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31/05/1967 | CEDH | N°2322/64

CEDH | X. contre la BELGIQUE


EN FAIT
Considérant que les faits de la cause peuvent se résumer ainsi:
Le requérant, ressortissant belge est né en 1928. A l'époque de l'introduction de sa requête, il était détenu en prison à Gand. Le soir du .. juin 1962, un incendie a détruit un entrepôt à Rumbeke, appartenant à la S.A.C. Le .. juillet 1962, cette société a été mise en état de faillite. Le .. juillet 1962, certaines personnes ont été arrêtées, soupçonnées d'avoir mis le feu volontairement à l'entrepôt. Parmi ces personnes se trouvaient MM. A et B, administrateurs délégués de la Société

C, ainsi que M. D, magasinier de la Société. Après son arrestation, M. D aurait déc...

EN FAIT
Considérant que les faits de la cause peuvent se résumer ainsi:
Le requérant, ressortissant belge est né en 1928. A l'époque de l'introduction de sa requête, il était détenu en prison à Gand. Le soir du .. juin 1962, un incendie a détruit un entrepôt à Rumbeke, appartenant à la S.A.C. Le .. juillet 1962, cette société a été mise en état de faillite. Le .. juillet 1962, certaines personnes ont été arrêtées, soupçonnées d'avoir mis le feu volontairement à l'entrepôt. Parmi ces personnes se trouvaient MM. A et B, administrateurs délégués de la Société C, ainsi que M. D, magasinier de la Société. Après son arrestation, M. D aurait déclaré que le jour de l'incendie, MM. A et B avaient visité l'entrepôt en compagnie du requérant. A la suite de cette déposition, le requérant aurait été arrêté le .. juillet 1962. A partir du .. septembre 1962, A, B et X auraient également été inculpés de banqueroute frauduleuse. L'instruction de l'affaire relative à l'incendie volontaire aurait été terminée fin février 1963. Le .. mars 1963, la Chambre du Conseil aurait ordonné la disjonction du dossier en un dossier relatif à l'incendie volontaire ou un deuxième dossier relatif à la banqueroute frauduleuse. Elle aurait également déclaré l'instruction close en ce qui concerne l'incendie et renvoyé cette partie de l'affaire devant le Tribunal correctionnel de Courtrai.
Les inculpés se seraient opposés à la disjonction du dossier et auraient demandé au Tribunal d'ajourner les débats jusqu'à ce l'instruction relative à la banqueroute frauduleuse soit achevée. Cette demande a été rejetée le .. mars 1963 par le Tribunal.
Il ressort des documents produits par le requérant que c'est pour deux raisons différentes qu'il s'est opposé à la disjonction du dossier:
Premièrement, il a fait valoir qu'avant de statuer sur le bien-fondé de la prévention d'incendie volontaire, il était essentiel d'examiner si le requérant avait eu un motif pour mettre le feu à l'entrepôt. Cependant, l'existence ou non d'un tel motif ne ressortirait que du dossier relatif à l'affaire de banqueroute frauduleuse, et il serait donc indispensable de traiter les deux affaires ensemble. Sur ce point, le Tribunal de Courtrai a déclaré que l'existence d'un motif particulier ne faisait pas partie du délit d'incendie volontaire en droit belge. Le fait d'avoir intentionnellement causé un incendie était l'élément essentiel de ce délit et il ne fallait pas confondre les deux notions de "motif" et d'"intention".
Deuxièmement, le requérant a fait valoir, devant le Tribunal, que la division du procès empêcherait l'application éventuelle de l'article 65 du Code pénal belge qui prévoit que, lorsque le même fait constitue plusieurs infractions, la peine la plus forte sera seule prononcée. Cet argument a été rejeté par le Tribunal qui, à ce sujet, a déclaré, entre autres, que la division de l'affaire n'excluait pas l'application de la disposition précitée du Code pénal.
