plus dès lors placer l'argent des Indiens, ni administrer et gérer le placement de cet argent.

E. Obligations fiduciales de la Couronne envers les bandes

[124] Il faut maintenant déterminer si les mesures prises par la Couronne sur le fondement de la LGFP et de la Loi sur les Indiens, dont le recours à la formule applicable à l'argent des Indiens, étaient compatibles avec ses obligations fiduciales envers les bandes.

[125] Un principe fondamental sous‑tendant la relation fiduciale veut que le fiducial doive agir [traduction] « uniquement au bénéfice de l'autre, en faisant totalement abstraction de ses propres intérêts » (Waters, Gillen et Smith, p. 877). Il s'agit de l'obligation de loyauté, qui exige du fiducial qu'il évite tout conflit d'intérêts. Le fiducial doit se soustraire à toute situation où son obligation d'agir au seul bénéfice de la fiducie et de ses bénéficiaires entre en conflit avec ses propres intérêts ou ses obligations envers un tiers (voir Waters, Gillen et Smith, p. 877, et l'arrêt Lac Minerals Ltd. c. International Corona Resources Ltd., [1989] 2 R.C.S. 574, p. 646‑647).

[126] En common law, le fiduciaire ne peut emprunter une somme à la fiducie, car il en résulterait un conflit d'intérêts. Les bandes font valoir que la Couronne s'est placée en situation de conflit d'intérêts et qu'elle a donc manqué à ses obligations fiduciales envers elles en déposant leurs redevances au Trésor et en les gardant à sa disposition. À leur avis, le versement des redevances au Trésor et leur mise à la disposition de la Couronne équivalaient à un « prêt forcé » qui, en l'absence de leur consentement, était irrégulier ou illicite.

[127] La situation de la Couronne en tant que fiducial est unique en ce qui concerne les redevances et le paiement d'intérêts. La Couronne emprunte l'argent des bandes déposé dans le Trésor, mais cet emprunt est exigé par la loi. En effet, suivant le par. 61(2) de la Loi sur les Indiens, « [l]es intérêts sur l'argent des Indiens détenu au Trésor sont alloués au taux que fixe le gouverneur en conseil. » Comme le font remarquer les juges majoritaires de la Cour d'appel fédérale, cet emprunt « constitue une conséquence inévitable de l'effet combiné de la Loi sur les Indiens et de la Loi sur la gestion des finances publiques » (par. 120).

[128] On ne saurait dire du fiducial qui se conforme à la loi qu'il manque à son obligation fiduciale. La situation que les bandes qualifient de conflit d'intérêts est une conséquence inhérente au régime législatif et elle est de ce fait inévitable.

[129] La situation de la Couronne lorsqu'elle fixe le taux de l'intérêt payé aux bandes est elle aussi unique. D'une part, elle a envers les bandes des obligations fiduciales, dont celles de faire preuve de loyauté et d'agir au mieux de leurs intérêts. D'autre part, elle doit payer l'intérêt dû aux bandes par prélèvement sur le trésor public, à savoir l'argent des contribuables. La Couronne a des obligations envers l'ensemble des Canadiens et une pondération des divers intérêts en jeu s'impose inévitablement.

[130] Comme le dit le juge Binnie dans l'arrêt Bande indienne Wewaykum c. Canada, 2002 CSC 79, [2002] 4 R.C.S. 245, par. 96, « [l]a Couronne ne saurait être un fiducia[l] ordinaire; elle agit en plusieurs qualités et représente de nombreux intérêts, dont certains sont immanquablement opposés ». En l'espèce, la Couronne doit prendre en considération non seulement les intérêts des bandes, mais également ceux des autres Canadiens lorsqu'elle fixe le taux de l'intérêt payé aux bandes.

[131] Suivant l'arrêt Fales, le soin exigé de la Couronne dans l'administration des fonds des Indiens est celui « qu'un bon père de famille apporte à l'administration de ses propres affaires » (le juge Dickson, p. 315). Toutefois, comme la Couronne « ne saurait être un fiducia[l] ordinaire », son obligation d'agir comme le ferait une personne avisée administrant ses propres affaires est façonnée par les lois applicables et les considérations susmentionnées.

F. Détermination de l'obligation de la Couronne de faire fructifier l'argent des bandes

[132] Dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire à titre de fiducial, la Couronne disposait d'un certain nombre d'options concernant l'intérêt payé aux bandes, dont l'adoption (1) d'un taux fixe ajustable périodiquement, (2) d'un taux fondé sur le rendement des bons du Trésor à court terme, (3) d'un taux équivalant au rendement d'un portefeuille diversifié, (4) d'un taux lié au rendement des obligations à long terme du gouvernement rajusté périodiquement ou (5) d'un taux équivalant au rendement des obligations à long terme du gouvernement garanti jusqu'à l'échéance, soit le rendement d'un portefeuille échelonné d'obligations.

(1) Taux fixe

[133] De 1859 à 1969, la Couronne a versé sur l'argent des Indiens des intérêts à un taux fixe rajusté périodiquement. La formule est simple à comprendre et à appliquer, mais elle ne tient pas compte des fluctuations du taux d'inflation au moment où elles surviennent, car la modification du taux d'intérêt nécessite l'adoption d'un nouveau décret et, par conséquent, la consultation des bandes concernées. Nul ne préconise l'application de cette formule, de sorte qu'il n'y a pas lieu de s'y attarder davantage.

(2) Rendement des bons du Trésor à court terme

[134] Un taux lié au rendement des bons du Trésor à court terme présente l'avantage de mettre des liquidités à la dispositions des bandes. Il diminue également le coût d'emprunt étant donné que l'intérêt sur un prêt à court terme est généralement moins élevé que l'intérêt sur un prêt à long terme. Cependant, cette formule ne tient pas compte du fait qu'au moins une partie des redevances des bandes serait néanmoins détenue dans le Trésor à plus long terme. La Couronne fait état du rendement des bons du Trésor à court terme pour montrer que les bandes ont touché un intérêt bien supérieur, mais elle ne privilégie pas un taux d'intérêt fondé sur ce rendement.

(3) Rendement d'un portefeuille diversifié

[135] Les bandes font valoir que si le régime législatif l'empêchait d'investir les redevances, la Couronne aurait dû néanmoins payer de l'intérêt aux bandes à un taux équivalant au rendement qu'elles auraient obtenu si leurs fonds avaient été placés dans un portefeuille diversifié. Dans son mémoire, la nation d'Ermineskin soutient que [traduction] « la Couronne aurait pu et aurait dû [la] faire bénéficier d'un rendement équivalent à celui qu'elle aurait touché en investissant prudemment » (par. 177).

[136] Un fiducial n'est pas tenu d'assurer au bénéficiaire, en puisant dans ses propres ressources, le rendement qu'il aurait pu obtenir si son pouvoir discrétionnaire n'avait pas été limité par voie législative ou contractuelle. Exiger de la Couronne qu'elle paie de l'intérêt à un taux équivalant au rendement qu'aurait procuré l'investissement dans un portefeuille diversifié l'obligerait, en qualité de fiducial, à verser, par prélèvement sur le trésor public, le rendement que la loi l'empêchait d'obtenir, ce qu'elle ne saurait être tenue de faire.

(4) Taux variable fondé sur le rendement des obligations à long terme du gouvernement

[137] Suivant la formule de fixation du taux d'intérêt qu'elle a adoptée en 1969, puis décidé de conserver en 1981, la Couronne appliquait un taux variable qui, au début, était rajusté mensuellement puis, dès 1981, trimestriellement. Le taux d'intérêt était lié au rendement sur le marché des obligations du gouvernement à échéance de 10 ans ou plus. Vu la corrélation habituelle entre les taux d'intérêt et le taux d'inflation prévu, le rajustement trimestriel offrait une certaine protection contre l'inflation.

[138] Cette option mettait des liquidités à la disposition des bandes, qui obtenaient le rendement d'une obligation à long terme sans courir le risque lié à l'immobilisation de fonds sur une longue période. Les taux d'intérêt pouvaient baisser, auquel cas les bandes ne profitaient pas des avantages d'un taux d'intérêt immobilisé, mais ils pouvaient aussi grimper. Ainsi, advenant le relèvement des taux d'intérêt, les bandes voyaient l'ensemble de leurs fonds en bénéficier dans les trois mois au lieu d'être immobilisés à des taux inférieurs sur de longues périodes.

[139] Les mesures prises par la Couronne ne peuvent être jugées après coup. Dans l'arrêt Rivière Blueberry, la juge McLachlin (maintenant Juge en chef) conclut que la vente par la Couronne des terres en cause au Directeur de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants ne constituait pas un manquement à son obligation fiduciale. Un certain nombre de possibilités d'aliénation des terres étaient envisagées et « [o]n a accordé la plus grande attention aux intérêts et aux désirs des Indiens avant de décider » (par. 51). Elle ajoute, toujours au par. 51 :

À l'époque, [la vente des terres constituait] un choix défendable. De fait, on peut prétendre que la vente des droits de superficie était la seule solution qui répondait au besoin manifeste de la bande d'obtenir des terres plus près de ses sentiers de piégeage. Avec le recul du temps, compte tenu du déclin du piégeage et de la découverte de pétrole et de gaz, il est possible d'affirmer que la vente des terres s'est révélée une décision malencontreuse. Toutefois, à l'époque, elle pouvait se défendre en tant que solution raisonnable aux problèmes auxquels la bande faisait alors face.

