La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/10/2014 | CANADA | N°2014_CSC_60

Canada | R. c. Conception


COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : R. c. Conception , 2014 CSC 60, [2014] 3 R.C.S. 82
Date : 20141003
Dossier : 34930

Entre :
Brian Conception
Appelant
et
Sa Majesté la Reine, Responsable du Centre de toxicomanie et de santé mentale et Responsable du Centre de santé mentale de Penetanguishene
Intimées
- et -
Procureur général du Canada, procureur général du Québec, Criminal Lawyers' Association of Ontario et Mental Health Legal Committee
Intervenants

Traduction française officielle

Coram : La juge en ch

ef McLachlin et les juges LeBel, Abella, Rothstein, Cromwell, Moldaver, Karakatsanis, Wagner et Gascon

Motifs d...

COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : R. c. Conception , 2014 CSC 60, [2014] 3 R.C.S. 82
Date : 20141003
Dossier : 34930

Entre :
Brian Conception
Appelant
et
Sa Majesté la Reine, Responsable du Centre de toxicomanie et de santé mentale et Responsable du Centre de santé mentale de Penetanguishene
Intimées
- et -
Procureur général du Canada, procureur général du Québec, Criminal Lawyers' Association of Ontario et Mental Health Legal Committee
Intervenants

Traduction française officielle

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges LeBel, Abella, Rothstein, Cromwell, Moldaver, Karakatsanis, Wagner et Gascon

Motifs de jugement conjoints :
(par. 1 à 44)

Motifs concordants :
(par. 45 à 133)

Les juges Rothstein et Cromwell (avec l'accord des juges LeBel, Abella et Gascon)

La juge Karakatsanis (avec l'accord de la juge en chef McLachlin et des juges Moldaver et Wagner)



