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10/10/1979 | CEDH | N°8191/78

CEDH | RASSEMBLEMENT JURASSIEN ET UNITE JURASSIENNE c. SUISSE


APPLICATION/REQUETE N° 8191/78 RASSEMBLEMENT JURASSIEN 1 v/SWITZERLAND R I UNITÉ JURASSIENNE )
c/SUISS E
DECISION of 10 October 1979 on the admissibility of the application DÉCISION du 10 octobre 1979 sur la recevabilité de la requêt e
Article 11, paragraph 1 of the Convention :
a) The right to freedom of peacefull assembly relates to both private and public meetings. b) A requirement for authorisation of meetings in public does not, as such, constitute an interference with the right to freedom of assembly. Article 11, paragraph 2 of the Convention : a) Is a measure,

based on a constitutional principle emerging from jurisprudence "pro...

APPLICATION/REQUETE N° 8191/78 RASSEMBLEMENT JURASSIEN 1 v/SWITZERLAND R I UNITÉ JURASSIENNE )
c/SUISS E
DECISION of 10 October 1979 on the admissibility of the application DÉCISION du 10 octobre 1979 sur la recevabilité de la requêt e
Article 11, paragraph 1 of the Convention :
a) The right to freedom of peacefull assembly relates to both private and public meetings. b) A requirement for authorisation of meetings in public does not, as such, constitute an interference with the right to freedom of assembly. Article 11, paragraph 2 of the Convention : a) Is a measure, based on a constitutional principle emerging from jurisprudence "provided for by law"7 (Question not pursuedl . b) The national authorities have an important margin of appreciation in order to determine the "necessary" measures when faced with a danger which forces them to decide within a short time limit . c) In order to assess whether a measure was "necessary", the question whether it was proportionate to the circumstances is examined .
Article il, paragraphe / de la Convention : al Le droit à la liberté de réunion pacifique vise les réunions privées et le s réunions sur la voie publique .
b) Le fait de soumettre les réunions sur la voie publique à un régime d'autorisations ne constitue pas, en soi, une ingérence dans l'exercice de la liberté de réunion . Article 11, paragraphe 2 de la Convention : al Une mesure fondée sur un principe constitutionnel dégagé par la junsprudence est-elle « prévue par la loi » 7 (Question non résofue) .
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b) Les autorités nationales disposent d'une marge d'appréciation importante pour déterminer quelles sont les mesures e nécessaires » en face d'un danger les obligeant à décider à bref délai . cl Pour apprécier si une mesure était « nécessaite r, examen du point de savoir si elle était proportionnée aux circonstances .
(English : see p . 1 08 1
EN FAIT
Les faits de la cause peuvent se résumer comme suit : 1 . Les requérants sont deux associations sans but lucratif : le Rassemblement jurassien' et l'Unité jurassienne" . Ces deux groupements sont représentés devant la Commission par Maitre André Manuel, avocat à Lausanne . La requéte concerne l'interdiction de toute réunion politique sur le territoire de la commune de Moutier, prononcée à deux reprises par le Conseil exécutif (Gouvernement) du canton de Berne en avril 1977 et se dirige contre l'arrPt du Tribunal fédéral du 21 septembre 1977 rejetant deux recours de droit public formAs par les associations requérantes . 2 . La requête s'inscrit dans le cadre du différend qui a opposé dans le canton de Berne une partie de la population francophone habitant les districts du Jura à la majorité germanophone . Par le référendum du 23 juin 1974, le principe de la constitution du nouveau canton du Jura a été acquis . Par un deuxième référendum du 16 mars 1975, les trois districts jurassiens du sud (La Neuveville, Counelary et Moutier) se sont prononcés en majorité pour le maintien dans le canton de Berne . 3 . En mars 1977, sur proposition de la Délégation pour les affaires jurassiennes au Conseil Exécutif du canton de Berne, le Grand Conseil bernois a décidé la suppression dans les deux premiers articles de la Constitution cantonale de la mention du « peuple jurassien II . Pour protester contre cette suppression, tant le « Rassemblement n que l'« Unité n organisérent une manifestation devant avoir lieu le 2 avril 1977 à l'Hôtel de la Gare à Moutier . Le 31 mars, la Municipalité de cette ville rappela auxdites association s l'interdiction de toute manifestation sur la voie publique qu'elle avait prononcée en juin 1976 . ' Le but orincipal du nassemblement est celui "dallrancbir le oeuple iurassien de la dominalion bernoisé" . II délend en outre "les intéréls généraux du Jura et notamment le caraclére Iranoais des siz distrlcls romands larticle 1 des stalulsl . " L'Unilé a pour but 'l'indépendance de tout le territoire iurassien demeuré sous tutelle bernoisé' larlicle 1 des statutsl
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Le 1^r avril un groupe d'anti-séparatistes (pro-Bernois) convoqua ses membres et ses sympathisants dans un autre restaurant de Moutier pour le 2 avril . 4 . Par décision du 1•r avril 1977, le Conseil exécutif du canton de Berne, afin d'éviter des affrontements entre les diverses fractions, interdit toute réunion politique sur le territoire de la commune de Moutier les 2 et 3 avril . Cette décision qui se fondait sur l'article 39, alinéa 2, de la Constitution bernoise', était ainsi motivée :« Il est actuellement interdit dans la commune de Moutier de manifester sur la voie publique . Or, eu égard aux appels engageant à prendre part massivement aux manifestations et aux contremanifestations, le respect de cette interdiction ne peut être garanti . n Le 2 avril 1972, le Conseil municipal de Moutier, tout en déplorant ne pas avoir été tenu au courant de la décision du Conseil exécutif, demanda que les dispositions prises d'interdire toute réunion « soient rapportées au plus tôt x . Une manifestation eut néanmoins lieu à Moutier le 2 avril . 5 . Estimant ne pas avoir pu tenir, du fait de l'interdiction, la réunion annoncée, les associations requérantes en convoquérent une autre au même lieu pour le 16 avril . Les mouvements pro-bernois en firent de même . Le 12 avril, le Conseil municipal de Moutier avait accepté que les associations requérantes tiennent leur réunion comme prévu et dicté des conditions qui furent acceptées par ces derniéres . Par décision du 13 avril, le Conseil exécutif du canton de Berne, aprés avoir rappelé la « tension actuelle créée dans un climat de provocation » et afin « d'éviter des affrontements dont les suites seraient imprévisibles » décida d'interdire toute réunion politique sur le territoire communal de Moutier du 15 au 17 avril . Des sanctions étaient également prévues pour le cas où l'on aurait transgressé cette interdiction . II ressort de l'arrêt du Tribunal fédéral que la manifestation prévue eut néanmoins lieu et des affrontements entre la police et des manifestants se produisirent . 6 . Les associations requérantes ont formé deux recours de droit public auprés du Tribunal fédéral respectivement contre la décision du Conseil exécutif du canton de Berne du 1 -r avril 1977 et contre celle du 13 avril . La jonction des deux recours a été ordonnée le 12 mai 1977 . ' An. 79, Abs. 2 "Zur Abwendung von dringender Gefahr kann er ldei Regierungsrall die vorlaufigen milltarischen Sicherheilsmassregeln ergreilen oder die nôligen Gebole und Verbote mil Stralandrohung erlasten ; er soll aber dem Gossen Ral sogleich davon Kenninis geben und seine Enlscheidung Obei die weiteen Vo,kehrCn gewdrGgen " Pour orévenir un danger oressanl . il pe Conseil exéculiq peut disposer provlsoirement de la lorc e
armée, donner des ordres et prononcer des défenses sous comminalion de oeines Toutetois, il devra donner immédiaiemenl connaissance de ces mesures au Grand Conseil, qui prendia des disoosiGons uuérieures .