[140] En l'espèce, compte tenu des autres possibilités qui s'offraient à elle, on ne peut dire qu'en optant pour un taux variable, la Couronne a fait preuve d'imprudence ou n'a pas agi au mieux des intérêts des bandes. La formule mettait en effet des liquidités à la disposition des bandes et protégeait le capital contre l'inflation et le risque lié à son immobilisation. On ne saurait affirmer qu'une personne prudente administrant ses propres affaires et assujettie aux mêmes contraintes légales que la Couronne n'aurait pas opté pour cette formule.

(5) Portefeuille échelonné d'obligations

[141] La nation de Samson fait valoir qu'au lieu d'investir les redevances dans un portefeuille diversifié, la Couronne aurait pu les placer dans un portefeuille échelonné d'obligations.

[142] Dans ce cas, les fonds des bandes détenus dans le Trésor sont considérés comme des fonds investis dans des obligations du gouvernement comportant des échéances échelonnées sur plusieurs années. L'objectif consiste à tirer avantage du rendement supérieur des obligations à long terme tout en assurant l'accès à des liquidités grâce à l'échelonnement des échéances. Au départ, cet échelonnement peut se faire par le placement de montants égaux dans des obligations venant à échéance dans un an, deux ans, trois ans et chaque année subséquente, jusqu'à concurrence d'un maximum déterminé par le fiduciaire.

[143] Chaque année, le produit des obligations échues est investi dans des obligations venant à échéance après la période d'échelonnement. Si les échéances sont réparties sur 20 ans, chaque année, le produit des obligations échues est investi dans des obligations échéant 20 ans plus tard.

[144] Chaque année, les bandes peuvent disposer non seulement de l'intérêt versé, mais aussi du produit des obligations échues lorsque leurs besoins de liquidités à quelque fin font en sorte qu'il n'y a pas de réinvestissement. Au besoin, les obligations peuvent être vendues avant l'échéance, mais aux prix alors offerts sur le marché. En pareil cas, l'équilibre du portefeuille échelonné est évidemment compromis, mais il peut être rétabli grâce aux nouvelles redevances versées au Trésor.

[145] La nation de Samson soutient qu'un portefeuille échelonné d'obligations aurait rapporté plus que la formule du taux rajusté adoptée par la Couronne, car les rendements substantiels obtenus en période d'inflation élevée, notamment dans les années 1970 et 1980, auraient été maintenus pendant la durée des obligations. Elle a raison sur ce point. Cependant, on ne peut l'affirmer aujourd'hui qu'avec le recul. À la fin des années 1980, l'inflation et les taux d'intérêt étaient à la baisse. Depuis la fin des années 1990, et particulièrement pendant la première décennie du 21e siècle, les taux d'intérêt sont demeurés bas et relativement stables. Mais on ne peut prévoir l'évolution de l'inflation et des taux d'intérêt. Si ceux‑ci avaient augmenté pendant une certaine partie de la période considérée, l'investissement dans un portefeuille échelonné aurait alors été désavantageux. Cette stratégie d'investissement n'est donc pas sans risques.

[146] L'investissement dans un portefeuille échelonné d'obligations aurait certes procuré de meilleurs rendements que la formule retenue. Toutefois, même si le recul permet de constater que les rendements auraient pu être plus élevés, la Couronne n'a pas pour autant manqué à ses obligations fiduciales envers les bandes en optant pour une solution tout aussi prudente, à savoir celle du taux variable fondé sur le rendement des obligations à long terme du gouvernement.

(6) Conclusion concernant la formule retenue par la Couronne

[147] Il ressort de l'examen des autres solutions possibles qu'un taux fondé sur le rendement de titres à court terme n'aurait pas été au mieux des intérêts des bandes lorsque la Couronne aurait pu payer un intérêt plus élevé compte tenu de ses emprunts diversifiés. Un taux d'intérêt fixe n'aurait pas eu la souplesse voulue pour tenir compte de la fluctuation des taux d'intérêt et de l'inflation. Par ailleurs, le trésor public aurait dû subventionner le paiement d'un intérêt équivalant au rendement d'un portefeuille diversifié. Le fiducial n'a pas à puiser dans ses propres ressources, en l'occurrence le trésor public, pour bonifier le rendement qu'il peut verser eu égard aux contraintes légales.

[148] Les deux choix qu'aurait pu faire une personne prudente administrant ses propres affaires, mais tenant compte des contraintes applicables à la Couronne, étaient celui du taux d'intérêt variable, appliqué par la Couronne, et celui du portefeuille échelonné d'obligations. Lorsque la formule applicable à l'argent des Indiens a été adoptée en 1969, les taux d'intérêt étaient à la hausse. Vu la tendance à la baisse observée depuis les années 1980, on peut dire avec le recul qu'un portefeuille échelonné aurait dès lors permis aux bandes de toucher un rendement supérieur au taux variable fondé sur les obligations à long terme du gouvernement, taux pour lequel la Couronne a opté. Cependant, le respect des obligations fiduciales de la Couronne doit être considéré prospectivement.

[149] Comme elle ne pouvait connaître à l'avance l'évolution des taux d'intérêt et de l'inflation, la Couronne n'a pas fait preuve d'imprudence en optant pour un taux variable fondé sur le rendement des obligations à long terme du gouvernement. C'était un moyen de se prémunir contre le risque de fluctuation des taux d'intérêt et de l'inflation. Selon moi, en appliquant la formule du taux variable à l'argent des Indiens, la Couronne n'a pas manqué à son obligation fiduciale envers les bandes.

G. Transfert de sommes d'argent aux bandes

[150] Au lieu de verser de l'intérêt, la Couronne aurait pu choisir de transférer les sommes d'argent aux bandes ou à un fiduciaire indépendant, qui auraient pu ensuite les investir sans immixtion de la Couronne. Les bandes disent avoir exigé maintes fois que leur argent leur soit versé directement ou à un fiduciaire indépendant, mais avoir essuyé un refus. Cette affirmation ne vise pas à appuyer l'allégation de manquement à l'obligation fiduciale comme telle. Les bandes font simplement valoir que la Couronne a refusé non seulement d'investir les redevances, mais également de leur permettre de le faire.

[151] Devant notre Cour, les parties prétendent que l'al. 64(1)k) de la Loi sur les Indiens autorise la Couronne à transférer l'argent du compte en capital soit aux bandes, soit à un fiduciaire indépendant pour leur compte. Un transfert de fonds constitue une « dépense », car l'argent n'est plus détenu en fiducie par la Couronne. Je partage cet avis.

[152] Toutefois, la Couronne ne peut pas simplement transférer les fonds. Suivant ses obligations fiduciales et l'al. 64(1)k) de la Loi sur les Indiens, il lui faut être convaincue que l'opération sert au mieux les intérêts des bandes. Une fois les fonds transférés, la Couronne n'a plus d'obligations fiduciales à leur égard, car elle n'a plus de droit de regard ni d'obligation de gestion s'y rattachant. Il est donc nécessaire d'examiner l'historique des rapports entre les bandes et la Couronne pour déterminer si cette dernière aurait dû transférer tout ou partie des fonds aux bandes.

(1) La nation de Samson

[153] En février et en avril 1980, la nation de Samson a demandé le transfert, par prélèvement sur son compte en capital, de la somme de 35 millions de dollars destinée à la mise sur pied de la fiducie Peace Hills. La Couronne a accédé à sa demande. Il appert que lors du versement de la somme, les représentants du MAINC croyaient que l'opération servait au mieux les intérêts de la nation de Samson. Toutefois, un rapport établi pour celle‑ci en décembre 1979 par les conseillers en gestion P. S. Ross & Partners conclut que [traduction] « [l]a planification à long terme, notamment financière, fait défaut à toute l'organisation. » En voici un autre extrait :

[traduction] De plus, plusieurs décisions financières importantes ne sont pas prises dans le cadre d'un plan d'ensemble, avec des objectifs précis, mais plutôt de façon émotive, compte tenu uniquement des éventuels avantages à court terme. Les répercussions que ces investissements pourraient avoir à long terme ne sont pas vraiment prises en compte. [d.i., p. 2514]

[154] En décembre 1980, la nation de Samson a demandé le transfert à la fiducie Peace Hills du solde en entier de ses redevances détenues dans le Trésor. Lors de discussions entre ses représentants et ceux de la nation de Samson en 1981, le MAINC a dit avoir besoin au préalable de renseignements supplémentaires. Seulement une partie de ces renseignements lui a été communiquée.

[155] Plus particulièrement, en avril 1981, le sous‑ministre adjoint des Affaires indiennes et inuits d'alors, Donald K. Goodwin, a fait parvenir au chef de la nation de Samson une lettre portant sur les résolutions du conseil de bande relatives au transfert des redevances. Il demandait des renseignements supplémentaires sur l'utilisation des 35 millions de dollars déjà versés pour la mise sur pied de la fiducie Peace Hills, car [traduction] « [r]ien n'indique que les fonds ont été dépensés aux fins approuvées, ni même que les fonds sont administrés par la société de fiducie » (d.i., p. 2541). La lettre visait l'obtention de renseignements sur l'affectation de ces fonds, notamment le montant et la nature des dépôts et des placements touchant la fiducie Peace Hills, ainsi que le rendement de ces dépôts ou placements.