r. c. conception, 2014 CSC 60, [2014] 3 R.C.S. 82
Brian Conception Appelant
c.
Sa Majesté la Reine, responsable du Centre
de toxicomanie et de santé mentale et responsable
du Centre de santé mentale de Penetanguishene Intimés
et
Procureur général du Canada,
procureur général du Québec,
Criminal Lawyers' Association of Ontario et
Mental Health Legal Committee Intervenants
Répertorié : R. c. Conception
2014 CSC 60
N o du greffe : 34930.
Audition : 17 octobre 2013.
Présents : La juge en chef McLachlin et les juges LeBel, Abella, Rothstein, Cromwell, Moldaver, Karakatsanis et Wagner.
Nouvelle audition ordonnée : 30 juillet 2014.
Jugement : 3 octobre 2014.
Présents : La juge en chef McLachlin et les juges LeBel, Abella, Rothstein, Cromwell, Moldaver, Karakatsanis, Wagner et Gascon.
en appel de la cour d'appel de l'ontario
Droit criminel — Troubles mentaux — Décisions rendues par un tribunal ou une commission d'examen — Décision prévoyant un traitement — Accusé déclaré inapte à subir son procès — Ordonnance de traitement applicable « sur‑le‑champ » rendue par la juge présidant l'audience sans le consentement de l'hôpital chargé du traitement — Le tribunal peut‑il ordonner que le traitement débute immédiatement même si l'hôpital ou le médecin traitant ne consentent pas à cette décision? — L'exigence relative au consentement porte‑t‑elle sur la date d'exécution de l'ordonnance ou simplement sur le traitement même? — Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46 , art. 672.58 , 672.62(1) .
Droit constitutionnel — Charte des droits et libertés — Droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne — Droit criminel — Troubles mentaux — Décision prévoyant un traitement — Le fait d'exiger le consentement de l'hôpital à toutes les modalités de la décision prévoyant un traitement porte‑t‑il atteinte au droit de l'accusé à l'équité procédurale? — Les dispositions du Code criminel relatives à la décision prévoyant un traitement sont‑elles imprécises ou arbitraires au point d'être inconstitutionnelles? — Charte des droits et libertés, art. 7 — Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46 , art. 672.58 , 672.62(1) .
C était accusé d'agression sexuelle. Il était en psychose lorsqu'il a comparu, et il a été déclaré inapte à subir son procès. L'avocate du ministère public a recommandé que soit rendue une décision prévoyant un traitement. Elle a indiqué qu'une place dans un établissement d'un certain hôpital se libérerait six jours après la date de l'audience. La juge qui présidait l'audience a rendu une ordonnance de traitement applicable « sur‑le‑champ », ordonnant que C soit traité à un deuxième hôpital ou à « l'établissement désigné » (l'établissement du premier hôpital de préférence). Les services aux tribunaux ont conduit C au premier hôpital et l'ont laissé dans un couloir. Les hôpitaux ont interjeté appel de la décision. La Cour d'appel était d'avis que la juge qui présidait l'audience avait conclu à tort qu'il avait été satisfait à l'exigence relative au consentement prévue aux dispositions du Code criminel relatives au traitement. La Cour d'appel a également statué que les dispositions applicables du Code (l' art. 672.58 et le par. 672.62(1) ) mettent en jeu le droit à la liberté et à la sécurité de la personne garanti à l'art. 7 de la Charte , mais n'enfreignent pas les principes de justice fondamentale.
Arrêt : Le pourvoi est rejeté.
Les juges LeBel, Abella, Rothstein, Cromwell et Gascon : Le consentement est obligatoire à l'égard de la décision dans son ensemble, et non pas simplement à l'égard du traitement. Le tribunal ne peut ordonner que le traitement débute immédiatement si l'hôpital ou le médecin traitant ne consentent pas à cette décision à moins que la situation n'appartienne à l'un des rares cas où retarder le traitement porterait atteinte aux droits garantis à l'accusé par la Charte canadienne des droits et libertés et où une ordonnance de traitement immédiat constituerait une réparation convenable et juste d'une telle atteinte.
La décision prévoyant un traitement est subordonnée au consentement de l'hôpital ou de la personne chargée du traitement à toutes les modalités de la décision. Sans consentement, la décision ne peut être rendue. Le point de départ est le texte des dispositions, pris dans son sens ordinaire et grammatical, suivant le principe moderne d'interprétation des lois. Aux termes du Code criminel , le tribunal ne peut rendre une « décision » en vertu de l' art. 672.58 sans le consentement de l'hôpital ou de la personne chargée du traitement. Le mot « décision » est employé, à la partie XX.1, dans une acception technique. Bien qu'on puisse utiliser le terme « ordonnance de traitement » en langue courante pour parler d'une décision prévoyant un traitement, le Code criminel ne prévoit pas une telle ordonnance. Il en ressort clairement que la « décision » rendue en vertu de l' art. 672.58 comporte nécessairement un aspect temporel, en ce sens qu'elle précise tant le début que la fin de son exécution, et qu'elle peut inclure toute autre modalité fixée par le tribunal. En conséquence, l'hôpital doit consentir à la décision rendue en vertu de l' art. 672.58 , et non pas uniquement à certains aspects de cette dernière. Le sens du mot « consentement » et le contexte de son emploi dans les dispositions en cause appuient une telle conclusion. Dans les cas où le législateur veut établir une distinction entre le consentement au traitement et le consentement à la décision, il le fait expressément.
La décision rendue en vertu de l' art. 672.58 est extraordinaire en ce sens qu'elle enjoint à un accusé de se soumettre à un traitement sans son consentement et, par voie de conséquence logique, la décision rendue en vertu de l' art. 672.58 permet au personnel médical d'administrer ce traitement à l'accusé contre son gré. Ces dispositions témoignent de l'importance accordée au jugement clinique du prestataire de traitement tant en ce qui a trait aux soins précis à prodiguer qu'à l'endroit où ils doivent l'être. Cette conception large de la teneur du consentement obligatoire est étayée par les réalités des traitements imposés aux personnes potentiellement dangereuses. Le consentement de l'hôpital porte nécessairement sur la date à laquelle l'ordonnance de traitement rendue à l'égard d'un accusé déclaré inapte doit être exécutée, car la période pendant laquelle le traitement sera administré est inextricablement liée, pour l'établissement, à sa capacité d'offrir pareils soins de façon efficace et sécuritaire. La capacité d'un établissement d'administrer le traitement approprié est inextricablement liée à la disponibilité des installations et du personnel nécessaires. La date du traitement constitue donc un élément essentiel, et non distinct, de l'opportunité du traitement. Par conséquent, le consentement visé au par. 672.62(1) du Code doit porter également sur la date du traitement.
L'exigence relative au consentement ne prive pas l'accusé de son droit à l'équité procédurale, et cette disposition n'est ni imprécise ni arbitraire au point d'être inconstitutionnelle. S'il était porté atteinte aux droits garantis à l'art. 7, l'atteinte découlerait de l'exercice par l'hôpital du pouvoir discrétionnaire qui l'habilite à réserver son consentement dans un cas donné et n'émane pas intrinsèquement de cette disposition. Nulle atteinte n'a été établie. Cela étant dit, il est loisible au juge qui envisage de rendre ce type de décision, lorsque la question se pose, de déterminer si le refus du consentement restreindra inconstitutionnellement le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne de l'accusé en contravention aux principes de justice fondamentale. S'il est convaincu que tel est le cas, le juge pourrait déterminer si l'admission immédiate de l'accusé constituerait une réparation convenable et juste.
La juge en chef McLachlin et les juges Moldaver, Karakatsanis et Wagner : Le régime établi à la partie XX.1 du Code criminel relatif aux ordonnances de traitement a pour objectif de faire parvenir l'accusé atteint de troubles mentaux au seuil des capacités cognitives requis pour l'instruction de son procès. Le pouvoir discrétionnaire conféré au tribunal par l' art. 672.58 , qui l'habilite à ordonner un traitement afin de rendre une personne apte à subir son procès, est assujetti à des garanties et à des délais rigoureux. Étant donné la possibilité que l'accusé soit assujetti à un traitement médical, l'une de ces garanties est le consentement obligatoire de l'hôpital prévu au par. 672.62(1) . Toutefois, lorsque l'exigence relative au consentement est interprétée dans le contexte législatif pertinent, il ressort que l'hôpital n'a pas à consentir à toutes les modalités de l'ordonnance de traitement. Le consentement de l'hôpital n'est obligatoire qu'à l'égard du traitement. La pénurie de places et les listes d'attente n'autorisent pas l'hôpital à refuser ou à reporter son consentement. Il ne peut refuser son consentement que pour des motifs d'ordre médical. L'établissement de soins ne saurait refuser son consentement sous prétexte de la gestion efficace des ressources hospitalières.
Les ordonnances de traitement visent à rendre l'accusé apte à subir son procès — pour protéger son droit à un procès en temps opportun et à l'équité procédurale et pour protéger l'intérêt du public à ce que les accusés soient jugés. Elles visent également à garantir une atteinte minimale à la liberté de l'accusé. Bien que les intérêts médicaux et juridiques des accusés soient en jeu, l'objectif ultime de l'ordonnance de traitement est de protéger les intérêts juridiques de l'accusé.
L'interprétation de ces dispositions à la lumière (1) des objectifs de la partie XX.1, du régime établi relatif aux ordonnances de traitement et de l'exigence relative au consentement, (2) du régime de contrôles et de supervision judiciaires stricts assujettis à des délais de rigueur et (3) des dispositions d'appel et de suspension automatique, fait ressortir que le consentement obligatoire représente uniquement l'assentiment de l'hôpital à administrer le traitement particulier. En rendant obligatoire le consentement de l'hôpital à toutes les modalités d'une « décision » prévoyant un traitement, on accorderait dans les faits aux hôpitaux un droit de veto considérable qu'ils pourraient opposer à une ordonnance de traitement sans égard aux intérêts juridiques de l'accusé. Si les hôpitaux avaient le pouvoir de refuser leur consentement ou de dicter le moment du traitement prévu dans l'ordonnance, pour quelque raison que ce soit, notamment en invoquant l'administration de l'hôpital et les listes d'attente, ce pouvoir constituerait une dérogation importante au régime complet de paramètres judiciaires et de délais serrés prévus à la partie XX.1. Seul un juge peut évaluer les risques qui découleraient du report de traitement d'un accusé inapte à subir son procès parce que bien des dangers, et des plus graves, découlent non pas de l'« urgence médicale » du traitement, évaluée par les hôpitaux, mais plutôt des risques auxquels cet accusé serait exposé en prison. En outre, la suspension automatique d'une ordonnance de traitement à la suite d'un appel interjeté par l'établissement serait dépourvue de tout sens si l'ordonnance de traitement ne pouvait pas être rendue sans le consentement de l'hôpital à l'ensemble de ses modalités. Le régime prévoit plutôt la suspension de l'ordonnance et un recours en appel pour l'hôpital précisément parce que certaines « modalités » de l'ordonnance, dont le moment du traitement, sont fixées par le tribunal.
Ainsi, bien que l'hôpital ne puisse invoquer la pénurie de places pour refuser son consentement, ce facteur s'inscrit dans les circonstances dont la juge tient compte, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, lorsqu'elle fixe la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance de traitement. L'hôpital préoccupé par la pénurie de places ou sa capacité d'administrer immédiatement le traitement de façon sécuritaire peut soulever la question du triage devant le juge. Pour fixer la date de début du traitement, la juge tient compte certes de la pénurie de places, mais également des intérêts de l'accusé en matière de liberté, de sécurité et d'équité procédurale ainsi que des conséquences du retard dans l'instruction de son procès pour l'accusé qui languit en prison. Si le tribunal assortit l'ordonnance de traitement de modalités que l'hôpital juge déraisonnables, l'hôpital peut exercer son droit d'appel légal et bénéficier de la suspension automatique.
La Cour d'appel a eu raison de conclure que l'ordonnance applicable « sur‑le‑champ » n'aurait pas dû être rendue en l'espèce. Or ce n'est pas que la juge présidant l'audience n'avait pas compétence pour rendre l'ordonnance de traitement, mais plutôt que sa décision à propos du moment du traitement prévu dans l'ordonnance n'était pas raisonnable.
Jurisprudence
Citée par les juges Rothstein et Cromwell
Arrêts mentionnés : Winko c. Colombie‑Britannique (Forensic Psychiatric Institute) , [1999] 2 R.C.S. 625; Mazzei c. Colombie‑Britannique (Directeur des Adult Forensic Psychiatric Services) , 2006 CSC 7, [2006] 1 R.C.S. 326.
Citée par la juge Karakatsanis
Arrêts mentionnés : R. c. R.R. , 2006 ONCJ 141 (CanLII); R. c. Consuelo , C.J. Ont., Toronto, n os 10‑10001715, 10‑10004017, 10‑70009469, 14 septembre 2010 (non publié); R. c. Procope , C.J. Ont., Toronto, n os 10009107, 1200160, 6 octobre 2010 (non publié); Centre for Addiction and Mental Health c. Al‑Sherewadi , 2011 ONSC 2272, [2011] O.J. No. 1755 (QL); Mazzei c. Colombie‑Britannique (Directeur des Adult Forensic Psychiatric Services) , 2006 CSC 7, [2006] 1 R.C.S. 326; Centre de santé mentale de Penetanguishene c. Ontario (Procureur général) , 2004 CSC 20, [2004] 1 R.C.S. 498; Winko c. Colombie‑Britannique (Forensic Psychiatric Institute) , [1999] 2 R.C.S. 625.
Lois et règlements cités
Charte canadienne des droits et libertés , art. 7 .
Code criminel , L.R.C. 1985, ch. C‑46 , partie XX.1, art. 672 , 672.1 « décision », 672.11, 672.12, 672.13(1), 672.14, 672.23, 672.29, 672.46, 672.5(2), 672.54, 672.58, 672.59, 672.6, 672.61, 672.62, 672.63, 672.72, 672.75, 672.93.
Doctrine et autres documents cités
Canada. Chambre des communes. Débats de la Chambre des communes , vol. 3, 3 e sess., 34 e lég., 4 octobre 1991, p. 3297.
Canada. Chambre des communes. Comité permanent de la sécurité publique et nationale. La santé mentale et la toxicomanie dans le système correctionnel fédéral : Rapport du Comité permanent de la sécurité publique et nationale , 3 e sess., 40 e lég., décembre 2010.
Centre de toxicomanie et de santé mentale. « Statement of Principles and Practices for Admission Prioritization », October 2010.
Driedger, Elmer A. Construction of Statutes , 2nd ed. Toronto : Butterworths, 1983.
Sullivan, Ruth. Sullivan on the Construction of Statutes , 5th ed. Markham, Ont. : LexisNexis, 2008.
POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario (les juges Simmons, Blair et Hoy), 2012 ONCA 342, 111 O.R. (3d) 19, 259 C.R.R. (2d) 286, 292 O.A.C. 20, 94 C.R. (6th) 405, 284 C.C.C. (3d) 359, [2012] O.J. No. 2253 (QL), 2012 CarswellOnt 6369, qui a infirmé une ordonnance de traitement rendue par la juge Hogan. Pourvoi rejeté.
Frank Addario et Paul Burstein , pour l'appelant.
Riun Shandler , Grace Choi et Dena Bonnet , pour l'intimée Sa Majesté la Reine.
Jonathan C. Lisus , Eric R. Hoaken et Ian C. Matthews , pour l'intimé le responsable du Centre de toxicomanie et de santé mentale.
James P. Thomson et Janice E. Blackburn , pour l'intimé le responsable du Centre de santé mentale de Penetanguishene.
Richard Kramer et Ginette Gobeil , pour l'intervenant le procureur général du Canada.
Dominique A. Jobin et Caroline Renaud , pour l'intervenant le procureur général du Québec.
Jill R. Presser et Anita Szigeti , pour l'intervenante Criminal Lawyers' Association of Ontario.
Suzan E. Fraser et Mercedes Perez , pour l'intervenant Mental Health Legal Committee.
Version française du jugement des juges LeBel, Abella, Rothstein, Cromwell et Gascon rendu par
Les juges Rothstein et Cromwell —
I. Introduction
[1] Lorsqu'un accusé est jugé inapte à subir son procès et que les autres conditions légales sont remplies, le tribunal peut rendre une décision prévoyant le traitement de l'accusé pour une période maximale de soixante jours et assortir cette décision de modalités afin de le rendre apte à subir son procès. Cette décision est toutefois subordonnée au consentement du responsable de l'hôpital où l'accusé doit subir le traitement ou de la personne que le tribunal charge de ce traitement. (Par souci de commodité, nous emploierons pour désigner cet assentiment l'expression « consentement de l'hôpital ».)
[2] La Cour doit déterminer principalement si, comme l'appelant le soutient, le tribunal peut ordonner que le traitement débute immédiatement même si l'hôpital ou le médecin traitant ne consentent pas à cette décision. Nous sommes d'avis qu'il ne peut pas, sauf dans les rares cas où retarder le traitement porterait atteinte aux droits garantis à l'accusé par la Charte canadienne des droits et libertés et où une ordonnance de traitement immédiat constituerait une réparation convenable et juste d'une telle atteinte.
[3] Ainsi, bien que nous soyons d'avis qu'il y a lieu de rejeter le pourvoi, nous ne partageons pas l'opinion de notre collègue, la juge Karakatsanis, selon laquelle le consentement de l'hôpital porte uniquement sur le traitement prévu dans la décision et non sur la décision même. Selon nous, le libellé non ambigu des dispositions applicables du Code criminel , L.R.C. 1985, ch. C‑46 , ne permet pas une telle interprétation. Le Code établit une distinction précise entre le consentement au traitement et le consentement à la décision, et il dispose expressément que la décision ne peut être rendue sans le consentement de l'hôpital. Ce consentement est obligatoire à l'égard de la décision dans son ensemble, et non pas simplement à l'égard du traitement. Toute autre interprétation rendrait incohérentes les dispositions relatives à l'appel des décisions. En outre, l'interprétation que nous privilégions est conforme à l'objet du régime et au contexte élargi dans lequel il s'inscrit.
[4] Les dispositions du Code criminel relatives à l'inaptitude d'un accusé à subir son procès qui sont pertinentes en l'espèce sont les art. 672.58 et 672.62 . Comme nous le verrons, elles prévoient clairement que le tribunal ne peut rendre une décision — laquelle peut porter non seulement sur le traitement, mais aussi sur sa période et les autres modalités que le tribunal fixe — sans le consentement de l'hôpital, mais que celui de l'accusé à l'égard uniquement de son « traitement [. . .] en conformité avec une décision » n'est pas obligatoire.
672.58 [Décision prévoyant un traitement] Dans le cas où un verdict d'inaptitude à subir son procès a été rendu à l'égard de l'accusé et à la condition que le tribunal n'ait rendu aucune décision à son égard en vertu de l'article 672.54, le tribunal peut, sur demande du poursuivant, rendre une décision prévoyant le traitement de l'accusé pour une période maximale de soixante jours, sous réserve des modalités que le tribunal fixe et, si celui‑ci n'est pas détenu, lui enjoignant de s'y soumettre et de se présenter à la personne ou à l'hôpital indiqué.
672.62 (1) [Consentement obligatoire de l'hôpital] Le tribunal ne peut rendre une décision en vertu de l' article 672.58 sans le consentement du responsable de l'hôpital où l'accusé doit subir le traitement, ou de la personne que le tribunal charge de ce traitement.
(2) [Consentement de l'accusé non obligatoire] Le tribunal peut ordonner le traitement de l'accusé en conformité avec une décision rendue en vertu de l' article 672.58 sans le consentement de celui‑ci . . .
Les autres dispositions pertinentes mentionnées dans les présents motifs sont reproduites à l'annexe.
II. Faits, historique judiciaire et questions litigieuses
[5] L'appelant était accusé d'agression sexuelle. Il était en psychose lorsqu'il a comparu, et il a été déclaré inapte à subir son procès. L'avocate du ministère public a recommandé que soit rendue une décision prévoyant un traitement. Interrogé au sujet des risques sur le plan de la sécurité, un psychiatre a indiqué qu'il serait préférable que l'accusé soit traité à Oak Ridge, un établissement du Centre de santé mentale de Penetanguishene (« MHCP »), plutôt qu'au Centre de toxicomanie et de santé mentale (« CAMH »), un autre hôpital avec lequel il avait travaillé. L'avocate du ministère public a indiqué qu'une place à Oak Ridge se libérerait le 19 avril au plus tard, soit six jours après la date de l'audience. La juge Hogan, qui présidait l'audience, a rendu, en vertu de l' art. 672.58 du Code criminel , une ordonnance de traitement applicable [ traduction ] « sur‑le‑champ », ordonnant que l'appelant soit traité « au CAMH ou à l'établissement désigné (Oakridge ( sic ) de préférence) », qu'il demeure sous garde au « CAMH ou à l'établissement désigné » et qu'il soit « conduit directement de la salle d'audience à l'hôpital désigné puis de l'hôpital à la salle d'audience » mais qu'il ne soit « en aucun cas conduit à une prison ou à un établissement correctionnel » (d.a., vol. I, p. 2).
