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24/06/1982 | CEDH | N°7906/77

CEDH | AFFAIRE VAN DROOGENBROECK c. BELGIQUE


COUR (PLÉNIÈRE)
AFFAIRE VAN DROOGENBROECK c. BELGIQUE
(Requête no 7906/77)
ARRÊT
STRASBOURG
24 juin 1982
En l’affaire Van Droogenbroeck,
La Cour européenne des Droits de l’Homme, statuant en séance plénière par application de l’article 48 de son règlement et composée des juges dont le nom suit:
MM.  Wiarda, président,
M. Zekia,
J. Cremona,
W. Ganshof van der Meersch,
Mme  D. Bindschedler-Robert,
MM.  D. Evrigenis,
G. Lagergren,
L. Liesch,
F. Gölcüklü,
F. Matscher,
J. P

inheiro Farinha,
E. García de Enterría,
L.-E. Pettiti,
B. Walsh,
Sir  Vincent Evans,
MM.  C. Russo,
R. Bernh...

COUR (PLÉNIÈRE)
AFFAIRE VAN DROOGENBROECK c. BELGIQUE
(Requête no 7906/77)
ARRÊT
STRASBOURG
24 juin 1982
En l’affaire Van Droogenbroeck,
La Cour européenne des Droits de l’Homme, statuant en séance plénière par application de l’article 48 de son règlement et composée des juges dont le nom suit:
MM.  Wiarda, président,
M. Zekia,
J. Cremona,
W. Ganshof van der Meersch,
Mme  D. Bindschedler-Robert,
MM.  D. Evrigenis,
G. Lagergren,
L. Liesch,
F. Gölcüklü,
F. Matscher,
J. Pinheiro Farinha,
E. García de Enterría,
L.-E. Pettiti,
B. Walsh,
Sir  Vincent Evans,
MM.  C. Russo,
R. Bernhardt,
J. Gersing,
ainsi que de MM. M.-A. Eissen, greffier, et H. Petzold, greffier adjoint,
Après avoir délibéré en chambre du conseil les 26 et 27 février 1982, puis les 24, 25 et 27 mai,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date:
PROCEDURE
1. L’affaire Van Droogenbroeck a été déférée à la Cour par la Commission européenne des Droits de l’Homme ("la Commission") et le gouvernement du Royaume de Belgique ("le Gouvernement"). A son origine se trouve une requête (no 7906/77) dirigée contre cet État et dont un ressortissant belge, M. Valery Van Droogenbroeck, avait saisi la Commission le 16 avril 1977 en vertu de l’article 25 (art. 25) de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention").
2. Demande de la Commission et requête du Gouvernement ont été déposées au greffe de la Cour dans le délai de trois mois ouvert par les articles 32 par. 1 et 47 (art. 32-1, art. 47), les 18 décembre 1980 et 5 janvier 1981 respectivement. La première renvoie aux articles 44 et 48 (art. 44, art. 48) ainsi qu’à la déclaration du Royaume de Belgique reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour (article 46) (art. 46), la seconde à l’article 48 (art. 48). Elles ont pour objet d’obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent ou non, de la part de l’Etat défendeur, un manquement aux obligations lui incombant aux termes des articles 4 et 5 (art. 4, art. 5); elles invitent en particulier la Cour à préciser la portée du droit, garanti par le paragraphe 4 (art. 5-4) de cette dernière disposition, d’introduire un recours en légalité.
3. La chambre de sept juges à constituer comprenait de plein droit M. W. Ganshof van der Meersch, juge élu de nationalité belge (article 43 de la Convention) (art. 43), et M. G. Wiarda, président de la Cour (article 21 par. 3b) du règlement). Le 31 janvier 1981, celui-ci a désigné par tirage au sort, en présence du greffier, les cinq autres membres, à savoir M. J. Cremona, Mme D. Bindschedler-Robert, M. F. Gölcüklü, M. L.-E. Pettiti et M. B. Walsh (articles 43 in fine de la Convention et 21 par. 4 du règlement) (art. 43). M. D. Evrigenis, premier suppléant, a remplacé ultérieurement M. Pettiti, empêché (articles 22 par. 1 et 24 par. 1 du règlement).
