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02/10/1964 | CEDH | N°1931/63

CEDH | X. contre l'AUTRICHE


EN FAIT
Considérant que les faits de la cause peuvent se résumer ainsi:
Le requérant, ressortissant autrichien, né en 1904 à A. réside actuellement à B.
Il ressort du dossier que le requérant, après avoir pratiqué avec interruption pendant 4 (ou 5?) ans comme candidat au barreau (Advokataspirant, Rechtsanwaltsanwärter), a reçu le ... 1957 une lettre du Commissaire en matière d'enquête disciplinaire (Disziplinarrats-Untersuchungskommissärbrief), indiquant qu'il devait soupçonner X de s'être rendu coupable d'une infraction disciplinaire pour autant que ce dernier,

employé chez un avocat a) aurait représenté en son propre nom un (ou plus...

EN FAIT
Considérant que les faits de la cause peuvent se résumer ainsi:
Le requérant, ressortissant autrichien, né en 1904 à A. réside actuellement à B.
Il ressort du dossier que le requérant, après avoir pratiqué avec interruption pendant 4 (ou 5?) ans comme candidat au barreau (Advokataspirant, Rechtsanwaltsanwärter), a reçu le ... 1957 une lettre du Commissaire en matière d'enquête disciplinaire (Disziplinarrats-Untersuchungskommissärbrief), indiquant qu'il devait soupçonner X de s'être rendu coupable d'une infraction disciplinaire pour autant que ce dernier, employé chez un avocat a) aurait représenté en son propre nom un (ou plusieurs?) clients, b) n'aurait pas respecté, dans ses dépositions, les bonnes formes (wegen äusserer Form von Eingaben), c) aurait critiqué l'avocat qui, avant lui, avait représenté une cliente.
X allègue qu'après cette notification d'enquête disciplinaire (Disziplinaruntersuchungsverfahren), il a continué, bien qu'avec des interruptions, encore pendant 20 mois (ou 33 mois?) son stage d'avocat et a été, à cette fin, enregistré par la Chambre des avocats de B.
Le ... 1961, l'introduction de poursuites disciplinaires contre X fut décidée, mais comme ce dernier avait à l'époque interrompu son activité, celles-ci n'ont jamais eu lieu.
Il apparaît que, le ... 1962, le requérant a obtenu l'accord (Bestätigung) préalable à l'enregistrement, qui est nécessaire pour la comparution, au nom d'un avocat, d'avocats-stagiaires devant les tribunaux, et que cet accord a été prolongé jusqu'au ... 1962. Pourtant, le ... 1962, la Chambre des avocats de B a refusé de réenregistrer X sur sa liste des avocats-stagiaires accrédités - à cause des charges disciplinaires portées contre X, dont la Chambre des avocats aurait eu connaissance depuis 1957, mais au sujet desquelles aucune décision n'avait été rendue à l'époque par une instance compétente (en l'espèce, ce serait le Conseil disciplinaire (Disziplinarrat)). Par conséquent, X a été congédié par son chef-avocat (Anwaltschef), le ... 1962. Depuis, X vit de l'Assurance-chômage (221 schillings par semaine).
Le requérant a interjeté appel contre le refus d'enregistrement susmentionné, le ... 1962. Cet appel a été rejeté, en dernière instance semble-t-il, par la Commission Suprême en matière d'appel et de discipline d'avocats et d'avocats-stagiaires (Oberste Berufungs- und Disziplinarkommission für Rechtsanwälte und Rechtsanwaltsanwärter), qui, ayant pris sa décision le ... 1962, en a notifié le requérant le ... 1962.
Le ... 1963, le requérant a introduit un recours auprès de la Cour constitutionnelle (Verfassungsgerichtshof), qui, ayant été signé le ... 1963 par un avocat désigné d'office par la Chambre d'avocats de B, était, lors de l'introduction de la requête (juin 1963 - cf. infra) pendant, mais sur lequel ladite Cour ne devait statuer qu'en 1965/1966, suivant les allégations du requérant.
Cette requête portait sur l'anticonstitutionnalité de la loi qui prescrit que seulement des personnes "dignes de confiance" (Vertrauenswürdigkeit) doivent être inscrites sur la liste des avocats-stagiaires, parce que le droit à l'instruction professionnelle, garanti par la Loi fondamentale de 1869, ne serait pas sujet à une limitation par une telle condition.
Le requérant alléguait (juin 1963) qu'il avait épuisé les instances internes parce qu'il ne pourrait faire valoir devant la Cour constitutionnelle une violation des droits de procédure garantis par la Convention, mais s'y serait seulement adressé au sujet de la violation d'un droit constitutionnel; qu'au surplus, il ne pouvait pas attendre la décision lointaine de la Cour constitutionnelle.