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Dans leurs recours, les associations requérantes ont soutenu que les décisions attaquées violaient la liberté de réunion, d'opinion et d'expression garanties par la Constitution bernoise (articles 77 et 791, par la Constitution fédérale et par les articles 10 et 11 de la Convention, ainsi que le principe de l'égalité de traitement . Par arrêt du 21 septembre 1977, le Tribunal fédéral rejeta ces recours . Le Tribunal a rappelé que les libertés invoquées étaient garanties tant sur le plan cantonal que sur le plan fédéral . Tout en soulignant que l'article 39, alinéa 2, de la Constitution bernoise autorisait le Gouvernement à prendre des mesures urgentes pour assurer le maintien de l'ordre, il a estimé que cette disposition « n'accorde pas au Conseil exécutif des pouvoirs plus restreints que ceux dont il peut user en vertu de la clause générale de police » . M@me sans base constitutionnelle ou légale expresse, cette clause confére à l'autorité exécutive le droit de prendre les mesures indispensables pour préserver l'ordre public . Elle revêt ainsi le caractère d'un « principe constitutionnel qui limite valablement les libertés garanties par la Constitution » . Estimant qu'il existait incontestablement dans les districts du Jura-Sud un état de tension et qu'en particulier le district de Moutier était de loin celui où les attéintes à l'ordre public avaient été les plus nombreuses, le Tribunal a été d'avis que c'était à bon droit que le Conseil exécutif avait fait usage de son pouvoir général de police . Quant à la question de savoir si, par l'interdiction de toutes les réunions, le principe de la proportionnalité avait été violé, tout en soulignant que l'autorité municipale paraissait avoir estimé que les risques d'atteintes à l'ordre public n'étaient pas tels que toute manifestation devait être interdite, le Tribunal en a conclu que, compte tenu des circonstances, le Conseil exécutif n'avait pas abusé de son pouvoir d'apprAciation en considérant que la seule interdiction des contre-manifestations ne suffirait pas pour assurer l'ordre et la tranquilité publics . Quant à la prétendue violation de l'égalité de traitement, le Tribunal a une absence de violation en rappelant que les décisions attaquées conclu à avaient interdit toutes les réunions qu'elles soient autonomistes ou probernoises .
7 . Les associations requérantes alléguent la violation des a rt icles 10, 11 et 14 de la Convention . Deux séries de griefs sont avancées . Se référant à l'arrêt du Tribunal fédéral et estimant que ce dernier avait justifié essentiellement les décisions du Gouvernement du canton de Berne par l'application de la « clause générale de police », elles soutiennent d'abord que l'absence de base légale ou constitutionnelle, en d'autres termes l'absence de « loi » au sens le plus large possible, interdit aux Etats de déroger aux a rt icles 10 et 11 sans base légale de droit positif .
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Elles contestent, ensuite, le bien-fondé des décisions alléguées . Elles font valoir que les dAcisions prises par le Conseil municipal de Moutier étaient suffisantes pour préserver l'ordre et la tranquilité publics et que par l'interdiction de toutes les réunions politiques quelconques sur le territoire communal le principe de proportionnalité a été violé . De même, elles soutiennent qu'en prononçant cette interdiction « sous la pression des organisations pro-bernoises » les autorités du canton de Berne ont pris des mesures discriminatoires, la mesure ne frappant que « les organisations de la minorité francophone jurassienne des districts du sud du Jura, en sa qualité de minorité nationale » .
PROCÉDURE SUIVI E 8 . Agissant conformément à l'article 40, paragraphe 1, du Réglement intérieur, le 12 mai 1978 le rapporteur a décidé d'obtenir du Gouvernement suisse des renseignements concernant le déroulement des faits de la cause . Le Gouvernement suisse a répondu à cette demande de renseignements par lettre du 21 juin 1978 . Les requérants de leur cBté ont présenté leurs commentaires par un mémoire daté du 25 août 1978 . 9 . Le 4 dAcembre 1978, la Commission a procédé à l'examen de la recevabilité de la requ@te . En application de l'article 42, paragraphe 2, lettre b) du Réglement intérieur, elle a décidé de porter cette requête à la connaissance du Gouvernement suisse . Ce dernier a été invité à présenter ses observations sur la recevabilité de la requête, pour autant qu'elle avait trait aux décisions d'interdiction de deux réunions dont les associations requérantes avaient été frappées et à la compatibilité de ces décisions par rapport notamment à l'article 11 de la Convention . Ces observations, datées du 1• 1 mars 1979, ont été communiquées au conseil des requérants qui y a répondu le 3 mai 1979 . 10 . Le 26 juillet, la Commission a invité les parties à lui présenter oralement des observations complémentaires au cours d'une audience sur la recevabilité et sur le bien-fondé de la requéte .
Cette audience a eu lieu le 10 octobre 197 9 ARGUMENTATION DES PARTIE S Les théses exposées par les parties tant par écrit qu'oralement peuvent se résumer comme suit :
A . Le Gouvernemen t 11 . D'aprés le Gouvernement il est possible de déduire de l'ensemble des circonstances de l'affaire que l'interdiction, par le Conseil exécutif du canton de Berne, de toute réunion politique sur le territoire de la commune d e
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Moutier les 2 et 16 avril 1977, ne constitue pas une violation de l'article 11, ni de toute autre disposition de la Convention . Le Gouvernement attache une importance toute particuliére à l'élucidation précise des faits, afin de faire ressortir la nature exacte du probléme jurassien, problème complexe qui en plus de sa composante linguistique s'explique également par des données historique, religieuse, culturelle, politique et économique . 1 . Quant aux faits de la cause
12 . Le Gouvernement rappelle brièvement les principales étapes de l'affaire jurassienne, su rt out depuis 1950 . II souligne qu'é la suite de la révision constitutionnelle dans le canton de Berne du 1• 1 mars 1970, quatre plébiscites ont été organisés dans le Jura entre juin 1974 et septembre 1975. A la suite de ces plébiscites, seuls les trois districts du nord ont pu constituer le nouveau canton du Jura qui a été créé le 24 septembre 1978 . 13 . En ce qui concerne les circonstances de la présente affaire, le Gouvernement met l'accent sur deux é vénements dont la conjugaison a provoqué un surcroit de tension, dans un climat par ailleurs déjB tendu, dans les six districts francophones du Jura et en pa rt iculier dans la ville de Moutier qui avait, à la suite du troisiéme plébiscite de septembre 1975, décidé de rester dans le canton de Berne . Le Gouvernement tient à souligner que, dans l'affaire jurassienne, la commune de Moutier a toujours constitué un territoirecharniére, sur lequel la tension latente était pa rt iculiérement vive à l'approche des événements litigieux .
Le premier de ces deux événements est constitué par l'approbation le 20 mars 1977 par les électeurs jurassiens de la Constitution du nouveau canton, dans laquelle figure l'article 138 qui prévoit que « La République et canton du Jura peut accueillir toute partie du territoire jurassien directement concerné par le scrutin du 23 juin 1974 si cette partie s'est réguliérement séparée au regard du droit fédéral et du droit du canton intéressé » . Le deuxiéme événement est constitué par la décision du Grand Conseil bernois du 28 mars 1977 de supprimer dans la Constitution cantonale la mention du « peuple jurassien » . 14 . C'est à la suite de ces deux événements que la première des deux manifestations interdites fut décidée par les associations requérantes par un appel lancé à l'ensemble des Jurassiens des six districts et dont le ton, d'aprés le Gouvernement, est assez évocateur du climat de passion qui agitait le Jura pendant ces jours . Devant ce qu'ils ont considéré être une provocation, les mouvements pro-bernois organisérent une riposte et conviérent leurs sympathisants à une contre-manifestation pour le même jour prévu pour la manifestation séparatiste, à savoir le 2 avril 1977 .