4. Ayant assumé la présidence de la Chambre (article 21 par. 5 du règlement), M. Wiarda a recueilli par l’intermédiaire du greffier l’opinion de l’agent du Gouvernement, de même que celle du délégué de la Commission, au sujet de la procédure à suivre. Le 3 février, il a décidé que l’agent aurait jusqu’au 15 avril 1981 pour déposer un mémoire et que le délégué pourrait y répondre par écrit dans les deux mois du jour où le greffier le lui aurait communiqué.
Le mémoire du Gouvernement est parvenu au greffe le 21 avril. Le 20 juillet, le secrétaire de la Commission a informé le greffier que le délégué présenterait ses propres observations pendant les audiences.
5. Le 23 juillet, le président a fixé au 20 octobre 1981 la date d’ouverture de la procédure orale après avoir consulté agent du Gouvernement et délégué de la Commission par l’intermédiaire du greffier adjoint.
6. Les débats se sont déroulés en public le 20 octobre, au Palais des Droits de l’Homme à Strasbourg. La Cour avait tenu immédiatement auparavant une réunion préparatoire.
Ont comparu:
- pour le Gouvernement
M. J. Niset, conseiller juridique
au ministère de la Justice,            agent,
Me E. Jakhian, avocat,  conseil,
Mme N. Lauwers, conseiller juridique adjoint
à la Direction générale des établissements pénitentiaires,  
conseiller;
- pour la Commission
M. S. Trechsel,  délégué,
Me S. Beuselinck et Me J. Van Damme, avocats,
assistant le délégué (article 29 par. 1, seconde phrase, du  
règlement).
La Cour a entendu en leurs déclarations, ainsi qu’en leurs réponses à ses questions et à celles de deux de ses membres, M. Trechsel, Me Beuselinck et Me Van Damme pour la Commission, Me Jakhian pour le Gouvernement.
7. À l’issue de délibérations qui ont eu lieu les 21 et 22 octobre 1981, puis le 23 novembre, la chambre a résolu, en vertu de l’article 48 du règlement, de se dessaisir avec effet immédiat au profit de la Cour plénière.
Par une lettre du 8 décembre, l’agent du Gouvernement a renoncé à demander de nouvelles audiences. Le délégué de la Commission a adopté la même attitude le 15. Le lendemain, le président de la Cour a autorisé l’agent, qui en avait exprimé le souhait dans ladite lettre, à déposer un mémoire complémentaire pour le 18 janvier 1982 et le délégué à y répondre par écrit dans les trois semaines du jour où le greffier le lui aurait communiqué. Le 28 janvier, il a prorogé le premier de ces délais jusqu’au 10 février. Le mémoire complémentaire du Gouvernement et la réponse du délégué, laquelle s’accompagnait d’observations du requérant, sont parvenus au greffe les 10 et 25 février respectivement.
Après avoir noté l’accord de l’agent du Gouvernement et l’avis, favorable, du délégué de la Commission, la Cour a décidé le 27 février que la procédure se poursuivrait sans réouverture des débats (article 26 du règlement).
8. A des dates diverses s’échelonnant du 14 octobre 1981 au 8 mars 1982, le greffier a reçu de la Commission et du Gouvernement de nombreux documents et renseignements qu’il leur avait demandés sur les instructions du président, de la Chambre ou de la Cour plénière, selon le cas, ou qu’ils lui ont fournis de leur propre initiative.