[6] La juge n'a pas assorti le jugement de motifs, mais elle a indiqué ce qui suit à l'audience :
[ traduction ] Lorsque j'ai décidé que cette personne doit dès aujourd'hui faire l'objet d'une ordonnance de traitement, c'est une décision qui repose sur une preuve d'expert psychiatrique. Je ferais preuve de négligence et je manquerais à mon devoir et à mes responsabilités si je disais, bon ça va, il a — vous savez il fait l'objet d'une ordonnance de traitement, ce que je considère être une mesure extrême . . .
. . .
. . . Je rends des ordonnances selon lesquelles des gens contre, parfois, pas toujours, mais essentiellement contre leur volonté doivent se faire administrer des médicaments. C'est extrêmement sérieux, et nous les rendons parce que nous estimons que c'est absolument nécessaire, ce qui veut dire maintenant, et non dans une semaine, et je comprends — comme je l'ai dit, je ne fais pas cela à la légère — mais je comprends que cela occasionne des bouleversements. Mais vous savez, il vaut probablement mieux qu'il soit dans un lit dans le couloir d'un hôpital psychiatrique que dans l'unité médicale où il ne reçoit pas un traitement qu'on m'a présenté comme absolument nécessaire, vous savez, pour une semaine.
. . .
. . . si le traitement peut attendre une semaine, alors on ne devrait pas demander d'ordonnance de traitement aujourd'hui, et je ne devrais pas la prononcer; ça n'est pas acceptable.
. . .
. . . si nous sommes disposés à prendre une mesure aussi grave qu'une ordonnance de traitement, puis dire d'accord ils peuvent attendre en prison. Ce n'est pas adéquat. Nous disposons ici d'un système de santé mentale censé traiter les gens, et vous savez, les ordonnances de traitement comptent parmi les mesures les plus graves que l'on peut prendre en matière de santé mentale, et pourtant nous semblons incapables de trouver des places pour que ces personnes soient traitées, et c'est tout à fait inacceptable. Je comprends l'argument, mais je ne suis pas disposée à lui accorder le moindre poids . . .
. . .
. . . Je suis prête à faire preuve de souplesse pour ce qui est de l'endroit où on l'envoie, à condition qu'il s'agisse d'un hôpital. Je sais qu'Oak Ridge est préférable, mais dans les circonstances je peux me montrer conciliante.
. . . alors, si je dis CAMH ou établissement désigné, je vais demander que l'ordonnance indique Oak Ridge de préférence, mais je pense que la chose la plus importante, initialement du moins, est de le faire admettre dans un hôpital . . . [d.a., vol. I, p. 7‑11]
[7] Les services aux tribunaux ont conduit l'appelant au Centre de santé mentale de Penetanguishene et l'ont laissé dans un couloir.
[8] Les hôpitaux intimés, se prévalant du par. 672.72(1) prévoyant l'appel « d'une décision d'un tribunal », ont interjeté appel de l'aspect temporel de la décision. (Signalons que si l'argument de l'appelant voulant que cet aspect ne fasse pas partie de la « décision » était retenu, il ne pourrait être interjeté appel de la date du traitement en vertu du par. 672.72(1), ce qui n'a jamais été soutenu.) Même si l'appelant a été traité, qu'il a comparu à nouveau et que l'arrêt de l'instance a été prononcé avant le début de la procédure d'appel, la Cour d'appel a statué que l' art. 672.58 et le par. 672.62(1) du Code criminel mettent en jeu le droit à la liberté et à la sécurité de la personne garanti à l' art. 7 de la Charte , mais n'enfreignent pas les principes de justice fondamentale.
[9] La Cour d'appel était d'avis que la juge Hogan avait conclu à tort qu'il avait été satisfait à l'exigence relative au consentement. Selon la cour, il ne faisait aucun doute que le CAMH ou l'hôpital désigné, le MHCP, admettraient l'appelant. Elle a signalé qu'un protocole d'entente intervenu entre le CAMH et la salle d'audience 102 (le Tribunal pour les personnes ayant des troubles mentaux) constituait en quelque sorte un consentement général en vue du placement et du traitement des inculpés. Selon elle, ce protocole prévoyait implicitement que les hôpitaux disposent des installations, du personnel et des ressources nécessaires pour traiter ces personnes de façon efficace et sécuritaire, ce qui sous‑entendait à son avis qu'en cas de pénurie de places, l'admission ne serait pas accordée pour des raisons de sécurité. Elle a indiqué que consentir à traiter un patient dès qu'une place se libère n'équivaut pas à consentir à admettre sur‑le‑champ ce patient.
[10] La Cour d'appel a reconnu que le droit à la liberté et à la sécurité de sa personne d'un inculpé inapte pour cause de troubles mentaux à subir son procès était en cause, mais que l'exigence relative au consentement prévue au par. 672.62(1) n'enfreignait pas le principe de justice fondamentale qui exige le respect de l'équité procédurale, et ce pour les raisons suivantes : en exigeant le consentement, on reconnaît la réticence du droit à contraindre un professionnel de la santé ou la direction d'un hôpital à administrer un traitement; on reconnaît la réticence de la common law à imposer à quiconque un traitement médical contre son gré — en ce sens qu'on fait en sorte que [ traduction ] « la procédure relative à l'ordonnance de traitement soit entreprise et [. . .] susceptible de produire des résultats positifs » (par. 52) —; on mitige les risques considérables pour les patients, les professionnels de la santé et le personnel hospitalier, entre autres, qu'emporte la détention de psychotiques potentiellement violents dans un environnement non adapté et on habilite les établissements de psychiatrie médicolégale de l'Ontario à collaborer au triage des accusés inaptes à subir leur procès ou jugés non criminellement responsables, des questions dont le tribunal n'a pas une connaissance particulière. La Cour d'appel a conclu qu'il n'était pas déraisonnable qu'un accusé inapte doive parfois attendre un peu qu'une place dans un établissement psychiatrique désigné se libère et qu'il n'avait pas été démontré qu'une attente de six jours avant le début du traitement risquait d'empêcher l'appelant de devenir apte à subir son procès.
[11] La Cour d'appel a également statué que le par. 672.62(1) n'était pas nul, car il n'était ni imprécis, ni arbitraire.
[12] Devant notre Cour, l'appelant soulève principalement deux questions concernant la teneur du consentement obligatoire de l'hôpital :
1. L'exigence relative au consentement porte‑t‑elle sur la date d'exécution de l'ordonnance ou simplement sur le traitement même?
2. Si l'exigence relative au consentement porte effectivement sur la date d'exécution de l'ordonnance, la décision rendue en vertu de l' art. 672.58 enfreint-elle l' art. 7 de la Charte ?
III. Analyse
A. L'exigence relative au consentement porte‑t‑elle sur la date d'exécution de l'ordonnance?
(1) La méthode d'interprétation des lois
[13] Nous estimons que le sens des dispositions pertinentes, interprétées à la lumière de l'ensemble du contexte dans lequel elles s'inscrivent, mène à la conclusion que la décision prévoyant un traitement est subordonnée au consentement de l'hôpital ou de la personne chargée du traitement à toutes les modalités de la décision. Sans consentement, la décision ne peut être rendue. Les modalités dont la décision est assortie incluent la date d'exécution de l'ordonnance; par conséquent, le consentement porte sur la date du traitement.
[14] Se pose donc une question d'interprétation législative qu'il convient de résoudre conformément au principe moderne d'interprétation des lois, selon lequel [ traduction ] « il faut interpréter les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'économie de la loi, son objet et l'intention du législateur » (R. Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes (5 e éd. 2008), p. 1, citant E. A. Driedger, The Construction of Statutes (1974), p. 67). Soulignons que le point de départ est le texte des dispositions, pris dans son sens ordinaire et grammatical, en particulier dans un cas comme celui‑ci, où le terme déterminant « décision » est défini expressément dans la loi. À notre avis, ce n'est pas ce que fait l'appelant.
(2) Texte et contexte législatifs
[15] Il est utile de commencer par examiner les dispositions les plus pertinentes dans leur contexte législatif global. Ces dispositions se trouvent à la partie XX.1 du Code , laquelle porte sur les troubles mentaux et poursuit un double objet, soit la protection du public et le traitement équitable — au sens d'équité procédurale — de l'accusé ( Winko c. Colombie‑Britannique (Forensic Psychiatric Institute) , [1999] 2 R.C.S. 625, par. 20, 21 et 44; voir aussi Mazzei c. Colombie‑Britanique (Directeur des Adult Forensic Psychiatric Services) , 2006 CSC 7, [2006] 1 R.C.S. 326, par. 27.
[16] Aux termes du Code , le tribunal ne peut rendre une « décision » en vertu de l' art. 672.58 sans le consentement de l'hôpital ou de la personne chargée du traitement. Les dispositions relatives à la « décision » forment le pivot du régime établi à la partie XX.1 du Code . Plusieurs dispositions habilitent le tribunal et la commission d'examen à rendre diverses décisions à l'égard des personnes tombant sous le coup de la partie XX.1. Suivant ce régime, le tribunal rend un « verdict » (au sujet de l'aptitude à subir un procès et de la responsabilité criminelle), le tribunal et la commission d'examen rendent tous deux une « décision » concernant la personne jugée inapte ou non responsable criminellement) et la commission d'examen rend une « ordonnance de placement » (visant un « contrevenant à double statut », c.‑à‑d. une personne devant purger une peine d'emprisonnement et faisant l'objet d'une décision de détention rendue en vertu de la partie XX.1).
[17] Essentiellement, le mot « décision » est employé, à la partie XX.1, dans une acception technique. Bien qu'on puisse utiliser le terme « ordonnance de traitement » en langue courante pour parler d'une décision prévoyant un traitement, le Code ne prévoit pas une telle ordonnance. Le terme « décision » est défini à l'art. 672.1; il s'agit de la « [d] écision rendue par un tribunal » en vertu de l'art. 672.54 ou de l' art. 672.58 ; c'est le second élément qui nous occupe en l'espèce.
[18] Comme l'indique clairement le texte de l' art. 672.58 , la « décision » prévoyant un traitement rendue en vertu de cette disposition comporte nécessairement un aspect temporel : elle doit prévoir le traitement « pour une période maximale de soixante jours, sous réserve des modalités que le tribunal fixe », dont, selon toute probabilité, des modalités relatives à la date de la prise en charge thérapeutique. De plus, la décision entre en vigueur le jour où elle est rendue ou à la date ultérieure fixée par le tribunal (art. 672.63).
[19] Il en ressort donc clairement que la « décision » rendue en vertu de l' art. 672.58 comporte nécessairement un aspect temporel, en ce sens qu'elle précise tant le début que la fin de son exécution, et qu'elle peut inclure toute autre modalité fixée par le tribunal.
[20] Le Code dispose que « [l]e tribunal ne peut rendre une décision en vertu de l' article 672.58 sans le consentement du responsable de l'hôpital où l'accusé doit subir le traitement, ou de la personne que le tribunal charge de ce traitement » (art. 672.62). Au paragraphe 109, notre collègue émet l'avis que le consentement de l'hôpital visé à l'art. 672.62 porte seulement sur l'aspect de la décision relatif au « traitement », et non sur la « décision » dans son ensemble. En toute déférence, nous ne pouvons interpréter ainsi l'art. 672.62. Si « [l]e tribunal ne peut rendre une décision [. . .] sans le consentement », alors le consentement porte sur la décision. En outre, la « décision [rendue] en vertu de l' article 672.58 » comporte nécessairement, comme nous venons de le voir, un aspect temporel. L'hôpital doit consentir à la « décision »; rien dans le texte n'indique qu'il faille donner à cette exigence un sens qui diffère de la définition énoncée au Code . L'hôpital doit consentir à la « décision », ce terme étant défini à l'art. 672.1 ainsi : « décision rendue par un tribunal en vertu de l' article 672.58 ». En conséquence, l'hôpital doit consentir à la décision rendue en vertu de l' art. 672.58 , et non pas uniquement à certains aspects de cette dernière.
[21] Le sens du mot « consentement » et le contexte de son emploi dans les dispositions en cause appuient une telle conclusion.
[22] Le terme « consentement » a pour sens ordinaire, dans le contexte d'un traitement médical, l'assentiment volontaire à une intervention médicale donné après une appréciation générale des renseignements et des risques pertinents. La date du début du traitement constitue un fait pertinent, qui concerne la disponibilité des places et du personnel nécessaires à l'exécution sécuritaire de l'ordonnance de traitement.
[23] Le contexte dans lequel s'inscrit l'emploi du mot « consentement » dans ce régime étaye cette conception large du terme. Dans les cas où le législateur veut établir une distinction entre le consentement au traitement et le consentement à la décision, il le fait expressément. Par exemple, le par. 672.62(1) prévoit le consentement de l'hôpital à « une décision », tandis que le par. 672.62(2) prévoit le consentement de l'accusé au « traitement [. . .] en conformité avec une décision ». Si le législateur avait voulu que le consentement obligatoire de l'hôpital porte uniquement sur le traitement envisagé, il aurait pu, pour manifester clairement son intention, adopter un libellé semblable à celui du par. 672.62(2), où le consentement vise seulement le traitement. Or, aux termes du par. 672.62(1) , le consentement de l'hôpital porte sur la « décision », non pas uniquement sur le « traitement de l'accusé en conformité avec une décision », comme au par. 672.62(2). Cette distinction démontre que le législateur, qui a pris soin de définir le terme « décision », l'emploie au sens de la définition — comme au par. 672.62(1) en ce qui concerne le consentement de l'hôpital — et emploie une formulation différente lorsqu'il n'est question que de l'élément de la décision relatif au traitement — comme au par. 672.62(2) en ce qui concerne le consentement de l'accusé.
[24] Le mot « décision » étant un terme défini signifiant « décision rendue par un tribunal en vertu de l' article 672.58 » et le Code exigeant expressément le consentement de l'hôpital à la décision rendue en vertu de l' art. 672.58 , il n'y a aucune ambiguïté dans le texte de ces dispositions selon nous. La distinction claire que l'art. 672.62 établit entre d'une part le consentement de l'hôpital à la « décision », obligatoire aux termes du par. 672.62(1) , et d'autre part le consentement de l'accusé à son « traitement [. . .] en conformité avec une décision », qui n'est pas obligatoire aux termes du par. 672.62(2), vient dissiper tout doute susceptible de subsister. Nous ne voyons pas comment le législateur aurait pu exprimer plus clairement l'intention voulant que le consentement de l'hôpital visé au par. 672.62(1) concerne tous les éléments de la décision, dont la date de début du traitement en plus de la teneur de ce dernier.
[25] Notre collègue, la juge Karakatsanis, considère que les dispositions de la partie XX.1 prévoyant un droit d'appel appuient la prétention de l'appelant selon laquelle le consentement à une décision n'emporte pas le consentement à son aspect temporel. Nous ne sommes pas d'accord. Selon nous, les dispositions de la partie XX.1 prévoyant un droit d'appel appuient l'interprétation que nous proposons; elles ne l'ébranlent pas. Aux termes du par. 672.72(1), « [t]oute partie aux procédures peut interjeter appel [. . .] d'une décision d'un tribunal [. . .] pour tout motif de droit, de fait ou mixte de droit et de fait. » C'est, bien sûr, en vertu de cette disposition que l'hôpital en cause a interjeté appel de la décision de la juge ordonnant le traitement « sur‑le‑champ ». L'appelant soutient toutefois que la « décision » rendue en vertu de l' art. 672.58 n'inclut pas la date du traitement. Il découlerait de son interprétation du Code que le mot « décision » n'a pas le même sens aux art. 672.58 et 672.62 qu'à l'art. 672.72. Si, comme l'appelant le soutient, le consentement à la « décision » exigé par l'art. 672.62 ne requiert pas de consentement quant à la date du traitement, il s'ensuit que l'appel d'une « décision » intenté en vertu de l'art. 672.72 ne peut porter sur cet aspect non plus. Ce raisonnement ne saurait tenir. Le mot « décision » est défini : il s'entend d'une « décision rendue par un tribunal en vertu de l' article 672.58 ». Il doit donc toujours s'interpréter ainsi au sein de la partie XX.1 du Code . L'appelant n'avance aucun argument pour expliquer pourquoi la définition expresse de ce mot s'appliquerait aux dispositions prévoyant un droit d'appel, mais non à celles qui ont trait à la décision prévoyant un traitement, alors que l'exigence relative au consentement et le droit d'appel concernent tous deux la décision rendue en vertu de l' art. 672.58 .
[26] Nous ne pouvons non plus nous rallier à l'opinion selon laquelle, si le consentement de l'hôpital quant à l'aspect temporel de la décision était aussi obligatoire, point ne serait besoin de prévoir de droit d'appel pour l'hôpital, car ce dernier pourrait simplement refuser son consentement. La présente espèce fait apparaître la faille dans ce raisonnement. La procédure d'appel prévue à la partie XX.1 a permis qu'un appel soit interjeté de l'ordonnance applicable sur‑le‑champ rendue par la juge et que l'erreur de droit commise soit corrigée.
[27] L'appelant fait valoir que le consentement requis à l'égard de la décision rendue en vertu de l' art. 672.58 ne porte pas sur la date du traitement parce que les établissements ne jouissent pas du droit de refuser l'admission immédiate d'un patient ordonnée en application d'autres dispositions, notamment l'art. 672.11 (évaluation psychiatrique), l'al. 672.54 c ) et le par. 672.46(2) (transfèrement à un établissement psychiatrique ou à un hôpital). Il nous invite à inférer du fait que le consentement de l'hôpital quant à la date d'exécution de ces autres mesures n'est pas obligatoire qu'il ne devrait pas l'être non plus dans le cas de l'art. 672.62. Nous ne sommes pas d'accord.
[28] Parce qu'il oblige un accusé à se soumettre à un traitement et qu'il autorise le personnel médical à administrer ce traitement sans le consentement de l'accusé, l' art. 672.58 revêt un caractère unique. Cette disposition ne porte pas simplement sur l'admission, mais porte aussi sur le traitement après l'admission. Puisqu'elle vise une situation particulière, il faut se garder d'en établir le sens à partir de dispositions distinctes. Qui plus est, le libellé de l'art. 672.62 fait obstacle à toute inférence que l'on pourrait tirer de l'absence d'une exigence de consentement dans ces autres dispositions. Il dispose en termes exprès que le consentement de l'hôpital porte sur la décision même, non simplement sur le traitement à administrer en exécution de cette décision.
(3) Le contexte général
[29] D'autres facteurs contextuels généraux viennent étayer notre interprétation du texte des dispositions dans leur contexte législatif, notamment l'objet du régime et la distinction artificielle entre le « traitement » et la « date du traitement » dans ce contexte.
[30] Nous partageons l'opinion du procureur général de l'Ontario selon laquelle les objets du régime témoignent d'une conception large de l'exigence relative au consentement de l'hôpital.
[31] La décision rendue en vertu de l' art. 672.58 est extraordinaire à deux égards au moins. Premièrement, elle enjoint à un accusé de se soumettre à un traitement sans son consentement. En 1991, lors du dépôt du projet de loi dont il est issu, la ministre de la Justice Campbell a souligné la nature exceptionnelle d'un tel pouvoir :
À l'heure actuelle, il est impossible d'ordonner à une personne détenue en vertu d'un mandat du lieutenant[‑]gouverneur de se soumettre contre sa volonté à un traitement. Sauf dans les cas d'urgence, il est impossible de traiter un accusé sans obtenir au préalable son consentement. Nous avons conclu qu'il fallait maintenir la règle générale interdisant de traiter un accusé atteint de troubles mentaux contre son gré . Cependant, sous réserve de garanties très strictes , le projet de loi permet à un tribunal d'ordonner à l'accusé de se soumettre, sans son consentement, à un traitement, afin qu'il soit apte à subir son procès, ce qui évite ainsi une détention qui pourrait être fort longue. [Nous soulignons.]