[156] M. Goodwin demandait également la preuve de l'approbation du transfert par les membres de la nation de Samson. Le MAINC avait auparavant demandé copie du procès‑verbal de l'assemblée attestant le large appui de la bande au transfert du solde des fonds détenus dans le Trésor. La bande n'avait toutefois pas accédé à sa demande. Par ailleurs, comme la fiducie Peace Hills n'avait été autorisée qu'en janvier 1981, son rendement ne pouvait être établi que sur quelques mois d'activité. M. Goodwin demandait copie des états financiers intermédiaires et des accords de gestion entre la nation de Samson et la fiducie Peace Hills. Enfin, il rappelait que les résolutions pertinentes du conseil de bande étaient ambiguës et il demandait des renseignements plus précis sur l'utilisation projetée des fonds.

[157] Il appert de la lettre que le MAINC avait à l'esprit les obligations fiduciales de la Couronne envers la nation de Samson :

[traduction] Il est dans l'intérêt de tous, et des membres de la bande en particulier, que nous obtenions tous les renseignements requis afin de déterminer au mieux si, premièrement, les propositions respectent les contraintes du ministre suivant l'article 64 de la Loi sur les Indiens, deuxièmement, si elles servent au mieux les intérêts des membres de la bande et, troisièmement, si elles sont conformes aux obligations fiduciales du ministre. [d.i., p. 2543]

[158] Une note de service datée du 29 mai 1981 indique que le MAINC ne jugeait pas satisfaisante la réponse de la nation de Samson à sa demande de précisions (d.i., p. 2556‑2559). Fait important, le MAINC s'interrogeait toujours sur l'utilisation des 35 millions de dollars déjà transférés à la bande et se demandait pourquoi environ 18 millions de dollars étaient détenus au nom de Robert F. Roddick (un dirigeant de la fiducie Peace Hills) « en fiducie » pour la nation de Samson.

[159] En octobre 1981, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien d'alors, John C. Munro, a adressé à la nation de Samson une lettre faisant état de ses préoccupations concernant l'existence de certificats de placement garantis d'une valeur de 18 millions de dollars établis au nom de R. F. Roddick en fiducie pour la bande indienne de Samson. M. Roddick étant un dirigeant de la fiducie Peace Hills, le vérificateur général et le Département des Assurances jugeaient la situation [traduction] « très irrégulière ». Voici un extrait de la lettre :

[traduction] Étant donné le refus de la bande indienne de Samson de conclure une convention de fiducie pour la gestion des 18 millions de dollars déposés auprès de la fiducie Peace Hills, nous n'avons d'autre choix que de demander à votre conseil de rendre la somme au receveur général pour qu'il la dépose dans votre compte. [d.i., p. 2860]

[160] Le dossier n'indique pas que la somme de 18 millions de dollars a été rendue ou qu'une explication satisfaisante a été donnée en ce qui concerne l'utilisation des 35 millions de dollars déjà transférés.

[161] Le transfert du solde des fonds de la bande de Samson détenus dans le Trésor n'a pas eu lieu.

[162] En 1983, la nation de Samson a proposé que 50 millions de dollars soient prélevés de son compte en capital dans le Trésor pour mettre sur pied sa propre fiducie patrimoniale (d.i., p. 2753). La somme devait financer des projets d'habitation dans la réserve, et la fiducie Peace Hills devait tenir lieu de bailleur de fonds. Or, comme l'atteste une lettre du vice‑président de la fiducie Peace Hills, Roy Louis (d.i., p. 2763), rien n'a été fait en raison de [traduction] « difficultés internes ». Le dossier révèle que c'est la bande qui connaissait de telles difficultés. Pendant toute cette période, le MAINC a tenté en vain d'obtenir une explication valable du fait que 18 millions de dollars, prélevés sur les 35 millions de dollars versés précédemment, étaient détenus par M. Roddick en fiducie pour la bande.

[163] En 1986, la nation de Samson a une fois de plus proposé la création d'une fiducie patrimoniale. Cependant, il semble qu'aucun transfert n'ait jamais eu lieu à cause de divergences au sein du conseil de bande.

[164] En 1990, la nation de Samson a demandé à la Cour fédérale de nommer un administrateur‑séquestre pour gérer l'argent de son compte en capital détenu dans le Trésor. Les négociations se sont poursuivies en vue d'arriver à un accord de transfert, mais la Couronne exigeait un plan financier. En janvier 1992, le juge en chef adjoint Jerome a rejeté la demande de la bande (d.i., p. 4121‑4124), ordonnant la poursuite des négociations. Toutefois, lors des négociations qui ont suivi, la nation de Samson n'a pas présenté de plan financier de nature à convaincre la Couronne que le transfert servait au mieux les intérêts de la bande. La Couronne a continué d'exiger un tel plan financier, mais aussi l'assurance qu'elle serait libérée de toute obligation à l'égard des fonds après le transfert et la consultation des membres de la bande par référendum.

[165] En mars 1993, la Couronne a fait parvenir à la nation de Samson l'ébauche d'un acte de fiducie. En juin 1994, elle n'avait toujours pas reçu de réponse (lettre du cabinet Macleod Dixon, d.i., p. 4045‑4046). Or, il appert du dossier que les négociations se sont poursuivies jusqu'à ce que, en 1997, la Couronne fasse parvenir à la nation de Samson une ébauche d'ordonnance de transfert provisoire des fonds. Par la suite, les discussions ont porté sur l'ordonnance et le transfert éventuel.

[166] En février 2001, la Couronne a fait parvenir à la nation de Samson l'ébauche d'une proposition de transfert. Dans sa réponse datant d'avril 2002, la bande affirme que la Couronne n'a jamais eu l'intention véritable de transférer les fonds et que sa lettre de 2001 trahissait une absence de sincérité (d.i., p. 4392‑4393).

[167] Finalement, en 2005, pendant le procès, le juge Teitelbaum a énoncé les conditions du transfert à la nation de Samson de la gestion des sommes d'argent de son compte en capital détenues dans le Trésor. La nation de Samson s'est engagée à les respecter et la Couronne était disposée à aller de l'avant pour autant que la Cour fixe ces conditions et déclare que le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien pouvait légalement effectuer le transfert.

[168] Suivant les conditions établies par le juge Teitelbaum, la nation de Samson devait préparer et signer une convention de fiducie qui renfermait un plan financier détaillé exposant ses politiques en matière d'investissements et de dépenses, exonérer la Couronne de toute responsabilité future à l'égard de l'argent du compte en capital, consulter ses membres par référendum et soumettre à l'approbation du conseil de bande une résolution demandant le transfert du solde intégral de son compte en capital, sauf trois millions de dollars devant être conservés en vue du règlement de toute question encore en suspens (2005 CF 136, [2005] A.C.F. no 156 (QL)).

[169] La preuve révèle que tout au long des démêlés entre la nation de Samson et la Couronne, cette dernière appuyait les propositions de transfert visant la mise sur pied de la fiducie Peace Hills et de la fiducie patrimoniale de la bande. Toutefois, en raison de la difficulté d'obtenir des précisions sur l'utilisation des 35 millions de dollars déjà transférés et de l'omission de la nation de Samson de présenter des plans financiers valables et d'offrir quelque preuve de l'appui de ses membres, ainsi qu'à cause de divergences au sein du conseil de bande, la Couronne n'a pu s'assurer qu'il était au mieux des intérêts de la nation de Samson de transférer d'autres fonds.

[170] Eu égard à la preuve, je suis d'avis que la Couronne aurait été imprudente si elle avait acquiescé à des transferts supplémentaires avant l'ordonnance du juge Teitelbaum en 2005.

(2) La nation d'Ermineskin

[171] En 1983, la Couronne a invité la nation d'Ermineskin à envisager le transfert de sommes d'argent de son compte en capital détenues dans le Trésor afin qu'elle en assure elle‑même la gestion. En janvier 1985, lors d'une présentation au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien d'alors, David Crombie, les quatre bandes (dont celle d'Ermineskin) ont fait connaître leur projet de fiducie patrimoniale dont la mise sur pied nécessitait le prélèvement de fonds sur leur compte en capital (d.i., p. 2833‑2838). Dans une lettre adressée au chef Littlechild en novembre 1985, M. Crombie indiquait qu'aucune demande officielle de transfert n'avait encore été formellement présentée par la nation d'Ermineskin et qu'une décision ne pouvait être prise avant que le détail de la proposition ne soit connu (d.i., p. 3115‑3116).

[172] En septembre 1988, la nation d'Ermineskin a proposé au MAINC pour la première fois de manière formelle la création de sa fiducie patrimoniale. Elle a présenté à l'appui une résolution du conseil de bande, une ébauche d'acte de fiducie, une décision anticipée en matière d'impôt sur le revenu et un document de planification à long terme. Le MAINC était favorable à la proposition, mais il s'interrogeait toujours sur sa responsabilité et sur son pouvoir d'autoriser le transfert en vertu de la Loi sur les Indiens.

[173] Un certain nombre d'échanges ont eu lieu entre la Couronne et la nation d'Ermineskin. Un plan a finalement vu le jour pour l'adoption d'une loi visant la nation d'Ermineskin et satisfaisant la Couronne quant à son pouvoir légal d'effectuer le transfert. La nation d'Ermineskin s'est vu transmettre l'ébauche des instructions relatives à la rédaction de la loi, et la Couronne a retenu la plupart de ses remarques.

[174] Il appert du dossier qu'avant de transférer l'argent du compte en capital, du Trésor à la fiducie patrimoniale d'Ermineskin, la Couronne voulait être totalement libérée de ses obligations à l'égard de cet argent. Or, lors d'une réunion au début de l'année 1990, le conseil de bande de la nation d'Ermineskin a abandonné son projet de fiducie patrimoniale parce qu'il n'était pas disposé à exonérer la Couronne de toute responsabilité future à l'égard de la gestion des fonds transférés (d.i., p. 3582‑3585).