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Devant « l'ampleur prévisible » de cette manifestation, le Conseil municipal de Moutier demanda le 30 mars au préfet des renforts de police en uniforme, demande réitérée le 2 avril avec des suggestions quant à leur déplacement . Le Gouvernement souligne l'attitude contradictoire du Conseil municipal de Moutier, lui-méme fortement divisé, résultant de ces prises de positions . Se tondant donc sur l'article 39, alinéa 2 de la Constitution bernoise, le Conseil exécutif du canton de Berne, compte tenu de la situation, prit alors la décision d'interdire la manifestation . Une décision analogue fut prise en ce qui concerne la manifestation prévue pour le 16 avril 1977, compte tenu de ce que la tension augmentait encore, ainsi qu'il résulte du rapport établi par le préfet de district en relation avec les événements du 16 avril 1977, rapport qui a fait état de certains incidents et de la découverte d'engins explosifs . Avec le Tribunal fédéral, le Gouvernement est d'avis que « le Conseil exécutif avait de sérieux motifs de craindre que la situation déjé tendue ne s'aggrave au risque d'engendrer des affrontements violents entre éléments incontr0lés, participants aux réunions et forces de l'ordre . 1 . . .1 . Il pouvait également craindre que les forces de sécurité ne soient pas à même d'empêcher les affrontements, si les réunions prévues et les contre-manifestations annoncées étaient toutes autorisées u . 15 . Le Gouvernement considére que les comparaisons faites par le conseil des requérants entre les événements litigieux et les manifestations de Tavannes du 29 janvier 1977 et de Moutier du 14 mai 1977 sont dépourvues de fondement . En ce qui concerne la manifestation de Tavannes, qui avait un but culturel, les circonstances dans lesquelles elle s'est déroulé diffèrent totalement de celles qui prévalaient à Moutier . Les différences tiennent au lieu de la manifestation, à l'époque où elle s'est déroulée, au nombre de participants, à l'attitude des autorités, etc . Il y a lieu de remarquer aussi que la tranquilité et l'ordre public n'étaient pas menacés et qu'il n'existait aucune interdiction de manifester sur la voie publique . 16 . Quant à la manifestation de Moutier du 14 mai 1977, le Gouvernement ne conteste pas qu'elle s'est déroulée sans incidents . Il ajoute qu'étant donné que cette manifestation a eu lieu moins d'un mois après le dernier événement litigieux de surcroit dans la même ville, cette différence de situation peut apparaitre paradoxale au premier abord . Toutefois, -précise-t-il - plusieurs événements capitaux sont intervenus entre le 16 avril et le 14 mai . Parmi ces événements il y a lieu de souligner une réunion tripartite qui a eu lieu le 25 avril 1977 et la création d'une conférence de concertation qui aurait pour but de définir les modalités des manifestations .-9
Les mouvements autonomistes jurassiens décidérent une nouvelle manifestation pour le 14 mai 1977 et se déclarérent prêts à participer à toute nouvelle réunion de concert ation, à condition que la manifestation décidée puisse se dérouler dans le respect des libertés constitutionnelles . Dans un communiqué de presse diffusé à l'issue de la conférence de conce rt ation du 13 mai, il est affirmé par ailleurs que les mouvements pro-bernois maintenaient leur décision de renoncer à une contre-manifestation le 14 mai . Tous ces faits, d'aprés le Gouvernement, démontrent clairement que la situation était fondamentalement différente à l'approche de la situation du . 14 mai qu'elle ne l'était à l'approche des événements litigieux des 2 et 16 avril 1977 . . 1 1 . Quant à la compatibilité des mesures d'interdiction avec la Conventio n La thése du Gouvernement est que les mesures d'interdiction décidées par le Conseil exécutif bernois é taient prévues par la loi, légitimes et nécessaires .
a . Les mesures étaient « prévues par la loi » 17 . Les mesures litigieuses étaient conformes au droit . Elles se fondaient sur le plan communal sur la décision prise en juin 1976 par la commune de Moutier d'interdire toutes manifestations sur la voie publique et sur le plan cantonal sur l'article 39 de la Constitution bernoise, disposition en vertu de laquelle les deux interdictions contestées ont été prononcées . A titre subsidiaire, les mesures d'interdiction reposent sur le principe constitutionnel suisse non écrit de la « clause générale de police » . Cette clause confére à l'autorité exécutive le droit de prendre les mesures indispensables pour rétablir l'ordre public s'il a été troublé ou pour le préserver d'un danger sérieux qui le menace d'une façon directe et imminente .
Se référant à l'arrét rendu par la Cour des Droits de l'Homme dans l'affaire Sunday Times d'aprés lequel le mot « loi » englobe à la fois le droit écrit et le droit non écrit, le Gouvernement considére qu'9 ce titre également les interdictions ont été prévues par la loi larrét du 26 avril 1979, par . 97) . b . Les mesures étaient R nécessaires dans une société démocratique r 18 . Le Gouvernement estime que les interdictions temporaires, décrétées dans un état de tension incontestable, sur le territoire exigu de la commune de Moutier, constituaient des mesures nécessaires, voire indispensables, dans une société démocratique, à la sOreté publique, à la défense de l'ordre et à la garantie de la protection des droits et libertés d'autrui . Or, l'autorité cantonale a dû se résoudre à interdire toute manifestation sur le territoire de la commune de Moutier parce que le respect de l'interdiction communale ne pouvait être garanti en raison des appels des antagonistes à prendre part massivement aux manifestations et aux contre- 100-
manifestations et afin d'éviter des affrontements devant la certitude que la manifestation annoncée n'aurait pu se dérouler en lieu clos . 19 . Le Gouvernement a également considéré qu'il n'est pas possible de faire abstraction dans l'appréciation des faits de la cause du processus démocratique, résultant des plébiscites, qui a conduit à l'admission du nouveau canton du Jura dans la Confédération. Or, le Conseil exécutif bernois avait non seulement le droit, mais le devoir de faire respecter les décisions démocratiquement acquises . Cet élément démocratique a joué un rBle dans les décisions prises par les autorités cantonales . 20 . Le principe de la proportionnalité n'a pas été violé dans le cas d'espéce, car l'interdiction ne valait que pour le territoire de la commune de Moutier . L'interdiction était donc proportionnée au but poursuivi et répondait au besoin social impérieux d'éviter de graves affrontements . En l'espéce, l'intérêt public lié à la liberté de réunion pacifique devait momentanément céder le pas à l'intérét public tout aussi légitime que représente la vie communautaire harmonieuse des citoyens dans une société démocratique . Dans ce contexte, le Gouvernement suisse s'est référé aussi au principe dit de la « paix confédérale » qui trouve son expression dans deux dispositions de la Constitution fédérale : l'article 2, qui confére à la Confédération la tâche de maintenir la tranquillité et l'ordre et l'article 5 qui garantit aux cantons leur territoire ainsi que les droits et attributions que le peuple a conférés aux autorités . 21 . Se référant à la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme larr@ts Handyside et Sunday Times), le Gouvernement rappelle que dans l'appréciation du caractère « nécessaire » d'une mesure destinée à la « défense de l'ordre », et au maintien de la « sûreté publique » les autorités nationales jouissent d'une marge d'appréciation . Dans le cas d'espéce, les autorités n'en ont pas abusé . Les autorités, tant communales que cantonales, ont agi avec le souci prioritaire d'éviter des affrontements . Compte tenu de l'ensemble des éléments de la cause, et notamment de la portée limitée, à la fois dans le temps et dans l'espace, des mesures incriminées, le Gouvernement conclut à l'irrecevabilité de la requête pour défaut manifeste de fondement car les mesures litigieuses étaient conformes à la Convention et en particulier au paragraphe 2 de l'article 11 .
