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01/10/1965 | CEDH | N°2145/64

CEDH | X. contre la BELGIQUE


EN FAIT
Considérant que la requête introductive d'instance était ainsi conçue: "Le requérant soussigné X, né à Liège le ... 1921, "de nationalité luxembourgeoise, exerçant la profession d'entrepreneur, domicilié à Wemmel, ..., agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de mandataire expressément habilité à cette fin par procuration en date du 18 novembre 1947, des co-propriétaires dont identité ci-dessous: MM. A B Mme C "Ayant pour conseil Me Y, Avocat près la Cour d'Appel, domicilié à Bruxelles (Berchem), ..., où il déclare faire élection de domicile,

pour autant que de besoin,
Expose avec respect:
I. Les faits:
En sa qualit...

EN FAIT
Considérant que la requête introductive d'instance était ainsi conçue: "Le requérant soussigné X, né à Liège le ... 1921, "de nationalité luxembourgeoise, exerçant la profession d'entrepreneur, domicilié à Wemmel, ..., agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de mandataire expressément habilité à cette fin par procuration en date du 18 novembre 1947, des co-propriétaires dont identité ci-dessous: MM. A B Mme C "Ayant pour conseil Me Y, Avocat près la Cour d'Appel, domicilié à Bruxelles (Berchem), ..., où il déclare faire élection de domicile, pour autant que de besoin,
Expose avec respect:
I. Les faits:
En sa qualité de propriétaire de terrains situés à Wemmel, rue ..., il a été imposé à la taxe de récupération de voirie, pour un montant de plus de 300.000 francs belges, taxe qualifiée d'indirecte mais considérée comme directe, sur base des règlements communaux de la commune de Wemmel, des 29 avril 1949, 3 septembre 1954 et 20 janvier 1956.
Sans contester le principe de la débition de ces taxes, dont le paiement lui fut réclamé par avertissements-extraits pour les années 1957 à 1961, il n'a pu toutefois marquer son accord quant aux montants exigés et a introduit, le ... 1960, une réclamation auprès de la députation permanente de la province du Brabant ainsi que l'article 8 de la loi du 5 juillet 1871, modifiant les lois d'impôts, le lui permettait (page 1).
Par décision datée des ... ou ... 1963 et signifiée le ... de la même année, cette réclamation a été déclarée partiellement non recevable." "II. Détail des faits et griefs
A. Caractère politique de la députation permanente: La Belgique est subdivisée en provinces et en communes. Ces dernières sont administrées par des conseillers communaux, élus au suffrage universel, qui choisissent en leur sein un organe exécutif, les échevins, présidé par un bourgmestre nommé par le Roi et formant ensemble le collège des bourgmestre et échevins.
Les provinces sont administrées par des conseillers provinciaux, élus au suffrage universel, lesquels choisissent parmi eux des députés permanents qui, sous la présidence du gouverneur de province, nommé par le Roi, constituent l'organe exécutif qualifié députation permanente.
Les communes sont sous la tutelle des provinces.
Le Bourgmestre de Wemmel, situé dans la province de Brabant, est Monsieur K, qui est en même temps conseiller provincial.
Bien que les députations permanentes soient parfois appelées à siéger comme juridiction contentieuse, leurs membres ne sont pas choisis en raison de leur science juridique spéciale mais de leur appartenance politique et ce n'est qu'exceptionnellement et par hasard qu'elles comprennent un juriste; l'électoralisme du politicien y éclipse donc la compétence et l'impartialité du magistrat. "Un exemple illustrera cette affirmation: Une habitante de Wemmel, affiliée ainsi que les membres de sa famille à un parti politique, a été exonérée de la taxe de récupération de voirie d'un montant de 142.000 francs dans des conditions excessivement troublantes (voir lettres des 26 avril et 17 juillet 1963, page no 2 et 3).
Cette situation est encore aggravée dans les circonstances de la cause puisque le bourgmestre de Wemmel, c'est-à-dire la partie adverse, est appelé tous les 4 ans, en sa qualité de conseiller provincial, à désigner les députés permanents, c'est-à-dire les juges chargés de trancher un litige qui l'oppose à un de ses administrés. A noter enfin que la députation statue sans appel possible, la Cour de Cassation n'examinant pas le fait.