( Débats de la Chambre des communes , vol. 3, 3 e sess., 34 e lég., 4 octobre 1991, p. 3297)
[32] Le Code prévoit des mesures de protection qui soulignent le caractère inhabituel de ce pouvoir. Aux termes de l'art. 672.59, la décision ne peut être rendue que si le tribunal est convaincu, à la lumière du témoignage d'un médecin, qu'un traitement particulier devrait être donné à l'accusé afin de le rendre apte à subir son procès. Le témoignage doit respecter les critères détaillés énoncés au par. 672.59(2); il doit notamment établir que le traitement est le moins sévère et le moins privatif de liberté pouvant être prescrit et que le risque pour l'accusé n'est pas démesuré compte tenu des bénéfices espérés. L'accusé dispose de droits procéduraux importants, dont le droit d'être informé et le droit de contester la demande, et certains traitements, telles la psychochirurgie et la sismothérapie, sont interdits (art. 672.6 et 672.61).
[33] Deuxièmement, et par voie de conséquence logique, la décision rendue en vertu de l' art. 672.58 permet au personnel médical d'administrer ce traitement à l'accusé contre son gré. Il s'agit d'une disposition extraordinaire, vu que le consentement éclairé du patient constitue généralement la condition essentielle d'un traitement médical. Cependant, il ressort de l'art. 672.62, qui rend obligatoire le consentement de l'hôpital ou de la personne chargée du traitement de l'accusé, que l'exécution de la décision prévoyant un traitement n'est pas impérative sans leur consentement. Comme la Cour l'indique dans Mazzei , en imposer l'exécution « reviendrait à empiéter sur le pouvoir et la responsabilité des autorités de l'hôpital d'offrir des services médicaux aux personnes dont elles ont la garde selon ce qu' elles estiment approprié et efficace » (par. 34, en italique dans l'original).
[34] Cette conception permet de réaliser l'objectif de protection de l'accusé; le consentement de l'hôpital fait partie des « garanties très strictes » mentionnées par la ministre Campbell, et il vise à assurer l'exécution sécuritaire de la décision, tant pour l'accusé, les autres patients que le personnel médical. Le législateur a également voulu respecter le rôle important du prestataire de traitement et reconnaître l'ingérence des dispositions législatives, non seulement dans les affaires de l'accusé mais aussi dans celles de l'établissement et du personnel appelés à traiter le patient contre son gré. Ces dispositions témoignent de l'importance accordée au jugement clinique du prestataire de traitement tant en ce qui a trait aux soins précis à prodiguer qu'à l'endroit, parmi ceux qu'a désignés le ministre de la Santé, où ils doivent l'être.
[35] Cette conception large de la teneur du consentement obligatoire est étayée par les réalités des traitements imposés aux personnes potentiellement dangereuses. Le consentement de l'hôpital porte nécessairement sur la date à laquelle l'ordonnance de traitement rendue à l'égard d'un accusé déclaré inapte doit être exécutée, car la période pendant laquelle le traitement sera administré est inextricablement liée, pour l'établissement, à sa capacité d'offrir pareils soins de façon efficace et sécuritaire. Le traitement sans son consentement d'un accusé inapte à subir son procès fait intervenir des questions de sécurité, et des précautions particulières s'imposent pour protéger l'accusé lui‑même, les autres patients, le personnel et la population en général. Il faut notamment des chambres à occupation simple, des portes d'accès doubles séparées par un sas de sécurité, du mobilier spécialement conçu pour être impossible à convertir en arme, du personnel ayant reçu une formation particulière, un périmètre de sécurité, des entrées sécurisées et des portes spécialisées à verrouillage automatisé. Si, à un moment donné, aucune place n'est libre dans un tel environnement, les questions de sécurité ne peuvent être réglées convenablement et il est impossible d'administrer le traitement de façon sécuritaire.
[36] L'appelant voudrait que nous distinguions entre « l'opportunité du traitement » — c'est‑à‑dire la mesure dans laquelle le type de traitement recommandé, auquel l'hôpital doit consentir, sera bénéfique à l'accusé inapte à subir son procès — et « la date du traitement », qui n'est pas subordonnée au consentement de l'hôpital. Or, cette distinction se révèle artificielle dans la réalité des traitements hospitaliers imposés. Elle ne tient pas compte du fait que la capacité d'un établissement d'administrer le traitement approprié est inextricablement liée à la disponibilité des installations et du personnel nécessaires. Un traitement qui ne peut être administré ne saurait être opportun.
[37] Le caractère artificiel de cette distinction entre « l'opportunité » et « la date » du traitement est illustré par la comparaison entre un hôpital qui n'est pas équipé pour offrir ce type de places et un autre qui n'en a pas « sur‑le‑champ ». Ce ne sont pas tous les hôpitaux qui peuvent accueillir les contrevenants les plus dangereux; certains établissements n'ont tout simplement pas ce qu'il faut. Assurément, un hôpital peut refuser de consentir à traiter un contrevenant très dangereux s'il n'est pas équipé pour le faire. Un tel refus n'aurait rien à voir avec la date du traitement. De même, un hôpital peut convenir de la nécessité d'administrer un traitement particulier à un accusé inapte à subir son procès tout en indiquant ne pas disposer immédiatement d'une place convenable pour lui. Dans ces deux cas, l'hôpital serait incapable d'offrir un traitement sécuritaire et aurait le droit de réserver son consentement en vertu du par. 672.62(1) , parce qu'il n'est pas alors en mesure de traiter de façon sécuritaire l'accusé inapte à subir son procès. La date du traitement constitue donc un élément essentiel, et non distinct, de l'opportunité du traitement. Par conséquent, le consentement visé au par. 672.62(1) du Code doit porter également sur la date du traitement.
[38] Suivant l'interprétation prônée par l'appelant, qui exclut de la portée du consentement la date du traitement, l'affectation des maigres ressources médicales et hospitalières destinées aux personnes ayant besoin de traitement relèverait complètement des tribunaux. La capacité des hôpitaux de procéder au triage s'en trouverait compromise, ce qui ne saurait avoir été l'intention du législateur lorsqu'il a adopté le par. 672.62(1) du Code . En rendant une ordonnance applicable « sur‑le‑champ » dans un cas, le juge détermine du même coup qui sera privé du traitement administré sur‑le‑champ et qui en bénéficiera. Ainsi, le juge déterminerait qui recevrait le traitement en priorité, mais sans avoir une perception globale des besoins et priorités des autres dont le traitement serait retardé par suite de sa décision applicable « sur‑le‑champ ». Il procéderait dans les faits au triage sans disposer de renseignements sur les autres patients en attente de soins.
[39] Le bon fonctionnement du régime repose sur des rapports axés sur la coopération et le respect mutuel, que nous encourageons. Nous estimons toutefois que le législateur n'avait pas l'intention, en adoptant la disposition relative au consentement de l'hôpital, de voir les juges s'enquérir couramment de la disponibilité des places ou de la capacité d'un hôpital à administrer un traitement immédiatement et de façon sécuritaire, comme le propose notre collègue aux par. 118 et 122 de ses motifs. Il nous paraît peu probable qu'il ait voulu, par ce régime, que les ressources limitées des systèmes de justice et de santé soient consacrées par les juges à dicter jusqu'aux décisions médicales de triage et par les prestataires de soins à défendre leurs décisions devant les tribunaux. En outre, la décision du juge rendue sans le consentement de l'hôpital à l'égard de telles questions risque fort de porter atteinte aux droits et intérêts importants d'autres personnes en attente de traitement. Même en faisant abstraction du manque de réalisme d'une telle conception du rôle judiciaire, cette décision compromet plus qu'elle ne soutient l'objectif général qui consiste à protéger les droits des accusés et des autres personnes en attente de traitement ainsi que le public. Avec égards, nous ne croyons pas que le législateur ait voulu que de telles questions soient tranchées couramment par des juges rendant des décisions en vertu de l' art. 672.58 du Code criminel .
(4) Conclusion
[40] Nous concluons qu'il ressort du texte, du contexte et de l'objet des dispositions que le consentement de l'hôpital doit porter sur tous les aspects de la décision rendue en vertu de l' art. 672.58 , et que la décision ne peut être rendue en l'absence de ce consentement. Cette conclusion est assortie d'une unique réserve, exposée dans la section suivante, relative aux circonstances dans lesquelles le juge est convaincu que le refus opposé par l'hôpital porte atteinte aux droits de l'accusé garantis par la Charte et qu'une décision prévoyant le traitement, applicable immédiatement, constitue une réparation convenable et juste.
B. L'exigence relative au consentement et l' art. 7 de la Charte
[41] À l'instar de la Cour d'appel, nous estimons que l'exigence relative au consentement ne prive pas l'accusé de son droit à l'équité procédurale et que cette disposition n'est ni imprécise ni arbitraire au point d'être inconstitutionnelle. Nous partageons l'avis du CAMH, intimé en l'espèce, selon qui s'il était porté atteinte aux droits d'un accusé garantis à l' art. 7 , l'atteinte découlerait de l'exercice par l'hôpital du pouvoir discrétionnaire que lui confère le par. 672.62(1) et l'habilite à réserver son consentement, et n'émanerait pas intrinsèquement de cette disposition.
[42] Nulle atteinte n'a été établie. Comme la Cour d'appel l'a signalé, il n'a pas été démontré que reporter de six jours le début du traitement pouvait compromettre les chances que l'appelant devienne apte à subir son procès dans le délai de 60 jours prévu par le par. 672.59(2), et rien n'indique qu'une telle attente ait de quelque autre manière porté atteinte au droit de l'appelant à la vie, à la liberté ou à la sécurité de sa personne. En conséquence, rien ne nous amène à conclure que l'exercice par l'hôpital de son pouvoir discrétionnaire lui permettant de ne pas consentir à l'admission immédiate de l'appelant a eu des conséquences inconstitutionnelles pour ce dernier.
[43] Cela étant dit, nous n'écartons pas pour autant la possibilité — extrêmement peu probable selon nous — que de telles conséquences surviennent dans d'autres affaires. Il est loisible au juge qui envisage de rendre ce type de décision, lorsque la question se pose, de déterminer si le refus du consentement restreindra inconstitutionnellement le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne de l'accusé en contravention aux principes de justice fondamentale. S'il est convaincu que tel est le cas, le juge pourrait déterminer si l'admission immédiate de l'accusé constituerait une réparation convenable et juste. À notre avis, les circonstances se prêteront rarement à un tel examen. Toutefois, lorsque les droits constitutionnels de l'accusé sont menacés, l'application de la Charte fait en sorte que le juge — et non le responsable de l'hôpital où l'accusé doit suivre le traitement — aura le dernier mot quant à la décision prévoyant le traitement. Toutefois, ce n'est pas le cas en l'espèce.
IV. Dispositif
[44] Nous sommes d'avis de rejeter le pourvoi sans dépens.
Version française des motifs de la juge en chef McLachlin et des juges Moldaver, Karakatsanis et Wagner rendus par
La juge Karakatsanis —
I. Aperçu
[45] Lorsqu'un accusé est jugé inapte à subir son procès en vertu de la partie XX.1 du Code criminel , L.R.C. 1985, ch. C‑46 , le tribunal peut ordonner qu'il soit assujetti contre son gré à un traitement afin de le rendre apte à subir son procès, sous réserve du consentement de l'hôpital qui administre ce traitement. Il arrive souvent que l'hôpital diffère son consentement tant qu'une place dans l'unité de santé mentale n'est pas libre. Le traitement ne peut donc pas toujours commencer immédiatement.
[46] Par conséquent, l'accusé inapte à subir son procès doit attendre son tour ― habituellement en prison ― jusqu'à ce qu'une place se libère, ce qui retarde à la fois son traitement et son procès. La pénurie de places dans les hôpitaux psychiatriques crée donc une tension entre, d'une part, les contraintes qui s'exercent sur les ressources médicales et, d'autre part, les intérêts de l'accusé sur les plans des soins médicaux, du droit et de la liberté.
[47] En l'espèce, l'accusé a été jugé inapte à subir son procès. L'hôpital a indiqué qu'une place serait libre six jours plus tard, mais la juge présidant l'audience a quand même rendu une ordonnance de traitement selon laquelle l'accusé devait être conduit à l'hôpital [ traduction ] « sur‑le‑champ ». L'hôpital a interjeté appel, et la Cour d'appel a conclu que, l'hôpital n'ayant pas consenti à la date d'entrée en vigueur de la décision, la juge n'avait pas compétence pour rendre l'ordonnance de traitement. La Cour d'appel a en outre conclu que les dispositions relatives au consentement n'enfreignaient pas la Charte canadienne des droits et libertés .
[48] La question à trancher en l'espèce est celle de savoir qui, du tribunal ou de l'hôpital, a le dernier mot en ce qui a trait au début du traitement en cas de pénurie de places. Le tribunal peut‑il rendre une ordonnance de traitement valide sans le consentement de l'hôpital quant au moment du traitement prévu dans l'ordonnance? La réponse dépend de la portée du consentement obligatoire de l'hôpital auquel l'ordonnance de traitement prévue à la partie XX.1 du Code est subordonnée.
[49] Les intimés, le Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH), le Centre de santé mentale de Penetanguishene (MHCP) et le procureur général de l'Ontario affirment qu'il découle du droit de consentement conféré à l'hôpital que l'établissement doit convenir de l'ensemble des modalités dont est assortie l'ordonnance de traitement pour que cette dernière puisse être rendue. Selon eux, lorsqu'il y a pénurie de places, les hôpitaux ont le droit de décider à quel moment le traitement commencera. Les décisions prévoyant un traitement « sur‑le‑champ » sont susceptibles d'engendrer la surpopulation, ce qui risque de compromettre la sécurité des patients et du personnel et d'évacuer la priorité des autres patients. Les hôpitaux sont les mieux placés pour effectuer le triage des patients et c'est pour cette raison qu'ils peuvent différer leur consentement.
[50] L'appelant, M. Conception, soutient que le juge doit avoir le dernier mot en ce qui a trait au début du traitement. Le rôle de l'hôpital se limite à évaluer l'intérêt médical de l'accusé par rapport à celui des autres patients (en attente), alors que le juge peut prendre en compte l'ensemble des intérêts en jeu, y compris les autres arrangements possibles de détention ou de mise en liberté.
[51] Pour les motifs qui suivent, je conclus que l'hôpital n'a pas à consentir à toutes les modalités de l'ordonnance de traitement. Lorsque l'exigence relative au consentement est interprétée dans le contexte législatif pertinent, il en ressort que le consentement de l'hôpital est requis à l'égard du traitement particulier. L'hôpital doit être disposé médicalement à administrer le traitement particulier.
[52] La pénurie de places et les listes d'attente — qui ressortissent à la gestion des contraintes relatives aux ressources en général — n'autorisent pas l'hôpital à refuser ou à reporter son consentement. Il appartient au juge de soupeser d'une part la disponibilité d'une place et d'autre part l'intérêt de l'accusé en matière de liberté et de sécurité et le respect du principe de l'équité procédurale quand il s'agit de déterminer le moment du traitement prévu dans l'ordonnance. L'hôpital peut informer le juge de ses préoccupations quant à sa capacité d'administrer en toute sécurité le traitement à la date précisée dans l'ordonnance, même dans les cas où l'établissement accorde priorité à l'accusé. S'il estime que cette date est déraisonnable, il peut interjeter appel, et l'ordonnance de traitement sera automatiquement suspendue.
[53] Je suis d'accord avec la Cour d'appel pour dire que l'ordonnance en l'espèce n'aurait pas dû être rendue. Toutefois, alors que la Cour d'appel estime que le terme consentement est un terme [ traduction ] « générique » et porte sur tous les éléments de l'ordonnance de traitement, dont le moment du traitement, je conclus pour ma part que le consentement ne vise que le traitement particulier. En raison de la conclusion à laquelle j'arrive sur la signification du « consentement », je n'ai pas à examiner les arguments des parties concernant la Charte .
II. Historique judiciaire
[54] M. Conception a été arrêté et accusé d'agression sexuelle après avoir empoigné le sein d'une employée du CAMH alors qu'il y recevait des soins. Il a comparu le 13 avril 2010, soit le lendemain de son arrestation, et la juge Hogan l'a jugé inapte à subir son procès. À la suite du témoignage du psychiatre légiste du CAMH et de la recommandation de l'avocate du ministère public, la juge a décidé de rendre une ordonnance de traitement.
[55] L'avocate du ministère public a soulevé des questions relatives à la disponibilité des places et à la sécurité. Selon le psychiatre, il valait mieux que le traitement soit administré au MHCP parce que l'accusation en cause concernait un membre du personnel du CAMH. L'avocate du ministère public a ensuite communiqué les renseignements que lui avait fournis le répartiteur du CAMH, selon lequel une place se libérerait au MHCP dans les six jours [1] .
[56] La juge remettait en question l'opportunité de confier à des administrateurs d'hôpital le soin d'établir les priorités. L'avocate du ministère public a fait valoir qu'en ordonnant l'admission de l'accusé le jour même, on retarderait celle d'une autre personne en attente de traitement. Non convaincue, la juge a fait l'observation suivante :
[ traduction ] . . . Je rends des ordonnances selon lesquelles des gens contre [. . .] leur volonté doivent se faire administrer des médicaments. C'est extrêmement sérieux, et nous les rendons parce que nous estimons que c'est absolument nécessaire, ce qui veut dire maintenant, et non dans une semaine, et je comprends — comme je l'ai dit, je ne fais pas cela à la légère — mais je comprends que cela occasionne des bouleversements. Mais vous savez, il vaut probablement mieux qu'il soit dans un lit dans le couloir d'un hôpital psychiatrique que dans l'unité médicale [d'une prison] où il ne reçoit pas un traitement qu'on m'a présenté comme absolument nécessaire, vous savez, pour une semaine. [d.a., vol. I, p. 8‑9]
[57] La juge a rendu une ordonnance suivant laquelle M. Conception devait être : [ traduction ] « conduit directement de la salle d'audience à l'hôpital désigné puis de l'hôpital à la salle d'audience. L'accusé ne doit être en aucun cas conduit à une prison ou à un établissement correctionnel. » [2] Les services aux tribunaux ont conduit l'appelant au MHCP et l'ont laissé dans un couloir.
[58] Les hôpitaux, à savoir le CAMH et le MHCP, ont interjeté appel de l'ordonnance de traitement en vertu de l'art. 672.72 du Code . L'application de la décision a été suspendue automatiquement lorsque l'appel a été interjeté, conformément à l'art. 672.75 du Code . Le traitement de l'appelant a commencé le 26 avril 2010, et les accusations ont été suspendues en juin 2011 [3] . Bien que la validité de l'ordonnance de traitement revête à présent un caractère théorique, toutes les parties s'entendaient pour dire que les questions sous‑jacentes devaient être tranchées.
[59] En mai 2012, la Cour d'appel de l'Ontario a accueilli l'appel et annulé l'ordonnance de traitement [4] . La cour a conclu que la juge n'avait pas compétence pour rendre l'ordonnance de traitement sans le consentement de l'hôpital et que ce dernier avait le droit de refuser son consentement à l'une ou l'autre des modalités dont la décision était assortie, y compris celle relative au début de la période de traitement.
III. Le régime législatif
A. La partie XX.1 du Code criminel
[60] La partie XX.1 du Code traite des personnes atteintes d'un trouble mental qui ont des démêlés avec la justice. Ces dispositions habilitent le tribunal à ordonner l'évaluation d'un accusé soupçonné d'être inapte à subir son procès, ou non criminellement responsable d'une infraction, ainsi qu'à rendre les décisions qui s'imposent dans chaque cas. Elles autorisent le tribunal ou la commission d'examen à superviser les accusés atteints de troubles mentaux en liberté sous condition ou en placement sous garde.