Les requérants 22 . D'aprés les requérants, la « complexité » de l'affaire jurassienne, sur laquelle le Gouvernement suisse a mis l'accent, ne peut justifier l'adoption de mesures exceptionnelles notamment en matiére de 'sécurité publique . Ils réaffirment que le probléme jurassien est linguistique et ethnique, d0 à l'immigration de ressortissants bernois de langue allemande dans les district s
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du Jura-Sud, et que l'argument confessionnel, utilisé par le Gouvernement bernois pour opposer les Jurassiens entre eux, ne joue aucun r01e . 1 . Quant aux faits de /a cause 23 . II a été soutenu que de façon générale l'attitude adoptée par le Conseil municipal de Moutier à l'approche des manifestations annoncées pour le 2 et le 16 avril 1977, loin d'être contradictoire comme le prétend le Gouvernement, était avant tout dictée par le souci de garantir en priorité la paix publique . Quant au rapport du préfet de district mentionné par le Gouvernement , .24 les requérants soulignent que le préfet est le représentant du Gouvernement de Berne et que donc ses déclarations doivent être appréciées en fonction de cette situation de fait et de droit . Ainsi, en ce quiconcerne les incidents qui se sont produits le .2 avril ,
les requérants soutiennent qu'ils sont totalement extérieurs et étrangers à la manifestation . Quant aux incidents du 16 avril, ils se sont produits en dehors du périmètre de la Place de la Gare à Moutier et en dehors des heures de manifestations prévues . 25 . Les requérants font valoir, en outre, qu'il n'a jamais été évoqué la possibilité d'une intervention des autorités envers les contre-manifestations décidées par les antiséparatistes à l'annonce des deux manifestations du 2 et du 16 avril, et qu'il eût été plus logique qu'avant d'interdire toute manifestation, les autorités agissent de la sorte . Contrairement à ce que le Gouvernement a affirmé, les autorités disposaient - selon les requérants - de forces de police suffisantes pour limiter, contrôler et par conséquent autoriser chacune des manifestations . L'interdiction de manifester était par conséquent une mesure contraire au principe de proportionnalité . Pour étayer leur thése .26 d'aprés laquelle les interdictions du 2 et 16 avri l
rev0taient un caractére politique, car il n'aurait existé aucun motif sérieux permettant de penser que la situation risquait d'engendrer des affrontements violents, les requérants tirent argument de la comparaison avec deux manifestations qui ont eu lieu une avant et l'autre aprés les événements litigieux . La première, organisée le 29 janvier à Tavannes, a pu se dérouler sans incidents . A cette occasion, un détachement de grenadiers avait reçu l'ordre de se placer préventivement entre les deux groupes antagonistes . Or, le Conseil exécutif aurait pu, à l'occasion des manifestations litigieuses,prendre des mesures semblables à celles prises le 29 janvier à l'occasion de la manifestation de Tavannes, dont le caractére politique n'aurait prété à discussion, car la situation dans cette ville n'aurait été guère différente de celle de Moutier . - 102 -
La deuxiéme manifestation rappelée s'est déroulée le 14 mai 1977 dans le calme et en l'absence de toute force de police, ce qui - selon les requérants - serait la preuve que lorsqu'il n'y a pas d'obstacles à la liberté de réunion ; les manifestations autonomistes peuvent se dérouler sans heurts . Il . Quant B/a compatibilité des mesures d'interdiction avec ta Convention 27 . Selon les requérants, loin de constituer de simples « restrictions n à l'exercice de la liberté de réunion pacifique, les mesures litigieuses s'analysent en une interdiction totale dépourvue, comme l'ont montré les deux manifestations dû,29 janvier et du 14 mai 1977, de toute nécessité . a . Quant à la légalité des mesures 28 . Les .mesures prises sont - selon les requérants - dépourvues de toute base quelconque, aussi bien en droit fédéral qu'en droit cantonal bernois . Quant à la clause générale de police, son application est toujours fonction du prihcipe de proportionnalité . Or, remarquent les requérants, il était possible de maintenirl'brdre autrement que par une interdiction générale . En interdisant toutes les réunions politiques, le Conseil exécutif a donc violé le principe de proportionnalité .
b . Quant à la nécessité des mesures 29 . La thèse des requérants est que le Conseil exécutif a abusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que la seule interdiction des contremanifestations ne suffisait pas à assurer l'ordre et la tranquillité publics . Les'manifestations prévues, en effet, revêtaient un caractère pacifique . Dans ces-conditions, il est difficile d'admettre qu'un débordement sur la voie publique, d'ailleurs toléré par la municipalité elle-même, e0t pu provoquer des troubles, non maîtrisables, d'autant plus que le Conseil exécutif disposait d'une iinportante force de police pour faire respecter l'ordre . Or, dans les cas d'espèce, il y a violation de l'article 11 en ce que l'autorité communale qui avait, elle, l'appréciation concréte et immédiate de ses administrés a été « court=circuitée » les 2 et 16 avril par l'autorité cantonale qui a voulu faire une démonstration de sa force et qui, ensuite, s'étant rendu compte qu'elle aggravait la situation, a rendu possible matériellement la manifestation du 14 mai et a donc fait la démonstration qu'il n'y avait aucune nécessité d'interdire les manifestations des 2 et 16 avril . 30 . En ce qui concerne l'argumentation du Gouvernement relative au processus démocratique dans l'affaire jurassienne, les requérants rappellent que la requéte ne vise pas à contester la validité de ces plébiscites . Ils font valoir que le droit de travailler à la modification pacifique de l'ordre juridique, par les voies légales de la révision législative ou constitutionnelle, ne peut être contesté ; il est, au contraire, inhérent à la notion de « société démocratique P .
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Par cette notion, on nevise pas tant le processus d'élaboration de la volonté étatique, ni encore le processus purement législatif . C'est le style de vie collective et le type de communauté humaine qui y sont visés . Le paragraphe 2 de l'article 11 parle en effet de « société démocratique » et non pas de « démocratie » simplement ou d'« Etat démocratique » . Or, selon les requérants, le Gouvernement suisse dégrade la notion de démocratie en la rabaissant au niveau du respect intangible d'une procédure démocratique . 31 . Les requérants font valoir enfin que l'article 5 de la Constitution fédérale qui garantit aux cantons leur territoire n'est pas une « Grundnorm » intangible . Preuve en est l'organisation du vote du 24 septembre 1978 par lequel a été créé le canton du Jura . D'autre part, la campagne des autonomistes en vue de la réunification du Jura est respectueuse de la légalité et n'envisage pas d'autres moyens que la révision constitutionnelle, au niveau du droit fédéral et du droit cantonal .
EN DROI T 1 . Les requérants se plaignent des interdictions qui les ont frappés à deux reprises d'organiser des réunions politiques en lieu clos . Ils en inférent la violation de leurs droits à la liberté d'opinion et de réunion pacifique garantis respectivement par les articles 10 et 11 de la Convention . Ils considèrent en outre que les mesures prises ont revêtu un caractère discriminatoire prohibé par l'article 14 de la Convention . 2 . La Commission reléve d'emblée qu'elle limitera l'examen de la requéte aux aspects concernant les articles 11 et 14 de la Convention . L'allégation relative à l'article 10 peut en effet être considérée comme accessoire par rapporf à celle qui vise le droit de réunion pacifique . Le probléme de la liberté d'expression ne peut en l'occurrence etre détaché de celui de la liberté de réunion telle qu'elle est garantie à l'article 11 et c'est bien de cette liberté qu'il s'agit ici au premier chef . Dans les circonstances de la présente affaire la prise en considération de l'article 10 ne s'avére donc pas nécessaire .
3 . L'article 11 de la Convention est ainsi libellé : « 1 . Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association, y compris le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intéréts . 2 . L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictibns que celles qui, prévues par la loi ; constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et liberté d'autrui . Le présen t - 104 -
article n'interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l'exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l'administration de l'Etat . » La Commission tient à affirmer dés l'abord que le droit de réunion pacifique consacré 9 cet article est un droit fondamental dans une société démocratique et, à l'instar du droit à la liberté d'expression, l'un des fondements de pareille société (voir Aff . Handyside, arrêt 7 décembre 1976, Série A, paragraphe 49) . Comme tel, ce droit couvre, à la fois les réunions privées et les réunions sur la voie publique . En ce qui concerne ces derniéres, le fait de les soumettre à une procédure d'autorisation ne porte pas atteinte en principe à l'essence du droit . Une telle procédure est conforme au prescrit de l'article 11, paragraphe 1, ne fût-ce que pour le motif que les autorités doivent être mises en mesure de s'assurer du caractére pacifique d'une réunion, et ne constitue donc pas, en tant que telle, une ingérence dans l'exercice dudit droit . 4 . Les requérants se plaignent des deux mesures d'interdiction totale de manifester . Ces mesures s'analysent sans conteste en une ingérence des autorités publiques dans l'exercice du droit garanti par l'article 11 . La Commission doit par conséquent vérifier si cette ingérence répond aux critéres énoncés au paragraphe 2 de cet article . 5 . Les requérants avancent, en premier lieu, que l'ingérence n'a pas été conforme au prescrit de l'article 11, paragraphe 2, dans la mesure où les interdictions ne reposeraient pas sur une base légale de droit positif et alors que la disposition précitée exige qu'une restriction à l'exercice d'un droit garanti doit en premier lieu être « prévue par la loi n . Ils se référent à cet égard à l'arrÉ't rendu par le Tribunal fédéral suisse et, en particulier, aux considérants d'aprés lesquels ce tribunal aurait justifié les interdictions essentiellement par l'application de la « clause générale de police n . Le Gouvernement soutient que les mesures litigieuses étaient « prévues par la loi » au sens du paragraphe 2 de l'article 11, conformes à la fois aux règles de nature communale et cantonale . En ce qui concerne le plan cantonal, ces mesures se fondaient sur l'article 39 de la Constitution bernoise . Il fait valoir, enfin, que même en l'absence de bases légales cantonales, lesdites mesures auraient été compatibles avec la Convention, car elles se seraient fondées alors sur le principe constitutionnel suisse non écrit de la « clause générale de police » . 6 . La Commission n'estime pas nécessaire de se prononcer, dans les circonstances de la présente affaire, sur la question de savoir si une mesure prise en vertu d'un principe dégagé par la jurisprudence, fOt-il incontesté, tel « la clause générale de police », peut être considérée comme étant une mesure « prévue par la loi » .
