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12/07/2012 | CANADA | N°2012_CSC_38

Canada | Ré:Sonne c. Fédération des associations de propriétaires de cinémas du Canada, 2012 CSC 38 (12 juillet 2012)


COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : Ré:Sonne c. Fédération des associations de propriétaires de cinémas du Canada, 2012 CSC 38

Date : 20120712

Dossier : 34210

Entre :

Ré:Sonne

Appelante

et

Fédération des associations de propriétaires de cinémas du Canada, Rogers Communications Inc., Shaw Communications Inc., Bell ExpressVu LLP, Cogeco Câble inc., Eastlink, Quebecor Media, Société TELUS Communications, Association canadienne des radiodiffuseurs et Société Radio-Canada

Intimées

- et -

Clinique d’intÃ

©rêt public et de politique d’internet du Canada Samuelson-Glushko

Intervenante

Traduction française officielle

Coram : La juge en c...

COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : Ré:Sonne c. Fédération des associations de propriétaires de cinémas du Canada, 2012 CSC 38

Date : 20120712

Dossier : 34210

Entre :

Ré:Sonne

Appelante

et

Fédération des associations de propriétaires de cinémas du Canada, Rogers Communications Inc., Shaw Communications Inc., Bell ExpressVu LLP, Cogeco Câble inc., Eastlink, Quebecor Media, Société TELUS Communications, Association canadienne des radiodiffuseurs et Société Radio-Canada

Intimées

- et -

Clinique d’intérêt public et de politique d’internet du Canada Samuelson-Glushko

Intervenante

Traduction française officielle

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Rothstein, Cromwell, Moldaver et Karakatsanis

Motifs de jugement :

(par. 1 à 53)

Le juge LeBel (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Deschamps, Fish, Abella, Rothstein, Cromwell, Moldaver et Karakatsanis)

Note : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada.

ré:sonne c. fapcc

Ré:Sonne Appelante

c.

Fédération des associations de propriétaires de cinémas du Canada,

Rogers Communications Inc., Shaw Communications Inc.,

Bell ExpressVu LLP, Cogeco Câble inc., EastLink,

Quebecor Media, Société TELUS Communications,

Association canadienne des radiodiffuseurs et

Société Radio‑Canada Intimées

et

Clinique d’intérêt public et de politique d’internet

du Canada Samuelson‑Glushko Intervenante

Répertorié : Ré:Sonne c. Fédération des associations de propriétaires de cinémas du Canada

2012 CSC 38

No du greffe : 34210.

2011 : 7 décembre; 2012 : 12 juillet.

Présents : La juge en chef McLachlin et les juges LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Rothstein, Cromwell, Moldaver et Karakatsanis.

en appel de la cour d’appel fédérale

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel fédérale (les juges Noël, Trudel et Mainville), 2011 CAF 70, 415 N.R. 10, [2011] A.C.F. no 292 (QL), 2011 CarswellNat 4826, qui a confirmé une décision de la Commission du droit d’auteur, www.cb-cda.gc.ca/decisions/2009/20090916.pdf, (2009), 78 C.P.R. (4th) 64, [2009] D.C.D.A. no 9 (QL), 2009 CarswellNat 2890. Pourvoi rejeté.

Mahmud Jamal, Glen Bloom, Marcus Klee et Jason MacLean, pour l’appelante.

David W. Kent et Sarah Kilpatrick, pour l’intimée la Fédération des associations de propriétaires de cinémas du Canada.

Gerald L. Kerr‑Wilson, Julia Kennedy et Marisa Victor, pour les intimées Rogers Communications Inc., Shaw Communications Inc., Bell ExpressVu LLP, Cogeco Câble inc., EastLink, Quebecor Media et Société TELUS Communications.

Mark Hayes et Debra L. Montgomery, pour l’intimée l’Association canadienne des radiodiffuseurs.

Marek Nitoslawski et Joanie Lapalme, pour l’intimée la Société Radio‑Canada.

Argumentation écrite seulement par David Fewer et Jeremy de Beer, pour l’intervenante.

Version française du jugement de la Cour rendu par

Le juge LeBel —

I. Introduction

[1] Le présent pourvoi porte sur l’interprétation de la définition d’« enregistrement sonore » qui figure à l’art. 2 de la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, ch. C‑42 (la « Loi ») et, plus précisément, sur le sens du terme non défini « bande sonore » qui s’y trouve. La Loi confère aux artistes‑interprètes et aux producteurs d’enregistrements sonores le droit à une rémunération pour l’exécution ou la représentation en public ou la communication au public par télécommunication de leurs enregistrements sonores publiés, à l’exclusion des retransmissions. Tout compte fait, la question dont la Cour est saisie est celle de savoir si la radiodiffusion d’enregistrements sonores incorporés à la bande sonore d’une œuvre cinématographique peut être sujette à l’application d’un tarif en vertu de la Loi ou si de telles radiodiffusions en sont exclues compte tenu de la définition de l’expression « enregistrement sonore » énoncée à l’art. 2.