B. Le régime applicable en cas d'inaptitude à subir un procès
[61] Le seuil des capacités cognitives en regard duquel l'aptitude d'un accusé à subir son procès s'évalue est peu élevé. Une personne pourrait souffrir d'un trouble suffisamment grave pour justifier l'internement civil, mais être quand même jugée apte à subir son procès [5] . Le régime établi à la partie XX.1 relatif aux ordonnances de traitement a pour seul objectif de faire parvenir l'accusé atteint de troubles mentaux au seuil des capacités cognitives requis pour l'instruction de son procès.
[62] La question de l'aptitude peut être soulevée à toute étape de l'instance, dès lors que le tribunal a des motifs raisonnables de croire l'accusé inapte à subir son procès. Le tribunal peut ordonner une évaluation (art. 672.11 et 672.12) pour déterminer l'aptitude de l'accusé à subir son procès; sous réserve de certaines exceptions, l'évaluation est effectuée dans une période de cinq jours (art. 672.14). Après l'évaluation, le tribunal peut ordonner que l'aptitude de l'accusé soit déterminée (art. 672.23).
[63] Lorsqu'un accusé est jugé inapte à subir son procès, le tribunal peut ordonner le traitement en vertu de l' art. 672.58 afin de rendre l'accusé apte à subir son procès.
C. Le régime relatif à l'ordonnance de traitement
[64] Le pouvoir discrétionnaire conféré au tribunal par l' art. 672.58 , qui l'habilite à ordonner un traitement afin de rendre une personne apte à subir son procès, est assujetti à des garanties et à des délais rigoureux.
[65] Étant donné la possibilité que l'accusé soit assujetti à un traitement médical, l'une de ces garanties est le consentement obligatoire de l'hôpital prévu au par. 672.62(1) . Le libellé des dispositions pertinentes est le suivant :
672.58 [Décision prévoyant un traitement] Dans le cas où un verdict d'inaptitude à subir son procès a été rendu à l'égard de l'accusé et à la condition que le tribunal n'ait rendu aucune décision à son égard en vertu de l'article 672.54, le tribunal peut, sur demande du poursuivant, rendre une décision prévoyant le traitement de l'accusé pour une période maximale de soixante jours, sous réserve des modalités que le tribunal fixe et, si celui‑ci n'est pas détenu, lui enjoignant de s'y soumettre et de se présenter à la personne ou à l'hôpital indiqué.
. . .
672.62 (1) [Consentement obligatoire de l'hôpital] Le tribunal ne peut rendre une décision en vertu de l' article 672.58 sans le consentement du responsable de l'hôpital où l'accusé doit subir le traitement, ou de la personne que le tribunal charge de ce traitement.
(2) [Consentement de l'accusé non obligatoire] Le tribunal peut ordonner le traitement de l'accusé en conformité avec une décision rendue en vertu de l' article 672.58 sans le consentement de celui‑ci ou de la personne qui, selon le droit de la province où la décision est rendue, est autorisée à donner ce consentement au nom de l'accusé.
672.63 [Date d'entrée en vigueur] La décision entre en vigueur le jour où elle est rendue ou à la date ultérieure que fixe le tribunal ou la commission d'examen et le demeure jusqu'à ce que la commission tienne une audience pour la réviser et rende une nouvelle décision.
[66] Aux termes de l'art. 672.1, la personne responsable de l'hôpital concerné et l'accusé étant « parties » aux ordonnances de traitement rendues en vertu de l' art. 672.58 , ils sont habilités à en interjeter appel à la Cour d'appel (art. 672.1 et 672.72). Le dépôt d'un avis d'appel suspend automatiquement l'application de l'ordonnance jusqu'à la décision sur l'appel (art. 672.75).
IV. Le contexte factuel général
A. Le mode de collaboration entre la salle d'audience 102 et le CAMH
[67] La salle d'audience 102 est un tribunal spécialisé pour les personnes ayant des troubles mentaux situé à Toronto. Elle applique les dispositions de la partie XX.1 du Code criminel aux accusés atteints de troubles mentaux.
[68] La majorité des accusés inaptes à subir leur procès souffrent de troubles psychotiques. Le traitement visant à rendre une telle personne apte à subir son procès consiste en général à lui administrer des antipsychotiques dans un milieu sécuritaire [6] .
[69] À Toronto, le CAMH, de par sa collaboration avec la salle d'audience 102, assure la prise en charge thérapeutique des accusés visés par une ordonnance de traitement. Un psychiatre du CAMH est affecté à la salle d'audience 102 tous les après‑midi, du lundi au vendredi, pour évaluer sur place l'aptitude des accusés à subir leur procès. Un registre provincial que peuvent consulter les avocats du ministère public et les hôpitaux indique les places en psychiatrie médicolégale. Un agent de liaison du CAMH assiste habituellement aux audiences pour aider à trouver des places libres et pour évaluer l'attente préalable [7] . Fondé de pouvoir, cet agent est habilité à consentir à l'ordonnance de traitement au nom de l'hôpital, ce qu'il fait habituellement en indiquant la date à laquelle l'hôpital devrait être en mesure d'admettre la personne [8] .
[70] Préoccupés à l'idée qu'un accusé atteint de troubles mentaux languisse en prison en attendant qu'une place se libère pour son traitement, certains juges de la salle d'audience 102 se sont mis à rendre des décisions applicables « sur‑le‑champ », ordonnant que l'accusé soit transféré directement à l'hôpital, sans séjourner en prison [9] .
[71] En dépit de l'augmentation importante du nombre de places en psychiatrie médicolégale et de la réduction de l'attente, la pénurie de places fait en sorte qu'il n'est pas toujours possible pour les hôpitaux de répondre aux besoins du système de justice pénale dans les délais auxquels s'attendent les tribunaux.
B. Protocoles de consentement actuels
[72] Le CAMH a publié le Statement of Principles and Practices for Admission Prioritization en octobre 2010, plusieurs mois après l'ordonnance de traitement visant M. Conception [10] . Cet énoncé de principes s'applique à toutes les admissions et se veut une réponse aux contraintes découlant des listes d'attente et de la surpopulation fréquente des unités pour patients hospitalisés.
[73] Selon le premier principe, [ traduction ] « [n]ul n'attend qui ne le peut » [11] . Ce principe est expliqué en ces termes : « Si l'accusé souffre d'un trouble psychologique aigu qui nécessite son hospitalisation immédiate, ou s'il est visé par une ordonnance judiciaire ou une décision de la [commission ontarienne d'examen] ne permettant pas d'autre type de placement , les dispositions d'admission sont prises rapidement » (je souligne) [12] . Selon le deuxième principe, « les personnes souffrant de troubles d'une gravité moindre » sont habituellement prises en charge à la date indiquée dans l'ordonnance ou dans la demande, « une certaine marge de manœuvre étant prévue pour les besoins cliniques » [13] .
[74] Relativement au quatrième principe, il est énoncé que [ traduction ] « [l]e tribunal suppose que [les hôpitaux] consentiront à traiter (art. 672.62) tous les accusés qui ont été jugés “inaptes à subir leur procès” » lorsqu'il est satisfait aux critères énoncés dans le Code (à l'art. 672.59). Le D r Simpson, le responsable du CAMH, a déclaré que la présomption de consentement n'est pas absolue, l'admission étant fonction de la disponibilité d'une place [14] .
[75] Cependant, le D r Simpson a aussi souligné que [ traduction ] « l'urgence clinique l'emporte sur tout » [15] et que « [n]ul n'attend qui ne le peut » [16] . En cas d'urgence clinique, à défaut d'une place, le CAMH peut accueillir un patient dans une chambre d'isolement, à la condition que la sécurité des autres patients ne soit pas ainsi menacée [17] .
C. Conséquences de l'attente : languir en prison
[76] Suivant le mode de collaboration entre la salle d'audience 102 et le CAMH, lorsqu'aucune place en psychiatrie médicolégale n'est libre, ou qu'une place est réservée à un autre patient, l'accusé jugé inapte à subir son procès est habituellement incarcéré en attendant qu'une place se libère [18] .
[77] En règle générale, les patients atteints de troubles mentaux ont la vie dure en prison. Ils sont fréquemment victimes d'intimidation et de violence, et ils sont plus susceptibles que la population carcérale générale d'attenter à leurs jours, de s'automutiler ou d'adopter un comportement autodestructeur. Un agent de correction chevronné a témoigné en l'espèce que, dans les prisons provinciales, les besoins en matière de soins de santé mentale de ces accusés sont souvent négligés en raison de la pénurie d'unités spéciales et de personnel qualifié [19] . Moins du tiers des établissements correctionnels ontariens disposent d'une unité spéciale pouvant accueillir les détenus atteints de maladie mentale ou de déficience développementale [20] . Là où il n'existe pas d'unité spéciale, ou lorsque celle‑ci est pleine, les accusés atteints de troubles mentaux sont généralement placés en cellule d'isolement [21] .
V. Analyse
A. Aperçu
[78] Aucun tribunal ne peut rendre d'ordonnance de traitement sans le consentement de l'hôpital où l'accusé doit subir le traitement ( par. 672.62(1) ). Le litige en l'espèce repose sur la portée de ce consentement obligatoire. Plus particulièrement, quels éléments de l'ordonnance de traitement sont visés par le consentement de l'hôpital? L'ordonnance de traitement rendue sans le consentement de l'hôpital relativement à la date d'entrée en vigueur est‑elle valide?
[79] Les hôpitaux intimés et les procureurs généraux soutiennent que le consentement de l'hôpital est obligatoire à l'égard de tous les éléments de l'ordonnance de traitement. Selon eux, pour que cette dernière soit valide, il faut que l'hôpital non seulement accepte d'administrer le traitement, mais acquiesce également au moment du traitement et aux autres modalités de la « décision », s'il en est. Une ordonnance de traitement ne peut être rendue sans le consentement de l'hôpital à l'égard de tous les éléments de l'ordonnance.
[80] L'appelant soutient que le consentement de l'hôpital est limité à son assentiment à l'administration du traitement particulier. À son avis, l'hôpital ne peut user de l'exigence relative au consentement pour dicter le moment du traitement ou l'application des autres modalités dont l'ordonnance est assortie, particulièrement en invoquant la pénurie de places et les listes d'attente.
[81] À mon avis, le consentement de l'hôpital n'est obligatoire qu'à l'égard du traitement, et l'établissement de soins ne saurait refuser son consentement sous prétexte de la gestion efficace des ressources hospitalières. L'exigence relative au consentement de l'hôpital doit être interprétée à la lumière du contexte de la partie XX.1 du Code criminel . Une interprétation contextuelle démontre clairement que les dispositions relatives au consentement n'habilitent pas l'hôpital à déterminer le moment du traitement (et du coup la date du procès et les conditions de détention provisoire de l'accusé) selon les besoins médicaux de l'accusé par rapport à ceux d'autres patients en attente d'une place. Pour fixer la date de début du traitement, la juge tient compte certes de la pénurie de places, mais également des intérêts de l'accusé en matière de liberté, de sécurité et d'équité procédurale ainsi que des conséquences du retard dans l'instruction de son procès pour l'accusé qui languit en prison.
[82] Les dispositions relatives au consentement énoncées au par. 672.62(1) subordonnent l'ordonnance de traitement à l'acquiescement, par l'hôpital, à l'administration du traitement. L'hôpital peut refuser son consentement seulement s'il s'oppose au traitement particulier pour des motifs d'ordre médical. Dans des circonstances exceptionnelles, s'il ne dispose d'aucune place et faute d'une solution de rechange, l'hôpital pourrait être incapable d'administrer le traitement de façon sécuritaire ― même s'il donne la priorité à l'accusé à la date choisie par le juge. En pareilles circonstances, si l'hôpital estime que le juge a agi déraisonnablement en fixant cette date, il peut interjeter appel, et la décision fera l'objet d'une révision.
[83] J'explique dans un premier temps pourquoi, à mon avis, la portée de l'exigence de consentement est limitée au traitement et pourquoi le consentement n'est pas obligatoire à l'égard du moment du traitement et des autres modalités. J'analyse ensuite la pertinence des renseignements sur la pénurie de places pour ce qui est de l'ordonnance de traitement. Enfin, je décris un moyen qui permettrait de répondre de manière efficace aux préoccupations relatives au moment du traitement prévu dans l'ordonnance.
B. La portée du consentement
[84] De l'avis des intimés, comme le par. 672.62(1) prévoit que « [l]e tribunal ne peut rendre une décision en vertu de l' article 672.58 sans le consentement du responsable de l'hôpital où l'accusé doit subir le traitement », et comme la « décision » visée à l' art. 672.58 permet que soit rendue une ordonnance prévoyant « le traitement de l'accusé pour une période maximale de soixante jours, sous réserve des modalités que le tribunal fixe », le consentement de l'hôpital à l'égard de tous les éléments de l'ordonnance de traitement est obligatoire. Selon eux, l'hôpital doit consentir non seulement à l'administration, mais aussi au moment du traitement ainsi qu'à sa durée et aux autres modalités de la « décision ».
[85] Selon l'appelant, les dispositions relatives à l'ordonnance de traitement établissent une distinction entre l'opportunité du traitement sur le plan médical et le moment du traitement. Le consentement n'est obligatoire qu'à l'égard du traitement. Alors que l' art. 672.58 dispose que le tribunal rend une ordonnance prévoyant « le traitement [. . .] pour une période maximale de soixante jours » (il s'agit là de la « décision »), l'art. 672.63 prévoit séparément que « [l]a décision entre en vigueur le jour où elle est rendue ou à la date ultérieure que fixe le tribunal ou la commission d'examen ». Par conséquent, la décision en soi ― qui requiert le consentement de l'hôpital aux termes du par. 672.62(1) ― peut être distincte de la date à laquelle elle entre en vigueur, date que l'art. 672.63 autorise le tribunal à fixer.
[86] Il ne fait aucun doute que le par. 672.62(1) subordonne toute décision prévoyant un traitement au consentement de l'hôpital. Toutefois, la question subsiste : sur quoi le consentement porte‑t‑il? Est‑il obligatoire à l'égard de l'ensemble des modalités de la « décision »? Ou est‑il simplement obligatoire quant au traitement particulier?
[87] Je ne considère pas comme déterminantes les observations présentées par les intimés en ce qui a trait au libellé de l'art. 672.62. Le paragraphe 672.62(1) ne dispose pas que le consentement est obligatoire à l'égard de tous les éléments de la décision; il dispose plutôt que la décision visée à l' art. 672.58 ne peut être rendue sans le consentement de l'hôpital ou de la personne qui traite l'accusé. De plus, le juge peut fixer la date d'entrée en vigueur de la décision conformément à l'art. 672.63. La décision rendue en vertu de l' art. 672.58 est une ordonnance prévoyant le traitement de l'accusé pour une période précise (d'au plus 60 jours), assortie des modalités que le juge fixe. De toute évidence, si l'hôpital ne consent pas au traitement, aucune décision prévoyant ce traitement ne peut être rendue.
[88] À mon avis, le libellé de ces dispositions, considérées isolément, n'apporte pas de réponse claire sur la portée du pouvoir discrétionnaire conféré à l'hôpital, soit celui de donner ou non son consentement. Toutefois, suivant la règle moderne d'interprétation des lois, [ traduction ] « il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'économie de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur » (E. A. Driedger, Construction of Statutes (2 e éd. 1983), p. 87). En l'espèce, l'interprétation de ces dispositions à la lumière (1) des objectifs de la partie XX.1, du régime établi relatif aux ordonnances de traitement et de l'exigence relative au consentement, (2) du régime de contrôles et de supervision judiciaires stricts assujettis à des délais de rigueur et (3) des dispositions d'appel et de suspension automatique, nous permet de conclure que le consentement obligatoire représente uniquement l'assentiment de l'hôpital à administrer le traitement particulier. L'exigence relative au consentement ne confère pas à l'hôpital un droit de veto sur les modalités d'une ordonnance de traitement qu'il pourrait opposer pour toute raison.
(1) L'objectif législatif
a) Objectif du régime établi à la partie XX.1; protection des intérêts en jeu
[89] La Cour décrit l'objectif de la partie XX.1 dans l'arrêt Mazzei c. Colombie‑Britannique (Directeur des Adult Forensic Psychiatric Services) , 2006 CSC 7, [2006] 1 R.C.S. 326 :
. . . le nouveau régime législatif conserve l'objectif global de l'ancien régime, l'accent mis sur le traitement médical de l'accusé non responsable criminellement étant simplement un effet ou un élément accessoire de l'objectif principal que poursuit le législateur conformément à sa compétence en droit criminel, à savoir la protection du public et la gestion du risque pour la sécurité que peut représenter un accusé . Le nouvel élément ajouté à la partie XX.1 est une garantie protégeant l'équité procédurale et la dignité de l'accusé non responsable criminellement, ainsi qu'un engagement de veiller à ce que le droit à la liberté de l'accusé non responsable criminellement soit restreint le moins possible . [Je souligne; par. 27.]
[90] « [L]e cadre législatif [de la partie XX.1] prévoyait, à chaque étape du processus », la prise en compte de l'important intérêt en matière de liberté garanti par l' art. 7 de la Charte ( Centre de santé mentale de Penetanguishene c. Ontario (Procureur général) , 2004 CSC 20, [2004] 1 R.C.S. 498, par. 53. Voir aussi Winko c. Colombie‑Britannique (Forensic Psychiatric Institute) , [1999] 2 R.C.S. 625, par. 16 et 42).
[91] Pendant les débats à la Chambre des communes concernant le projet de loi portant promulgation de la partie XX.1, la ministre de la Justice de l'époque, Kim Campbell, décrivant le pouvoir de rendre une ordonnance de traitement, a déclaré que « sous réserve de garanties très strictes , le projet de loi permet à un tribunal d'ordonner à l'accusé de se soumettre, sans son consentement, à un traitement, afin qu'il soit apte à subir son procès, ce qui évite ainsi une détention qui pourrait être fort longue » [22] .
[92] Les ordonnances de traitement visent au moins deux objectifs. Premièrement, rendre l'accusé apte à subir son procès — pour protéger son droit à un procès en temps opportun et à l'équité procédurale et pour protéger l'intérêt du public à ce que les accusés soient jugés. Deuxièmement, garantir une atteinte minimale à la liberté de l'accusé. Bien que les intérêts médicaux et juridiques des accusés soient en jeu, l'objectif ultime de l'ordonnance de traitement est de protéger les intérêts juridiques de l'accusé.
[93] Le moment du traitement prévu dans l'ordonnance influe directement sur la date du procès. De plus, étant donné qu'à défaut d'une ordonnance de traitement, l'accusé inapte à subir son procès est généralement détenu dans une prison mal outillée pour gérer ses problèmes de santé mentale, le moment du traitement prévu dans l'ordonnance a aussi une incidence sur les conditions de détention provisoire de l'accusé. Le moment du traitement prévu dans l'ordonnance porte donc atteinte aux intérêts en matière de dignité, de sécurité et de liberté de l'accusé, que les dispositions de la partie XX.1 cherchent à protéger.
[94] L'interprétation de l'exigence relative au consentement obligatoire avancée par les intimés, selon laquelle l'hôpital aurait un droit de regard sur les modalités dont est assortie l'ordonnance, dont le moment du traitement, est difficile à concilier avec les objectifs du régime. En rendant obligatoire le consentement à toutes les modalités d'une « décision » prévoyant un traitement, on accorderait dans les faits aux hôpitaux un droit de veto considérable qu'ils pourraient opposer à une ordonnance de traitement et un droit de regard sur le moment du traitement, sans égard aux intérêts juridiques de l'accusé.
[95] Rien dans le Code , ni dans aucune autre loi, n'oblige les hôpitaux à prendre en compte les conditions de détention d'un accusé inapte à subir son procès dont ils n'ont pas la charge au moment où ils prennent une décision relativement à son admission, et ils ne sont pas bien placés pour le faire de façon adéquate. Les hôpitaux désignés ne sont pas tenus d'offrir des garanties procédurales aux accusés lorsqu'il s'agit de déterminer le moment du traitement prévu dans l'ordonnance. Quand il procède au triage, l'hôpital ne fait que déterminer, selon les intérêts médicaux de chacun, qui de l'accusé ou d'autres patients devrait avoir la priorité ― il ne prend aucunement en compte l'intérêt de l'accusé en matière de liberté ou ses autres intérêts juridiques garantis par la Charte .