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En effet, ainsi qu'il ressort clairement de l'arrêt du Tribunal fédéral, les mesures incriminées trouvaient leur base légale d'abord dans l'article 39, alinéa 2 de la Constitution bernoise . Ces mesures étaient donc, à n'en pas douter, « prévues par la loi w, au . sens du paragraphe 2 de l'article 11 de la Convention . 7 . Les requérants contestent ensuite le bien-fondé des interdictions au regard de l'article 11 . Ils font valoir en substance que l'interdiction totale de manifester n'était pas nécessaire, que d'autres moyens s'offraient à l'autorité publique pour faire en sorte qu'ils puissent se prévaloir du droit de réunion pacifique et qu'en définitive, les mesures dont il s'agit ont violé le principe de proportionnalité . Le Gouvernement soutient que la tension qui régnait à l'époque dans la ville de Moutier, a amené les autorités cantonales à interdire les manifestations annoncées dans le but d'assurer l'ordre et la tranquillité publics, que le droit dont les requérants pouvaient légitimement se prévaloir devait, en l'occurrence, céder le pas à l'intérêt public, que de surcroît les mesures, limitées dans le temps et dans l'espace, n'avaient pas enfreint le principe de proportionnalité . Bref, que les autorités n'ont pas abusé de la marge d'appréciation que leur ménage la Convention . La Commission constate que les mesures incriminées poursuivaient de s .8 buts légitimes au regard de l'article 11, paragraphe 2 de la Convention : la sOreté publique dans une société démocratique et la défense de l'ordre . La Commission tient pour acquis qu'é l'approche des manifestations annoncées, il y avait dans la ville de Moutier une situation tendue . Un sérieux danger de désordres subsistait, désordres auxquels les mesures décidées par l'autorité cantonale avaient pour tâche de parer . 9 . II incombe à la Commission toutefois de rechercher si la sOreté publique et la défense de l'ordre rendaient nécessaires les mesures incriminées . La Commission rappelle que dans le cadre de son examen de la nécessité de ces mesures, elle n'entend pas se substituer aux autorités internes compétentes . La tâche qui lui est confiée consiste à apprécier, sous l'angle de l'article 11, les décisions que ces derniéres ont prises dans l'exercice de leur pouvoir d'appréciation . Il appartient, en effet, aux autorités nationales de juger au premier chef de la réalité du besoin social impérieux qu'implique le concept de « nécessité » (Aff . Handyside, arrêt cité paragraphe 48) . Dans ce cadre, la Conventio nrésevauxEtco nsemargd'pécitonsla des mesures restreignant l'exercice d'un droit garanti, tel le droit de réunio . Or, cette marge d'appréciation est relativement importante dés lor npacifque à un danger prévi-asque,comnl'péutorisevcnfté
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sible affectant la sOreté et l'ordre publics et doit décider, souvent à très bref délai, des moyens qu'elle doit mettre en oeuvre pour y parer . 10 . Les explications fournies par le Gouvernement défendeur ont convaincu la Commission, ainsi qu'on vient de le relever (supra, point 8), qu'il a existé à la veille des manifestations une tension certaine . Compte tenu du nombre de sympathisants conviés, des affrontements et des désordres sérieux étaient à prévoir, comme le prouve la découverte d'engins explosifs faite par la suite . 11 . Les requérants soutiennent, en outre, que les moyens employés par l'autorité cantonale, à savoir les interdictions totales de manifester, étaient disproportionnés au but poursuivi . Certes, le principe de proportionnalité constitue un des éléments à prendre en considération pour apprécier le caractére « nécessaire » d'une mesure d'ingérence . La Commission reléve, toutefois, qu'en l'espéce, l'interdiction visait, chaque fois qu'elle a été décrétée, des manifestations déterminées et était de surcroît motivée en raison de la situation régnant à cette époque . Mais, surtout, l'interdiction ne concernait que le territoire de la commune de Moutier et sa durée, indiquée par avance, était limitée dans le temps . Preuve en est qu'une manifestation a pu se dérouler, sans que les autorités y fassent obstacle, moins d'un mois après le jour prévu pour la deuxième manifestation . Il importe de souligner, à cet effet, que la manifestation du 14 mai a été précédée la veille d'une conférence de concertation à laquelle avaient été conviées les parties intéressées afin de régler les modalités des manifestations . La Commission considére dés lors que le principe de proportionnalité n'a pas été enfreint dans le cas d'espèce . Au demeurant, elle n'a pas été convaincue que des mesures moins draconiennes que celles qui ont été prises auraient été adaptées à la situation . 12 . Compte tenu de la marge d'appréciation réservée aux autorités en l'occurrence et au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, la Commission estime que les mesures litigieuses étaient compatibles avec les exigences de l'article 11, paragraphe 2 . 13 . Les requérants ont allégué, enfin, que l'interdiction de manifester a revétu à leur endroit un caractére discriminatoire prohibé par l'article 14 de la Convention, combiné avec l'article 11 précité . La Commission constate qu'aucune apparence d'un traitement discriminatoire ne peut être décelée en l'espéce . Il ressort tout au contraiie de l'arrêt du Tribunal fédéral que l'interdictiona frappé indistinctement les manifestations organisées par les requérants et celles des mouvements antiséparatistes .
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Aucun traitement différenciA n'a, dés lors, été réservé aux requérants . 14 . De tout ce qui précéde il appert que la requête est dans son ensemble dénuée de fondement et doit Bire rejetée par application de l'article 27, paragraphe 2 de la Convention .
Par ces motifs, la Commissio n DÉCLARE LA REQUETEIRRECEVABLE .
(TRANSLATION ) THE FACT S The facts of the case may be summarised as follows : 1 . The applicants are two non profit-making associations : the Rassemblement jurassien' and the Unité jurassienne" Both were represented before the Commission by Mr André Manuel, a lawyer practising in Lausanne .
The application concerns the ban on all politicâl meetings within the municipal boundaries of Moutier, ordered on two occasions by the Executive Council (government) of Canton Berne in April 1977 and is directed against the Federal Court judgment of 21 September 1977 rejecting two public law appeals filed by the applicant associations . 2 . The application arises out of the dispute in Canton Berne between a part of the French-speaking population living in the districts of the Jura where there is a German-speaking majority . In the referendum of 23 June 1974, the principle of setting-up a new canton, Jura, was approved . In a second referendum, on 16 March 1975, the three southern Jura districts (La Neuveville, Courtelary and Moutier) voted by a majority to remain in Canton Berne . 3 . In March 1977, at the proposal of the Canton Berne Executive Council's Delegation for Jura Affairs, the Berne Grand Council decided to delete the reference to the People of the Jura from the first two a rt icles of the canton constitution . - The princloal aim of the Rassemblement is "to free the People of the Jura from domination by Beme" It also defends "the general interests of the Jura and in particular the french charaaer of the six romands french-swiss districts" ("districts romands") IArticle I of irs constilutionl . " The nurpose of Unité is to secure "the independence of the whole Jura territory which has iemained under Berne's guardianshiti' IArticle 1 of its constitution l
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In protest against this, both the Rassemblement and Unité organised a demonstration which was to take place at the H6tel de la Gare in Moutier on 2 April 1977 . On 31 March the Moutier municipal authorities reminded the two associations of the ban it had imposed in June 1976 on any demonstration in a public thoroughfare . On 1 April a (pro-Berne) anti-separatist group called a meeting of its members and sympathisers in another Moutier restaurant for 2 April . 4 . In a decision of 1 April 1977, in order to avoid clashes between the various factions, the Executive Council of Canton Berne banned all political meetings within the municipal boundaries of Moutier on 2 and 3 April . The reasons given lor this decision, taken under Article 39 .2 of the Berne Constitution', were as follows : "It is currently prohibited in the municipality of Moutier to demonstrate in an , public thoroughfare . Having regard to the appeals to take part in largf numbers in demonstrations and counterdemonstrations, compliance wi [h this ban cannot be guaranteed" . On 2 April 1972, the municipal council of Moutier, while deploring the failure to inform it of the Executive Council's decision, requested that the measures taken to ban at meetings "be rescinded as soon as possiblé" . A demonstration nevertheless did take place at Moutier on 2 April . 5 . Claiming that they had been unable, owing to the ban, to hold the meeting which had been announced, the applicant associations called another at the same place for 16 April . The pro-Berne movements did likewise . On 12 April the Moutier municipal council agreed that the applicant associations should not hold their meeting as planned, laying down conditions which the associations accepted . In a decision of 13 April, the Executive Council of Canton Berne, referring to the "present tension which has arisen in a climate of provocation", in order to "avoid clashes whose consequences would be unforeseeablé" decided to ban all political meetings within the municipal boundaries of Moutier from 15 to 17 April . Provision was also made for sanctions in the event of infringement of this ban .