[2] L’appelante, Ré:Sonne, fait valoir que le terme « bande sonore » utilisé à l’art. 2 renvoie uniquement à l’ensemble des sons qui accompagnent une œuvre cinématographique et non à ses éléments constitutifs. Elle est d’avis que puisque les enregistrements sonores préexistants incorporés à une bande sonore en forment des éléments constitutifs, par opposition à l’ensemble des sons qui accompagne une œuvre cinématographique, ils ne sont pas visés par la portée du terme « bande sonore » qui figure à l’art. 2.

[3] Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que le pourvoi doit être rejeté. Une application appropriée des principes d’interprétation législative amène à conclure que la thèse de l’appelante est indéfendable.

II. Faits et historique judiciaire

A. Les faits

[4] Ré:Sonne est une société de gestion autorisée par la Commission du droit d’auteur Canada (la « Commission ») à percevoir une rémunération équitable en vertu du par. 19(1) de la Loi pour l’exécution en public ou la communication au public par télécommunication de l’enregistrement sonore publié d’œuvres musicales.

[5] Le 28 mars 2008, Ré:Sonne — autrefois connue sous le nom de Société canadienne de gestion des droits voisins — a déposé deux projets de tarifs (les tarifs 7 et 9) en application du par. 67.1(1) de la Loi, pour l’exécution en public ou la communication au public par télécommunication, au Canada, d’enregistrements sonores publiés contenant des œuvres musicales et des prestations d’artistes‑interprètes de ces œuvres. Le tarif 7 établissait une redevance pour l’utilisation d’enregistrements sonores intégrés dans un film par un cinéma ou par un autre établissement projetant des films. Le tarif 9 visait l’utilisation d’enregistrements sonores lors d’une télédiffusion commerciale en direct, ou par une télévision spécialisée, payante ou autre.

[6] Les intimées ont contesté les projets de tarifs, pour le motif que la définition d’« enregistrement sonore » énoncée dans la Loi exclurait la bande sonore d’une œuvre cinématographique. L’art. 2 définit le terme « enregistrement sonore » comme suit :

« enregistrement sonore » Enregistrement constitué de sons provenant ou non de l’exécution d’une œuvre et fixés sur un support matériel quelconque; est exclue de la présente définition la bande sonore d’une œuvre cinématographique lorsqu’elle accompagne celle‑ci.

[7] Selon Ré:Sonne, correctement interprétée, la définition d’« enregistrement sonore » n’exclut pas un enregistrement sonore préexistant qui est intégré à une bande sonore. En effet, d’après l’appelante, l’exclusion vise plutôt à combiner les droits relatifs aux éléments visuels d’une production cinématographique et ceux relatifs aux éléments sonores de la production en question et à protéger ces droits dans le cadre d’une nouvelle œuvre définie comme une « œuvre cinématographique ».

[8] Selon les intimées, Ré:Sonne ne pouvait prétendre à aucun droit de percevoir une rémunération équitable en application de la Loi compte tenu du sens ordinaire du terme « bande sonore » qui figure dans la définition d’« enregistrement sonore ». Les intimées ont d’ailleurs demandé que la question préliminaire suivante soit tranchée :

[traduction] Quelqu’un a‑t‑il le droit de recevoir une rémunération équitable au titre de l’art. 19 de la Loi sur le droit d’auteur lorsqu’un enregistrement sonore publié fait partie de la bande sonore qui accompagne a) un film exécuté en public ou b) une émission de télévision communiquée au public par télécommunication?

La Commission a répondu par la négative, a refusé d’homologuer les tarifs et a ordonné que les tarifs soient retirés du projet de tarif publié dans la Gazette du Canada, Partie I, le 31 mai 2008. La Cour d’appel fédérale, saisie d’un contrôle judiciaire, a maintenu la décision. Ré:Sonne interjette maintenant appel devant la Cour.

B. La décision de la Commission du droit d’auteur ((2009), 78 C.P.R. (4th) 64)

[9] Après avoir cité les dispositions législatives pertinentes et passé en revue les principes d’interprétation législative, la Commission a circonscrit comme suit la question à trancher : [traduction] « [. . .] quand un enregistrement sonore préexistant qui est subséquemment incorporé à une bande sonore cesse-t-il d’être un enregistrement sonore? » Comme la définition du terme « enregistrement sonore » exclut la bande sonore d’une œuvre cinématographique qui accompagne l’œuvre en question, la décision portait sur l’interprétation du terme défini « enregistrement sonore » et du terme non défini « bande sonore » lorsqu’il est rattaché à des enregistrements sonores préexistants.

[10] La Commission a convenu que l’exclusion ne peut avoir une incidence sur les enregistrements sonores préexistants incorporés à une bande sonore que de l’une ou l’autre de trois manières : 1) l’enregistrement ne ferait plus l’objet d’une protection à titre d’enregistrement sonore ; 2) l’enregistrement demeurerait un enregistrement sonore, sauf lorsqu’il est incorporé à une bande sonore qui accompagne une œuvre cinématographique ; ou 3) l’enregistrement resterait un enregistrement sonore même en tant qu’élément d’une bande sonore qui accompagne une œuvre cinématographique. La Commission a précisé que l’appelante préconisait la troisième interprétation, les intimées la deuxième et personne la première.