[96] Par conséquent, reconnaître aux hôpitaux un droit de regard sur le moment du traitement et les modalités dont l'ordonnance est assortie ne serait pas conforme aux objectifs de la partie XX.1. Bon an, mal an, les hôpitaux sont tenus à la gestion la plus efficace possible de leurs ressources et des protocoles d'admission des patients. Il incombe au juge de soupeser d'une part les intérêts juridiques d'un accusé et ceux relatifs à la liberté et à la sécurité et d'autre part les problèmes qui se poseront si l'hôpital lui donne priorité. Comme je l'indique plus loin, le juge prend en compte la pénurie de places lorsqu'il fixe la date du début de tout traitement. Les objectifs de la partie XX.1 militent en faveur d'une portée limitée de la disposition relative au consentement, axée sur l'acquiescement par l'hôpital à l'administration du traitement particulier.
b) Objectif de la disposition relative au consentement
[97] La partie XX.1 habilite les juges à rendre diverses ordonnances [23] obligeant les hôpitaux à admettre des accusés atteints de troubles mentaux, même si leur prise en charge immédiate est susceptible de causer des difficultés administratives. En conséquence, le régime établi par le Code n'exige pas de façon générale le consentement de l'hôpital simplement parce que l'ordonnance de traitement sollicite des ressources de l'hôpital.
[98] Le consentement n'est requis que sous le régime applicable à l'ordonnance de traitement. Il ne s'agit pas d'une coïncidence, car la disposition qui l'établit est aussi la seule de la partie XX.1 qui permet au tribunal d'ordonner l'administration d'un traitement médical sans le consentement de l'accusé.
[99] Le consentement de l'hôpital est obligatoire pour que soient protégés les intérêts médicaux de l'accusé et le droit du premier sur le plan professionnel de ne pas être contraint d'administrer un traitement médical. Il s'agit là d'une des « garanties très strictes » applicables au traitement administré à un accusé vulnérable, contre son gré, à la suite d'une ordonnance rendue par un tribunal.
[100] En restreignant aux questions concernant l'opportunité du traitement sur le plan médical le pouvoir de refuser le consentement, on respecte le jugement professionnel de l'hôpital, qui détermine s'il y a lieu d'administrer le traitement particulier. Cette restriction fait également en sorte que le traitement auquel l'accusé n'a pas consenti ne porte pas atteinte à ses intérêts médicaux. Elle permet en même temps au juge de protéger les intérêts juridiques de l'accusé vulnérable en fixant le moment du traitement dans l'ordonnance. Cette interprétation préserve les garanties procédurales, la supervision judiciaire de la détention et les objectifs de la partie XX.1.
[101] Par conséquent, l'exigence relative au consentement, à la lumière d'un examen téléologique qui tient compte du contexte législatif dans lequel elle s'inscrit, se résume à la question de savoir si l'hôpital est disposé à administrer le traitement précisé. Elle permet d'assurer l'administration par des experts de traitements judicieux sur le plan médical, non pas de prendre en compte les contraintes en matière de ressources qui s'exercent sur l'hôpital.
(2) L'économie du régime établissant les ordonnances de traitement
[102] Avec la partie XX.1, le législateur a cherché à garantir l'équité procédurale et l'atteinte minimale aux intérêts de l'accusé en matière de liberté en fixant des délais précis et en prévoyant des paramètres et le contrôle par le tribunal (ou une commission d'examen) de tous les aspects du régime.
[103] Suivant ces paramètres, la durée maximale d'une ordonnance de traitement est de 60 jours ( art. 672.58 et 672.59 ); plusieurs conditions préalables doivent être remplies avant que l'ordonnance puisse être rendue, laquelle doit être fondée sur le témoignage et l'avis d'un médecin qui a évalué l'accusé (art. 672.59); l'accusé a le droit de contester la demande (art. 672.6); certains traitements ne peuvent être prescrits dans l'ordonnance (art. 672.61); le consentement de l'hôpital qui administre le traitement ou du médecin est obligatoire, mais pas celui de l'accusé (art. 672.62) et le tribunal peut préciser la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance (art. 672.63).
[104] Si les hôpitaux avaient le pouvoir de refuser leur consentement ou de dicter le moment du traitement prévu dans l'ordonnance, pour quelque raison que ce soit, notamment en invoquant l'administration de l'hôpital et les listes d'attente, ce pouvoir constituerait une dérogation importante au régime complet de paramètres judiciaires et de délais serrés prévus à la partie XX.1.
(3) Dispositions régissant l'appel et la suspension de l'ordonnance
[105] En circonscrivant étroitement l'exigence relative au consentement, on confère aux dispositions régissant l'appel (art. 672.72) et la suspension de l'application de l'ordonnance (art. 672.75) leur plein effet dans le cadre du régime établissant les ordonnances de traitement. L'article 672.75 prévoit la suspension automatique de l'ordonnance lorsqu'une partie en interjette appel.
[106] La suspension automatique d'une ordonnance de traitement à la suite d'un appel interjeté par l'établissement serait dépourvue de tout sens si l'ordonnance de traitement ne pouvait pas être rendue sans le consentement de l'hôpital à l'ensemble de ses modalités. S'il était possible pour un hôpital de refuser tout simplement son consentement lorsqu'il s'oppose aux modalités, il ne lui serait plus nécessaire d'interjeter appel. Le régime prévoit plutôt la suspension de l'ordonnance et un recours en appel pour l'hôpital précisément parce que certaines « modalités » de l'ordonnance, dont le moment du traitement, sont fixées par le tribunal. La cour d'appel serait en mesure d'examiner la décision du juge à la lumière des renseignements dont il disposait.
[107] En revanche, l'attente imputable à l'hôpital qui diffère son consentement jusqu'à une date ultérieure est difficilement contestable. Bien qu'un accusé puisse interjeter appel de l'ordonnance de traitement en vertu du par. 672.72(1), il s'agit d'un fardeau énorme imposé à un accusé inapte à subir son procès, et l'appel ne sera probablement pas entendu avant la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance. En outre, l'ordonnance étant habituellement rendue lorsque le traitement doit être administré contre le gré de l'accusé, il est peu probable que ce dernier cherche à devancer ce traitement.
[108] Quoi qu'il en soit, la décision de l'hôpital pourrait difficilement faire l'objet d'un examen en appel. S'il était possible pour l'hôpital de refuser tout simplement son consentement, il se pourrait fort bien que la cour, en cas d'appel, ait pour tout renseignement le fait que le consentement à l'admission à une date antérieure a été refusé.
[109] Mes collègues affirment que « [s]i [. . .] le consentement à la “décision” exigé par l'art. 672.62 ne requiert pas de consentement quant à la date du traitement, il s'ensuit que l'appel d'une “décision” intenté en vertu de l'art. 672.72 ne peut porter sur cet aspect non plus » (par. 25). En clair, je ne conclus pas que le moment du traitement prévu dans l'ordonnance ne fait pas partie de la décision . J'arrive plutôt à la conclusion qu'il n'est pas visé par l'exigence relative au consentement de l'hôpital. Rien n'empêche l'hôpital de porter en appel la décision rendue par le juge — quant au moment du traitement ou quant à tout autre aspect — s'il l'estime déraisonnable.
[110] Par conséquent, les dispositions régissant l'appel et la suspension vont dans le sens d'une portée restreinte de l'exigence relative au consentement prévue par la partie XX.1 : le consentement représente uniquement l'assentiment de l'hôpital à administrer le traitement particulier.
C. Composer avec la pénurie de places
[111] Les hôpitaux intimés soutiennent que la pénurie de places touche directement leur capacité d'administrer le traitement. Or, les hôpitaux désignés sous le régime de la partie XX.1 jouent un rôle médicolégal et sont en principe outillés pour traiter les accusés inaptes à subir leur procès.
[112] En règle générale, l'organisation en cas de pénurie de places ressortit plutôt à l'administration efficace des ressources de l'hôpital. Selon le document intitulé Statement of Principles and Practices for Admission Prioritization publié par le CAMH, la priorité est déterminée selon le principe du premier arrivé, premier servi, sauf en cas d'urgence médicale. Il est sans doute plus simple pour l'établissement de consulter la liste d'attente pour savoir à quel moment une place se libérera, à moins d'urgence médicale. Or, dans le contexte de la partie XX.1, l'urgence médicale n'est pas la seule mesure d'urgence ou de priorité.
[113] Même dans le cas où le traitement d'un accusé inapte à subir son procès ne constitue pas une « urgence médicale », selon les critères établis par les hôpitaux, il est possible qu'en refusant d'administrer un traitement sur‑le‑champ, on mette néanmoins la sécurité physique et la vie de cet accusé en danger pour des raisons qui sont totalement inconnues de l'hôpital et impossibles pour lui d'apprécier. Seul un juge peut évaluer les risques qui découleraient du report de traitement d'un accusé inapte à subir son procès parce que bien des dangers, et des plus graves, découlent non pas de l'« urgence médicale » du traitement, évaluée par les hôpitaux, mais plutôt des risques auxquels cet accusé serait exposé en prison. Le triage médical des patients et les protocoles d'établissement des priorités suivis par les hôpitaux ne prennent pas en compte les intérêts juridiques d'un accusé inapte à subir son procès.
[114] Il se peut qu'en des circonstances exceptionnelles, même si un accusé est prioritaire, le traitement ne puisse être administré de façon sécuritaire par l'hôpital, faute de place. Les médecins ne devraient pas être contraints d'administrer un traitement lorsque la sécurité des patients et du personnel n'est pas assurée.
[115] Il semble cependant ressortir du dossier que de telles situations sont rares. Les hôpitaux trouvent le moyen de répondre aux urgences médicales en fonction du principe selon lequel [ traduction ] « [n]ul n'attend qui ne le peut » [24] . Dans sa déposition, le D r Simpson a déclaré que lorsque l'hôpital l'estime vraiment nécessaire, il trouve une place [25] . Lorsqu'un juge rend une ordonnance de traitement, l'hôpital doit comprendre qu'il est nécessaire de prodiguer le traitement à la date indiquée.
[116] Pour ce faire, l'hôpital peut être obligé de transférer un patient à l'état moins critique à une autre unité, d'utiliser une zone d'isolement d'urgence ou de prendre en charge d'une autre manière l'accusé, tout comme il prendrait en charge une urgence médicale. Sous le régime de la partie XX.1 du Code , les hôpitaux désignés pourraient être obligés de prendre en charge les urgences du système de justice pénale.
[117] Il est possible qu'à l'occasion la pénurie de places nuise à la capacité de l'hôpital d'administrer le traitement de façon sécuritaire; mais cette situation n'a rien à voir avec l'opportunité du traitement sur le plan médical. Ces concepts sont importants, mais distincts. Ainsi, bien que l'hôpital ne puisse invoquer la pénurie de places pour refuser son consentement, ce facteur s'inscrit dans les circonstances dont la juge tient compte, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, lorsqu'elle fixe la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance de traitement.
[118] J'ajouterais ceci. Certes l'État doit fournir à ses hôpitaux les ressources nécessaires pour leur permettre d'exécuter les ordonnances rendues en application du Code , mais les tribunaux ne doivent pas s'attendre à un système parfait, offrant des places en traitement sur‑le‑champ dans tous les cas. Rien dans le Code n'oblige à assurer aux hôpitaux les ressources suffisantes pour qu'ils puissent garder une place en réserve en tout temps. L'hôpital préoccupé par la pénurie de places ou sa capacité d'administrer immédiatement le traitement de façon sécuritaire peut soulever la question du triage devant le juge, qui est le mieux placé pour mettre en balance les divers intérêts dans le cadre d'un processus informel et coopératif.
D. L'ordonnance de traitement : une collaboration
[119] En dépit des tensions découlant de la pénurie de places, les professionnels dévoués qui sont à l'œuvre tous les jours dans les salles d'audience des tribunaux pour les personnes ayant des troubles mentaux travaillent en collaboration dans l'application de la partie XX.1. En l'espèce, par exemple, cette collaboration a permis qu'il soit procédé à l'évaluation, à l'audience sur l'aptitude à subir un procès et à l'audience sur l'ordonnance de traitement le même jour, soit le lendemain de l'arrestation de M. Conception.
[120] La décision de rendre une ordonnance de traitement, comme toute autre décision d'une cour de juridiction criminelle, doit être raisonnable, compte tenu de l'ensemble des circonstances. La psychiatre aura déclaré le traitement nécessaire. L'hôpital, en tant que partie à l'instance, a le droit d'indiquer la date qu'il préfère, afin de ne pas nuire à d'autres patients jugés prioritaires. La psychiatre peut émettre un avis sur l'effet d'un séjour en prison sur l'accusé ainsi que sur le risque qu'une attente compromette les bénéfices espérés du traitement.
[121] Toutefois, il se peut que la date proposée par l'hôpital ne réponde pas aux besoins du système de justice pénale. Par exemple, la santé mentale (ou physique) de l'accusé pourrait se détériorer si ce dernier devait languir en prison avant son transfèrement à l'hôpital ou la période de détention en prison nécessaire pourrait être disproportionnée par rapport aux accusations portées contre l'accusé. En pareils cas, il est loisible au tribunal d'adresser d'autres questions à l'hôpital. L'hôpital peut lui donner les renseignements à jour sur le taux d'occupation et la liste d'attente, et indiquer s'il serait en mesure d'administrer le traitement de façon sécuritaire si l'accusé était admis d'urgence.
[122] De telles questions s'inscrivent dans le rôle qui incombe au juge suivant la partie XX.1 et n'exigent habituellement pas d'examen détaillé de la preuve de l'hôpital, ce qui retarderait le traitement de l'accusé et la tenue de son procès. Un échange informel de renseignements — ce qui constitue la pratique actuelle — devrait suffire. Cette approche efficace est conforme aux règles prévues au par. 672.5(2) du Code , aux termes duquel une audience tenue en vue de déterminer la décision à prendre en application de la partie XX.1 « peut être aussi informelle que possible, compte tenu des circonstances ».
[123] La juge tentera de formuler une ordonnance de traitement réaliste prenant en compte les contraintes en matière de ressources de l'hôpital, les intérêts de l'accusé ainsi que les besoins du processus pénal. Cette mise en balance relève du pouvoir étendu conféré au juge l'habilitant à fixer les modalités d'une décision et la date d'entrée en vigueur en vertu des art. 672.58 et 672.63 .
[124] Enfin, si le tribunal assortit l'ordonnance de traitement de modalités que l'hôpital juge déraisonnables (y compris, par exemple, lorsque le traitement ne peut être administré de façon sécuritaire), l'hôpital peut naturellement exercer son droit d'appel légal et bénéficier de la suspension automatique. La Cour d'appel est habilitée à infirmer l'ordonnance de traitement en pareil cas.
E. Conclusions
[125] Pour ces motifs, je conclus que l'ordonnance de traitement est subordonnée au consentement de l'hôpital prévu au par. 672.62(1) par lequel il indique être disposé à administrer le traitement en question. Interprétées à la lumière de l'ensemble de leur contexte, les dispositions relatives au consentement ne permettent pas à l'hôpital de déterminer qui, de l'accusé ou des autres patients figurant déjà sur la liste d'attente, devrait bénéficier du traitement en priorité, ni de refuser son consentement pour cause de pénurie de places ou de listes d'attente. Il ne peut refuser son consentement que pour des motifs d'ordre médical.
[126] Les juges sont chargés en vertu de la partie XX.1 de voir au respect de l'équité procédurale et de faire en sorte que l'atteinte à la liberté de l'accusé soit minimale. Il est loisible au juge de prendre en compte la pénurie de places, à la lumière des intérêts médicaux et juridiques de l'accusé inapte à subir son procès. Il incombe au tribunal, et non à l'hôpital, de réaliser l'objectif ultime du régime de traitement. Cet objectif consiste à rendre l'accusé apte à subir son procès et ainsi lui éviter une détention qui pourrait être fort longue.
[127] Si des circonstances exceptionnelles empêchent l'hôpital d'admettre et de traiter l'accusé de façon sécuritaire, même si ce dernier est considéré comme un patient qui « ne peut attendre », l'hôpital doit en informer le juge. L'hôpital qui a des réserves sur l'ordonnance de traitement peut interjeter appel, et l'application de la décision sera suspendue automatiquement.
VI. L'ordonnance de traitement rendue en l'espèce
[128] La question de la validité de l'ordonnance rendue par la juge Hogan est maintenant théorique. Les parties ont cependant convenu que le pourvoi devait suivre son cours.
[129] De toute évidence, tous les intervenants ont agi de bonne foi. En effet, à maints égards, les rapports qu'entretiennent la salle d'audience 102 et le CAMH constituent un bel exemple de collaboration entre les divers organismes participant à la mise en application de la partie XX.1.
[130] Il appert du dossier que l'hôpital a opposé son refus à la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance de traitement fixée par la juge ― refus assimilé à une absence de consentement ― en raison de sa liste d'attente; il ne s'opposait pas au traitement de l'accusé. La sécurité du personnel était une préoccupation pour le CAMH, étant donné qu'une accusation d'agression sexuelle pesait contre l'accusé, et qu'une place au MHCP se libérait seulement six jours plus tard. L'hôpital a soutenu que l'admission anticipée de l'accusé retarderait l'admission prioritaire d'autres patients en attente d'une place.
[131] Je ne suis pas d'accord avec la Cour d'appel pour dire que la juge du procès n'avait pas compétence pour rendre une ordonnance de traitement en l'espèce. Le dossier indique clairement que l'hôpital consentait à administrer le traitement, sous réserve de la disponibilité d'une place. Je conclus cependant que la décision de la juge présidant l'audience à propos du moment du traitement prévu dans l'ordonnance n'était pas raisonnable.
[132] Il est clair que la juge qui présidait l'audience était préoccupée de manière générale à l'idée que des accusés inaptes à subir leur procès languissent en prison et se souciait des répercussions de cette attente sur leur santé mentale. Elle n'a toutefois pas fondé sur les circonstances particulières de l'espèce sa décision d'ordonner le traitement « sur‑le‑champ ». Ni l'incidence d'une attente sur les bénéfices espérés du traitement de l'accusé, ni les conditions de détention dans la prison où il serait probablement transféré en attendant qu'une place se libère, ni les solutions de rechange possibles à la détention avant son admission n'ont été envisagées. La capacité de l'hôpital d'administrer le traitement de façon sécuritaire sur‑le‑champ, si une ordonnance en ce sens était rendue, n'a pas été abordée non plus, ni la date à laquelle le traitement pourrait être administré de façon sécuritaire, si la priorité était accordée à l'accusé. Il s'agit de facteurs pertinents qui auraient pu guider la juge dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui a été conféré et l'habilite à rendre une ordonnance de traitement en l'espèce. Comme bon nombre de ses collègues l'ont fait à l'époque, la juge a rendu l'ordonnance de traitement de bonne foi certes, mais par pure frustration à l'égard du système de santé mentale, incapable de prendre immédiatement en charge un patient visé par une ordonnance de traitement.
[133] Par conséquent, je suis d'accord avec la Cour d'appel pour dire que la juge a commis une erreur en rendant une ordonnance de traitement applicable « sur‑le‑champ ». Je suis d'avis de rejeter l'appel sans dépens.
ANNEXE
Dispositions législatives applicables
Code criminel , L.R.C. 1985, ch. C‑46

