La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/02/1971 | CEDH | N°4519/70

CEDH | X. contre le LUXEMBOURG


EN FAIT
Considérant que les faits de la cause peuvent se résumer ainsi:
La requérante, de nationalité luxembourgeoise, née en 1929 à Luxembourg et y domiciliée, est médecin-gynécologue. Par acte sous seing privé du 5 juin 1970, elle a mandaté Me A., avocat-avoué à Luxembourg, pour "introduire auprès de la Commission européenne des Droits de l'Homme une réclamation contre les décisions rendues contre elle par le Conseil et le Conseil supérieur de discipline du Collège médical du Grand-Duché". Compte tenu de la législation luxembourgeoise (article 215 du Code civil) q

ui stipule l'incapacité juridique de la femme mariée, l'époux de la requéra...

EN FAIT
Considérant que les faits de la cause peuvent se résumer ainsi:
La requérante, de nationalité luxembourgeoise, née en 1929 à Luxembourg et y domiciliée, est médecin-gynécologue. Par acte sous seing privé du 5 juin 1970, elle a mandaté Me A., avocat-avoué à Luxembourg, pour "introduire auprès de la Commission européenne des Droits de l'Homme une réclamation contre les décisions rendues contre elle par le Conseil et le Conseil supérieur de discipline du Collège médical du Grand-Duché". Compte tenu de la législation luxembourgeoise (article 215 du Code civil) qui stipule l'incapacité juridique de la femme mariée, l'époux de la requérante, le docteur A., a contresigné cette procuration aux fins d'autorisation maritale.
La requérante expose qu'en 1967 il fut créée à Luxembourg une association sans but lucratif "Famille Heureuse, mouvement luxembourgeois pour le planning familial", ayant pour objet de propager l'idée d'une "régulation des naissances selon des conceptions de responsabilité sociale, médicale, familiale et économique". La requérante s'était mise à la disposition de cette association pour l'aider dans la réalisation de ces objectifs. L'association s'affilia à l'International Planned Parenthood Federation, reconnue par plusieurs organisations spécialisées des Nations Unies (notamment l'OMS, l'Unesco, l'Unicef, le B.I.T. et la F.A.O.) ainsi que par l'Ecosoc et elle décida d'ouvrir un centre de documentation et de consultation auquel devait s'adjoindre un dispensaire à l'intention, d'une part, des personnes économiquement faibles et socialement déshéritées, d'autre part, des personnes désirant obtenir des informations en matière de stérilité naturelle ou accidentelle, de médecine préventive, d'éducation sexuelle et de contrôle des naissances. Ce centre devait comporter également une bibliothèque et être animé par des conseillers et des assistantes sociales. Un médecin gynécologue devait être engagé sous contrat. Selon une lettre adressée le .. janvier 1967 par le Conseil d'administration de l'association au Collège médical du Grand-Duché de Luxembourg, ce médecin se bornerait à faire de la médecine préventive et à donner des conseils médico-sociaux.
Par lettre du .. avril 1967, le Collège médical marqua son désaccord au projet de création d'un dispensaire par le mouvement de planning familial. Selon la requérante, le projet s'était heurté à l'hostilité de ses collègues gynécologues qui invoquèrent le principe du libre choix du médecin et l'interdiction de concurrence déloyale.
Entre-temps, le dispensaire en question fut créé et la requérante avait accepté d'en être le médecin gynécologue. De plus, afin de promouvoir le planning familial, elle prêtait son concours à titre gratuit.
Le .. juin 1967, le Collège médical, invoquant l'article 23 de la loi du 6 juillet 1901, sur l'organisation et les attributions du Collège médical qui lui confère une mission de surveillance de l'exercice de l'art de guérir et de tout ce qui intéresse la santé publique, convoqua la requérante à se présenter devant lui le .. juillet 1967 afin de fournir des éclaircissements sur ses activités médicales au centre de planning familial.
La requérante ne donna pas suite à cette invitation, mais offrit de fournir par écrit toutes les explications utiles. Par la suite elle maintint son refus de comparaître, bien que l'invitation fût renouvelée à plusieurs reprises.
Le Collège médical dressa le .. novembre 1967 procès-verbal constatant à charge de la requérante une infraction à l'article 23 de la loi sur l'organisation et les attributions du Collège médical en ce que la requérante, par son refus de comparaître devant le conseil médical, aurait entravé celui-ci dans l'exercice des missions de surveillance à lui confiées par la loi. Le procès-verbal fut transmis au conseil de discipline du Collège médical.
La requérante demanda en vain la récusation de certains membres siégeant dans ce conseil (décisions du conseil de discipline du .. février 1968 et du conseil supérieur de discipline du .. décembre 1968). Examinant l'affaire quant au fond, le conseil de discipline du Collège médical lui infligea, le .. mars 1969, la peine disciplinaire de l'avertissement. Celle-ci interjeta appel le .. mars 1969. Le conseil supérieur de discipline confirma le .. juillet 1969 la décision du conseil de discipline.
La requérante joint au dossier un extrait du plumitif de l'audience du conseil supérieur de discipline, examinant son appel, dont il ressort que le ministère public avait conclu à la réformation de l'arrêt attaqué.