[11] L’appelante a soutenu que c’est la bande sonore en tant que tout, soit l’ensemble des sons, qui est exclue de la définition d’« enregistrement sonore ». Selon ses prétentions l’exclusion en question vise à réunir tous les éléments audio et visuels d’un film pour en faire un seul sujet de droits d’auteur et pour protéger tous ces éléments en tant qu’« œuvre cinématographique ». À son avis, cela était devenu nécessaire parce que le droit d’auteur protégeait les films bien avant qu’ils ne recèlent de capacités audio. Ainsi, les sons incorporés aux films étaient protégés à la fois en tant qu’œuvres cinématographiques et en tant qu’autres supports à l’aide desquels les sons peuvent être reproduits mécaniquement. Or, cette double protection créait des problèmes. L’exclusion comprise dans la définition assurerait donc, selon l’appelante, qu’une bande sonore soit traitée comme partie intégrante d’une œuvre cinématographique et n’est pas protégée séparément, à moins qu’elle n’accompagne pas l’œuvre cinématographique. Ainsi, l’exclusion n’aurait aucune incidence sur un enregistrement sonore préexistant, soit un enregistrement sonore incorporé ultérieurement à la bande sonore d’un film qui resterait un enregistrement sonore même quand la bande sonore accompagne le film.

[12] Les intimées ont fait valoir que l’exclusion prévue à la définition d’« enregistrement sonore » vise la bande sonore et toutes ses composantes, y compris tout enregistrement sonore préexistant. Toujours selon les intimées, l’enregistrement resterait un « enregistrement sonore » sauf lorsque la bande sonore accompagne le film. Le droit d’auteur visant l’enregistrement sonore ne s’éteindrait donc pas, puisque la bande sonore et tout enregistrement sonore préexistant intégré à l’œuvre cinématographique demeureraient des enregistrements sonores lorsqu’ils n’accompagnent pas le film.

[13] La prétention de l’appelante selon laquelle il existe une distinction entre la bande sonore et les éléments qui la constituent n’a pas convaincu la Commission. Cette dernière a souligné que, pour faire droit à cet argument, il faudrait ajouter à la définition des mots tels « ensemble de » ou « toute partie de » avant le terme « bande sonore ». La Commission a noté ce qui suit au par. 28 :

Un enregistrement sonore est constitué de sons. Si la bande sonore n’est pas un enregistrement sonore lorsqu’elle accompagne le film, les sons qui la constituent ne le sont pas non plus. Il n’est pas nécessaire de préciser que « toute partie » de la bande sonore n’est pas un enregistrement sonore si tous les éléments qui la constitue n’en sont pas un.

[14] La Commission a conclu que l’interprétation préconisée par les intimées était la seule qui aboutissait à « des résultats cohérents et logiques » (par. 29). Elle a examiné une disposition semblable de la Loi, l’art. 17, qui prévoit que « [d]ès lors qu’il autorise l’incorporation de sa prestation » dans un film, l’artiste‑interprète ne peut plus réclamer de droit d’auteur à l’égard de la prestation en question. Même s’il n’existe pas d’équivalent à l’art. 17 en ce qui a trait aux enregistrements sonores, on en arrive au même résultat. La Commission a signalé ce qui suit, au par. 31 :

L’artiste‑interprète et le producteur ayant autorisé l’incorporation d’une prestation ou d’un enregistrement sonore dans la bande sonore d’un film sont empêchés d’exercer à la fois leur droit d’auteur respectif (y compris le droit de location) et leur droit à rémunération, lorsque la bande sonore accompagne le film. Lorsque la bande sonore n’accompagne pas le film, tous les droits continuent d’exister.

[15] La Commission a mentionné que les artistes‑interprètes peuvent « recevoir des droits de suite pour la diffusion d’un film qui incorpore une prestation en vertu du par. 17(2) », et a conclu que, aussi limité soit ce droit, il « est incompatible avec l’existence d’un droit de rémunération pour la même prestation » (par. 32).

[16] La Commission a fait référence aux discussions qui se sont tenues devant le Comité permanent du patrimoine canadien avant la modification de la Loi et a conclu que si « le législateur avait eu l’intention de cibler la télévision à l’article 19 de la Loi, il n’aurait pas établi un régime préférentiel pour la radio » (par. 34), soit un régime qui ne s’applique pas à la « télévision ». En outre, le Comité avait clairement indiqué qu’il n’y avait aucune intention, à l’art. 19, d’inclure une rémunération équitable pour un enregistrement sonore qui accompagne un film ou une émission télévisée. La bande sonore allait être un enregistrement sonore et donnerait droit à une rémunération équitable lorsqu’elle serait diffusée séparément du film ou de l’émission télévisée.