672.1 (1) [Définitions] Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente partie.
. . .
« décision » Décision rendue par un tribunal ou une commission d'examen en vertu de l'article 672.54 ou décision rendue par un tribunal en vertu de l' article 672.58 .
. . .
672.11 [Évaluation] Le tribunal qui a compétence à l'égard d'un accusé peut rendre une ordonnance portant évaluation de l'état mental de l'accusé s'il a des motifs raisonnables de croire qu'une preuve concernant son état mental est nécessaire pour :
a ) déterminer l'aptitude de l'accusé à subir son procès;
b ) déterminer si l'accusé était atteint de troubles mentaux de nature à ne pas engager sa responsabilité criminelle en application du paragraphe 16(1) au moment de la perpétration de l'infraction reprochée;
c ) déterminer si l'accusée inculpée d'une infraction liée à la mort de son enfant nouveau‑né était mentalement déséquilibrée au moment de la perpétration de l'infraction;
d ) dans le cas où un verdict d'inaptitude à subir son procès ou de non‑responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux a été rendu à l'égard de l'accusé, déterminer la décision qui devrait être prise;
e ) dans le cas où un verdict d'inaptitude à subir son procès a été rendu à l'égard de l'accusé, déterminer si une ordonnance de suspension d'instance devrait être rendue en vertu de l'article 672.851.
672.46 (1) [Maintien intérimaire du statu quo] Lorsque le tribunal ne rend pas de décision à l'égard de l'accusé lors de l'audience, toute ordonnance de mise en liberté provisoire ou de détention de l'accusé ou toute citation à comparaître, sommation, promesse de comparaître, promesse ainsi que tout engagement en vigueur au moment où le verdict d'inaptitude à subir son procès ou de non‑responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux est rendu continue d'être en vigueur sous réserve de ses dispositions jusqu'à ce que la commission d'examen rende sa décision.
(2) [Modification] Par dérogation au paragraphe (1), le tribunal peut, avant que la commission d'examen rende sa décision, si la nécessité lui en est démontrée, annuler l'ordonnance mentionnée au paragraphe (1) qui a déjà été rendue à l'égard de l'accusé ou la citation à comparaître, la sommation, la promesse de comparaître, la promesse ou l'engagement qui est toujours en vigueur à son égard et rendre à l'égard de l'accusé une ordonnance de mise en liberté provisoire ou de détention dans la mesure où il le juge indiqué; il peut notamment ordonner que l'accusé soit détenu dans un hôpital.
672.54 [Décisions] Pour l'application du paragraphe 672.45(2) ou des articles 672.47 ou 672.83, le tribunal ou la commission d'examen rend la décision la moins sévère et la moins privative de liberté parmi celles qui suivent, compte tenu de la nécessité de protéger le public face aux personnes dangereuses, de l'état mental de l'accusé et de ses besoins, notamment de la nécessité de sa réinsertion sociale :
a ) lorsqu'un verdict de non‑responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux a été rendu à l'égard de l'accusé, une décision portant libération inconditionnelle de celui‑ci si le tribunal ou la commission est d'avis qu'il ne représente pas un risque important pour la sécurité du public;
b ) une décision portant libération de l'accusé sous réserve des modalités que le tribunal ou la commission juge indiquées;
c ) une décision portant détention de l'accusé dans un hôpital sous réserve des modalités que le tribunal ou la commission juge indiquées.
672.58 [Décision prévoyant un traitement] Dans le cas où un verdict d'inaptitude à subir son procès a été rendu à l'égard de l'accusé et à la condition que le tribunal n'ait rendu aucune décision à son égard en vertu de l'article 672.54, le tribunal peut, sur demande du poursuivant, rendre une décision prévoyant le traitement de l'accusé pour une période maximale de soixante jours, sous réserve des modalités que le tribunal fixe et, si celui‑ci n'est pas détenu, lui enjoignant de s'y soumettre et de se présenter à la personne ou à l'hôpital indiqué.
672.59 (1) [Critères] Aucune décision ne peut être rendue en vertu de l' article 672.58 à moins que le tribunal ne soit convaincu, à la lumière du témoignage d'un médecin, qu'un traitement particulier devrait être donné à l'accusé afin de le rendre apte à subir son procès.
(2) [Preuve nécessaire] Pour l'application du paragraphe (1), le témoignage comporte une déclaration portant que le médecin a évalué l'état mental de l'accusé et que, selon son avis motivé :
a ) au moment de l'évaluation, l'accusé était inapte à subir son procès;
b ) le traitement psychiatrique et tout autre traitement médical connexe qu'il précise le rendront vraisemblablement apte à subir son procès dans un délai maximal de soixante jours et que, en l'absence de ce traitement, l'accusé demeurera vraisemblablement inapte à subir son procès;
c ) le traitement psychiatrique et tout autre traitement médical connexe qu'il précise n'entraînent pas pour l'accusé un risque démesuré, compte tenu des bénéfices espérés;
d ) le traitement psychiatrique et tout autre traitement médical connexe qu'il précise sont les moins sévères et les moins privatifs de liberté qui, dans les circonstances, pourraient être prescrits pour l'application du paragraphe (1), compte tenu des alinéas b ) et c ).
672.6 (1) [Avis obligatoire] Le tribunal ne peut rendre une décision en vertu de l' article 672.58 que si le poursuivant a informé l'accusé par écrit et dans les plus brefs délais du dépôt de la demande.
(2) [Contestation par l'accusé ] L'accusé visé par une demande mentionnée au paragraphe (1) peut la contester et présenter des éléments de preuve à ce sujet.
672.61 (1) [Exception] Le tribunal ne peut autoriser un traitement par psychochirurgie ou par sismothérapie ou tout autre traitement interdit désigné par règlement; une décision rendue en vertu de l' article 672.58 ne peut pas autoriser ou être réputée avoir autorisé un tel traitement.
(2) [Définitions] Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.
« psychochirurgie » Opération qui, par un accès direct ou indirect au cerveau, enlève ou détruit des cellules cérébrales ou entraîne un bris de continuité dans le tissu histologiquement normal ou qui consiste à implanter dans le cerveau des électrodes en vue d'obtenir par stimulation électrique une modification du comportement ou le traitement de maladies psychiatriques; toutefois, la présente définition ne vise pas des procédures neurologiques utilisées pour diagnostiquer ou traiter des conditions cérébrales organiques ou pour diagnostiquer ou traiter les douleurs physiques irréductibles ou l'épilepsie lorsque l'une de ces conditions existe réellement.
« sismothérapie » Procédure médicale utilisée dans le traitement des troubles mentaux qui consiste en des séries de convulsions généralisées qui sont induites par stimulation électrique du cerveau.
672.62 (1) [Consentement obligatoire de l'hôpital] Le tribunal ne peut rendre une décision en vertu de l' article 672.58 sans le consentement du responsable de l'hôpital où l'accusé doit subir le traitement, ou de la personne que le tribunal charge de ce traitement.
(2) [Consentement de l'accusé non obligatoire] Le tribunal peut ordonner le traitement de l'accusé en conformité avec une décision rendue en vertu de l' article 672.58 sans le consentement de celui‑ci ou de la personne qui, selon le droit de la province où la décision est rendue, est autorisée à donner ce consentement au nom de l'accusé.
672.63 [Date d'entrée en vigueur] La décision entre en vigueur le jour où elle est rendue ou à la date ultérieure que fixe le tribunal ou la commission d'examen et le demeure jusqu'à ce que la commission tienne une audience pour la réviser et rende une nouvelle décision.
672.72 (1) [Motifs d'appel] Toute partie aux procédures peut interjeter appel à la cour d'appel de la province où elles sont rendues d'une décision d'un tribunal ou d'une commission d'examen, ou d'une ordonnance de placement rendue par cette dernière pour tout motif de droit, de fait ou mixte de droit et de fait.
(2) [Délai d'appel] L'appelant doit donner un avis d'appel, de la façon prévue par les règles de la cour d'appel, dans les quinze jours suivant la date à laquelle il a reçu une copie de la décision ou de l'ordonnance dont appel et des motifs ou dans le délai supérieur que la cour d'appel ou l'un de ses juges fixe.
(3) [Priorité de l'appel] L'appel visé au paragraphe (1) est entendu dans les meilleurs délais possible suivant la remise de l'avis d'appel — pendant une session de la cour d'appel ou non — dans le délai que fixe la cour d'appel ou un juge de celle‑ci ou que prévoient les règles de la cour.
672.75 [Suspension d'application] Le dépôt d'un avis d'appel interjeté à l'égard d'une décision rendue en vertu de l'alinéa 672.54 a ) ou de l' article 672.58 suspend l'application de la décision jusqu'à la décision sur l'appel.
Pourvoi rejeté sans dépens.
Procureurs de l'appelant : Addario Law Group , Toronto; Burstein Bryant Barristers, Toronto.
Procureur de l'intimée Sa Majesté la Reine : Procureur général de l'Ontario, Toronto.
Procureurs de l'intimé le responsable du Centre de toxicomanie et de santé mentale : Lax O'Sullivan Scott Lisus, Toronto.
Procureurs de l'intimé le responsable du Centre de santé mentale de Penetanguishene : Bersenas Jacobsen Chouest Thomson Blackburn, Toronto.
Procureur de l'intervenant le procureur général du Canada : Procureur général du Canada, Toronto.
Procureur de l'intervenant le procureur général du Québec : Procureur général du Québec, Québec.
Procureurs de l'intervenante Criminal Lawyers' Association of Ontario : Schreck Presser, Toronto.
Procureurs de l'intervenant Mental Health Legal Committee : Fraser Advocacy, Toronto.