B. Refus de communication du dossier L'instruction faite par la députation permanente de la province de Brabant, a exigé trois ans mais cette administration a refusé au requérant, et même à son conseil, Me D, la communication de l'intégralité du dossier et l'a informé qu'il ne pourrait en aucune façon plaider, même pas lorsque l'affaire viendrait en audience publique (lettres des .., .., .., .., et .. 1961 - page 4 à 8), de sorte que cet avocat préféra se désister plutôt que d'assumer la responsabilité d'une défense dans de telles conditions.
Le requérant fut enfin autorisé à prendre connaissance dans les bureaux de la députation permanente, d'un dossier expurgé d'une partie de ses pièces." "C. Documents flamands du dossier. Les pièces principales du dossier étaient rédigées en flamand, langue ignorée du requérant, leur traduction lui fut néanmoins refusée malgré plusieurs demandes réitérées et l'offre de supporter personnellement le coût de l'intervention d'un traducteur (Voir page 4 à 8 déjà citées).
Le requérant adressa alors à la députation permanente une lettre recommandée le ... 1961 (page 9) dans laquelle il articule ses moyens de défense notamment la violation des divers articles de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, moyens que la députation permanente ne rencontra pas dans sa décision.
C'est seulement après la parution d'un article dans l'hebdomadaire belge "Pourquoi Pas" (no 17/11/1961 - page no 10) que le requérant fut informé qu'il obtiendrait toutes les facilités pour consulter son dossier mais pas avant la clôture de l'instruction (lettre du "... 1961 - page 11).
Cependant cette "facilité" (consultation du dossier assisté d'un traducteur) accordée à un francophone résidant en "territoire flamand" entraîna de vives réactions dans certains milieux qui s'emparèrent "du litige à des fins purement linguistiques (voyez lettre du ... 1961 et article de presse - page No 12 et 13)." "D. Délai insuffisant pour la préparation de la défense. Au contraire de ce qui lui avait été écrit précédemment, le requérant ne fut jamais informé de la fin de l'instruction mais, le ... 1963, il fut avisé brusquement, par lettre recommandée, de ce qu'il serait statué sur son cas en audience publique le 17/10/1963: on lui octroyait donc quelques heures pour étudier un dossier avec l'aide d'un avocat et d'un traducteur, conclure, alors que l'instruction de l'administration avait duré trois ans (page 14).
Faute de temps, la préparation de la défense s'avérait matériellement impossible." "E. Rectification de la date du jugement. Le requérant se rendit néanmoins à l'audience du 17 octobre avec l'intention de solliciter remise de l'affaire mais il apprit que sa cause avait été jugée le 10 octobre.
Effectivement, la décision signifiée par lettre recommandée le ... 1963 porte la date du 10 octobre (page 15) mais, sur observations du requérant, la députation permanente a fait notifier, le ... 1963 (page no 16), un nouveau jugement remplaçant et annulant celui du 10 octobre et mentionnant "fait et prononcé le 17 octobre", la date du 10 ayant été simplement surchargée en 17 (page no 17).
Comme il s'agissait d'un faux, plainte a été déposée entre les mains de Monsieur le Procureur du Roi à Bruxelles, où l'affaire est toujours en information." "F. Impossibilité de recours: Comme dit ci-dessus, aucune disposition législative belge ne permet au requérant de relever appel de la décision du 10/17 octobre 1963, le recours en Cassation n'étant pas effectif ainsi qu'il sera expliqué plus amplement ci-dessous." "III. Violation de la Convention
A. Article 6 L'exposé des faits ci-dessus démontre que la cause n'a été entendue ni équitablement ni publiquement et qu'elle n'a pas été jugée par un tribunal indépendant et impartial.
B. Articles 9 et 10 La liberté d'expression (prévue explicitement par l'article 10 et comprise implicitement dans l'article 9) n'a pas été respectée non plus puisqu'on a remis au requérant un dossier comportant des documents rédigés dans une langue qu'il ne comprend pas et qu'on lui a même refusé l'aide d'un traducteur qu'il offrait cependant de payer lui-même.
C. Article 14 Dans l'exercice des droits garantis aux articles 6, 9 et 10, il y a discrimination - en violation de l'article 14 - du fait que, en ce qui concerne l'article 6, l'administré qui appartient à telle opinion politique est favorisé par rapport à un autre citoyen, qui n'a adhéré à aucune formation politique ou est membre d'un parti concurrent.
Une discrimination existe aussi quant aux articles 9 et 10 du fait que les ressortissants flamands de la commune de Wemmel (où existe cependant une forte proportion de francophones, au moins quarante pour cent) ont la possibilité de consulter des documents rédigés dans leur langue.