La requérante forma un pourvoi en cassation pue la Cour supérieure de justice, formée en cour de cassation, déclara irrecevable le .. avril 1970 au motif que la loi du 6 juillet 1901 prévoit que les décisions du conseil supérieur de discipline du Collège sont rendues en dernier ressort et sans recours pour le condamné.
La requérante allègue d'abord une violation de l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme. A ce sujet, elle soutient que le conseil de discipline qui lui a infligé une sanction disciplinaire ne constituait pas un tribunal indépendant et impartial, car il était composé en partie des médecins qui, au sein du Collège médical, avaient provoqué l'action disciplinaire. De plus, l'hostilité de principe du Collège médical à l'idée du contrôle des naissances et à une conception sociale de l'exercice de la médecine, telle que prônée par la requérante, serait notoire.
La requérante entend également fonder son action devant la Commission sur l'article 7 de la Convention, car elle estime avoir encouru une condamnation "pour un acte qui n'est pas un infraction d'après le droit national ou international". Elle estime ne pas avoir, par son refus de comparaître devant le Collège médical, entravé la mission de surveillance de la santé publique assumée par cet organe en vertu de la loi et elle souligne qu'elle avait offert de fournir par écrit tous les renseignements pertinents. La requérante relève que la loi définit la faute disciplinaire (article 25 de la loi du 6 juillet 1901 précitée) comme "fait contraire à l'honorabilité et à la dignité professionnelles et ... fautes graves dans l'exercice de guérir" et plaide que son attitude ne pouvait rentrer dans cette qualification.
La requérante sollicite que la Commission reconnaisse le bien-fondé de ses prétentions.
EN DROIT
Considérant que la requérante se plaint essentiellement de décisions rendues contre elle par le Conseil et le Conseil supérieur de discipline du Collège médical du Grand-Duché de Luxembourg lui infligeant la peine disciplinaire de l'avertissement, qu'à ce sujet elle allègue que des violations des droits et garanties stipulés à l'article 6 (art. 6) de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ont entaché la procédure disciplinaire dont elle a fait l'objet, qu'il y a lieu de faire observer à ce propos que l'article 6 (art. 6) dispose en son paragraphe 1er que: "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera ... du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle" et que les paragraphes 2 et 3 de l'article 6 (art. 6) s'appliquent exclusivement aux personnes accusées d'une infraction pénale; qu'en l'espèce, il ne fait pas de doute que la requérante a fait l'objet d'une procédure disciplinaire et qu'elle ne peut pas être considérée comme personne accusée au sens des paragraphes 1, 2 et 3 de l'article 6 (art. 6-1, 6-2, 6-3);
Qu'à ce propos, la Commission se réfère à sa jurisprudence constante (cf. décisions sur la recevabilité des requêtes No 734/60 X. c/R.F.A. in Recueil 6 p. 28, No 2793/66X c/Autriche in Recueil 23, p. 125 et également décision sur la requête No 4121/69 c/République Fédérale d'Allemagne in Recueil 33 page 23); que la requête est donc, sous ce rapport, incompatible avec les dispositions de la Convention, au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention;
Considérant également que la requérante allègue que sa condamnation pour une prétendue faute disciplinaire constitue une violation de l'article 7 (art. 7) de la Convention, que l'article 7 (art. 7) stipule que "Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international .."; que, cependant, les procédures qu'entend dénoncer la requérante se sont déroulées devant les juridictions disciplinaires et concernaient l'exercice de l'art médical et de toute évidence n'avaient pas pour objet des poursuites du chef de préventions formulées en vertu de la loi pénale; que l'interprétation de la Commission selon laquelle la notion d'infraction telle qu'elle est envisagées par l'article 6 par. 2 et 3 (art. 6-2, 6-3) de la Convention, n'englobe pas des infractions de nature disciplinaire, vaut également pour ce même terme employé dans la texte du par. 1er de l'article 7 (art. 7) de la Convention; que partant, les allégations de la requérante à cet égard ne tombent pas dans le champ d'application des garanties prévues par l'article 7 (art. 7) de la Convention; que l'examen de cette partie de la requête échappe donc également à la compétence ratione materiae de la Commission; que la requête est donc, sous ce rapport, incompatible avec les dispositions de la Convention, au sens de l'article 27 paragraphe 2 (art. 27-2);
Par ces motifs, DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.


Type d'affaire : DECISION
Type de recours : Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 35-1) EPUISEMENT DES VOIES DE RECOURS INTERNES, (Art. 5-3) DUREE DE LA DETENTION PROVISOIRE


Parties
Demandeurs : X.
Défendeurs : le LUXEMBOURG

Références :

Origine de la décision
Formation : Commission
Date de la décision : 05/02/1971
Date de l'import : 21/06/2012

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 4519/70
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1971-02-05;4519.70 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award