Les griefs du requérant se rapportent notamment à la procédure devant la seconde et apparemment la dernière instance, c'est-à-dire la séance de la Commission Suprême en matière d'appel et de discipline d'avocats et d'avocats-stagiaires dans laquelle son appel a été rejeté "nach Anhörung des Generalanwaltes nach nicht öffentlicher Berufungsverhandlung". Cette séance aurait été non publique (la permission d'y inviter 3 spectateurs n'y changerait rien) (l'Article 6, paragraphe 1 de la Convention aurait été violé), et le Sénat n'aurait été ni indépendant ni impartial (2 des 4 membres auraient été proposés par, et dépendraient de la Chambre d'avocats de B, c'est-à-dire de la première instance dont la décision était attaquée); le requérant n'aurait pas pu nommer un membre indépendant; n'ayant pas su qu'il allait participer, le requérant n'aurait pas pu récuser un juge qui lui aurait été hostile pour les opinions juridiques que X avait exprimées dans une étude en 1946 ("rechtspolitische Vorschläge für den internationalen Schutz der Demokratie durch den Internationalen Verfassungsschutzgerichtshof"); tandis qu'on aurait permis au Procureur (Staatlicher Generalanwalt für Strafsachen) une participation très active, on aurait refusé au requérant d'interroger des témoins à charge; le Secrétaire (Schriftführer) de la 2ème instance aurait été identique avec celui qui aurait dressé le rapport de la première instance; à cause de leur enquête préliminaire défectueuse, les deux instances auraient à tort supposé que X était coupable des charges portées contre lui auprès du Conseil disciplinaire et sur lesquelles ce dernier n'aurait jamais décidé (l'Article 6, paragraphe 2 de la Convention aurait été violé); on ne lui aurait jamais indiqué de quoi il était accusé (allégation de la violation de l'Article 6, paragraphe 3 a) de la Convention); il n'aurait pas eu le temps de préparer sa défense (Article 6, paragraphe 3 b)), mais on l'aurait confronté de "surprise" avec de nouvelles accusations portées contre lui en première et deuxième instances, on ne l'aurait pas convoqué à l'interrogatoire des témoins, on lui aurait caché (Verschweigung) la dé position du sieur Y (celui qu'il avait diffamé), on ne lui aurait pas donné la possibilité d'interroger ce témoin et de convoquer des témoins à décharge (l'Article 6 paragraphe 3 d)) de la Convention aurait été violé); selon les accusations portées contre lui, il n'aurait pas pu être puni du non-enregistrement (violation de l'Article 7 de la Convention); X allègue une violation de l'Article 8 de la Convention parce que le non-enregistrement aurait été basé sur sa situation privée et familiale (l'exception prévue par l'Article 8, alinéa 2, de la Convention n'aurait pu être invoquée en l'espèce); à l'opposé du droit au mariage prévu par l'Article 12 de la Convention, on aurait construit l'obligation du mariage, en violation de l'Article 13 de la Convention, la législation autrichienne interne ne permettrait pas au requérant de faire appel à une instance autrichienne pour violation des droits garantis par la Convention, mais il pourrait s'adresser à la Cour constitutionnelle seulement pour faire valoir la violation d'un droit constitutionnel; il y aurait violation de l'article 1 du Protocole additionnel parce que le non-enregistrement équivaudrait au retrait du droit, monnayable (Geldwert), à l'activité d'avocat-stagiaire et du revenu en résultant; selon l'avis du requérant, il faudrait, à ce propos, aussi examiner si le fait qu'une telle mesure était prise par des organes administratifs invoquant la notion non définie de "digne de confiance" n'était pas une violation de la condition suivant laquelle l'état exceptionnel (permettant l'expropriation) devait être déclaré par la loi; on aurait violé son droit à l'instruction (article 2, alinéa 1, du Protocole additionnel).