D. Article 13 Pour faire respecter des droits violés, le requérant ne dispose pas d'un recours effectif devant une instance nationale belge étant donné que "1o La loi du 5 juillet 1871 se contente de prévoir la possibilité d'un recours devant la députation permanente mais ne l'organise pas;
C'est d'ailleurs ce qu'admettait Monsieur le Ministre de l'Intérieur lorsqu'il écrivait au requérant le ... 1962 (pièce No 18) "légalement cette procédure n'est soumise à aucune règle". "La députation instruit et statue généralement sur pièces mais elle a la faculté - qui ne constitue pas un droit pour le contribuable - d'appeler devant elle les parties et leur conseil".
2o Ce qui découle du 1o, il n'y a pas d'appel possible; 3o La Cour de Cassation ne juge pas du fond (voir plus loin)." "IV. Epuisement des voies de recours internes
Le requérant s'est conformé à l'article 26 de la Convention; il n'y a pas de possibilité de recours, en effet, contre la décision de la députation permanente.
Certes un pourvoi en Cassation pourrait être introduit, mais il existe en l'occurrence des circonstances particulières de nature à relever le requérant, selon les principes du droit international généralement reconnus, de l'obligation d'utiliser cette voie de recours.
En effet:
1o Conformément à l'article 95 de la Constitution belge: "La Cour de Cassation ne connaît pas du fond des affaires": un tel recours serait donc inefficace et insuffisant.
La Commission a déjà eu l'occasion de statuer dans plusieurs affaires mettant en cause la Belgique, dans des cas où l'examen des griefs du requérant, moyens de pur fait, échappait à la compétence de la Cour de Cassation belge qui ne juge qu'en droit.
2o Comment d'ailleurs un recours en Cassation pourrait-il être efficace alors que, d'après l'article 8 de la loi du 5 juillet 1871, la procédure devant la députation permanente n'est soumise à aucune règle?
La Cour de Cassation ne pourrait donc constater l'existence d'aucune violation.
3o Enfin dans l'hypothèse - pure hypothèse de travail - où la Cour de Cassation constaterait l'existence d'une violation, elle ne pourrait que renvoyer devant une autre députation permanente, qui serait nécessairement formée de mandataires politiques (juges et parties), devant laquelle la procédure conserverait son caractère arbitraire, constitutif des violations incriminées.
La présente requête a donc pour objet de faire déclarer non conforme à la Convention Européenne des Droits de l'Homme, du chef de violation des articles 6, 9, 10, 13 et 14, la décision prononcée par la députation permanente les 10 ou 17 octobre 1963, ainsi que l'article 8 de la loi belge du 5 juillet 1871, modifiant les lois d'impôts."
Procédure suivie devant la Commission
Considérant que la procédure suivie devant la Commission peut se résumer ainsi:
Le 29 septembre 1964, la Commission a chargé son Secrétaire: - de communiquer la requête au Gouvernement défendeur et d'inviter celui-ci à présenter, dans le délai de six semaines, ses observations écrites sur la recevabilité des griefs de M. X article 45, paragraphe 3 b) du Règlement intérieur); - d'exprimer en particulier le souhait que le Gouvernement fît connaître ses vues sur le point de savoir si le représentant aurait pu exercer un ou des recours internes contre la décision rendue à son sujet, en octobre 1963, par la députation permanente de la province de Brabant.
Le Secrétaire de la Commission s'est acquitté de cette tâche par une lettre du 5 octobre 1964.
Le 19 novembre 1964, le Ministre de la Justice de Belgique a répondu en ces termes (Document DH/Misc (64) 61, extraits): "... La requête No 2145/64 de M. X contre la Belgique me paraît irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes." "..." "..." "L'intéressé a été imposé à la taxe "de récupération de voirie", taxe communale directe, sur base des règlements-taxe de la commune de Wemmel, des 29 avril 1949, 3 septembre 1954 et 20 janvier 1956. S'estimant surtaxé, M. X a introduit, près la députation permanente du conseil provincial du Brabant le recours prévu par l'article 8 de la loi du 5 juillet 1871. Ce collège, par décision du 17 octobre 1963, a déclaré le recours "partiellement non recevable".
En vertu de l'article 16 de la loi du 22 juin 1877, la décision précitée de la députation permanente pouvait faire l'objet d'un recours à la Cour de Cassation.
Or, l'intéressé reconnaît lui-même (...) qu'il n'a pas usé de cette voie de recours, parce qu'il l'estimait inopérante.