ArUcle 39 2 Zur Abwendung von dringender Getahr kann er lder Regierungsrall die vorlëuligen mihtSri5ahen Sicherheitsmssregeln ergreifen oder die nôligen Gebole und Verbote mit Strafandrohung erlassen ; er soll aber dem Grossen Rat sogleich davon Kenntnis geben und 5eine Entscheidung uber die weiteren Vorkehren gewârligen . " In order to ward off minent danger, it Ithe Executive Councill may temporarily call uoon the armed forces, issue orders and orahibilions subject to aenalties . However, it shall immediately give notice ol such measures lo the Grand Councd . which shall take subseauent measures .
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It appears from the judgment of the Federal Court that the planned demonstration nevertheless took place and clashes occurred between the police and demonstrators .
6 . The applicant associations made two public law appeals to the Federal Court, one against the decision of 1 April 1977 by the Executive Council of Canton Berne, and the other against the decision of 13 April . Joinder of the two appeals was ordered on 12 May 1977 . In their appeals, the applicant associations maintained that the decisions complained of violated freedom of assembly, of opinion and of expression, as guaranleed by the Berne Constitution (Articles 77 and 79), by the Federal Constitution and by Articles 10 and 11 of the Convention, as well as the principle of equality of treatment .
These appeals were rejected by the Federal Court in its judgment of 21 September 1977 . The Court pointed out that the freedoms referred to were guaranteed in both canton and federal law . Although emphasising that Article 39 .2 of the Berne Constitution authorised the government to take emergency measures to prevent disorder, the Court held that this provision "does not grant the Executive Council more restricted powers than those which it may employ under the general police clausé" . Even without any specific constitutional or statutory foundation, this clause confers upon the executive authority the right to take essential measures to preserve public order . It thus amounts to a "constitutional principle which properly restricts the freedoms guaranteed by the Constitution" . Considering that there was indisputably a state of tension in the South Jura districts and that, in particular, the district of Moutier was where by far the most disturbances had occurred, the Court held that the Executive Council had quite legitimately availed itself of its general police powers . As for whether the ban on all meetings had violated the principle of proportionality, although pointing out that the municipal authority seemed to have considered thét the risks of disturbances were not such that all demonstrations needed to be banned, the Court found that, in view of the circumstances, the Executive Council had not exceeded its discretionary powers in deciding that a ban on counter-demonstrations alone would not suffice to prevent disorder or breach ot the peace .
As for the alleged violation of equality of treatment, the Court held that there had been no violation, pointing out that the decisions complained of had banned all meetings, whether of autonomists or pro-Berne factions .
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7 . The applicant associations allege violation of Articles 10, 11 and 14 of the Convention, putting forward two series of complaints . Referring to the Federal Court judgment and arguing that the Court had primarily justified the Canton Berne government's decisions on grounds of the application of the "general police clause", they maintain firstly that the absence of any statutory or constitutional foundation, in other words the absence of a"law" in the broadest possible sense, prohibits states from departing from Articles 10 and 11 without any legal basis in substantive law . They further contest the merits of the alleged decisions . They maintain that the decisions taken by the Moutier municipal council were sufficient to maintain the peace and public order and that the ban on all political meetings of any kind within the municipal boundaries violated the principle of proportionality . Similarly, they maintain, that in ordering this ban "under pressure from pro-Berne organisations", the Canton Berne authorities took discriminatory measures, since the measure affected only "the organisations of the Jura French-speaking minority in the southern Jura districts, as a national minority" .
PROCEDUR E 8 . Acting in accordance with Rule 40 .1 of the Rules of procedure, the Rapporteur decided on 12 May 1978 to obtain information from the Swiss Government concerning the course of events in the cas e The Swiss Government replied to this request for information in a letter of 21 June 1978 . The applicants in turn submitted their comments in a memorial dated 25 August 1978 . 9 . On 4 December 1978, the Commission proceeded to consider the admissibility of the application . In pursuance of Rule 42 .2 .b of the Rules of Procedure, it decided to bring this application to the notice of the Swiss Government . The latter was invited to submit its observations on the admissibility of the application in so far as it related to the decisions against the two associations to ban two meetings, and the compatibility of those decision with, in particular, Article 11 of the Convention . These observations, dated 1 March 1979, were passed to the applicants' counsel, who replied on 3 May 1979 . 10 . On 26 July the Commission invited the panies to submit further observations orally at a hearing on the admissibility and the merits of the application . This hearing took place on 10 October 1979 .
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ARGUMENTS OF THE PARTIE S The arguments put forward by the parties, both in writing and orally, may be summarised as follows : A . The Governmen t 11 . According to the Government it is possible to deduce from all the circumstances of the case that the ban imposed by the Executive Council of Canton Berne on all political meetings within the municipal boundaries of Moutier on 2 and 16 April 1977 does not constitute a violation of Article 11 or of any other provision of the Convention . The Government attach very special importance to the precise elucidation of ihe facts, in order to bring out the exact nature of the Jura problem, a complex matter which, in addition to its linguistic element, is also explained by historical, religious, cultural, political and economic factors . 1 . As to the facts of the case 12 . The Government briefly summarise the main stages in the Jura question, especially since 1950 . It stresses that, following the constitutional revision of 1 March 1970 in Canton Berne, four plebiscites were organised in the Jura between June 1974 and September 1975 . Following these plebiscites, only the three northern districts were able to form the new canton of the Jura, which was set up on 24 September 1978 . 13 . As regards the circumstances of the present case, the Government stress two events, which combined to increase tension, in a climate which was already tense, in the six French-speaking districts of the Jura and in particular in the town of Moutier which, following the third plebiscite in September 1975, had decided to remain in Canton Berne . The Government wish to emphasise that, in the Jura question, the municipality of Moutier has always been a trouble-spot, where latent tension was particularly high as the relevant events approached . The first of these events was the approval by the Jura electorate on 20 March 1977 of the new canton's constitution, Article 138 of which provides that "The republic and canton of the Jura may embrace any part of the Jura directly concerned by ballot of 23 June 1974, provided such part shall have duly become separate in accordance with federal law and the law of the canton concerned" . The second event was the decision by the Berne Grand Council o f
28 March 1977 to delete the reference to the "people of the Jura" in the canton constitution . - 112 -
14 . It was following these two events that the first of the two banned demonstrations was called by the applicant associations by means of an appeal to all the six districts of the Jura, the tone of which, according to the Government, reflected the passionate atmosphere which reigned in the Jura at the time . Thus provoked, as they thought, the pro-Berne movements organised a reply and called a counter-demonstration by their sympathisers for the same day as the separatist demonstration, i .e . 2 April 1977 . In view of the "foreseeable magnitudé" of this demonstration, the Moutier municipal council asked the Prefect for uniformed police reinforcements on 30 March and repeated this request on 2 April, with suggestions as to their deployment .
The Government stress the contradictory attitude of the Moutier municipal council, itself very devided, as it emerges from these decisions . Relying on Article 39 .2 of the Berne constitution, the Executive Counci l of Canton Berne, in view of the situation, then took the decision to ban the demonstration A similar decision was taken concerning the demonstration planned for 16 April 1977, bearing in mind that tension continued to mount, as may be seen from the report drawn up by the District Prefect in connection with the events of 16 April 1977, which mentions a number of incidents, including the discovery of explosive devices . The Government agree with the Federal Court that "the Executive Council had serious reason to fear that the already tense situation might grow worse, with a risk of violent clashes between uncontrolled elements taking fear that the security forces might not be able to prevent clashes if the planned meetings and the counterdemonstrations announced were all authorised" . 15 . The Government consider that the comparisons made by the applicants' counsel between the relevant events and the demonstrations in Tavannes on 29 January 1977 and in Moutier on 14 May 1977 are without foundation . With regard to the Tavannes demonstration, whose purpose was cultural, the circumstances in which it occurred were completely different from those prevailing in Moutier . The differences lay in the place of the demonstration, the time when it occurred, the number of participants, the attitude of the authorities, etc . . There was no threat of disorder or breach of the peace and there was no ban on demonstrations in public thoroughfares . 16 . As regards the Moutier demonstration on 14 May 1977 the Government do not contest that it was conducted without incident . It adds that, as it took place less than a month after the last controversial event and in the same town, this difference may at first seem paradoxical . However, it points out, several most important events occurred between 16 April and 14 May .