[1] Transcription de l'audience présidée par la juge Hogan, d.a., vol. I, p. 6.
[2] Ordonnance de traitement, d.a., vol. I, p. 2.
[3] d.a., vol. I, p. 59-67.
[4] 2012 ONCA 342, 111 O.R. (3d) 19, par. 77.
[5] Contre‑interrogatoire du D r Klassen, d.a., vol. IV, p. 43.
[6] Affidavit du D r Simpson, d.a., vol. VI, p. 130.
[7] Affidavit du D r Simpson, d.a., vol. VI, p. 133‑134.
[8] Contre‑interrogatoire du D r Simpson, d.a., vol. VIII, p. 30‑31.
[9] Voir, p. ex., R. c. R.R. , 2006 ONCJ 141 (CanLII); R. c. Consuelo , C.J. Ont., Toronto, n os 10‑10001715, 10‑10004017, 10‑70009469, 14 septembre 2010 (inédit); R. c. Procope , C.J. Ont., Toronto, n os 10009107, 1200160, 6 octobre 2010 (inédit); Centre for Addiction and Mental Health c. Al‑Sherewadi , 2011 ONSC 2272, [2011] O.J. No. 1755 (QL).
[10] Statement of Principles and Practices for Admission Prioritization , d.a., vol. VII, p. 185‑187.
[11] d.a., vol. VII, p. 185.
[12] ibid .
[13] ibid .
[14] Contre‑interrogatoire du D r Simpson, d.a., vol. VIII, p. 64.
[15] d.a., vol. VIII, p. 16.
[16] d.a., vol. VII, p. 185.
[17] Contre‑interrogatoire du D r Simpson, d.a., vol. VIII, p. 14‑17, 41, 46, 56‑58, 97 et 118.
[18] Décision de la Cour d'appel, par. 35.
[19] Affidavit d'Eduardo Almeida, d.a., vol. II, p. 2, et Chambre des communes, La santé mentale et la toxicomanie dans le système correctionnel fédéral : Rapport du Comité permanent de la sécurité publique et nationale , 3 e sess., 40 e lég., décembre 2010.
[20] Affidavit de Linda Ogilvie, d.a., vol. III, p. 130; contre‑interrogatoire d'Eduardo Almeida, ibid ., p. 19.
[21] Affidavit d'Eduardo Almeida, d.a., vol. II, p. 2‑3; contre‑interrogatoire de Linda Ogilvie, d.a., vol. III, p. 234.
[22] Débats de la Chambre des communes , vol. 3, 3 e sess., 34 e lég., 4 octobre 1991, p. 3297 (je souligne).
[23] Dont les ordonnances d'évaluation visées au par. 672.13(1); les décisions portant détention dans un hôpital visées à l'al. 672.54 c ); et d'autres ordonnances de détention visées aux art. 672.29 et 672.93 et au par. 672.46(2).
[24] Statement of Principles and Practices for Admission Prioritization , d.a., vol. VII, p. 185.
[25] Contre‑interrogatoire du D r Simpson, d.a., vol. VIII, p. 14‑17.


Synthèse
Référence neutre : 2014 CSC 60 ?
Date de la décision : 03/10/2014
Proposition de citation de la décision: R. c. Conception


Origine de la décision
Date de l'import : 27/09/2015
Fonds documentaire ?: Lexum
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2014-10-03;2014.csc.60 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award