FAITS
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
9. Le requérant, ressortissant belge né en n’exerce aucune profession régulière.
Le 29 juillet 1970, le tribunal correctionnel de Bruges prononça contre lui une peine de deux ans d’emprisonnement pour vol, et tentative de vol, avec usage de fausses clefs. En vertu de l’article 23 de la loi "de défense sociale" du 1er juillet 1964 (paragraphe 19 ci-dessous), il le condamna en outre à dix années de "mise à la disposition du gouvernement": il constata qu’il s’agissait d’un récidiviste (article 56 du code pénal) à qui le tribunal correctionnel de Bruxelles avait infligé, le 9 avril 1968, deux ans d’emprisonnement pour vol avec circonstances aggravantes et qui manifestait une tendance persistante à la délinquance.
Saisie par l’intéressé ainsi que par le ministère public, la cour d’appel de Gand confirma le jugement le 20 octobre 1970. La mise à la disposition du gouvernement, releva-t-elle, se justifiait par le danger que courraient la société comme M. Van Droogenbroeck lui-même s’il recouvrait sa liberté à l’expiration de sa peine (door het gevaar dat, na afloop van de straf die tegen hem uitgesproken wordt, de invrijheidstelling van de veroordeelde voor de maatschappij en voor hem zelf zou doen lopen). La Cour de cassation rejeta le pourvoi du requérant le 19 janvier 1971.
10. Après avoir subi sa peine principale à Saint Gilles-Bruxelles puis à Malines (18 juin 1972), M. Van Droogenbroeck ne demeura pas détenu. Sans doute ne connaissait-il, selon le "médecin anthropologue" de la prison de Malines, ni autocritique ni sens des responsabilités (noch auto-kritiek, noch verantwoordelijkszin). Le ministre de la Justice accepta néanmoins, sur le conseil du directeur de l’établissement et dans le cadre d’une "politique" tendant à "assurer au maximum le reclassement des détenus libérés", d’essayer de le réintégrer dans la société en le plaçant, à partir du 1er août 1972, sous un régime de semi-liberté qui l’amènerait à travailler comme stagiaire, à Bruxelles, dans une entreprise d’installation de chauffage central et à suivre, les vendredis et samedis, des cours de formation professionnelle accélérée dans un institut spécialisé.
11. Le requérant disparut cependant dès le 8 août 1972. Signalé trois jours plus tard à rechercher, sur l’ordre du procureur général près la cour d’appel de Gand, il fut arrêté le 3 octobre 1972, en vertu d’un décerné par un juge d’instruction pour tentative de vol qualifié, et incarcéré à Forest-Bruxelles. Le tribunal correctionnel de Bruxelles reconnut son innocence le 17 novembre, mais le 27 le ministre de la Justice résolut de l’envoyer à l’établissement pénitentiaire de Merksplas, dans la section pour récidivistes mis à la disposition du gouvernement (te doen overbrengen naar de afdeling voor TBR - geinterneerde recidivisten te Merksplas); le 27 novembre, le Service des cas individuels du ministère avait en effet exprimé l’opinion que l’intéressé avait abusé de la chance offerte à lui, qu’on ne pouvait en aucune manière se fier à lui et qu’une nouvelle période d’internement s’avérait indiquée (dat (hij) werkelijk misbruik heeft gemaakt van de hem geboden kans, dat hij helemaal niet is te betrouwen en dat een nieuwe interneringsperiode gewettigd is).
Sur avis favorable de la Commission pour récidivistes (paragraphe 22 ci-dessous), qui avait entendu M. Van Droogenbroeck le 13 juin 1973, le ministre de la Justice décida, le 22 juin, d’élargir celui-ci le 25 juillet sous conditions, car l’entreprise mentionnée plus haut se montrait prête à le réembaucher comme stagiaire chauffagiste.