[175] En janvier 1991, dans sa proposition concernant la gestion de l'argent des Indiens, la nation d'Ermineskin disait souhaiter analyser elle‑même les diverses options pour la gestion des fonds (d.i., p. 3683). Le dossier n'indique pas que d'autres mesures ont été prises par la suite.

[176] En novembre 1990, la Couronne a créé le comité sur la gestion de l'argent des Indiens afin que les Autochtones puissent participer à la réforme législative apparemment jugée nécessaire pour que leur soit confiée la gestion des sommes d'argent provenant de leur compte en capital. La nation d'Ermineskin y a participé activement. Le comité a recommandé l'adoption d'une loi permettant aux bandes de se soustraire à l'application de la Loi sur les Indiens et de gérer leur propre argent. La Couronne a accepté la plupart des recommandations du comité, et la rédaction de la loi a été entreprise.

[177] En mai 1992, la nation d'Ermineskin a intenté son action contre la Couronne. Le processus de rédaction s'est néanmoins poursuivi, et l'ébauche définitive de la loi sur la gestion de l'argent des Premières Nations a vu le jour en 1993. En janvier 1994, dans une lettre de ses avocats, la nation d'Ermineskin a exigé que la Couronne investisse elle‑même les redevances de la bande. Or, selon une lettre que les coprésidents du comité sur la gestion de l'argent des Indiens ont transmise un mois plus tard au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien d'alors, Ronald Irwin, la nation d'Ermineskin appuyait le texte de la loi proposée (d.i., p. 4047‑4048).

[178] Il appert du dossier que seulement deux bandes ont participé à la rencontre du MAINC et du comité au mois d'août 1994, et que la Couronne refusait de poursuivre le processus législatif sans un large appui des bandes.

[179] En 1996, la nation d'Ermineskin a de nouveau exigé de la Couronne qu'elle investisse l'argent de son compte en capital (lettre du cabinet Blake, Cassels & Graydon, 15 février 1996, d.i., p. 4072). La Couronne lui a répondu qu'elle n'investirait pas elle‑même les sommes en question, mais qu'elle était disposée à reconsidérer le projet de fiducie patrimoniale. La nation d'Ermineskin a maintenu son exigence, mais les choses en seraient restées là. La nation n'a jamais relancé l'idée d'une fiducie patrimoniale, et la loi proposée sur la gestion de l'argent des Premières Nations n'a jamais été adoptée.

[180] Le désaccord aurait principalement porté sur l'exigence de la nation d'Ermineskin que la Couronne investisse ses redevances et sur son refus d'exonérer la Couronne de toute responsabilité pour l'avenir advenant le transfert des fonds à la bande pour qu'elle les investisse elle‑même. La nation d'Ermineskin affirme dans son mémoire que [traduction] « ses membres étaient réticents à mettre fin à la relation fiduciaire avec la Couronne » (par. 62). Toutefois, la Couronne ne pouvait accepter de demeurer responsable de fonds dont elle n'avait plus la gestion.

[181] Comme je l'ai déjà expliqué, la loi n'autorisait pas la Couronne à investir les redevances et elle ne pouvait accéder aux demandes de la bande en ce sens. Un transfert aurait mis fin aux obligations fiduciales de la Couronne à l'égard des fonds. On ne pouvait s'attendre à ce que la Couronne demeure responsable de fonds sur lesquels elle n'exerçait plus aucun pouvoir. Si la nation d'Ermineskin ne libérait pas la Couronne de ses obligations, elle ne pouvait s'attendre à ce que les fonds détenus dans le Trésor lui soient transférés.

H. Enrichissement sans cause

[182] Les bandes font valoir que la Couronne s'est enrichie sans cause en utilisant leurs redevances et en leur payant de l'intérêt au taux fixé par elle. Il s'agit pourtant d'une conséquence inévitable du régime législatif applicable, qui exige de la Couronne qu'elle dépose les redevances dans le Trésor et qu'elle verse des intérêts aux bandes.

[183] Le critère applicable en matière d'enrichissement sans cause a récemment été reformulé par le juge Iacobucci dans l'arrêt Garland c. Consumers' Gas Co., 2004 CSC 25, [2004] 1 R.C.S. 629, par. 30 :

En général, le critère applicable en matière d'enrichissement sans cause est bien établi au Canada. La cause d'action comporte trois éléments : (1) l'enrichissement du défendeur, (2) l'appauvrissement correspondant du demandeur et (3) l'absence de motif juridique justifiant l'enrichissement (Pettkus c. Becker, [1980] 2 R.C.S. 834, p. 848; Peel (Municipalité régionale) c. Canada, [1992] 3 R.C.S. 762, p. 784).

[184] Pour déterminer si la Couronne s'est enrichie, il faut se demander quelle aurait été la situation si elle n'avait pas eu accès aux redevances versées dans le Trésor. Le juge de première instance a conclu que la Couronne aurait pu obtenir (et aurait obtenu) d'autres fonds à un taux moins élevé — celui des bons du Trésor à court terme — que le taux consenti sur les redevances. Je conviens avec lui et avec la Cour d'appel fédérale que la Couronne ne s'est pas enrichie.

I. Paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés

[185] Au procès et devant notre Cour, les bandes ont contesté la validité constitutionnelle des art. 61 à 68 de la Loi sur les Indiens au motif qu'ils portent atteinte aux droits garantis au par. 15(1) de la Charte. Selon elles, si ces dispositions empêchent la Couronne d'investir les redevances comme le ferait un fiduciaire de common law, leur effet est discriminatoire. Parce qu'elles sont des Indiens au sens de la Loi sur les Indiens, celle‑ci les a privées des droits reconnus aux non‑Indiens lorsque la Couronne détient leurs biens en fiducie.

[186] Le paragraphe 15(1) est rédigé comme suit :

La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.

[187] Le juge de première instance et les juges majoritaires de la Cour d'appel fédérale ont conclu que les bandes n'avaient pas qualité pour invoquer le par. 15(1), car leur recours avait trait à la gestion de biens leur appartenant, et non aux droits personnels de leurs membres. Ils ont donc estimé qu'aucun droit personnel visé au par. 15(1) n'était en jeu. Comme je suis d'avis de rejeter la prétention fondée sur le par. 15(1), je préfère m'appuyer sur des considérations de fond et non de procédure.

[188] La jurisprudence de notre Cour sur le droit à l'égalité établit clairement que toute distinction n'est pas discriminatoire. Le fait que des groupes soient traités différemment ne constitue pas en soi une atteinte aux droits garantis au par. 15(1). Comme notre Cour l'a dit dans l'arrêt Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143, p. 182 (et réaffirmé dans l'arrêt R. c. Kapp, 2008 CSC 41, [2008] 2 R.C.S. 483, par. 28), le plaignant doit démontrer « non seulement qu'il ne bénéficie pas d'un traitement égal devant la loi et dans la loi, ou encore que la loi a un effet particulier sur lui en ce qui concerne la protection ou le bénéfice qu'elle offre, mais encore que la loi a un effet discriminatoire sur le plan législatif » (je souligne). La méthode d'analyse établie dans l'arrêt Andrews comporte deux volets : premièrement, la loi établit‑elle une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue et, deuxièmement, la distinction crée‑t‑elle un désavantage par la perpétuation d'un préjugé ou l'application de stéréotypes?

[189] Dans les circonstances du présent pourvoi, la première exigence est manifestement remplie : la loi contestée crée une distinction entre Indiens et non‑Indiens étant donné qu'elle ne s'applique qu'aux premiers.

[190] Il faut donc se demander si les dispositions régissant la gestion de l'argent des Indiens, qui empêchent la Couronne d'investir cet argent, perpétuent un préjugé ou l'application de stéréotypes. Il faut selon moi répondre par la négative.

[191] Les bandes ont soutenu que l'impossibilité pour la Couronne de faire des placements les a fait bénéficier de rendements inférieurs à ceux que pouvaient obtenir les non‑Indiens, ce qui leur a infligé un désavantage. D'un point de vue strictement financier, le fait que la Couronne ne puisse faire de placements n'inflige pas d'emblée un désavantage. Il est vrai que l'intérêt fondé sur le rendement des obligations à long terme du gouvernement rajusté trimestriellement est, la plupart du temps, sur une longue période, inférieur au rendement d'un portefeuille de placement diversifié.

[192] Cela dit, en détenant les fonds dans le Trésor et en payant des intérêts conformément au par. 61(2), la Couronne a assuré la liquidité des fonds, de sorte que le solde intégral des comptes des bandes pouvait à tout moment être dépensé. De plus, les redevances étaient à l'abri du risque de perte. Il est trompeur d'apprécier un désavantage en se fondant sur la seule comparaison des rendements, car il faut aussi tenir compte du risque couru et de la liquidité des fonds. Toutefois, même si la loi empêche la Couronne de faire des placements et crée de ce fait un désavantage, elle ne porte atteinte aux droits garantis au par. 15(1) que lorsque ce désavantage est discriminatoire, c'est‑à‑dire s'il perpétue un préjugé ou l'application de stéréotypes.

[193] Pour déterminer s'il y a discrimination, il faut tenir compte du contexte et ne pas s'en tenir au texte de la disposition législative en cause. Dans l'arrêt R. c. Turpin, [1989] 1 R.C.S. 1296, la Cour dit :

Pour déterminer s'il y a discrimination pour des motifs liés à des caractéristiques personnelles d'un individu ou d'un groupe d'individus, il importe d'examiner non seulement la disposition législative contestée qui établit une distinction contraire au droit à l'égalité, mais aussi d'examiner l'ensemble des contextes social, politique et juridique. [p. 1331]

[194] Ce passage montre l'importance de tenir compte, dans l'analyse portant sur l'égalité réelle, de l'ensemble du contexte dans lequel s'inscrit une distinction.