Le requérant indique en plus qu'il faudrait considérer la seconde instance, soit la Commission Suprême en matière d'appel et de discipline d'avocats et d'avocats-stagiaires, comme un "tribunal" dans le sens de l'article 6: du fait que des personnes avec les qualifications de juges y siégeraient, cette instance devrait être considérée par la Cour administrative (Verwaltungsgericht), à laquelle en fait il ne s'est pas adressé, "comme" une instance judiciaire dont les décisions n'étaient pas susceptibles d'être réexaminées (beim Verwaltungsgericht als unüberprüfbare gerichtsgleiche Behörde zu gelten hat). Selon l'avis du requérant, son droit (Anspruch) à l'enregistrement dans la liste des avocats-stagiaires agréés serait, dans le sens de la Convention, un "droit civil" (Zivilrecht) contre la Chambre des avocats. Le même considérant s'appliquerait quant au terme, employé à l'article 7 de la Convention, de "action qui constitue une infraction" ("strafbare Handlung"); ce terme se rapporterait non seulement à tout ce qui est punissable en justice (gerichtlich Strafbares), mais signifierait en plus, toute conduite coupable et causant un préjudice (alles Nachteile verursachendes schuldhafte Verhalten) qui devrait être constatée par les autorités sauf dans le cas de procès civils et, éventuellement, d'infractions disciplinaires de fonctionnaires. On ne pourrait pas non plus faire une distinction relative à l'article 7, entre punissabilité (Strafbarkeit) et conséquences néfastes (nachteilige Folgen). Enfin, d'après le requérant, le droit au respect de la vie privée et familiale (article 8, paragraphe 1 et article 9) - même s'il y avait famille sans mariage (article 12) et à cela il aurait droit vu que l'article 12 ne contiendrait aucune interdiction - serait violé parce qu'une discrimination d'une certaine famille de la famille sans mariage, équivaudrait à une ingérence.
Le requérant allègue ainsi la violation des articles 6, chiffres 1, 2, 3 (alinéas a, b, d) 7, 8, 9, 12, 13, de la Convention et des articles 1 et 2 du Protocole additionnel.
Le requérant demande à la Commission: de déclarer sa requête recevable, d'examiner et d'enquêter sur son affaire; à défaut de transaction, de soumettre son cas au Conseil des Ministres et de faire des propositions à ce dernier.
Il demande au Comité des Ministres de décider sur les violations de la Convention et de déterminer les dommages-intérêts à lui dus. (Perte de revenu de 49.000 Schillings par année, plus 12 % de cette somme, due rétroactivement, à partir du 1er février 1962, à l'Assurance-vieillesse; le tout payable jusqu'à ce qu'il y ait de nouveau une place équivalente à celle qu'il détenait lorsque son réenregistrement fut refusé.)
Il demande à la Cour - au cas où elle serait saisie de son affaire - de déclarer que les décisions susmentionnées des 1re et 2e instances constituent une violation des devoirs imposés à l'Autriche par la Convention et que le requérant a droit à l'enregistrement, à une compensation et aux dommages-intérêts pour les frais de procédure.
Procédure suivie devant la Commission
Considérant que la procédure suivie devant la Commission peut se résumer ainsi:
Vu le rapport prévu à l'article 45, paragraphe 1 du Règlement intérieur, en date du 19 juillet 1963, la Commission a abordé l'examen de la recevabilité de la présente requête, le 24 juillet 1963. Après en avoir délibéré, la Commission a ajourné cet examen pour l'étude des problèmes dont il s'agit.
Par lettre du 12 avril 1964, X a fait savoir que la Cour constitutionnelle (Österreichischer Verfassungsgerichtshof) a rejeté son recours par lequel il faisait valoir l'anticonstitutionnalité de la loi qui prescrit que seulement des personnes "dignes de confiance" peuvent être inscrites sur la liste des avocats-stagiaires. Dans son arrêt du ... 1963 (qui aurait été communiqué à X seulement le ... 1964), la Cour constitutionnelle a, en effet, déclaré que "le requérant n'a pas été victime d'une violation de l'un des droits garantis par la Constitution" par la décision de la Commission Suprême en matière d'appel et de discipline d'avocats et d'avocats-stagiaires. Au surplus, la Cour constitutionnelle a rejeté la demande de X tendant à ce que sa requête soit transférée (abgetreten) à la Cour administrative (Verwaltungsgerichtshof).