Il n'est donc pas douteux que M. X n'a pas épuisé, en fonction d'une appréciation toute personnelle, les voies de recours que lui ouvrait la législation interne.
Il reste par ailleurs en défaut d'établir que "les principes de droit international généralement reconnus" consacrent que l'exercice des recours en cassation ouverts par les législations nationales, à l'égard des décisions contentieuses, soit superfétatoire, en manière telle que les voies de recours internes devraient être considérées comme épuisées avant l'exercice desdits recours. Un tel principe serait évidemment exorbitant puisqu'il aurait pour conséquence de déférer directement à une instance supranationale des litiges qui n'auraient pas été portés devant le juge national de cassation. Aussi bien, l'article 26 précité de la Convention n'exclut-il pas les voies de recours extraordinaires, telles que le recours en cassation, puisqu'il se borne à citer "les voies de recours internes". Or, il ne convient pas de distinguer là où le texte ne distingue pas.
En ordre subsidiaire, un second moyen tendant à l'irrecevabilité de la requête, moyen déduit du caractère fiscal du litige, me paraît pouvoir être articulé par le Gouvernement belge.
L'article 6 de la Convention se réfère expressément aux contestations sur des droits et obligations de caractère civil et aux accusations en matière pénale. Or l'impôt constituant une charge de caractère politique, il s'ensuit que le contentieux fiscal ne se situe ni sur le plan civil ni sur le plan pénal. Aussi bien, l'article 1er du protocole additionnel à la Convention réserve-t-il "le droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires ... pour assurer le paiement des impôts ... ." "...". Le 20 novembre 1964, le Secrétaire de la Commission a invité l'avocat du requérant à répondre aux observations précitées dans le délai de trois semaines (ordonnance présidentielle du 20 novembre 1964, article 46 paragraphes 1 et 2 du Règlement intérieur).
Le contre-mémoire de Me Y, daté du 7 décembre 1964, est parvenu au Secrétariat le 14 décembre. Il échet d'en reproduire les passages suivants (Document DH/Misc (64) 66): "..." "..." "A. Quant au non-épuisement des voies de recours internes
Contrairement à ce qui est écrit aux deux premiers alinéas de la page 2 des observations écrites du Gouvernement du 19 novembre 1964, le requérant n'a jamais reconnu qu'il n'avait pas usé de cette voie de recours en cassation parce qu'il l'estimait inopérante en fonction d'une appréciation toute personnelle.
Sa thèse est la suivante: l'article 26 ne peut lui être opposé parce que, en l'espèce, il existe, en fait et objectivement (et non pas en vertu d'une appréciation subjective), des circonstances particulières de nature à relever le requérant, selon les principes du droit international généralement reconnu, de l'obligation d'utiliser cette voie de recours.
Il appartient donc au requérant de démontrer que, dans les circonstances de l'espèce, son recours n'était pas "vraisemblablement efficace et suffisant" quant aux griefs dont il s'agit (jurisprudence de la Commission, notamment 12 octobre 1957, No 299/57, Grèce c/Royaume-Uni, annuaire II pages 193 - 195; 11 janvier 1961, No 788/60, Autriche c/Italie, annuaire IV page 169).
Relevons avant tout qu'il est incontesté que, contre la décision de la députation permanente, le requérant ne disposait que d'un seul recours: le pourvoi en cassation. "1o Le recours est inefficace à un double point de vue: "a. Lorsque la juridiction saisie ne peut redresser autrement les griefs allégués: conformément à l'article 95 de la constitution belge, "la Cour de "Cassation ne connaît pas du "fond des affaires". "Or, les contestations du requérant portaient sur d'importantes contestations de fait (erreurs comptables, contestations de mesurages, etc. ...), tous moyens qui échappaient au contrôle de la Cour de Cassation; "b. Lorsque les lois en vigueur imposent nécessairement aux juridictions nationales une décision contraire aux prétentions du plaignant.
Or, d'après l'article 8 de la loi du 5 juillet 1871, la procédure devant la députation permanente n'est soumise à aucune règle, ledit article se contentant de prévoir la possibilité d'un recours mais ne l'organisant pas.
C'est d'ailleurs ce qu'admettait Monsieur le Ministre de l'Intérieur lorsqu'il écrivait au requérant le ... 1962 (pièce No 18 du dossier transmis par le requérant en même temps que sa requête): "légalement cette procédure n'est soumise à aucune règle" ... "la députation instruit et statue généralement sur pièces mais elle a la faculté - qui ne constitue pas un droit pour le contribuable - d'appeler devant elle les parties et leur conseil."