[17] La Commission a rejeté l’argument selon lequel cette interprétation de la Loi contreviendrait à la Convention international sur la protection des artiistes interprètes ou exécutants , des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion, 496 R.T.N.U. 43 (la « Convention de Rome »). Elle a jugé que l’art. 19 a été incéré dans la Loi justement pour que le Canada se conforme à la Convention de Rome, qui, entre autres choses, garantit aux artistes‑interprètes et aux producteurs de « phonographes » le droit à une rémunération équitable quand leurs phonographes sont « utilisé[s] directement pour la radiodiffusion ou pour une communication quelconque au public » (art. 12). La Commission a précisé au par. 38 que « la Convention prévoit expressément qu’aucune protection n’est exigée dans le cas de l’utilisation indirecte d’un enregistrement sonore, par exemple lorsqu’il est incorporé dans une bande sonore ». La Commission a aussi conclu que l’argument de l’appelante fondé sur les lois et sur la jurisprudence d’Australie, des États‑Unis et du Royaume‑Uni n’était pas pertinent.

[18] Enfin, la Commission a conclu que les projets de tarifs 7 et 9 n’étaient « pas fondés en droit et ne p[ouvaient] donc pas être homologués » (par. 44).

C. La décision de la Cour d’appel fédérale (2011CAF 70, 415 N.R. 10)

[19] La Cour d’appel fédérale a traité brièvement de la question de la norme de contrôle applicable, précisant qu’« il n’y a[vait] pas lieu de l’examiner puisqu’[elle] estim[ait], essentiellement pour les motifs exposés par la Commission, que celle‑ci a[vait] correctement statué » (par. 9).

[20] Après avoir souscrit à la décision de la Commission à cet égard, la Cour d’appel fédérale a formulé des commentaires à trois égards. Premièrement, elle s’est penchée sur la prétention de l’appelante selon laquelle, compte tenu de la décision de la Commission, les enregistrements sonores incorporés à des bandes sonores pourraient 1) être publiés sur l’Internet ou disséminer autrement; ou 2) être extraits d’un DVD puis publiés, sans que l’artiste‑interprète ou le producteur ne dispose de quelque recours que ce soit ou ne puisse solliciter de mesure de réparation. La Cour a conclu que l’incorporation non autorisée d’une prestation incluse dans une œuvre cinématographique contreviendrait à la Loi. Elle a, en outre, noté que dès lors qu’un enregistrement sonore préexistant était extrait de la bande sonore qui accompagne une œuvre cinématographique, il jouissait à nouveau des mesures de protection offertes aux artistes‑interprètes et aux producteurs par la Loi pour les enregistrements sonores isolés.

[21] Deuxièmement, la Cour d’appel a traité de l’argument de l’appelante selon lequel la Loi ne serait pas en phase avec les lois étrangères similaires si elle n’accordait pas le droit à une rémunération équitable aux artistes et aux compagnies d’enregistrement. La Cour d’appel a jugé que la jurisprudence d’Australie et du Royaume‑Uni sur laquelle s’est fondée l’appelante ne lui était d’aucun secours puisqu’elle portait sur des lois fondamentalement différentes de la nôtre.

[22] L’appelante a aussi fait valoir devant la Cour d’appel que la Loi est incompatible avec l’art. 10 de la Convention de Rome qui prévoit que les producteurs de phonogrammes jouissent du droit d’autoriser ou d’interdire la reproduction directe ou indirecte de leurs phonogrammes. La Cour d’appel a jugé que cet argument échouait parce qu’il ne tenait pas compte de la définition de « phonogramme » énoncée à la Convention (art. 3, al. b)), selon laquelle il s’agit de toute fixation exclusivement sonore des sons, dont il découle que « [s]ont donc exclus [. . .] les fixations d’images (cinéma) ou d’images et de sons (télévision) » (par. 13).

[23] Finalement, la Cour d’appel a examiné la thèse de l’appelante selon laquelle la diffusion en direct ne constitue par une communication au public d’une « œuvre cinématographique » au sens de l’article 2 de la Loi et qu’elle peut donc être sujette à l’application d’un tarif. Elle a toutefois refusé d’accueillir la demande de contrôle judiciaire pour ce « motif [. . .] limité » soulignant, en outre, que cet argument n’avait ni été soulevé dans l’avis de demande ni été soumis à la Commission. La Cour d’appel n’avait donc aucune raison de contrôler la décision de la Commission sur ce fondement.

[24] La Cour d’appel a donc rejeté la demande de contrôle judiciaire.

III. Analyse

A. Questions en litige

[25] Le présent pourvoi porte principalement sur l’application de principes bien connus d’interprétation législative. En effet, la question que doit trancher la Cour est la suivante : les enregistrements sonores préexistants incorporés à une bande sonore sont‑ils visés par le terme non défini « bande sonore » utilisé dans la définition que donne l’art. 2 de la Loi au terme « enregistrement sonore » ? Autrement dit, puisque seul un « enregistrement sonore » peut donner droit à l’application d’un tarif en vertu de l’art. 19, la reproduction d’un enregistrement sonore préexistant qui fait partie intégrante de la bande sonore d’une œuvre cinématographique peut‑elle donner droit à l’application d’un tarif quand la bande sonore en question accompagne une œuvre cinématographique ?