These included a tripartite meeting on 25 April 1977 and the establishment of a round-table conference to lay down arrangements for the demonstrations - 113 -
The Jura autonomist movements decided to call a further demonstration on 14 May 1977 and said they were prepared to attend any further meeting to agree arrangements for it, provided it could be held in accordance with constitutional freedoms . In a press release issued at the close of the roundtable conference on 13 May, it was stated moreover that the pro-Berne movement still agreed not to hold a counter-demonstration on 14 May . All these facts, according to the Government, clearly show that the situation leading up to 14 May was fundamentally different from that obtaining prior to 2 and 16 April 1977 .
ti• As to the compatibility of the prohibition measures with the Convention The Government's argument is that the prohibition measures decided upon by the Berne Executive Council were provided for by law, legitimate and necessary . a . The measures complained of were in accordance with the law . At municipal level they were founded on the Moutier municipal authority's decision of June 1976 to ban all demonstrations in public thoroughfares and, at canton level, on Article 39 of the Berne Constitution, under which both the bans complained of were ordered . Subsidiarily, the prohibition measures are based on the unwritten Swiss constitutional principle of the "general police clause" . This clause confers upon the executive authority the right to take the measures necessary to restore public order where it has been disturbed or to preserve it from a direct and imminent threat of serious danger . Referring to the judgment of the Court in the Sunday Times case, according to which the word "law" covers not only statute but also unwritten law", the Government considers that on these grounds also the bans were provided for by law (judgment of 26 April 1979, para . 47) . b . The measures were "necessary in a democratic society" . 18 . The Government maintain that the temporary bans ordered in a situation of indisputable tension, within the very limited municipal boundaries of Moutier, were necessary, indeed indispensable measures in a democratic society in the interests of public safety, the prevention of disorder and the protection of the rights and freedoms of others . The canton authority obliged to ban all demonstrations within municipal boundaries of Moutier because compliance with the municipal ban could not be guaranteed, owing to appeals from the antagonists to take part in large numbers in the demonstrations and counter-demonstrations, and in order to prevent the clashes which were bound to occur because the planned demonstration could not be held in a closed place .
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19 . The Government also maintain that it is not possible in assessing the facts of the case to ignore the democratic process arising out of the plebiscites which led to the admission of the new Jura Canton to the Confederation . Accordingly, the Berne Executive Council had not only the right but the duty to enforce compliance with decisions democratically arrived at . This democratic element was factor in the decisions taken by the canton authorities . 20 . The principle of proportionality was not violated in the case in point, since the ban applied only within the municipal boundaries of Moutier . It was accordingly proportionate to the intended purpose and appropriate to the imperative social requirement of preventing serious clashes . The public interest in the freedom of peaceful assembly was bound temporarily to take second place to the equally legitimate public interest in harmonious community life among citizens in a democratic society . In this context, the Swiss Government also referred to the principle of "confederal peace", as expressed in two provisions of the Federal Constitution : Article 2, which confers upon the Confederation the task of maintaining tranquillity and order, and Article 5 which guarantees the cantons their territory as well as the rights and power conferred by the people on the authorities . 21 . Referring to the case law of the European Court of Human Rights (Handyside and Sunday Times judgments), the Government point out that the national authorities enjoy a measure of discretion in determining whether a measure intended to "prevent disorder" and to maintain "public safety" is "necessary" . In the case at issue, the authorities did not abuse this discretionary power . The primary concern of the authorities, both municipal and cantonal, was to prevent clashes . Taking all the factors into account, particularly the limited scope of the measures complained of, both in time and space, the Government hold that the application is inadmissible for being manifestly'illfounded", since the measures complained of complied with the Convention, in particular Article 11 .2 .
B . The applicant s 22 . According to the applicants, the "complexity" of the Jura Question emphasised by the Swiss Government, is no justification for the adoption of the exceptional measures where public safety is concerned . They reassert that the Jura problem is a linguistic and ethnic one, due to the immigration of German-speakers from Berne into the South Jura districts, and that the religious argument used by the Berne Government to divide the population of the Jura is of no relevance .
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L As to the facts of the case It was maintained that in general the attitude adopted by the Moutier 23 Municipal Council on the approach of the demonstrations announced for 2 and 16 April 1977, far from being contradictory as the Government claims, was dictated primarily by a concern to avoid any breach of the peace . 24 . As regards the district prefect's report mentioned by the Government, the applicants emphasise that the Prefect is the representative of the Berne Government and that his declarations must be assessed in the light of his legal and factual position as such . As regards the incidents which occurred on 2 April, the applicants maintain that they had absolutely nothing to do with the demonstration . As for the incidents of 16 April, they occurred outside the limits of the Place de la Gare in Moutier and outside of the times of the planned demonstrations . 25 . The applicants turther argue that no consideration was ever given to the possibility of intervention by the authorities against the counterdemonstrations called by the anti-separatists when the two demonstrations of 2 and 16 April were announced, and that it would have been more logical for the authorities to do so before banning all demonstrations . Contrary to the Government's assertion, the authorities possessed - according to the applicants-sufficient police forces to limit, control and hence authorise each of the demonstrations . The demonstration ban was accordingly contrary to the principle of proportionality . 26 . In support of their claim that the bans of 2 and 16 April were political, since there were nô serious grounds for believing that the situation might rise to violent clashes, the applicants draw a comparison with two demonstrations which took place before and after the event at issue . The first, held in Tavannes on 29 January, went off without incident . On that occasion, a detachment of grenadiers had received orders to take up a position between the opposing groups as a preventive measure . Accordingly, the Executive Council could have taken similar measures on the occasion of the demonstrations at issue to those taken on 29 January in connection with the Tavannes demonstration, the political nature of which would not have given rise to discussion, since the situation there was scarcely different from that in Moutier . The second demonstration referred to took place on 14 May 1977 in complete calm and without any police being present, which-according to the applicants- proved that where no obstacles are placed in the way of freedom of assembly, autonomous demonstrations can take place without incident .
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ll. As to the compatibility of the prohibition measures with the Convention 27 . According to the applicants, far from being mere "restrictions" on the exercise of freedom of peaceful assembly, the measures complained of amount to a completely unnecessary ban, as shown by the two demonstrations of 29 January and 14 May 1977 .
a . As to rhe /egability of the measures 29 . According to the applicants, the measures taken were completely without foundation in either federal law or Berne Canton law . As regards the general police clause, its application always depends on the principle of proportionality . However, they point out, it was possible to maintain order otherwise than by means of a general ban . By banning all political meetings, the Executive Council accordingly violated the principle of proportionality .
b . As to the necessity of the measures 29 . The applicants argue that the Executive Council abused its discretionary powers in deciding that a ban on the counter-demonstrations alone was not sufficient to prevent disorder and breach of the peace . In fact the planned demonstrations were to be peaceful . Consequently, it is difficult to see how any overflow on to the public highway-tolerated moreover by the municipality itself-could have led to disturbances which could not be controlled, especially as the Executive Council had a substantial police force at its disposal to maintain order . Accordingly, in the case at issue, there was violation of Article 11, in that the municipal authority, which had first-hand knowledge of the situation, was "short-circuited" on 2 and 16 April by the canton authority, which wished to make a show of force and subsequently, realising that it had made [he situation worse, made the demonstration of 14 May materially possible and hence demonstrated that there was no need to ban the demonstrations of 2 and 16 Apri l 30 . As regards the Government's argument relating to the democratic process in the Jura Question, the applicants point out that the application does not seem to contest the validity of these plebiscites . They argue that the right to strive for the peaceful modification of the legal system, by the legal means of legislative or constitutional reform, cannot be contested ; on the contrary, it is inherent in the idea of "democratic society" . This notion does not refer so much to the process of arriving at the national will, nor even the purely legislative process . It refers to the style of group life and the type of human community . Article 11 .2 refers to "democrati c - 117 -
society' and not simply to "democracÿ" or "democratic state" . The Swiss Government, according to the applicants, degrades the notion of democracy by lowering it to the level of intangible respect for a democratic procedure . 31 . The applicants maintain, lastly, that Article 5 of the Federal Constitution which guarantees the cantons their territory is not an intangible "Grundnorm" . Proof of this is the organisation of the vote of 24 September 1978 as a result of which the canton of Jura was set up .