Dans sa lettre du 2 juillet 1964, X reproche à la décision susmentionnée de la Cour constitutionnelle, inter alia, une interprétation inexacte de l'article 18 de la loi fondamentale relative aux droits généraux des citoyens (Staatsgrundgesetz), qui prévoit que chacun est libre de choisir sa profession et de s'y instruire où et comment il l'entend. S'il y avait ainsi possibilité de limiter l'exercice d'une profession (Ausübung eines Berufes), aucune restriction ne devrait être apportée, suivant l'avis de X, à l'instruction (Ausbildung) en vue d'une profession donnée, telle que le stage d'avocat.
A l'encontre de cet avis, la Cour constitutionnelle a rappelé dans l'arrêt litigieux (page 16) sa jurisprudence constante suivant laquelle "la réglementation par voie légale d'une étape de l'instruction (Ausbildungsvorgang) ne constitue pas une entrave à la liberté de l'instruction professionnelle (Berufsausbildung); elle devrait plutôt être considérée comme condition de l'exercice d'une profession (Erwerbszweig) au sens de l'article 6 de la loi fondamentale. L'article 6 de la loi fondamentale permettrait, par contre, la réserve par voie légale ...".
La Commission a repris ses délibérations sur la recevabilité de la présente requête, le 2 octobre 1964.
EN DROIT
Considérant qu'en l'espèce le requérant se plaint de ce qu'il a été déchu, dans un procès non conforme à l'article 6 paragraphe 1 (art. 6-1) de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, du droit d'être enregistré comme avocat-stagiaire (Rechtsanwaltsanwärter) et de pratiquer en tant que tel, bien que ce droit soit garanti par l'article 18 de la Constitution autrichienne (relatif à la liberté de choisir une profession) et constitue un "droit civil" aux termes du droit autrichien;
Qu'à ce sujet, la Commission tient à constater qu'il n'y a pas lieu de rechercher si le droit revendiqué constitue un "droit civil" aux termes du droit autrichien; qu'en effet, la notion de "droits et contestations de caractère civil", employée à l'article 6, paragraphe 1 ( art. 6-1) de la Convention, ne saurait être interprétée comme simple renvoi au droit interne de la Haute Partie Contractante mise en cause, mais qu'il s'agit bien au contraire, d'une notion autonome qu'il faut interpréter indépendamment des droits internes des Hautes Parties Contractantes même si les principes généraux du droit interne des Hautes Parties Contractantes doivent nécessairement être pris en considération lors d'une telle interprétation;
Que, suivant l'interprétation que la Commission a donné à cette notion autonome (cf., parmi d'autres, la décision de la Commission sur la recevabilité de la requête No 423/58), la contestation sur le droit portant sur les "droits et obligations de caractère civil" au sens de l'article 6, paragraphe 1 (art. 6-1) de la Convention; que la contestation sur un droit de caractère civil vu notamment les caractères propres à la profession d'avocat; que l'article 6, paragraphe 1 (art. 6-1) de la Convention ne s'applique pas en l'espèce et qu'il y a lieu, par conséquent, de rejeter la présente requête pour incompatibilité avec les dispositions de la Convention (article 27, paragraphe 2 (art. 27-2));
Qu'en conséquence, puisque la Commission n'a pas compétence pour examiner, compte tenu de l'article 6 (art. 6) de la Convention, des erreurs de droit ou de fait prétendument commises par une juridiction interne qu'au cas où ces erreurs lui semblent susceptibles d'avoir entraîné une atteinte aux droits et libertés garantis par la Convention, et puisque la Commission considère, en l'espèce, que le droit revendiqué par le requérant ne constitue pas un droit civil aux termes de l'article 6, paragraphe 1 (art. 6-1) de la Convention, la Commission n'a pas compétence pour examiner les griefs du requérant relatifs à la décision de la Cour constitutionnelle autrichienne du ... 1963, suivant laquelle X "n'a pas été victime d'une violation de l'un des droits garantis par la Constitution [autrichienne]";
Par ces motifs, déclare la requête irrecevable.


Synthèse
Formation : Commission
Numéro d'arrêt : 1931/63
Date de la décision : 02/10/1964
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : Décision analogue à celles rendues sur la recevabilité des requêtes no. 1474/62 et no. 1769/63, Recueil 11, pp. 55-57 et 65-67

Analyses

(Art. 10-1) LIBERTE D'EXPRESSION


Parties
Demandeurs : X.
Défendeurs : l'AUTRICHE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1964-10-02;1931.63 ?

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