Devant la Cour de Cassation le plaignant ne pouvait donc se plaindre de n'avoir pu faire valoir ses moyens de défense, d'avoir été écarté de l'instruction et des plaidoiries, de n'avoir pu déposer de conclusions, de s'être trouvé en face d'une décision qui ne rencontrait pas ses arguments.
2. Recours interne insuffisant:
Il est exposé ci-dessus que la Cour de Cassation belge ne connaît pas du fond des affaires mais, même dans l'hypothèse - pure hypothèse de travail - où elle déclarerait le pourvoi recevable et fondé, elle ne pourrait que renvoyer devant une autre députation permanente qui serait nécessairement formée de mandataires politiques, à la fois juges et parties, devant laquelle la procédure conserverait son caractère arbitraire constitutif des violations incriminées, puisqu'il conviendrait d'appliquer en tout état de cause la loi du 5 juillet 1871. Il ne serait donc guère difficile aux députations permanentes, juridictions politiquement solidaires, de se réfugier chaque fois derrière cet article 8 pour repousser les réclamations du requérant afin de l'empêcher d'épuiser les voies de recours et d'éviter qu'il ne s'adresse à la Commission Européenne.
Rappelons enfin que le requérant ne critique pas seulement la décision du 17 octobre 1963 mais aussi l'article 8 de la loi belge du 5 juillet 1871.
De ce chef il est incontestable qu'il a épuisé les voies de recours internes puisqu'il n'existe pas en Belgique de recours constitutionnels." "B. Caractère fiscal du litige ... La Commission a déjà estimé "que la question de savoir si un droit ou une obligation est de caractère civil au sens de l'article 6, paragraphe 1 de la Convention ne dépend pas de la procédure prévue en la matière par le droit national mais de l'examen des griefs et du but de la requête ...".
En l'espèce, il convient de bien distinguer entre le grief ou le but de la requête et l'occasion de celle-ci: le requérant tend à obtenir la constatation de la violation de certains droits garantis par la Convention à l'occasion d'un litige fiscal, les griefs demeurant essentiellement de nature civile.
Le mot civil doit donc être entendu dans son sens le plus large et comprendre tout ce qui n'est pas pénal.
Attribuer au mot civil un sens restreint reviendrait à interpréter la Convention d'une façon différente selon les lois nationales de chacun des pays signataires.
On écarterait ainsi les litiges commerciaux, sociaux, fiscaux, etc.
Les rédacteurs de la Convention n'ont pu vouloir cela sous peine d'enlever toute efficacité aux textes, entre autres en matière fiscale alors que c'est là que l'Etat moderne éprouve la plus grande tentation de brimer l'individu.
L'article 1er du Protocole additionnel réserve le droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires ... pour assurer le paiement des impôts."
On ne peut toutefois suivre le Gouvernement lorsqu'il prétend argumenter de ce texte pour démontrer que les lois fiscales ne rentrent pas dans la catégorie des droits et obligations de caractère civil. L'article 1er du protocole se borne, en effet, à assurer la garantie collective du droit de propriété tout en permettant aux Etats signataires de legiférer dans les matières prévues à l'alinéa 2.
Mais dans ce domaine comme dans les autres, les Etats doivent respecter tous les droits garantis et cet article ne peut être invoqué pour restreindre les principes fondamentaux d'une bonne administration de la justice en matière pénale et civile garantis par l'article 6. "..." Le 17 décembre 1964, le Secrétaire de la Commission a communiqué ledit contre-mémoire au Gouvernement défendeur, pour information.
Le 26 février 1965, le Ministre de la Justice de Belgique a adressé au Secrétaire de la Commission une réplique ainsi libellée (Document DH/Misc. (65) 14): "1. Le requérant affirme que "devant la Cour de Cassation, le plaignant ne pouvait donc se plaindre de n'avoir pu faire valoir ses moyens de défense, d'avoir été écarté de l'instruction et des plaidoiries, de n'avoir pu déposer de conclusions, de s'être trouvé en face d'une décision qui ne rencontrait pas ses arguments".
Cette affirmation est en contradiction absolue avec la jurisprudence de la Cour de Cassation de Belgique.
Il résulte en effet de l'arrêt de cette Cour, du 4 décembre 1962 (Pas. 1963, I. 422) que le contribuable peut envoyer des conclusions à la députation permanente et que celle-ci est tenue d'y répondre, sous peine de cassation de sa décision.