[195] La question de la gestion de l'argent des Indiens fait nécessairement entrer en jeu de nombreuses considérations, dont l'autodétermination et l'autonomie des Autochtones et le rôle que la Couronne doit jouer à cet égard. Il s'agit d'une situation fort différente des autres relations fiduciaires où le risque et le rendement financier constituent généralement les seules considérations pertinentes et où le pouvoir discrétionnaire absolu du fiduciaire de gérer et d'investir la masse fiduciaire, sous réserve de l'acceptabilité du risque, ne suscite pas d'inquiétudes.

[196] Suivant la formule applicable à l'argent des Indiens, la Couronne exerce un moins grand pouvoir sur l'utilisation des redevances et sur les dépenses des bandes que si elle investissait dans un portefeuille diversifié. Dans cette dernière hypothèse, la Couronne devrait, en tant que fiduciaire, juger de l'acceptabilité du risque et choisir les véhicules de placement. Elle pourrait même également devoir exercer un pouvoir accru sur les habitudes de dépense des bandes, car les redevances ne pourraient être entièrement liquides sans qu'il n'en résulte un risque de perte importante.

[197] Selon le dossier, les bandes se sont opposées à une mesure de la Couronne qui, à leur yeux, visait l'exercice d'un pouvoir accru sur l'argent et les dépenses des Indiens. En 1981, le MAINC a proposé de limiter la distribution per capita aux mineurs à 3 000 $ par année. Sa directive précisait l'objectif de la mesure :

[traduction] . . . énoncer la procédure du ministère encadrant la distribution per capita de sommes du compte en capital d'une bande et les exigences essentielles devant être remplies pour que la distribution ait lieu, afin que le ministre s'acquitte de ses obligations fiduciaires et bénéficie d'une protection à cet égard. [d.i., p. 2027]

[198] En réponse à cette proposition, les quatre bandes, dont les bandes appelantes, ont écrit : [traduction] « les quatre bandes d'Hobbema, à savoir celles d'Ermineskin, de Louis Bull, de Montana et de Samson, par l'entremise de leurs chefs et de leurs conseils respectifs, s'opposent fermement à la politique et à sa mise en œuvre » (d.i., p. 2035). Selon elles, il y avait lieu de croire que [traduction] « l'objectif de la directive ministérielle, en tant que politique d'interprétation de l'al. 64a) de la Loi sur les Indiens, constitue en fait un moyen d'exercer un pouvoir sur les sommes d'argent du compte en capital des bandes », ce qui ne favorisait pas l'autonomie des bandes (d.i., p. 2035). Elles concluaient :

[traduction] Toutefois, s'agissant de l'« ARGENT DES INDIENS », il appartient au chef et au conseil par l'entremise des membres et en tant qu'instance dirigeante de déterminer la manière dont les fonds seront affectés et dépensés ou investis, ainsi que le moment et le lieu où ils le seront. [d.i., p. 2037‑2038]

[199] Les bandes estimaient qu'un plus grand pouvoir de la Couronne serait incompatible avec leur droit accru à l'autodétermination.

[200] De fait, les dispositions contestées ne font pas obstacle à l'investissement de l'argent des Indiens par les bandes elles‑mêmes ou leurs fiduciaires. J'ai conclu que l'al. 64(1)k) de la Loi sur les Indiens permet à la Couronne de verser l'argent du compte en capital à une bande ou à son fiduciaire en vue de son placement. En 1980, la Couronne a transféré 35 millions de dollars à la nation de Samson pour la mise sur pied de la fiducie Peace Hills. Le dossier révèle que lorsque les bandes pouvaient convaincre la Couronne qu'un transfert de fonds aux fins d'investissement servait au mieux leurs intérêts et qu'elles exonéraient la Couronne de toute responsabilité à l'égard des fonds dont elle n'avait plus la gestion, le transfert avait lieu. D'ailleurs, l'ordonnance rendue par le juge Teitelbaum le 22 décembre 2005 autorise le transfert des fonds de la nation de Samson. Exiger des bandes qu'elles convainquent la Couronne que le transfert servait au mieux leurs intérêts était conforme non seulement aux dispositions de la Loi sur les Indiens, mais aussi aux obligations fiduciales de la Couronne à l'égard des redevances.

[201] Au vu de ce qui précède, je ne puis convenir que les dispositions contestées de la Loi sur les Indiens portent atteinte aux droits garantis au par. 15(1) de la Charte suivant le critère établi dans l'arrêt Andrews et confirmé dans l'arrêt Kapp : « (1) [l]a loi crée‑t‑elle une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue (2) [l]a distinction crée‑t‑elle un désavantage par la perpétuation d'un préjugé ou l'application de stéréotypes? » (Kapp, par. 17). Une distinction est établie entre Indiens et non‑Indiens, mais elle n'est pas discriminatoire. Les dispositions en cause n'empêchent pas les bandes ou leurs fiduciaires d'investir les fonds détenus dans le Trésor que la Couronne leur transfère après avoir été exonérée de toute responsabilité ultérieure à leur égard. Les bandes exercent ainsi un plus grand pouvoir, notamment sur le plan décisionnel. Le transfert aux bandes ou à leurs fiduciaires de sommes d'argent destinées à l'investissement doit servir au mieux les intérêts des bandes. Dans l'intervalle, la Couronne détient les fonds dans le Trésor en mettant des liquidités à la disposition des bandes et en faisant fructifier les redevances de celles‑ci.

[202] Je suis donc d'avis que les dispositions contestées de la Loi sur les Indiens, qui interdisent à la Couronne d'investir les redevances, ne créent pas une distinction perpétuant un préjugé ou l'application de stéréotypes. Il n'y a pas eu violation du par. 15(1) de la Charte.

VI. Conclusion

[203] Je suis d'avis de rejeter les pourvois avec dépens.

ANNEXE

Charte canadienne des droits et libertés

15. (1) La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.

Loi constitutionnelle de 1982

35. (1) Les droits existants — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés.

Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F‑11

2. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

. . .

« fonds publics » Fonds appartenant au Canada, prélevés ou reçus par le receveur général ou un autre fonctionnaire public agissant en sa qualité officielle ou toute autre personne autorisée à en prélever ou recevoir. La présente définition vise notamment :

a) les recettes de l'État;

b) les emprunts effectués par le Canada ou les produits de l'émission ou de la vente de titres;

c) les fonds prélevés ou reçus pour le compte du Canada ou en son nom;

d) les fonds prélevés ou reçus par un fonctionnaire public sous le régime d'un traité, d'une loi, d'une fiducie, d'un contrat ou d'un engagement et affectés à une fin particulière précisée dans l'acte en question ou conformément à celui‑ci.

. . .

17. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, les fonds publics sont déposés au crédit du receveur général.

. . .

21. (1) Les fonds visés à l'alinéa d) de la définition de « fonds publics » à l'article 2 et qui sont reçus par Sa Majesté, ou en son nom, à des fins particulières et versés au Trésor peuvent être prélevés à ces fins sur le Trésor sous réserve des lois applicables.

(2) Sous réserve des autres lois fédérales, les fonds visés au paragraphe (1) peuvent être majorés d'intérêts payables sur le Trésor aux taux fixés par le ministre avec l'approbation du gouverneur en conseil.

90. (1) Sauf autorisation donnée par une loi fédérale, il est interdit :

a) de constituer une personne morale dont une action au moins, lors de la constitution, serait détenue par Sa Majesté, en son nom ou en fiducie pour elle;

b) d'acquérir des actions d'une personne morale qui, lors de l'acquisition, seraient détenues par Sa Majesté, en son nom ou en fiducie pour elle;

c) de demander des statuts qui apporteraient une adjonction ou une modification importante aux buts pour lesquels une société d'État mère a été constituée ou aux restrictions à l'égard des activités qu'elle peut exercer, tels qu'ils figurent dans ses statuts;

d) de vendre ou, d'une façon générale, de céder des actions d'une société d'État mère;

e) de dissoudre ou fusionner une société d'État mère.

Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I‑5

4. (1) La mention d'un Indien, dans la présente loi, exclut une personne de la race d'aborigènes communément appelés Inuit.

(2) Le gouverneur en conseil peut, par proclamation, déclarer que la présente loi, ou toute partie de celle‑ci, sauf les articles 5 à 14.3 et 37 à 41, ne s'applique pas :

a) à des Indiens ou à un groupe ou une bande d'Indiens;

b) à une réserve ou à des terres cédées, ou à une partie y afférente.

Il peut en outre, par proclamation, révoquer toute semblable déclaration.

61. (1) L'argent des Indiens ne peut être dépensé qu'au bénéfice des Indiens ou des bandes à l'usage et au profit communs desquels il est reçu ou détenu, et, sous réserve des autres dispositions de la présente loi et des clauses de tout traité ou cession, le gouverneur en conseil peut décider si les fins auxquelles l'argent des Indiens est employé ou doit l'être, est à l'usage et au profit de la bande.

(2) Les intérêts sur l'argent des Indiens détenu au Trésor sont alloués au taux que fixe le gouverneur en conseil.

62. L'argent des Indiens qui provient de la vente de terres cédées ou de biens de capital d'une bande est réputé appartenir au compte en capital de la bande; les autres sommes d'argent des Indiens sont réputées appartenir au compte de revenu de la bande.