A et X ont interjeté appel du jugement du .. mars 1963, mais ces appels ont été déclarés irrecevables le .. mai 1963 par la Cour d'Appel de Gand pour le motif qu'il ne s'agissait en l'espèce que d'un jugement préparatoire du Tribunal. Les pourvois en cassation introduits contre cet arrêt par A et X ont été rejetés le .. février 1964 par la Cour de Cassation.
Entre-temps, le prévenu A qui, le .. septembre 1962 s'était reconnu coupable d'incendie volontaire tout en accusant X d'en être l'instigateur, serait revenu sur ses aveux le .. mai 1963. Le Parquet aurait décidé de procéder à une enquête complémentaire et le requérant qui contestait les conclusions des experts du Parquet, aurait décidé de charger un expert personnel d'émettre une opinion sur les causes de l'incendie et la valeur du stock détruit. Cette tâche aurait été confiée, en mai 1963, à un certain M. M.
Les débats devant le Tribunal de Courtrai se sont ouverts le .. mai 1963 malgré les protestations de la défense qui estimait que l'expert M. M n'avait pas eu suffisamment de temps à sa disposition pour préparer son expertise. Cependant, M. M, entendu par le Tribunal, a exprimé des doutes sur les conclusions auxquelles étaient arrivés les experts du Parquet, MM. T et S, et il s'est proposé de vérifier expérimentalement les affirmations de ceux-ci. La défense a formellement demandé un ajournement pour permettre à M. M de présenter son rapport, mais cette demande a été rejetée.
Par jugement du .. juin 1963, le Tribunal a déclaré X coupable et l'a condamné à cinq ans de prison. Les deux autres prévenus ont également été condamnés à des peines d'emprisonnement.
Le requérant a interjeté appel et a chargé M. de procéder à une expertise approfondie. Pour mener à bien son enquête, M. M avait besoin de certaines facilités, mais le Procureur Général près la Cour d'Appel de Gand, tout en donnant son accord sur certaines demandes de M. M, lui aurait refusé, par lettre du .. août 1963, de visiter le magasin sinistré et d'avoir des entretiens avec certains témoins. Le Procureur Général a également refusé au requérant le droit de consulter le dossier de l'affaire.
Le .. septembre 1963, les débats se sont ouverts devant la Cour d'Appel de Gand. Les rapports de M. M avaient été déposés les .. et .. septembre 1963 et étaient donc à la disposition de la Cour. En plus, X a demandé l'audition de M. M devant la Cour. A son avis, ce témoignage serait d'une importance capitale pour sa défense, car, à en croire le requérant, M. M avait démontré l'impossibilité matérielle de l'incendie, tel qu'il avait été décrit par les experts du Parquet, et il avait même avancé une autre théorie plus vraisemblable sur l'origine du sinistre. Néanmoins, la Cour d'Appel a refusé d'entendre M. M et a déclaré non fondé l'appel de X le .. octobre 1963.
Dans son arrêt, la Cour a constaté que certaines conclusions de M. M étaient basées sur des données qui ne pouvaient pas être vérifiées par la Cour. De l'avis du requérant, la Cour n'aurait pas pu motiver son arrêt de telle manière, si elle avait accepté d'entendre M. M en tant que témoin.
X s'est pourvu en cassation contre l'arrêt de la Cour d'Appel, mais son pourvoi a été rejeté le .. février 1964 par la Cour de Cassation.
Les griefs du requérant concernent les points suivants:
a) Disjonction du dossier Le requérant estime que les droits de la défense ont été violés du fait de la disjonction du dossier en deux parties, dont l'une concernait l'incendie volontaire et l'autre la banqueroute frauduleuse. Le second dossier, relatif à la banqueroute, aurait bénéficié du secret de l'instruction et n'aurait pas été accessible à la défense. Bien que le Parquet eût versé certaines pièces de ce dossier au premier dossier, le choix de ces pièces aurait été arbitraire et aurait été vivement critiqué par la défense. Le dossier relatif à l'incendie aurait donc, selon le requérant, été "un dossier tronqué, amputé, constitué arbitrairement quant au choix des pièces qui y figurent".