2. D'autre part, contrairement à ce que soutient le requérant, en cas de pourvoi de l'intéressé, la Cour de Cassation examine toujours si les droits de la défense n'ont pas été violés par les juridictions du fond, car ces droits sont garantis par des lois belges, notamment, l'alinéa 2 de l'article 2 du décret du 20 juillet 1831 sur la presse (voyez mercuriale du Procureur général de la Cour de Cassation M. Hayoit de Termicourt, Journ. des Tribunaux 1956, page 505), et la loi belge du 13 mai 1955, qui approuve la Convention pour la Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales. Par l'effet de la loi d'approbation, les dispositions de cette Convention sont en effet entrées dans le droit interne belge et doivent être respectées par les juridictions, ce que la Cour de Cassation ne manque pas de contrôler.
Il est à noter, cependant, que la Cour de Cassation exige - ce qui est normal - que le moyen pris de la violation des droits de la défense ait été d'abord soumis au juge du fond par des conclusions motivées.
3. Dès lors, trois hypothèses seulement ont pu se réaliser en l'espèce: - ou bien le requérant n'a pas fait valoir dans les conclusions prises devant la députation permanente les moyens qu'il invoque actuellement pour démontrer la violation des droits de la défense, - ou bien, il a invoqué ces moyens et l'arrêté entrepris n'y a pas répondu, - ou bien, l'arrêté a examiné ces moyens et les a déclarés non fondés.
Dans aucun de ces trois cas, le recours à la Commission européenne des Droits de l'Homme n'est permis.
En effet, dans le premier cas, le requérant est lui-même responsable de l'absence d'une décision motivée à ses griefs.
Dans les deux derniers cas, il a négligé d'exercer le recours prévu par la loi nationale. Dans le deuxième cas, la Cour de Cassation aurait certainement accueilli son pourvoi et cassé la décision attaquée.
Dans le troisième cas, ce n'est que si la Cour de Cassation avait, à son tour, décidé que la procédure suivie en l'espèce n'était pas contraire aux lois belges qui organisent les droits de la défense, ces lois belges comprenant, entre autres, les dispositions de la Convention européenne, que le requérant eût été recevable à soutenir que ces lois ne sont pas conformes aux principes de la Convention. "4. En ce qui concerne la procédure à suivre devant la députation permanente, il convient d'attirer l'attention sur l'arrêt de la Cour de Cassation du 16 juin 1964 (Journal pratique de Droit fiscal, page 266), où l'on peut lire ce qui suit:
Sur le premier moyen, pris de la violation des articles 2, spécialement alinéa 2 du décret du 20 juillet 1831 sur la presse, et 97 de la Constitution, en ce que la députation permanente du Conseil provincial du Brabant a rendu l'arrêté attaqué sans entendre les demandeurs, malgré la demande formelle qu'ils en avaient présentée (violation, spécialement, des droits de la défense) et sans motiver sa décision à cet égard (violation, spécialement, de l'article 97 de la Constitution):
Attendu, d'une part, qu'aucun texte de loi n'exige que les parties soient appelées à l'instruction des affaires contentieuses fiscales soumises à la députation permanente;
Attendu, d'autre part, que les demandeurs s'étant bornés à demander d'"être entendus par votre députation permanente pour développer les différents moyens", l'arrêté pouvait, sans violer l'article 97 de la Constitution, décider implicitement, comme il le fit, qu'il n'y avait pas lieu de les entendre personnellement; "que le moyen ne peut être accueilli." L'interprétation de la loi, telle qu'elle est donnée par la Cour de Cassation est donc la suivante:
a) Les Parties ne doivent pas d'office, et dans tous les cas, être appelées à se présenter personnellement devant la députation permanente, où la procédure est, en principe, écrite (premier attendu de l'arrêt).
b) Cependant, les parties ont le droit de demander, par dérogation à cette règle, d'être entendues, et la députation permanente doit statuer sur cette demande. Mais si le requérant se borne à demander, sans plus, son audition, la députation peut rejeter sa demande sans motiver spécialement sa décision (deuxième attendu de l'arrêt).
A contrario, si le contribuable expose avec précision en quoi un débat oral est indispensable au respect des droits de la défense, la députation permanente devra répondre à son argumentation et la Cour de Cassation exercera son contrôle sur les motifs qu'elle donnera.
5. En conclusion, il est donc certain qu'il existait en l'espèce un recours efficace devant une juridiction nationale et, partant, la requête n'est pas recevable."