12. Au début de septembre 1973, le requérant disparut derechef. Appréhendé le 6 novembre et traduit devant le tribunal correctionnel d’Anvers pour vol qualifié, il fut condamné le 16 janvier 1974 à trois mois d’emprisonnement. Il recouvra sa liberté le 4 février à l’expiration de sa peine, le ministre ayant consenti à tenter une fois encore une expérience de réinsertion sociale, mais à la fin de mars il échappa à la surveillance de l’organisme chargé de contrôler l’évolution de son reclassement. Arrêté le 21 mai 1974, il subit jusqu’au 16 janvier 1975 une peine de huit mois d’emprisonnement dont le tribunal correctionnel de Bruxelles l’avait frappé le août 1974 pour vol qualifié, après quoi il réintégra l’établissement pénitentiaire de Merksplas en exécution d’une décision d’internement (te interneren) prise le 11 janvier par le ministre de la Justice. Il en sortit le 11 juillet 1975: sur recommandation de la Commission pour récidivistes, le ministre avait consenti deux jours plus tôt à le relâcher (te ontslaan) sous conditions, au moyen d’un congé d’un mois renouvelable, en vue d’un reclassement en France.
13. M. Van Droogenbroeck se rendit donc dans ce pays, en compagnie d’un membre du comité de patronage, mais comme le projet se révéla irréalisable il retourna en Belgique. Après différents échecs dans des foyers, il lui fallut habiter seul à Bruxelles, sans travail et démuni de tout. Invoquant le danger de récidive, le Service des cas individuels proprosa, le 10 septembre 1975, de le "faire interner" à Merksplas; le ministre de la Justice donna accord le lendemain. Là-dessus, l’intéressé disparut pour la troisième fois; les autorités le signalèrent à rechercher, en raison de son comportement. Éprouvant de graves difficultés financières, il se présenta le 21 janvier 1976, après une fugue de quelques mois aux Pays-Bas, à la police judiciaire près le parquet du procureur du Roi de Bruxelles. On l’écroua aussitôt à Forest avant de le renvoyer à Merksplas. Comme il ne voulait pas accomplir les travaux qu’on lui offrait, on l’affecta le 2 février à la section cellulaire au lieu de la section pour récidivistes.
Le 3 mars 1976, la Commission pour récidivistes entendit le requérant qui l’en avait priée; elle résolut de réexaminer le cas en septembre. A sa séance du 8 septembre, elle releva qu’il ne s’était constitué aucun pécule pendant sa détention et que nulle perspective d’emploi ne s’ouvrait à lui au dehors. En conséquence, elle refusa de se prononcer en faveur de sa libération tant qu’il n’aurait pas réuni une somme de 12.000 FB par son travail en prison.
Le 23 septembre, on le transféra de Merksplas à l’établissement pénitentiaire de Louvain.
14. Se prévalant de l’article 26 de la loi du 1er juillet 1964 (paragraphe 23 ci-dessous), l’intéressé avait adressé au procureur général près la cour d’appel de Gand, le 12 mai 1976, une demande de mainlevée des effets de la décision qui l’avait mis à la disposition du gouvernement. La cour d’appel la rejeta le 13 décembre: après avoir écarté les arguments tirés par lui des articles 4 par. 1, 4 par. 2, 5 par. 1 et 5 par. 4 (art. 4-1, art. 4-2, art. 5-1, art. 5-4) de la Convention, elle constata qu’après chacun de ses élargissements il avait cédé à ses impulsions et commis de nouvelles infractions; elle en déduisit qu’il demeurait asocial (zodat hij asociaal blijft). Le 15 février 1977, la Cour de cassation jugea irrecevable le pourvoi de M. Van Droogenbroeck; elle estima que ce dernier ne pouvait plus contester devant elle, comme il s’y efforçait en se plaçant sur le terrain de la Convention, la validité de la mesure litigieuse, définitive depuis le 19 janvier 1971.
15. Le 13 mars 1977, le requérant porta plainte auprès du procureur du Roi de Louvain pour détention arbitraire et, subsidiairement, pour abus de pouvoir. Il signalait que depuis le 28 février il avait en compte un montant supérieur à 12.000 FB; en outre, il qualifiait d’"illégale" la Commission pour récidivistes, non mentionnée dans la loi du 1er juillet 1964, et accusait le ministre de transformer sa peine en "travaux forcés". La plainte fut classée sans suite le 19 août 1977.