[26] Pour les motifs qui suivent, je conclus que, indépendamment de la norme de contrôle, la Commission a bien interprété le terme « bande sonore ». Par conséquent, un enregistrement sonore préexistant qui fait partie d’une bande sonore ne peut pas donner droit à l’application d’un tarif quand cette dernière accompagne une œuvre cinématographique.

B. La norme de contrôle

[27] Il est inutile de nous attarder sur la norme de contrôle. L’issue du présent pourvoi ne dépend pas de l’application de l’une ou de l’autre des deux normes de contrôle puisque, quoi qu’il en soit, la décision de la Commission était correcte.

C. Le régime législatif

[28] En vertu de l’art. 19 de la Loi, l’appelante a le droit de percevoir une rémunération équitable au nom des artistes‑interprètes et des producteurs d’enregistrements sonores lorsque leurs enregistrements font l’objet d’une exécution en public ou d’une communication au public par télécommunication. Le droit de percevoir ces redevances a été ajouté à la Loi en 1997 en tant qu’élément d’un ensemble de « droits voisins » visant les enregistrements sonores, des droits — qui se distinguent des droits d’auteur traditionnels — conférés aux créateurs d’œuvres musicales comme les compositeurs et les paroliers (L.C. 1997, ch. 24). Ces nouveaux droits voisins ont été ajoutés par le législateur afin de satisfaire aux obligations qui incombent au Canada en tant que signataire de la Convention de Rome. En plus de l’art. 12 de cette convention, qui confère le droit à une rémunération équitable quand un phonogramme « est utilisé directement pour la radiodiffusion ou pour une communication quelconque au public », son art. 10 prévoit en outre que « [l]es producteurs de phonogrammes jouissent du droit d’autoriser ou d’interdire la reproduction directe ou indirecte de leurs phonogrammes » (art. 10).

[29] Comme je l’ai déjà mentionné, le droit de percevoir une redevance au nom des artistes‑interprètes et des producteurs d’enregistrements sonores, même s’il est prévu à l’art. 19, dépend de la définition du terme « enregistrement sonore » qui figure à l’art. 2 de la Loi. Cette définition a une incidence sur les limites du droit en question. À moins que ce qui est exécuté ou communiqué au public par télécommunication soit un « enregistrement sonore », il ne saurait y avoir de droit de percevoir des redevances pour cette exécution ou cette communication.

[30] Les dispositions pertinentes de la Loi sont les suivantes :

2. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

. . .

« enregistrement sonore » Enregistrement constitué de sons provenant ou non de l’exécution d’une œuvre et fixés sur un support matériel quelconque; est exclue de la présente définition la bande sonore d’une œuvre cinématographique lorsqu’elle accompagne celle‑ci.

. . .

19. (1) Sous réserve de l’article 20, l’artiste‑interprète et le producteur ont chacun droit à une rémunération équitable pour l’exécution en public ou la communication au public par télécommunication — à l’exclusion de toute retransmission — de l’enregistrement sonore publié.

(2) En vue de cette rémunération, quiconque exécute en public ou communique au public par télécommunication l’enregistrement sonore publié doit verser des redevances :

a) dans le cas de l’enregistrement sonore d’une œuvre musicale, à la société de gestion chargée, en vertu de la partie VII, de les percevoir; . . .

[31] Je le répète, le terme « bande sonore » utilisé dans la définition que l’art. 2 donne d’« enregistrement sonore » n’est pas défini.

D. Interprétation législative

[32] La Cour a souvent réitéré que l’interprétation législative vise à discerner l’intention du législateur à partir des termes employés, compte tenu du contexte global et du sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la Loi, son objet et l’intention du législateur (Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, citant E.A. Driedger, Construction of Statutes (2e éd. 1983), p. 87).

[33] Même si les lois peuvent être interprétées de manière téléologique, leur interprétation doit néanmoins respecter les mots choisis par le législateur. En outre, l’historique législatif peut aider considérablement à discerner l’intention qu’avait le législateur lorsqu’il a choisi le libellé particulier d’un texte législatif.

[34] En l’espèce, nous devons amorcer l’interprétation législative par les mots qui figurent à l’art. 2.

[35] Selon cette disposition, un « enregistrement sonore » est un enregistrement constitué de sons, dont « est exclue [. . .] la bande sonore d’une œuvre cinématographique lorsqu’elle accompagne celle‑ci. ». Ainsi, une « bande sonore » est un « enregistrement sonore » sauf quand elle accompagne un film. S’il en était autrement, l’exclusion serait superflue.

[36] Lorsqu’il accompagne un film, l’enregistrement de sons qui constituent une bande sonore n’est pas visé par la définition « d’enregistrement sonore » et ne déclenche pas l’application de l’art. 19. Un enregistrement sonore préexistant est constitué de sons enregistrés. Or, la Loi ne précise pas que l’enregistrement préexistant d’un « son » qui accompagne un film ne peut pas constituer une « bande sonore » au sens où il faut l’entendre pour l’application de l’art. 2. À mon avis, un enregistrement sonore préexistant ne peut pas être exclu du sens de « bande sonore », à moins que le législateur exprime explicitement une telle intention dans la Loi. Il aurait pu le faire, par exemple, en excluant uniquement « l’ensemble des sons qui constituent une bande sonore ».