Furthermore, the autonomist campaign for reunification of the Jura respects the law and contemplates no other means than constitutional reform, in terms of federal law and canton law W
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1 . The applicants complain of measures imposed on them on two occasions, prohibiting them from organising political meetings in enclosed places . They argue that they have, as a result, suffered violation of their rights to freedom of opinion and freedom of peaceful assembly, as guaranteed by Articles 10 and 11 of the Convention . They further maintain that the measures taken were discriminatory, which is prohibited by Article 14 of the Convention . 2 . The Commission points out at the outset that it will confine its examination of the application to the aspects concerning Articles 11 and 14 of the Convention . The allegation concerning Article 10 may be considered as subsidiary in relation to that concerning the right of peaceful assembly . The problem of freedom of expression cannot in this case be separated from that of freedom of assembly, as guaranteed by Article 11, and it is the latter freedom which is primarily involved in this issue . In the circumstances of the present case, it is accordingly not necessary to consider Article 10 .
3 . Article 11 of the Convention is worded as follows : "1 . Everyone has the right to freedom of peaceful assembly and freedom of association with others, including theright to form and join trade unions for the protection of his interests . 2 . No restrictions shall be placed on the exercise of these rights other than such as are prescribed by law and are necessary in a democratic society in the interests of national security or public safety, for the protection of disorder or crime, for the protection of health or morals or for the protection of rights and freedoms of others . This Article shall not prevent the imposition of lawful restrictions on the exercise of these rights by members of the armed forces, of the police or of the administration of the state ." - 118 -
The Commission wishes to state at the outset that the right of peaceful assembly stated in this article is a fundamental right in a democratic society and, like the right to freedom of expression, is one of the foundations of such a society (Handyside case, judgment of 7 December 1976, series A, para . 49) . As such this right covers both private meetings and meetings in public thoroughfares . Where the latter are concerned, their subjection to an authorisation procedure does not normally encroach upon the essence of the right . Such a procedure is in keeping with the requirements of Article 11 .1, if only in order that the authorities may be in a position to ensure the peaceful nature of a meeting, and accordingly does not as such constitute interference with the exercise of the right . 4 . The applicants complain of two measures imposing a complete ban on demonstrations . These measures indisputably constitute interference by the public authorities with the exercise of the right guaranteed by Article 11 . The Commission must accordingly examine whether such interference complies with the criteria set out in paragraph 2 of the Article . 5 . The applicants maintain, firstly, that the interference was not in keeping with the stipulations of Article 11 .2, because the bans had no legal basis in statutory law and because the above-mentioned provision requires that a restriction on the exercise of guaranteed right must firstly be "prescribed by law" . They refer in this connection to the judgment of the Swiss Federal Court and, in particular to the reasons stated by that court, justifying the bans primarily by reference to the "general police clausé" . The Government maintain that the measures complained of were "prescribed by law" within the meaning of Article 11 .2, and conformed to both municipal and canton rules Where the canton is concerned, these measures were based on Article 39 of the Berne Constitution . The Government argue lastly, that even in the absence of canton law, the measures concerned would have been compatible with the Convention, because they were founded on the unwritten Swiss constitutional principle of the "general police clausé" . 6 . The Commission does not consider it necessary to pronounce in the circumstances of the present case on the question of whether a measure taken by virtue of a principle established by case law, even if uncontested, such as the "general police clausé", may be regarded as a measure "prescribed by law" .
As may be clearly seen from the judgment of the Federal Court, the measures complained of were based, from the legal point of view, firstly on Article 39 .2 of the Berne Constitution . There is therefore no doubt that they were "prescribed by law" within the meaning of Article 11 .2 of the Convention . - 119 -
7 . The applicants fu rt her contest the justification of the bans in relation to Article 11 . They argue in substance that the complete ban on demonstrations was not necessary, that other means were open to the public authorities to enable them to avail themselves of the right of peaceful assembly and that the measures in question violated the principle ofpropo rt ionality . The Government maintain that the tension prevailing at the time in the town of Moutier led the Canton authorities to ban the demonstrations announced for, the purpose of preventing disorder and breach of the peace, that the right which the applicants could legitimately claim had in fact to take second place to the public interests, that fu rthermore the measures, being limited in time and space, did not infringe the principle of proportionality . In short, the authorities did not abuse the margin of appreciation which the Convention allows them . 8 . The Commission notes that the measures complained of were taken in pursuit of legitimate aims in relation to Article 11 .2 of the Convention : public safety in a democratic society and the prevention of disorder . The Commission accepts that, leading up to the announced demonstrations, there was a tense situation in Moutier . A serious danger of disorder existed, which the measures decided upon by the Canton authority were intended to prevent . 9 . It is incumbent upon the Commission however to determine whether public safety and the prevention of disorder made the measures complained of necessary . The Commission points out that in examining whether these measures were necessary, it does not intend to substitute its own judgment for that of the competent internal authorities . Its function is to assess, from the point of view of Article 11, the decisions which those authorities took in the exercise of their discretionary power . Indeed, it is primarily up to the national authorities to judge whether there is really an imperative social requirement, asimplied by the concept of "necessity' (Handyside case, cited judgment, para . 481 . In this connection, the Convention allows the contracting states a margin of appreciation in applying the measures restricting the exercise of a guaranteed right such as the right of peaceful assembly However, this margin is fairly broad once the authority, as in this case, is confronted with a foreseeable danger affecting public safety and order and must decide, often at short notice, what means to employ to prevent it . 10 . The explanations given by the respondent Government have convinced the Commission, as just pointed out Ipara . 8 above), that there was considerable tension on the eve of the demonstrations . In view of the number of sympathisers expected, serious clashes and disorder could be foreseen, as is proved by the subsequent discovery of explosive devices .
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,11 . The applicants further maintain that the means employed by the Canton authority, viz . the complete bans on demonstrations, were disproportionate to their purpose . Admittedly, the principle of proportionality is one of the factors to be taken into account when assessing whether a measure of interference is "necessary" . The Commission notes, however, that in this case the bans in each case concerned specific demonstrations and were in addition based on the situation obtaining at the time . Above all, however, the ban concerned only the territory of the Municipality of Moutier and its duration, indicated in advance, was limited in time . Proof of this is that a demonstration did take place, without any oppositior from the authorities, less than one month after the planned date of the second demonstration .
It is important to point out in this connection that the demonstration of 14 May was proceeded on the previous day by a round-table conference to which the parties concerned had been invited to settle arrangements for the demonstrations . The Commission accordingly considers that the principle of proportionality was not infringed in this case . It is furthermore not convinced that less stringent measures than those taken would have been suited to the situation . 12 . Bearing in mind the margin of appreciation allowed to the authorities in this case and having regard to all the circumstances of the case, the Commission considers that the measures complained of were compâtible with the requirements of Article 11 .2 . 13 . The applicants alleged, lastly, that the ban on demonstrations discriminated against them and so violated Article 14 of the Convention, read in conjunction with Article 11 . The Commission finds no appearance of discriminatory treatment in this case . On the contrary, it appears from the judgment of the Federal Court that the ban applied withoût distinction to the demonstrations organised by the applicants and by the antiseparatists movements . Accordingly, the applicants were not treated differently from anyon e else . 14 . From the foregoing it appears that the application as a whole is without foundation and must be rejected in pursuance of Article 27 .2 of the Convention .
For these reasons, the Commissio n DECLARES THE APPLICATION INADMISSIBLE :
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Synthèse
Formation : Commission (plénière)
Numéro d'arrêt : 8191/78
Date de la décision : 10/10/1979
Type d'affaire : Decision
Type de recours : Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 5-1) ARRESTATION OU DETENTION REGULIERE, (Art. 5-1) LIBERTE PHYSIQUE, (Art. 5-1) VOIES LEGALES, (Art. 5-1-e) ALIENE, (Art. 5-4) INTRODUIRE UN RECOURS, (Art. 5-4) ORDONNER LA LIBERATION, (Art. 6-1) ACCES A UN TRIBUNAL, (Art. 6-1) DROITS ET OBLIGATIONS DE CARACTERE CIVIL


Parties
Demandeurs : RASSEMBLEMENT JURASSIEN ET UNITE JURASSIENNE
Défendeurs : SUISSE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1979-10-10;8191.78 ?

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