16. La commission précitée entendit une fois encore l’intéressé le 4 mai 1977. Notant qu’il possédait désormais un pécule de 12.868 FB et se trouvait interné depuis suffisamment longtemps (lang genoeg), elle proposa "sans grand enthousiasme" (zonder veel enthousiasme) de la relâcher (te ontslaan). Aussi se vit-il accorder par le ministre de la Justice, le 1er juin 1977, un congé renouvelable d’un mois, à l’issue d’une période de semi-liberté de deux mois durant laquelle il logerait la nuit à la prison de Saint Gilles-Bruxelles, mais travaillerait le jour au dehors. Il s’esquiva cependant des le lendemain de sa première sortie; on le signala immédiatement à rechercher afin de le réintégrer à la section pour récidivistes de Merksplas.
17. Arrêté le 22 septembre 1977 en flagrant délit de vol à Bruges, M. Van Droogenbroeck fut condamné le 9 décembre à trois mois d’emprisonnement par le tribunal correctionnel de cette ville, puis renvoyé à Merksplas après avoir achevé de purger sa peine le 21 décembre. Le département de la Justice avait constaté, le 19, qu’une nouvelle décision ministérielle n’était pas nécessaire pour réinterner le requérant puisque celui-ci s’était soustrait à sont internement le 8 juin 1977 (aangezien betrokkene zich op 8.6.77 heeft onttrokken aan zijn internering, is geen nieuwe ministeriele beslissing nodig om hem opnieuw te interneren).
La Commission pour récidivistes étudia derechef la situation le 3 mai 1978, mais en ajourna l’examen à septembre. Le 13 septembre elle souligna que l’intéressé, à cause de son refus systématique de travailler, n’avait réuni qu’un pécule de 2.437 FB. Aussi suggéra-t-elle d’attendre, pour lui octroyer un congé renouvelable, qu’il eût constitué une masse de sortie de 12.000 FB. Le 3 octobre, le ministre donna des directives en ce sens; il subordonna en outre la libération à une série de conditions analogues à celles qu’il avait fixées antérieurement: accepter la "guidance" de l’Office de réadaptions sociale de Bruxelles, travailler régulièrement, ne pas changer d’employeur ou d’adresse sans l’accord de l’Office, éviter d’abuser de boissons alcooliques et ne pas fréquenter d’anciens condamnés. Cette décision ne put recevoir exécution car M. Van Droogenbroeck ne remplit aucune des exigences dont elle s’accompagnait. Il comparut u ne fois encore, le 14 mars 1979, devant la Commission pour récidivistes qui confirma son avis du 13 septembre 1978.
18. Le 16 septembre 1979, le requérant saisit le procureur général près la cour d’appel de Gand d’une deuxième demande fondée sur l’article 26 de la loi du 1er juillet 1964 (paragraphe 23 ci-dessous). La cour y fit droit le 18 mars 1980: statuant sur les conclusions contraires du ministère public, et tout en écartant comme en 1976 les arguments tirés de la Convention, elle jugea qu’il existait désormais des raisons de relever l’intéressé des effets de la décision de mise à la disposition du gouvernement prononcée contre lui. Il recouvra sa liberté le jour même, mais l’a reperdue peu après car le tribunal correctionnel de Bruxelles et la cour d’appel de Gand lui ont infligé, les 10 septembre 1980 et 3 juin, un mois puis un an d’emprisonnement pour vol qualifié, sans pour autant lui appliquer la loi de défense sociale.
II. LA LÉGISLATION EN CAUSE
A. La mise à la disposition du gouvernement des récidivistes et délinquants d’habitude
19. La "mise à la disposition du gouvernement" des récidivistes et délinquants d’habitude a remplacé le "renvoi sous la surveillance spéciale de la police", que prévoyait le code pénal du 8 juin 1867. Instituée par les articles 24 à 28 de la loi "de défense sociale" du 9 avril 1930, elle fait l’objet aujourd’hui des articles 22 à 26 (chapitre VII) de la loi du 1er juillet 1964 "de défense sociale à l’égard des anormaux et délinquants d’habitude" ("la loi de 1964").