Le requérant en conclut que sa cause n'a pas été entendue équitablement, qu'il n'a pas été informé d'une manière détaillée de la nature et de la cause de l'inculpation portée contre lui et qu'il n'a pas, en raison de caractère secret du dossier relatif à la banqueroute frauduleuse, disposé des facilités nécessaires à la préparation de sa défense. Il allègue la violation de l'article 6 paragraphes 1 et 3 a) et b) de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales.
b) Absence de confrontations Le prévenu A qui, à un certain stade de la procédure avait admis sa culpabilité et accusé X, avait rétracté ses aveux le .. mai 1963 et cité certaines personnes qui, d'après lui, pouvaient certifier qu'il n'avait pas visité l'entrepôt à Rumbeke le jour de l'incendie. Il aurait demandé à être confronté avec ces personnes, demande qui aurait été rejetée par le Tribunal ou le Juge d'instruction.
X allègue que le refus de procéder à ces confrontations avait également lésé ses droits, car si A avait réussi à prouver son alibi, il en serait résulté qu'il avait menti précédemment en déclarant qu'en sa présence X avait incendié l'entrepôt le ... juin 1962.
Le requérant en déduit que sa cause n'avait pas été entendue équitablement, qu'il n'avait pas disposé des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et qu'il ne lui avait pas été permis d'interroger les témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge. Il invoque à ce sujet l'article 6 paragraphes 1 et 3 b) et d) de la Convention.
c) Enquête de M. M Le requérant se plaint de ce que le Tribunal avait refusé - de donner suite à une demande de M. M et de la défense tendant à une reconstitution du prétendu crime; - d'accorder à M. M un délai pour pouvoir présenter une contre-expertise, car M. M n'avait pas disposé du temps nécessaire pour dresser un rapport avant l'ouverture des débats le ... mai 1963.
En outre, X reproche au Procureur Général près la Cour d'Appel de ne pas avoir accordé à M. M certaines facilités dont il avait besoin pour accomplir sa tâche. Tandis que les experts du Parquet avaient été chargés de se rendre sur les lieux de l'incendie et de recueillir tous les renseignements utiles, le Procureur Général aurait refusé à l'expert de la défense de visiter l'entrepôt incendié et d'avoir des entretiens avec certains témoins oculaires. Par conséquent, M. M n'aurait pas eu l'occasion de mener son enquête dans les mêmes conditions que les experts du Parquet. Le requérant allègue, à cet égard, la violation de l'article 6 paragraphes 1 et 3 b) et d) de la Convention.
d) Consultation du dossier Le requérant s'en prend également au refus du Procureur Général, en septembre 1963, de lui accorder l'autorisation d'examiner son dossier au Palais de Justice de Gand. Il y voit une violation "éventuelle" de son droit, garanti par l'article 6 paragraphe 3 b) de la Convention, à disposer des facilités nécessaires à la préparation de sa défense. Il ajoute qu'il aurait voulu examiner certaines nouvelles pièces du dossier dont ses défenseurs avaient demandé une photocopie, mais sans l'avoir encore obtenue au moment du rejet de sa demande par le Procureur Général.
e) Audition de M. M X se plaint également de ce que la Cour d'Appel avait refusé d'entendre M. M, témoin principal à décharge. Celui-ci n'avait accompli sa contre-expertise qu'après le jugement de première instance et le refus de la Cour d'Appel de l'entendre a donc eu pour résultat que l'expert de la défense n'avait pas pu témoigner dans les mêmes conditions que les deux experts du Parquet qui, après l'accomplissement de leur enquête, avaient été entendus par le Tribunal de Courtrai en tant que témoins. Le requérant allègue la violation de l'article 6 paragraphe 3 d) de la Convention.
Il ressort de l'arrêt de la Cour de Cassation, versé au dossier, que le requérant n'avait pas, dans son pourvoi en cassation, soulevé les griefs exposés sous b) à e) ci-dessus.