[37] L’historique législatif confirme notre interprétation.

[38] Dans sa décision de première instance, la Commission a fait référence à certains commentaires instructifs formulés lors de séances du Comité permanent du patrimoine canadien quant aux dispositions qui font l’objet du présent litige. La Commission a cité ces commentaires et résumé comme suit leur importance (par. 36) :

. . . la définition d’« enregistrement sonore » a été modifiée à l’étape du Comité afin de s’assurer qu’une bande sonore ne soit pas un enregistrement et, par conséquent, qu’elle ne donne pas droit à une rémunération équitable lorsqu’elle accompagne un film ou une émission de télévision, alors que la bande sonore serait un enregistrement et donnerait droit à une rémunération équitable lorsqu’elle est exécutée séparément du film ou de l’émission en question. Les commentaires suivants formulés au cours de l’audience du Comité permanent du patrimoine canadien sont instructifs sur ce point :

M. Abbott [député] : . . . Dans la version actuelle du projet de loi, une bande sonore disponible en disque compact ne pourrait bénéficier des droits en question. Est‑ce bien ce que vous dites?

M. Bouchard [ministère du Patrimoine canadien] : Dans la version actuelle, c’est exact.

M. Abbott : Mais le rajout des mots « lorsqu’elle accompagne » la rend admissible aux droits voisins. Est‑ce bien exact?

Mme Katz : Oui, c’est exact.

[. . .]

M. Richstone [ministère de la Justice] :

Je voudrais simplement ajouter qu’on trouve dans le projet de loi les mots « partie intégrante », qui causent des soucis à bien du monde au plan technique. Que signifie « partie intégrante »? Va‑t‑il falloir appliquer un test conceptuel ou un test matériel?

Souvent, la bande sonore d’un film ne fait pas matériellement partie intégrante du film si elle est jouée en même temps. C’est pourquoi on a choisi les mots « lorsqu’elle accompagne ». C’est une formule qu’on retrouve dans les législations des États‑Unis et du Commonwealth.

Lorsque la bande sonore accompagne une œuvre cinématographique, elle fait partie de cette œuvre cinématographique. Lorsqu’elle n’accompagne pas une œuvre cinématographique — c’est‑à‑dire lorsqu’elle est vendue, exploitée ou présentée à part, en tant qu’enregistrement sonore — elle est alors protégée à ce titre.

[Soulignement omis; passages entre crochets dans l’original.]

[39] Ces commentaires confirment que le verbe « accompagne » ouvrirait la voie à une rémunération en vertu de l’art. 19 pour une bande sonore fixée sur un CD alors qu’elle ne donnerait pas droit à une telle rémunération si elle n’était pas fixée sur un tel support. Il est difficile d’imaginer que le commentaire relatif à « une bande sonore en disque compact » ferait référence à un CD qui contiendrait « l’ensemble des sons qui accompagnent un film en tant que tout ». Pourtant, l’appelante recommande vivement l’adoption de cette interprétation de l’expression « bande sonore » par la Cour. Si cette interprétation était la bonne, le CD en question devrait comprendre, non seulement les enregistrements préexistants, mais également tous les dialogues, les effets sonores, la musique d’ambiance et les bruits du film. Il ne pourrait pas comprendre uniquement les enregistrements sonores préexistants utilisés dans un film.

[40] L’interprétation de l’appelante doit être rejetée.

E. Droit comparatif et règles internationales

[41] L’appelante prétend que la jurisprudence étrangère appuie sa thèse. En fait, cette jurisprudence énonce clairement les différences importantes qui existent entre la législation canadienne sur le droit d’auteur et la législation étrangère en cette matière sur laquelle ces décisions ont été fondées.

[42] La Copyright Act, 1956, ch. 74 du Royaume Uni donne une définition d’« enregistrement sonore » qui est fondamentalement différente de celle qui figure dans la loi canadienne. La portion pertinente du par. 12(9) se lit comme suit :

[traduction]

Dans la présente Loi, « enregistrement sonore » s’entend d’un ensemble de sons intégrés à un support quel qu’il soit et reproductibles grâce à lui, sauf une bande sonore associée à un film cinématographique;

[43] La Copyright Act 1968, no 63, d’Australie définit l’« enregistrement sonore » comme un [traduction] « ensemble de sons intégrés à un support (art. 10) ». Le terme « film cinématographique », y est défini comme :

[traduction]

l’ensemble des images visuelles intégrées dans un article ou objet de manière à être en mesure d’utiliser l’article ou l’objet . . . et comprend l’ensemble des sons intégrés à une bande sonore associée à de telles images; [art. 10]

[44] Ces définitions — contrairement à celle de la loi canadienne — font référence au concept d’« ensemble » de sons. La différence entre les lois canadienne et étrangères est suffisamment manifeste pour écarter toute valeur probante qu’auraient pu autrement avoir les causes qui ont appliqué ce concept fondé sur les lois étrangères.