Le 4 mars 1965, le Secrétaire de la Commission a invité l'avocat du requérant à présenter sa duplique dans un délai de quatre semaines (ordonnance présidentielle du 4 mars 1965, article 46 paragraphes 1 et 2 du Règlement intérieur).
La duplique de M. Y, datée du 25 mars 1965, est parvenue au Secrétariat le 31 mars. En voici le texte (Document DH/Misc. (65) 22): "A - Les quatre points constituant la réplique du Gouvernement confirment la thèse du requérant en ce sens qu'ils établissent clairement la doctrine rigide de la Cour de Cassation à savoir:
Qu'un moyen de recours en cassation, même s'il a pour objet une violation du droit de défense, ne sera reçu qu'à la condition sine qua non d'avoir été préalablement exposé avec précision au juge du fond par des conclusions motivées. ... Or, c'est précisément ce préalable qui, sous le couvert de l'article 8 de la loi du 5 juillet 1871, incite les députations permanentes à empêcher le plaignant de déposer des conclusions motivées.
Ainsi, plus arbitraire sera la procédure "légalement soumise à aucune règle" du juge de fond, moins le plaignant sera en mesure de fonder un recours en cassation.
Le requérant se plaint de ce que ses droits de défense ont été violés, notamment dans le fait que la procédure imposée par le juge du fond l'a empêché d'établir et de déposer ses conclusions.
Or, l'absence desdites conclusions, découlant non d'une faute ou négligence du requérant mais bien des violations incriminées, rend le pourvoi en cassation inutile attendu que
la Cour de Cassation exige que le moyen pris de la violation des droits de la défense ait été d'abord soumis au juge du fond par des conclusions motivées." "En l'occurrence, le pourvoi en cassation ne peut représenter un recours effectif puisque non recevable.
En annexe, le résumé chronologique des faits atteste les dires du requérant quant à l'impossibilité d'avoir pu établir et déposer ses conclusions au juge du fond." "B - Au premier paragraphe du point 2 de la réplique du Gouvernement, celui-ci allègue que le requérant eût pu, comme moyen de pourvoi en cassation, invoquer la Convention des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales.
1. - Cette allégation est infirmée par le Gouvernement lui-même dans le deuxième paragraphe du point 2 de la réplique et au sujet duquel le requérant a ci-dessus développé sa thèse.
2. - De plus, cette affirmation du Gouvernement ne semble pas être partagée par les juristes belges. En effet, dès la signification du jugement de la députation permanente, le requérant s'est adressé à certains avocats à la Cour de Cassation avec l'intention d'introduire un pourvoi invoquant les articles de la Convention européenne. Ceux-ci refusèrent de suivre l'argument du plaignant.
Notamment, Maître P, Avocat à la Cour de Cassation, répondit par sa lettre du ... 1964 ce qui suit:
les conditions insolites dans lesquelles vous avez été convoqué ne me paraissent pas de nature à appeler une conclusion différente, dès l'instant où est affirmé le principe que les parties n'ont aucun droit à cette défense. Vous comprendrez sans peine que je ne puis envisager de soutenir devant la Cour des moyens dont le fondement ne rallie point ma conviction. ..." A la duplique de M. Y se trouvait annexé un "résumé chronologique des faits" tendant à établir que la députation permanente de la province de Brabant avait mis le requérant dans l'impossibilité de la saisir de conclusions.