D’après la jurisprudence belge, elle s’analyse en une peine et non en une mesure de sûreté; il en découle diverses conséquences juridiques (Cour de cassation 4 avril 1978, Pasicrisie 1978, I, pp. 858-862; 17 juin 1975, ibidem 1975, I, pp. 998-999; 11 décembre 1933, ibidem, 1934, I, p. 96). Selon les articles 22 et 23 de la loi de 1964, elle s’ajoute à une peine principale privative de liberté, infligée en même temps qu’elle, et commence à recevoir exécution à l’expiration de celle-ci. Elle vaut pour une durée déterminée par la loi: vingt ans, dix ans ou cinq à dix ans, suivant les hypothèses.
Le juge doit l’ordonner s’il y a récidive de crime sur crime (article 22), mais il s’agit pour lui d’une simple faculté dans les autres cas (article 23), tel celui du requérant: récidive de délit sur crime ou sur délit (articles 56 et 57 du code pénal), récidive de crime sur délit et situation de "quiconque, ayant commis depuis quinze ans au moins trois infractions qui ont entraîné chacune un emprisonnement correctionnel d’au moins six mois, apparaît comme présentant une tendance persistante à la délinquance". Les "procédures relatives aux infractions qui forment la base de la récidive sont" alors "jointes au dossier" et la juridiction compétente a l’obligation de motiver, "de manière concrète et précise", sa décision en la matière (article 24 et Cour de cassation 3 janvier 1962, Pasicrisie 1962, I, pp. 525-526).
20. La condamnation d’un récidiviste à une nouvelle peine d’emprisonnement principal suspend, jusqu’à l’accomplissement de celle-ci, les effets de la mise à la disposition du gouvernement antérieurement prononcée. Il en a été ainsi, en l’espèce, des jugements des 16 janvier 1974, 9 août 1974 et 9 décembre 1977 (paragraphes 12 et 17 ci-dessus). Elle peut s’accompagner elle-même d’une nouvelle peine de mise à la disposition du gouvernement, à exécuter après l’échéance de la première, mais ni les tribunaux correctionnels d’Anvers, Bruxelles et Bruges ni la cour d’appel de Gand n’ont agi de la sorte à l’égard de M. Van Droogenbroeck en 1974, 1977, 1980 et 1981 (paragraphes 12, 17 et 18 ci-dessus).
21. Susceptible d’appel et de pourvoi en cassation, pareille peine constitue, selon la Cour de cassation, un "tout indivisible" avec la peine principale et revêt, comme elle, un caractère privatif de liberté (4 avril 1978, Pasicrisie 1978, I, pp. 858-862; 17 juin 1975, ibidem 1975, I, pp. 998-999; 3 janvier 1962, ibidem 1962, I, pp. 525-526; 22 juillet 1955, ibidem 1955, I, pp. 1270-1271; 19 September 1939, ibidem 1939, I, p. 384; 11 décembre 1933, ibidem 1934, p. 96). Aux termes de l’article 25 de la loi de 1964, "les récidivistes et délinquants d’habitude se trouvant à la disposition du gouvernement sont internés, s’il y a lieu, dans un établissement désigné par arrêté royal" - en l’espèce celui de Merksplas, affecté aux hommes ne souffrant pas de maladie mentale (arrêté royal du 8 février 1952).
Ainsi que le donne à penser le membre de phrase "s’il y a lieu", la loi laisse au gouvernement - en l’occurrence le ministre de la Justice - une large discrétion quant au choix des modalités d’exécution: internement, semi-liberté, liberté sous tutelle ou probation. Le ministre peut élargir l’intéressé sous conditions soit à l’issue de la peine principale, faute de quoi celui-ci se voit interner, soit en cours d’internement; il peut aussi révoquer semblable mesure à une date ultérieure.