63. Par dérogation à la Loi sur la gestion des finances publiques, lorsque des sommes d'argent auxquelles un Indien a droit sont versées à un surintendant en vertu d'un bail ou d'une entente passé sous le régime de la présente loi, le surintendant peut remettre ces sommes à l'Indien.

64. (1) Avec le consentement du conseil d'une bande, le ministre peut autoriser et prescrire la dépense de sommes d'argent au compte en capital de la bande :

a) pour distribuer per capita aux membres de la bande un montant maximal de cinquante pour cent des sommes d'argent au compte en capital de la bande, provenant de la vente de terres cédées;

b) pour construire et entretenir des routes, ponts, fossés et cours d'eau dans des réserves ou sur des terres cédées;

c) pour construire et entretenir des clôtures de délimitation extérieure sur les réserves;

d) pour acheter des terrains que la bande emploiera comme réserve ou comme addition à une réserve;

e) pour acheter pour la bande les droits d'un membre de la bande sur des terrains sur une réserve;

f) pour acheter des animaux, des instruments ou de l'outillage de ferme ou des machines pour la bande;

g) pour établir et entretenir dans une réserve ou à l'égard d'une réserve les améliorations ou ouvrages permanents qui, de l'avis du ministre, seront d'une valeur permanente pour la bande ou constitueront un placement en capital;

h) pour consentir aux membres de la bande, en vue de favoriser son bien‑être, des prêts n'excédant pas la moitié de la valeur globale des éléments suivants :

(i) les biens meubles appartenant à l'emprunteur,

(ii) la terre concernant laquelle il détient ou a le droit de recevoir un certificat de possession,

et percevoir des intérêts et recevoir des gages à cet égard;

i) pour subvenir aux frais nécessairement accessoires à la gestion de terres situées sur une réserve, de terres cédées et de tout bien appartenant à la bande;

j) pour construire des maisons destinées aux membres de la bande, pour consentir des prêts aux membres de la bande aux fins de construction, avec ou sans garantie, et pour prévoir la garantie des prêts consentis aux membres de la bande en vue de la construction;

k) pour toute autre fin qui, d'après le ministre, est à l'avantage de la bande.

(2) Le ministre peut effectuer des dépenses sur les sommes d'argent au compte de capital d'une bande conformément aux règlements administratifs pris en vertu de l'alinéa 81(1)p.3) en vue de faire des paiements à toute personne dont le nom a été retranché de la liste de la bande pour un montant ne dépassant pas une part per capita de ces sommes.

64.1 (1) Une personne qui a reçu un montant supérieur à mille dollars en vertu de l'alinéa 15(1)a), dans sa version antérieure au 17 avril 1985, ou en vertu de toute disposition antérieure de la présente loi portant sur le même sujet que celui de cet alinéa, du fait qu'elle a cessé d'être membre d'une bande dans les circonstances prévues aux alinéas 6(1)c), d) ou e) n'a pas le droit de recevoir de montant en vertu de l'alinéa 64(1)a) jusqu'à ce que le total de tous les montants qu'elle aurait reçus en vertu de l'alinéa 64(1)a), n'eût été le présent paragraphe, soit égal à l'excédent du montant qu'elle a reçu en vertu de l'alinéa 15(1)a), dans sa version antérieure au 17 avril 1985, ou en vertu de toute disposition antérieure de la présente loi portant sur le même sujet que celui de cet alinéa, sur mille dollars, y compris les intérêts.

(2) Lorsque le conseil d'une bande prend, en vertu de l'alinéa 81(1)p.4), des règlements administratifs mettant en vigueur le présent paragraphe, la personne qui a reçu un montant supérieur à mille dollars en vertu de l'alinéa 15(1)a) dans sa version antérieure au 17 avril 1985, ou en vertu de toute autre disposition antérieure de la présente loi portant sur le même sujet que celui de cet alinéa, parce qu'elle a cessé d'être membre de la bande dans les circonstances prévues aux alinéas 6(1)c), d) ou e) n'a le droit de recevoir aucun des avantages offerts aux membres de la bande à titre individuel résultant de la dépense d'argent des Indiens au titre des alinéas 64(1)b) à k), du paragraphe 66(1) ou du paragraphe 69(1) jusqu'à ce que l'excédent du montant ainsi reçu sur mille dollars, y compris l'intérêt sur celui‑ci, ait été remboursé à la bande.

(3) Le gouverneur en conseil peut prendre des règlements prévoyant la façon de déterminer les intérêts pour l'application des paragraphes (1) et (2).

65. Le ministre peut payer, sur les sommes d'argent au compte en capital :

a) une indemnité à un Indien, au montant déterminé en conformité avec la présente loi comme lui étant payable à l'égard de terres qui lui ont été enlevées obligatoirement pour les fins de la bande;

b) les dépenses subies afin de prévenir ou maîtriser les incendies d'herbes ou de forêts ou pour protéger les biens des Indiens en cas d'urgence.

66. (1) Avec le consentement du conseil d'une bande, le ministre peut autoriser et ordonner la dépense de sommes d'argent du compte de revenu à toute fin qui, d'après lui, favorisera le progrès général et le bien‑être de la bande ou d'un de ses membres.

(2) Le ministre peut dépenser l'argent du compte de revenu de la bande en vue d'aider les Indiens malades, invalides, âgés ou indigents de la bande et pour pourvoir aux funérailles des membres indigents de celle‑ci, de même qu'en vue de pourvoir au versement des contributions sous le régime de la Loi sur l'assurance‑emploi pour le compte de personnes employées qui sont payées, à l'égard de leur emploi, sur l'argent de la bande.

(2.1) Le ministre peut effectuer des dépenses sur les sommes d'argent de revenu de la bande conformément aux règlements administratifs visés à l'alinéa 81(1)p.3) en vue d'effectuer des paiements à une personne dont le nom a été retranché de la liste de bande jusqu'à concurrence d'un montant n'excédant pas une part per capita de ces sommes.

(3) Le ministre peut autoriser la dépense de sommes d'argent du compte de revenu de la bande pour l'ensemble ou l'un des objets suivants :

a) la destruction des herbes nuisibles et la prévention de la propagation ou de la présence généralisée des insectes, parasites ou maladies susceptibles de ruiner ou d'endommager la végétation dans les réserves indiennes;

b) la prophylaxie des maladies infectieuses ou contagieuses, ou non, sur les réserves;

c) l'inspection des locaux sur les réserves et la destruction, la modification ou la rénovation de ces locaux;

d) l'adoption de mesures préventives contre le surpeuplement des locaux utilisés comme logements sur les réserves;

e) la salubrité dans les locaux privés comme dans les endroits publics, sur les réserves;

f) la construction et l'entretien de clôtures de délimitation.

67. Lorsqu'une somme d'argent est dépensée par Sa Majesté pour procurer ou percevoir des sommes d'argent destinées aux Indiens, le ministre peut autoriser le recouvrement du montant ainsi dépensé sur l'argent de la bande.

68. Le ministre peut ordonner que les paiements de rentes ou d'intérêts auxquels un Indien a droit soient appliqués au soutien de l'époux ou conjoint de fait ou de la famille de celui‑ci, ou des deux, lorsqu'il est convaincu que cet Indien, selon le cas :

a) a abandonné son époux ou conjoint de fait ou sa famille sans raison suffisante;

b) s'est conduit de façon à justifier le refus de son époux ou conjoint de fait ou de sa famille de vivre avec lui;

c) a été séparé de son époux ou conjoint de fait et de sa famille par emprisonnement.

69. (1) Le gouverneur en conseil peut, par décret, permettre à une bande de contrôler, administrer et dépenser la totalité ou une partie de l'argent de son compte de revenu; il peut aussi modifier ou révoquer un tel décret.

(2) Le gouverneur en conseil peut prendre des règlements pour donner effet au paragraphe (1) et y déclarer dans quelle mesure la présente loi et la Loi sur la gestion des finances publiques ne s'appliquent pas à une bande visée par un décret pris sous le régime du paragraphe (1).

Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes, L.R.C. 1985, ch. I‑7

4. (1) Nonobstant les modalités d'une concession, d'un bail, d'un permis, d'une licence ou d'un autre acte d'aliénation, les dispositions d'un règlement sur le pétrole ou sur le gaz ou les modalités d'un accord sur les redevances applicables au pétrole ou au gaz, qu'ils soient ou non survenus avant le 20 décembre 1974, mais sous réserve du paragraphe (2), le pétrole et le gaz tirés des terres indiennes après le 22 avril 1977 sont assujettis au paiement à Sa Majesté du chef du Canada, en fiducie pour les bandes indiennes concernées, des redevances réglementaires.

Règlement de 1995 sur le pétrole et le gaz des terres indiennes, DORS/94‑753

33. . . .

(5) Avec l'autorisation du conseil de bande, le directeur exécutif peut, en tout temps après avoir donné un avis écrit raisonnable à l'exploitant et après avoir étudié les obligations de ce dernier quant à la vente du pétrole et du gaz, ordonner que tout ou partie du pétrole ou du gaz qui constitue la redevance payable en vertu du présent article soit payé en nature pour une période spécifiée ou indéterminée ou jusqu'à ce qu'il en ordonne autrement.

Pourvois rejetés avec dépens.

Procureurs des appelants Chef John Ermineskin et autres : Blake, Cassels & Graydon, Vancouver.

Procureurs des appelants Chef Victor Buffalo et autres : O'Reilly & Associés, Montréal.

Procureur des intimés : Procureur général du Canada, Vancouver.

Procureur de l'intervenant le procureur général de l'Ontario : Procureur général de l'Ontario, Toronto.