EN DROIT
Considérant tout d'abord, quant à la violation alléguée de l'article 6 (art. 6) de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, que les paragraphes 2 et 3 de cet article (art. 6-2, 6-3) n'entrent manifestement pas en ligne de compte dans la présente affaire, car seules ont droit au bénéfice de leurs dispositions les personnes inculpées, prévenues ou accusées d'une infraction pénale (cf., parmi beaucoup d'autres, la décision du 13 avril 1961 sur la recevabilité de la requête no 858/60, Annuaire IV, pages 239 - 241);
Qu'aux termes du paragraphe 1er de l'article 6 (art. 6), en revanche, "toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle";
Qu'il échet donc de se demander si les droits et obligations sur lesquels la députation permanente de la province de Brabant a statué en octobre 1963 revêtaient ou non un "caractère civil";
Que la solution de ce problème ne dépend pas de la procédure prescrite par le droit interne pour la décision à rendre, mais de la nature et de l'objet de la plainte elle-même (cf. la décision du 8 mars 1962 sur la recevabilité de la requête no 808/60, Isop c/ Autriche, Annuaire V, page 123); que le fait que l'instance litigieuse s'est déroulée devant un organe administratif et politique investi de certaines fonctions judiciaires, et non devant un tribunal civil ou pénal ordinaire, ne suffit par conséquent pas à écarter l'application de l'article 6, paragraphe 1er (art. 6-1);
Qu'en outre, la notion de "droits et obligations de caractère civil", telle qu'elle figure à l'article 6, paragraphe 1er (art. 6-1), possède une portée autonome et, partant, ne saurait s'interpréter au moyen d'un simple renvoi aux concepts juridiques de l'Etat défendeur (cf. la décision du 2 octobre 1964 sur la recevabilité de la requête no 1931/63, Recueil 15, page 13);
Que les droits et obligations sur lesquels la députation permanente de la province de Brabant avait à se prononcer ressortissaient, toutefois, à l'un des domaines du droit public, le droit fiscal, et non pas au droit privé; qu'en effet, l'arrêté d'octobre 1963 a tranché une contestation relative à une taxe que la commune de Wemmel, collectivité publique agissant dans l'exercice de prérogatives de puissance publique, avait imposée au requérant;
Qu'il s'ensuit que l'article 6, paragraphe 1er (art. 6-1) de la Convention ne s'appliquait pas en l'occurrence, encore que la mesure fiscale incriminée ait entraîné des répercussions sur les droits patrimoniaux d'un contribuable (comp. la décision du 10 mars 1962 sur la recevabilité de la requête no 945/60, Recueil VIII, pages 98 à 105: question non résolue);
Considérant en second lieu, pour autant que le requérant reproche à la députation permanente d'avoir indûment limité son droit de se servir de la langue française dans ses rapports avec elle, que la garantie de pareil droit sort du cadre de la Convention et notamment des articles 9 et 10 (art. 9, 10), invoqués par X; que la Commission se réfère, à cet égard, à sa décision du 15 juillet 1965 sur la recevabilité de la requête no 2333/64 (habitants de Leeuw-St Pierre c/ Belgique);
Considérant par ailleurs, quant à la violation alléguée de l'article 13 (art. 13) de la Convention, que cet article ne protège le droit "à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale" que dans l'hypothèse d'une atteinte à l'un des "droits et libertés reconnus" par la Convention (cf., par exemple, les décisions des 8 janvier et 3 juin 1960 sur la recevabilité des requêtes no 472/59 et 655/59, Annuaire III, pages 213 et 287 - 289), hypothèse que les deux premiers "considérants" de la présente décision ne permettent pas d'envisager en l'espèce; qu'il en est d'autant plus ainsi que la Convention ne consacre point le droit à bénéficier d'un double degré de juridiction (cf. les décisions des 20 décembre 1957 et 3 juin 1960 sur la recevabilité des requêtes no 277/57 et 690/60, Annuaire I, page 222 et Recueil 3);
Considérant enfin, en ce qui concerne la violation prétendue de l'article 14 (art. 14) de la Convention, que ce texte n'interdit pas la discrimination d'une manière générale, mais seulement "dans la jouissance des droits et libertés reconnus" par la Convention (cf., par exemple, la décision du 15 juillet 1965 sur la recevabilité de la requête no 2333/64, habitants de Leeuw-St Pierre c/Belgique); qu'il résulte de ce qui précède que la "discrimination" dont se plaint le requérant n'avait trait à aucun de ces droits et libertés;
Considérant en résumé, et compte tenu des articles 1 et 25 paragraphe 1 (art. 1, 25-1) de la Convention, que l'examen de l'ensemble des griefs de X échappe à la compétence ratione materiae de la Commission, de sorte que la requête se révèle incompatible avec les dispositions de la Convention (article 27 par. 2 (art. 27-2)); que la Commission n'estime pas nécessaire, dès lors, de rechercher si un recours interne "vraisemblablement efficace et suffisant" s'offrait ou non à l'intéressé (article 26 (art. 26) de la Convention);
Par ces motifs, déclare la requête irrecevable.


Synthèse
Formation : Commission
Numéro d'arrêt : 2145/64
Date de la décision : 01/10/1965
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : Décision analogue à celles rendues sur la recevabilité des requêtes no. 1474/62 et no. 1769/63, Recueil 11, pp. 55-57 et 65-67

Analyses

(Art. 10-1) LIBERTE D'EXPRESSION


Parties
Demandeurs : X.
Défendeurs : la BELGIQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1965-10-01;2145.64 ?

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