[45] La décision sur laquelle l’appelante se fonde le plus a été rendue par la Haute Cour d’Australie dans Phonographic Performance Co. of Australia Ltd. c. Federation of Australian Commercial Television Stations, [1998] HCA 39, 195 C.L.R. 158. Dans cette affaire, la Haute Cour était saisie d’une question similaire à celle que nous devons traiter en l’espèce. En se fondant sur les définitions qui figurent dans la loi australienne, la Haute Cour a conclu que [traduction] « [c]e que la loi estime ne pas être un enregistrement sonore est l’ensemble des sons enregistrés sous une forme particulière : la bande sonore » (par. 22 (je souligne)). Toutefois, la loi en cause dans cette affaire était différente de la loi canadienne et, pire, la Haute Cour était très divisée quant à la question, deux juges ayant été dissidents.

[46] En l’espèce, l’appelante avance essentiellement les mêmes arguments que ceux invoqués dans la cause australienne et demande à la Cour de conclure comme l’ont fait les juges majoritaires de la Haute Cour d’Australie. Or, non seulement la Cour n’est-elle pas liée par ce précédent, mais, en outre, ce dernier ne convainc pas dans le contexte de la présente espèce. Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale dans la présente affaire, les arrêts étrangers sur lesquels se fonde l’appelante ne peuvent nous guider et ne servent qu’à mettre en évidence les différences entre la loi canadienne et celles d’autres pays.

[47] L’appelante fait aussi valoir que la Loi est incompatible avec la Convention de Rome.

[48] Comme je l’ai déjà mentionné, la Convention de Rome énonce que « [l]es producteurs de phonogrammes jouissent du droit d’autoriser ou d’interdire la reproduction directe ou indirecte de leurs phonogrammes » (art. 10). L’appelante soutient que les producteurs de bandes sonores n’auraient pas ce droit si un enregistrement sonore préexistant était une bande sonore. Elle en conclut que la Loi, compte tenu de l’interprétation qu’en donne la Cour d’appel fédérale, contrevient à la Convention de Rome.

[49] L’appelante omet d’évoquer l’art. 3 de la Convention de Rome, qui définit le « phonogramme » comme « toute fixation exclusivement sonore des sons provenant d’une exécution ou d’autres sons ». Ainsi, l’exclusion d’une bande sonore de la définition d’« enregistrement sonore » lorsqu’elle accompagne une œuvre cinématographique est compatible avec la Convention de Rome puisque l’exclusion ne vise pas « toute fixation exclusivement sonore ».

[50] Contrairement à ce qu’affirme l’appelante, l’enregistrement « piraté » (reproduit) d’un enregistrement sonore préexistant qui accompagne un film serait sujet au droit d’auteur. Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale, dès lors qu’un enregistrement sonore préexistant est extrait de la bande sonore qui accompagne une œuvre cinématographique, la protection qui vise les enregistrements sonores s’applique de nouveau à lui. Il n’y a donc aucune violation de la Convention de Rome.

[51] Comme la Cour l’a précisé dans National Corn Growers Assn. c. Canada (Tribunal des importations), [1990] 2 R.C.S. 1324, « . . . lorsque le texte de la loi nationale s’y prête, on devrait en outre s’efforcer d’adopter une interprétation qui soit compatible avec les obligations internationales en question » (p. 1371). En l’espèce, l’interprétation de la Commission est compatible avec les obligations qui incombent au Canada en application de la Convention de Rome.

IV. Conclusion

[52] La Commission n’a pas commis d’erreur en concluant que le terme « bande sonore » comprend les enregistrements sonores préexistants et que ces enregistrements sont donc exclus de la définition d’« enregistrement sonore » lorsqu’ils accompagnent une œuvre cinématographique. Cette interprétation du terme « bande sonore » est compatible avec l’esprit de la Loi, l’intention du législateur et les obligations internationales du Canada. Contrairement à ce que suggère l’appelante, elle ne mène pas à des résultats absurdes.

[53] Pour ces motifs, je suis d’avis de rejeter le pourvoi avec dépens.

Pourvoi rejeté avec dépens.

Procureurs de l’appelante : Osler, Hoskin & Harcourt, Toronto.

Procureurs de l’intimée la Fédération des associations de propriétaires de cinémas du Canada : McMillan, Toronto.

Procureurs des intimées Rogers Communications Inc., Shaw Communications Inc., Bell ExpressVu LLP, Cogeco Câble inc., EastLink, Quebecor Media et Société TELUS Communications : Fasken Martineau DuMoulin, Ottawa.

Procureurs de l’intimée l’Association canadienne des radiodiffuseurs : Hayes eLaw, Toronto.

Procureurs de l’intimée la Société Radio‑Canada : Fasken Martineau DuMoulin, Montréal.

Procureur de l’intervenante : Université d’Ottawa, Ottawa.