Procureur de l'intervenant le procureur général du Québec : Procureur général du Québec, Sainte‑Foy.

Procureur de l'intervenant le procureur général de l'Alberta : Procureur général de l'Alberta, Edmonton.

Procureurs de l'intervenante l'Assemblée des Premières Nations : Pitblado, Winnipeg.

Procureurs des intervenantes la bande indienne de Saddle Lake et la bande indienne de Stoney : Rae and Company, Calgary.

Procureur de l'intervenante la Première Nation du Lac Seul : Joseph Eliot Magnet, Ottawa.


Synthèse
Référence neutre : 2009 CSC 9 ?
Date de la décision : 13/02/2009
Sens de l'arrêt : Les pourvois sont rejetés

Analyses

Droit des Autochtones - Couronne - Obligation fiduciale - Gestion de redevances pétrolières et gazières - Bandes indiennes ayant cédé à la Couronne leurs droits sur les minéraux de leurs réserves - Redevances pétrolières et gazières des bandes déposées dans le Trésor et intérêts payés par la Couronne à un taux lié au rendement des obligations à long terme du gouvernement, mais rajusté périodiquement - La Couronne avait‑elle l'obligation fiduciale d'investir les redevances pétrolières et gazières? - Par la manière dont elle a fixé et payé l'intérêt sur les redevances, la Couronne a‑t-elle manqué à ses obligations fiduciales? - Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I-5, art. 61 à 69 - Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F-11, art. 2 « fonds publics », 17(1), 21(1), 90(1)b) - Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes, L.R.C. 1985, ch. I‑7, art. 4(1).

Enrichissement injustifié - Couronne - Gestion des redevances pétrolières et gazières des bandes indiennes - Régime législatif exigeant de la Couronne qu'elle détienne dans le Trésor les redevances pétrolières et gazières des bandes et qu'elle verse de l'intérêt - La Couronne s'est‑elle injustement enrichie en utilisant les redevances et en fixant le taux de l'intérêt versé aux bandes?.

Droit constitutionnel - Charte des droits - Droit à l'égalité - Dispositions pertinentes de la Loi sur les Indiens empêchant la Couronne d'investir l'argent des Indiens - Dispositions établissant une distinction entre Indiens et non‑Indiens - La distinction crée‑t‑elle un désavantage par la perpétuation d'un préjugé ou l'application de stéréotypes? - Charte canadienne des droits et libertés, art. 15(1) - Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I‑5, art. 61 à 68.

Chacune des nations d'Ermineskin et de Samson constitue une « bande » au sens de la Loi sur les Indiens et bénéficie de l'application du Traité no 6 conclu en 1876. La Couronne détenait en fiducie pour les bandes des sommes composées principalement des redevances tirées de l'exploitation des ressources pétrolières et gazières découvertes dans le sous‑sol des réserves de Samson et de Pigeon Lake, en Alberta. Le Traité no 6 et la Loi sur les Indiens exigeaient la cession par les bandes de leurs droits sur ces ressources afin que la Couronne puisse conclure avec des tiers des accords d'exploitation. Deux actes de cession aux dispositions identiques ont été signés en 1946, et la Couronne a accepté les cessions. Le régime législatif applicable à la gestion de l'argent des Indiens, y compris les redevances pétrolières et gazières, comprend la Loi sur les Indiens, la Loi sur la gestion des finances publiques (« LGFP ») et la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes (« LPGTI »). Dans la Loi sur les Indiens, l'argent des Indiens appartient soit au « compte en capital », soit au « compte de revenu », lesquels sont tenus séparément par la Couronne pour chacune des bandes. Les redevances — qui appartiennent au « compte en capital » — ont été versées au Trésor au crédit du receveur général du Canada conformément à la LGFP. La Couronne a payé à leur égard un intérêt dont le taux a été fixé par des décrets pris en application de la Loi sur les Indiens. Entre 1859 et 1969, le taux de l'intérêt sur l'argent des Indiens a été modifié à l'occasion, oscillant entre 3 et 6 p. 100. En 1969, la Couronne a décidé de lier le taux d'intérêt au rendement sur le marché des obligations du gouvernement d'une durée de 10 ans ou plus (la « formule applicable à l'argent des Indiens »). À la fin des années 1970 et au début des années 1980, la Couronne et les dirigeants de différentes bandes ont eu des discussions. En 1981, un nouveau décret prévoyait que l'intérêt était calculé selon la moyenne trimestrielle des rendements sur le marché des obligations du gouvernement du Canada d'une durée de 10 ans ou plus. Les discussions entre la Couronne et les bandes ont également mené à l'adoption d'un mode de calcul consistant à créditer les intérêts semestriellement plutôt qu'annuellement.

La nation de Samson a déposé sa déclaration en 1989, et celle d'Ermineskin a déposé la sienne en 1992. Elles y prétendaient que les obligations fiduciales de la Couronne exigeaient qu'elle investisse de façon prudente, à savoir dans un portefeuille diversifié, les redevances pétrolières et gazières touchées en leur nom. Elles soutenaient que depuis 1972, le refus ou l'omission de la Couronne d'investir leurs redevances les privait de centaines de millions de dollars. La Cour fédérale les a déboutées, et les juges majoritaires de la Cour d'appel fédérale ont confirmé cette décision.

Arrêt : Les pourvois sont rejetés.

La Couronne a des obligations fiduciales à l'égard des redevances des bandes. Cependant, que la relation fiduciale découle du Traité no 6 ou des actes de cession, interprétés de pair avec la LPGTI, la LGFP et la Loi sur les Indiens, la Couronne n'avait ni l'obligation ni le pouvoir d'investir les redevances des bandes. [44] [45] [67] [80]

Le texte du Traité no 6 n'étaye pas l'existence de l'intention d'imposer à la Couronne les obligations d'un fiduciaire de common law. Tous les droits ont été cédés à la Couronne, qui a alors convenu de réserver certaines terres à l'usage des Indiens signataires. Le libellé du traité et le contexte donnent à penser qu'il y a eu transfert conditionnel des terres, et non établissement d'une fiducie de common law. Les conditions verbales du Traité no 6 n'ont pas non plus créé une fiducie de common law comme telle. Il n'incombe pas à un fiduciaire de common law de garantir la masse fiduciaire contre le risque de perte ni d'assurer sa croissance. Partant, même si le Traité no 6, y compris la promesse de la Couronne que le produit de la vente de toute partie de la réserve serait « mis de côté pour qu'il fructifie », constituait le fondement de l'obligation fiduciale envers les bandes, il n'obligeait pas la Couronne à investir les redevances, mais bien à les conserver en sûreté et à les faire s'accroître. Vu l'absence d'un droit issu de traité à l'investissement des sommes par la Couronne, le par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 ne s'applique pas. [50] [56‑57] [67]

La relation entre la Couronne et les bandes établie par les actes de cession de 1946 est fiduciale et s'apparente à celle créée par une fiducie. Suivant ces actes, la Couronne ne peut accorder de droits sur les minéraux qu'aux conditions les plus appropriées pour assurer le bien‑être des bandes, et elle conserve le produit de l'octroi de ces droits pour le compte de celles‑ci. Lorsque la Couronne agit à titre de fiducial mais non, à strictement parler, de fiduciaire de common law, et qu'elle détient des fonds pour le compte d'une bande, il n'est pas injustifié de lui attribuer l'obligation d'investir ces fonds comme le ferait un fiduciaire de common law, sous réserve de toute disposition législative limitant son pouvoir de le faire. Le cadre législatif dans lequel la Couronne doit remplir ses obligations fiduciales en l'espèce limite son pouvoir d'investir les redevances des bandes. [73‑74] [80]

La Loi sur les Indiens, la LGFP et la LPGTI n'autorisent pas la Couronne à investir les redevances. La LPGTI confirme seulement que les redevances applicables au pétrole et au gaz des réserves sont versées à la Couronne en fiducie pour les bandes. Comme cette loi n'établit ni les conditions de la fiducie ni les obligations de la Couronne, elle ne restreint pas les obligations fiduciales de la Couronne envers les bandes. Elle n'empêche pas la Couronne d'investir les redevances, mais elle n'a pas pour objet de limiter ou d'écarter l'application des dispositions d'autres lois. Les redevances étant perçues par le Canada pour le compte des bandes en conformité avec la LPGTI, elles constituent des « fonds publics » au sens de la LGFP et doivent donc être considérées au regard de celle‑ci. Cette loi dispose que les fonds doivent être conservés dans le Trésor et qu'ils ne peuvent être prélevés que sous réserve des lois applicables (par. 21(1)). En outre, l'acquisition d'actions est prohibée, sauf autorisation de la Couronne par une loi fédérale (al. 90(1)b)). La loi applicable en l'espèce est la Loi sur les Indiens, car celle‑ci encadre la possession et la gestion de l'argent des Indiens. Elle ne permet pas la dépense ou le versement de cet argent à d'autres fins que celles qu'elle énumère. Il appert de son libellé et des modifications apportées en 1951 que la Couronne ne pouvait plus dès lors placer l'argent des Indiens, ni administrer et gérer le placement de l'argent des Indiens détenu dans le Trésor. Entre 1859 et 1951, la Couronne n'avait pas investi l'argent des Indiens, mais avait plutôt versé de l'intérêt à un taux oscillant entre 3 et 6 p. 100. Il est raisonnable d'inférer de l'abrogation du pouvoir d'investir prévu dans la Loi sur les Indiens que le législateur voulait rendre la loi conforme à la pratique établie. [83] [85] [91] [94] [98] [117] [122‑123]