Le ministre de la Justice prend les diverses décisions selon une procédure définie, pour partie dans des arrêtés ministériels. La libération conditionnelle intervient en général:
- pendant l’accomplissement de la peine principale, sur le rapport du "médecin anthropologue" et du directeur de l’établissement où séjourne le condamné (paragraphe 10 ci-dessus);
- pendant l’internement, sur l’avis de la Commission pour récidivistes paragraphes 11, 12 et 16 ci-dessus; paragraphe 22 ci-dessous).
Quant à la révocation d’une libération conditionnelle (paragraphes 11, 12, 13 et 17 ci-dessus), le ministre a pour coutume d’en décider sur la base d’un rapport de l’agent chargé de la "guidance", ou d’un avis du procureur général près la cour d’appel dans le ressort de laquelle a été ordonnée la mise à la disposition du gouvernement. Ces rapports et avis concernent la manière dont l’individu en cause respecte les conditions fixées, ses moyens d’existence, ses occupations, son comportement et le risque de récidive de sa part. Si toutefois il se trouve en train d’accomplir une nouvelle peine d’emprisonnement, la révocation se fonde normalement sur des rapports du "médecin anthropologue" et du directeur de l’établissement, rapports indiquant la nature des infractions ainsi réprimées, les antécédents judiciaires du condamné, sa personnalité, ses dispositions morales, sa situation familiale et professionnelle et ses perspectives d’avenir.
22. La Commission pour récidivistes internés mis à la disposition du gouvernement ("la Commission pour récidivistes") a été créée par un arrêté ministériel du 12 mars 1946, modifié et complété les 20 mai 1949 et 11 mars 1968. Elle comprend un magistrat en activité en honoraire, qui la préside, le médecin directeur - ou le médecin directeur honoraire - du Service d’anthropologie pénitentiaire et un fonctionnaire dirigeant du Service social pénitentiaire. Un délégué du ministère de la Justice assiste aux réunions; en outre, les comités de patronage ou les offices de réadaptation sociale peuvent être priés d’envoyer un représentant - qui a voix délibérative (arrêté du 20 mai 1949) - à celles où se débat le sort d’internés placés ou à placer sous leur tutelle.
La Commission siège au moins tous les deux mois sur convocation de son président. Elle a pour tâche de donner au ministre de la Justice un avis - non contraignant - "sur l’opportunité de la libération des récidivistes et délinquants d’habitude internés (...) ainsi que sur les conditions" auxquelles subordonner pareille libération.
Les intéressés peuvent solliciter leur comparution devant elle soit lors de la réunion précédant la fin des six premiers mois de leur internement, si celui-ci a débuté aussitôt après qu’ils avaient achevé de subir leur peine principale, soit lors de la première séance qui suit leur internement dans l’hypothèse de la révocation, par le ministre, d’une décision d’élargissement sous conditions (paragraphe 13 ci-dessus). Les auditions ultérieures ont lieu à la dernière réunion qui se tient avant l’expiration d’un délai, non supérieur à six mois, fixé par la Commission pour récidivistes (paragraphes 11, 12, 13, 16 et 17 ci-dessus).
Bien que les textes restent muets à cet égard, l’interné est entendu sans l’assistance d’un avocat et sans avoir accès au dossier pénitentiaire où figure notamment l’enquête sociale. Par les soins du secrétaire, il reçoit immédiatement communication de l’avis adopté par la Commission à l’issue de son délibéré. S’il s’agit d’un avis favorable, la cause est déférée pour décision au ministre; celui-ci peut également, à tout moment, provoquer la libération sans consulter la Commission au préalable.
Les directeurs des établissements compétents notifient aux intéressés les décisions ministérielles d’élargissement. Elles s’accompagnent de conditions consignées dans un carnet et au nombre desquelles compte toujours l’obligation de se soumettre à la tutelle organisée par les offices de réadaptation sociale ou par le Service social pénitentiaire.