Synthèse
Référence neutre : 2012 CSC 38 ?
Date de la décision : 12/07/2012
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Propriété intellectuelle - Droit d’auteur - Un enregistrement préexistant incorporé à la bande sonore d’une œuvre cinématographique constitue‑t‑il un enregistrement sonore qui donne droit à une rémunération fondée sur un tarif - La bande sonore d’une œuvre cinématographique est‑elle constituée d’un ensemble de sons ou de composantes? - Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, ch. C‑42, art. 2 « enregistrement sonore », 19.

La Loi sur le droit d’auteur confère aux artistes‑interprètes et aux producteurs d’enregistrements sonores le droit à une rémunération pour l’exécution ou la représentation en public ou la communication au public par télécommunication de leurs enregistrements sonores publiés. L’appelante a déposé deux projets de tarifs qui établissaient une redevance pour l’utilisation d’enregistrements sonores intégrés dans un film par un cinéma ou par un autre établissement projetant des films et pour leur utilisation lors d’une télédiffusion commerciale en direct, ou par une télévision spécialisée, payante ou autre. Les intimées ont contesté les projets de tarifs, pour le motif que la définition d’« enregistrement sonore » exclurait la bande sonore d’une œuvre cinématographique. La Commission du droit d’auteur a refusé d’homologuer les tarifs et la Cour d’appel fédérale, saisie d’un contrôle judiciaire, a maintenu la décision.

Arrêt : Le pourvoi est rejeté.

Quelle que soit la norme de contrôle applicable, la Commission a eu raison de conclure qu’un e « bande sonore » comprend les enregistrements sonores préexistants et que ces enregistrements sont exclus de la définition d’« enregistrement sonore » lorsqu’ils accompagnent une œuvre cinématographique. Cette interprétation du terme « bande sonore » est compatible avec l’esprit de la Loi, l’intention du législateur et les obligations internationales du Canada. Un enregistrement sonore préexistant qui fait partie d’une bande sonore ne peut pas donner de droit, en application de l’art. 19 de la Loi, de percevoir une redevance conforme à un tarif quand cette bande sonore accompagne une œuvre cinématographique.

Les dispositions en cause doivent être interprétées en tenant compte du contexte global, du sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la Loi, son objet et le libellé utilisé par le législateur. Selon l’art. 2 de la Loi, un « enregistrement sonore » est un enregistrement constitué de sons, dont « est exclue [. . .] la bande sonore d’une œuvre cinématographique lorsqu’elle accompagne celle‑ci. » Ainsi, une « bande sonore » est un « enregistrement sonore » sauf quand elle accompagne un film. S’il en était autrement, l’exclusion serait superflue. Pour qu’un enregistrement sonore préexistant soit exclu du sens de « bande sonore », il aurait fallu que le législateur exprime explicitement une telle intention dans la Loi. Il aurait pu le faire, par exemple, en excluant uniquement « l’ensemble des sons qui constituent une bande sonore ». L’historique législatif confirme cette interprétation; tout particulièrement certains commentaires formulés lors de séances du Comité permanent du patrimoine canadien quant aux dispositions en cause.

La Loi sur le droit d’auteur n’est pas incompatible avec la Convention de Rome. Même si cette convention prévoit que les producteurs de phonogrammes jouissent du droit d’autoriser ou d’interdire la reproduction directe ou indirecte de leurs phonogrammes, l’article 3 définit le « phonogramme » comme « toute fixation exclusivement sonore des sons provenant d’une exécution ou d’autres sons ». Or, une bande sonore qui accompagne une œuvre cinématographique n’est pas destinée à une fixation exclusivement sonore. En outre, dès lors qu’un enregistrement sonore préexistant est extrait de la bande sonore qui accompagne une œuvre cinématographique, la protection qui vise les enregistrements sonores s’applique de nouveau à lui. L’interprétation de la Commission est compatible avec les obligations qui incombent au Canada en application de la Convention de Rome.


Parties
Demandeurs : Ré:Sonne
Défendeurs : Fédération des associations de propriétaires de cinémas du Canada

Références :

Jurisprudence
Arrêt non suivi : Phonographic Performance Co. of Australia Ltd. c. Federation of Australian Commercial Television Stations, [1998] HCA 39, 195 C.L.R. 158
arrêts mentionnés : Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27
National Corn Growers Assn. c. Canada (Tribunal des importations), [1990] 2 R.C.S. 1324.
Lois et règlements cités
Copyright Act, 1956 (R.‑U.), ch. 74, art. 12(9) « sound recording ».
Copyright Act 1968 (Aust.), no 63, art. 10 « cinematograph film », « sound recording ».
Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, ch. C‑42, art. 2 « enregistrement sonore » [aj. 1997, ch. 24, art. 1(5)], 17 [aj. idem, art. 14], 19 [aj. idem], 67.1(1).
Documents internationaux
Convention internationale sur la protection des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion, 496 R.T.N.U. 43, art. 3, 10, 12.
Doctrine et autres documents cités
Driedger, Elmer A. Construction of Statutes, 2nd ed. Toronto : Butterworths, 1983.

Proposition de citation de la décision: Ré:Sonne c. Fédération des associations de propriétaires de cinémas du Canada, 2012 CSC 38 (12 juillet 2012)


Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2012-07-12;2012.csc.38 ?
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