Les mesures prises par la Couronne sur le fondement de la LGFP et de la Loi sur les Indiens sont compatibles avec ses obligations fiduciales envers les bandes. La Couronne, dont le rôle de fiducial est unique vis-à-vis des redevances et du paiement d'intérêts, n'est pas en conflit d'intérêts lorsqu'elle emprunte sans le consentement des intéressés l'argent des bandes détenu dans le Trésor. L'emprunt est exigé par la loi, et on ne saurait dire du fiducial qui se conforme à la loi qu'il manque à son obligation fiduciale. La situation que les bandes qualifient de conflit d'intérêts est une conséquence inhérente au régime législatif et elle est de ce fait inévitable. La Couronne se trouve également dans une situation unique lorsqu'elle fixe le taux de l'intérêt payé aux bandes : elle doit tenir compte à la fois des intérêts des bandes et de ceux des autres Canadiens. Dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire à titre de fiducial, la Couronne disposait d'un certain nombre d'options pour la fixation du taux d'intérêt. Il ressort de l'examen des autres solutions possibles qu'un taux fondé sur le rendement de titres à court terme n'aurait pas été au mieux des intérêts des bandes lorsque la Couronne aurait pu payer un intérêt plus élevé compte tenu de ses emprunts diversifiés. Un taux d'intérêt fixe n'aurait pas eu la souplesse voulue pour tenir compte de la fluctuation des taux d'intérêt et de l'inflation. Le trésor public aurait dû subventionner le paiement d'un intérêt équivalant au rendement d'un portefeuille diversifié. Le fiducial n'a pas à puiser dans ses propres ressources, en l'occurrence le trésor public, pour bonifier le rendement qu'il peut verser eu égard aux contraintes légales. Les deux choix qu'aurait pu faire une personne prudente administrant ses propres affaires, mais tenant compte des contraintes applicables à la Couronne, étaient celui du taux d'intérêt variable, retenu par la Couronne, et celui du portefeuille échelonné d'obligations. Lorsque la formule applicable à l'argent des Indiens a été adoptée en 1969, les taux d'intérêt étaient à la hausse. Vu la tendance à la baisse observée depuis les années 1980, on peut dire avec le recul qu'un portefeuille échelonné aurait dès lors permis aux bandes de toucher un rendement supérieur au taux variable fondé sur les obligations à long terme du gouvernement, taux pour lequel la Couronne a opté. Cependant, le respect des obligations fiduciales de la Couronne envers les bandes doit être considéré prospectivement. Comme elle ne pouvait connaître à l'avance l'évolution des taux d'intérêt et de l'inflation, la Couronne n'a pas fait preuve d'imprudence en optant pour un taux variable fondé sur le rendement des obligations à long terme du gouvernement. C'était un moyen de se prémunir contre le risque de fluctuation des taux d'intérêt et de l'inflation. En appliquant la formule du taux variable à l'argent des Indiens, la Couronne n'a donc pas manqué à son obligation fiduciale envers les bandes. [124] [126‑129] [132] [147‑149]

Au lieu de verser de l'intérêt, la Couronne aurait pu, suivant l'al. 64(1)k) de la Loi sur les Indiens, transférer l'argent du compte en capital soit aux bandes, soit à un fiduciaire indépendant pour leur compte. Suivant ses obligations fiduciales et l'al. 64(1)k), il aurait toutefois fallu qu'elle soit convaincue que l'opération servait au mieux les intérêts des bandes. En ce qui concerne la nation de Samson, la preuve révèle que la Couronne appuyait ses propositions de transfert visant la mise sur pied de fiducies. Toutefois, vu la difficulté d'obtenir des précisions sur l'utilisation de fonds déjà transférés, l'omission de la nation de Samson de présenter des plans financiers valables et d'offrir quelque preuve de l'appui de ses membres, ainsi que les divergences au sein du conseil de bande, la Couronne n'a pu s'assurer qu'il était au mieux des intérêts de la nation de Samson de transférer d'autres fonds. Eu égard à la preuve, la Couronne aurait été imprudente si elle avait acquiescé à des transferts supplémentaires avant 2005. Pour ce qui est de la nation d'Ermineskin, un transfert aurait dû mettre fin aux obligations fiduciales de la Couronne à l'égard des fonds. On ne pouvait s'attendre à ce que la Couronne demeure responsable de fonds sur lesquels elle n'exerçait plus aucun pouvoir. Si la bande ne libérait pas la Couronne de ses obligations, elle ne pouvait s'attendre à ce que les fonds détenus dans le Trésor lui soient transférés. [150‑152] [169‑170] [181]

La Couronne ne s'est pas enrichie sans cause en utilisant les redevances des bandes et en payant de l'intérêt au taux fixé par elle. Il s'agissait d'une conséquence inévitable du régime législatif, qui exige de la Couronne qu'elle dépose les redevances dans le Trésor et qu'elle verse des intérêts aux bandes. Pour déterminer si la Couronne s'est enrichie, il faut se demander quelle aurait été la situation si elle n'avait pas eu accès aux redevances versées dans le Trésor. Le juge de première instance a conclu que la Couronne aurait pu obtenir d'autres fonds à un taux moins élevé que celui consenti sur les redevances. [182] [184]

Enfin, les dispositions régissant la gestion de l'argent des Indiens, à savoir les art. 61 à 68 de la Loi sur les Indiens, ne portent pas atteinte aux droits garantis au par. 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés. Une distinction est établie entre Indiens et non‑Indiens, mais elle n'est pas discriminatoire. Les dispositions de la Loi sur les Indiens qui interdisent à la Couronne d'investir les redevances ne créent pas une distinction perpétuant un préjugé ou l'application de stéréotypes. Les dispositions en cause n'empêchent pas les bandes ou leurs fiduciaires d'investir les fonds détenus dans le Trésor que la Couronne leur transfère après avoir été exonérée de toute responsabilité ultérieure à leur égard. Les bandes exercent ainsi un plus grand pouvoir, notamment sur le plan décisionnel. Le transfert de sommes d'argent destinées à l'investissement doit servir au mieux les intérêts des bandes. Dans l'intervalle, la Couronne détient les fonds dans le Trésor en mettant des liquidités à la disposition des bandes et en faisant fructifier les redevances de celles‑ci. [190] [201‑202]


Parties
Demandeurs : Bande et nation indiennes d'Ermineskin
Défendeurs : Canada

Références :

Jurisprudence
Arrêts mentionnés : R. c. Marshall, [1999] 3 R.C.S. 456
R. c. Sioui, [1990] 1 R.C.S. 1025
Fales c. Canada Permanent Trust Co., [1977] 2 R.C.S. 302
R. c. Badger, [1996] 1 R.C.S. 771
Bande indienne de la rivière Blueberry c. Canada (Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1995] 4 R.C.S. 344
Guerin c. La Reine, [1984] 2 R.C.S. 335
McInerney c. MacDonald, [1992] 2 R.C.S. 138
Authorson c. Canada (Procureur général), 2003 CSC 39, [2003] 2 R.C.S. 40
Authorson (Litigation Administrator of) c. Canada (Attorney General), 2007 ONCA 501, 86 O.R. (3d) 321, autorisation de pourvoi refusée, [2008] 1 R.C.S. v
Barrie Public Utilities c. Assoc. canadienne de télévision par câble, 2003 CSC 28, [2003] 1 R.C.S. 476
McDiarmid Lumber Ltd. c. Première Nation de God's Lake, 2006 CSC 58, [2006] 2 R.C.S. 846
Lac Minerals Ltd. c. International Corona Resources Ltd., [1989] 2 R.C.S. 574
Bande indienne Wewaykum c. Canada, 2002 CSC 79, [2002] 4 R.C.S. 245
Garland c. Consumers' Gas Co., 2004 CSC 25, [2004] 1 R.C.S. 629
Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143
R. c. Kapp, 2008 CSC 41, [2008] 2 R.C.S. 483
R. c. Turpin, [1989] 1 R.C.S. 1296
Nation et bande indienne de Samson c. Canada, 2005 CF 136, [2005] A.C.F. no 156 (QL).
Lois et règlements cités
Charte canadienne des droits et libertés, art. 15.
Loi constitutionnelle de 1982, art. 35(1), 52.
Loi des Indiens, S.R.C. 1927, ch. 98, art. 92, 93.
Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F‑11, art. 2 « fonds publics », « Trésor », « valeurs » ou « titres », 17(1), 18 [abr. 1999, ch. 26, art. 20], 21, 90(1).
Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes, L.R.C. 1985, ch. I‑7, art. 4(1).
Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I‑5, art. 2 « bande », 4, 61 à 69.
Loi sur les Indiens, S.C. 1951, ch. 29, art. 123.
Règlement de 1995 sur le pétrole et le gaz des terres indiennes, DORS/94‑753, art. 33(5).
Traité
Traité no 6 (1876).
Doctrine citée
Canada. Chambre des communes. Débats de la Chambre des communes, vol. I, 1re sess., 30e lég., 21 octobre 1974, p. 557, 558.
Canada. Chambre des communes. Débats de la Chambre des communes, vol. II, 4e sess., 21e lég., 16 mars 1951, p. 1380.
Waters, Donovan W. M., Mark R. Gillen and Lionel D. Smith, eds. Waters' Law of Trusts in Canada, 3rd ed. Toronto : Thomson Carswell, 2005.

Proposition de citation de la décision: Bande et nation indiennes d'Ermineskin c. Canada, 2009 CSC 9 (13 février 2009)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2009-02-13;2009.csc.9 ?
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