Le requérant demande l'annulation des décisions litigieuses rendues contre lui et la reprise de la procédure de manière conforme à la Convention.
EN DROIT
Considérant qu'aux termes de l'article 26 (art. 26) de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, la Commission "ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes, tel qu'il est entendu selon les principes de droit international généralement reconnus";
Considérant, pour autant que le requérant se plaint de la disjonction du dossier, que les objections soulevées par X à ce sujet ont été rejetées par un jugement préparatoire du Tribunal de Courtrai en date du .. mars 1963; que l'appel interjeté par X contre ce jugement a été déclaré irrecevable par la Cour d'Appel, car en droit belge l'appel contre un jugement préparatoire ne peut être accueilli qu'avec l'appel contre le jugement du fond de l'affaire;
Que, d'autre part, il ne ressort ni de l'arrêt de la Cour d'Appel du .. octobre 1963 statuant au fond, ni des feuilles d'audience de la Cour des .. et .. septembre 1963 que le grief en question ait été soulevé devant la Cour d'Appel lors de l'examen du fond de l'affaire; qu'en outre, il ressort de l'arrêt de la Cour de Cassation que le requérant n'a pas invoqué un grief relatif à cette question à l'appui de son pourvoi en cassation contre l'arrêt du .. octobre 1963;
Qu'il s'ensuit qu'à cet égard, X n'a pas démontré avoir épuisé les voies de recours internes au sens de l'article 26 (art. 26) de la Convention;
Qu'il n'y a pas lieu d'examiner les effets éventuels de la disjonction sur la procédure relative à la banqueroute frauduleuse, car cette deuxième procédure ne fait pas l'objet de la présente requête;
Considérant, pour autant que X s'en prend au refus de procéder à des confrontations et de permettre, d'une part, à M. M de faire une enquête, et d'autre part, à X de consulter le dossier, qu'il ne ressort ni de l'arrêt de la Cour d'Appel, ni des feuilles d'audience versées au dossier que le requérant ait soulevé ces griefs devant la Cour d'Appel, alors qu'il aurait eu la possibilité de le faire; qu'en outre, il ressort de l'arrêt de la Cour de Cassation que le requérant n'a invoqué aucune grief relatif à ces questions à l'appui de son pourvoi en cassation; Qu'il s'ensuit qu'à cet égard, X n'a pas démontré avoir épuisé les voies de recours internes au sens de l'article 26 (art. 26) de la Convention;
Considérant, enfin, pour autant que le requérant se plaint du refus de la Cour d'Appel d'entendre M. M. qu'il ressort de l'arrêt de la Cour de Cassation que le requérant n'avait pas invoqué ce grief à l'appui de son pourvoi en cassation; Qu'il y a lieu de relever que la Cour de Cassation a toujours le droit et le devoir d'examiner si les droits de la défense ont été violés ou non pendant la procédure d'appel; qu'indépendamment de l'obligation pour la Cour de Cassation d'examiner d'office, en matière répressive, la conformité aux lois de la décision attaquée, le requérant pouvait et devait, s'il estimait que ses droits de défense avaient été lésés, soulever le grief en question devant cette Cour, en exposant en quoi le refus d'entendre M. M lésait les droits de la défense;
Qu'en omettant de le faire, le requérant n'a pas, à cet égard, épuisé les voies de recours internes au sens de l'article 26 (art. 26) de la Convention; Par ces motifs, déclare la requête irrecevable.


Synthèse
Formation : Cour (plénière)
Numéro d'arrêt : 2322/64
Date de la décision : 31/05/1967
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : Exception préliminaire rejetée (incompatibilité)

Analyses

(Art. 35-2) MEME QU'UNE REQUETE SOUMISE A UNE AUTRE INSTANCE


Parties
Demandeurs : X.
Défendeurs : la BELGIQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1967-05-31;2322.64 ?

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