23. En son article 26, la loi de 1964 autorise les individus mis à la disposition du gouvernement en vertu des articles 22 et 23 à demander la mainlevée "des effets de cette décision" en s’adressant au procureur général près la cour d’appel dans le ressort duquel siège la juridiction qui l’a rendue. Si, comme en l’espèce, "la durée de la mise à la disposition du gouvernement ne dépasse pas dix ans", la demande "peut être introduite trois ans après l’expiration de la peine" principale (paragraphe 14 ci-dessus), puis "de trois en trois ans" (paragraphe 18 ci-dessus), délais portés à cinq ans "dans les autres cas". Le procureur général "prend toutes informations qu’il juge nécessaires, en joint le résultat au dossier et soumet celui-ci, avec ses réquisitions, à une chambre correctionnelle de la cour qui statue par arrêt motivé, après avoir entendu l’intéressé assisté d’un avocat".
24. L’application des lois de 1930 et 1964 a subi une nette évolution avec le temps. A l’origine, l’élargissement des condamnés ne se produisait qu’après une période d’internement variant selon les catégories. Aujourd’hui au contraire, quand il s’agit d’une première mesure et d’un individu peu dangereux l’administration a pour principe de le libérer à l’essai une fois subie la peine principale, quitte à l’interner s’il récidive ou s’il enfreint l’une des conditions à observer et se trouve sans travail ni moyens d’existence. En outre, l’internement de longue durée constitue désormais l’exception: en pratique, d’après le Gouvernement, l’assujetti recouvre sa liberté sous conditions - sauf risque grave pour la société - dès que se présente une occasion sérieuse de reclassement.
25. D’après les articles 62 et 63 du règlement général des établissements pénitentiaires (arrêté royal du 21 mai 1965), combiné avec l’article 95, un individu condamné à une peine correctionnelle puis interné au titre de l’article 25 de la loi de 1964, comme M. Van Droogenbroeck, peut se voir astreint au travail pénitentiaire.
B. Existence de voies de recours contre une privation de liberté taxée d’illégale
26. Le Gouvernement soutient que plusieurs voies de recours s’ouvraient au requérant:
(i) provoquer ou engager des poursuites pour séquestration arbitraire;
(ii) porter devant la cour d’appel de Gand tout litige né entre lui et le ministère public quant à l’exécution de l’arrêt du 20 octobre 1970;
(iii) l’inviter à le relever des effets de la mesure le frappant;
(iv) s’adresser au président du tribunal de première instance à titre de juge des référés;
(v) intenter une action s’appuyant directement sur l’article 5 par. 4 (art. 5-4) de la Convention.
Sur le troisième point, la Cour renvoie aux paragraphes 14, 18 et 23 ci-dessus, sur le cinquième au paragraphe 55 ci-dessous.
27. Premier point: en droit belge, quiconque se prétend victime d’une privation illégale de liberté, imputable à un particulier ou à un fonctionnaire public, a le droit de porter plainte, avec ou sans constitution de partie civile, ou de saisir le tribunal correctionnel par citation directe (articles 147 et 434 à 436 du code pénal; articles 63, 182 et 609 du Code d’instruction criminelle; paragraphe 15 ci-dessus).
28. Quant au deuxième point, la cour d’appel de Gand avait jugé, en 1897 et 1914, que les conflits surgissant entre le ministère public et un condamné au sujet de l’exécution d’une décision répressive pouvaient être soumis à la juridiction dont elle émanait, mais il s’agit de décisions isolées que la jurisprudence n’a pas confirmées.
29. Au sujet de la quatrième voie de recours mentionnée plus haut, la Cour se borne pour l’instant à noter qu’aux termes des articles 584 et 1039 du code judiciaire de 1967 il appartient au président du tribunal de première instance de statuer comme juge des référés - c’est-à-dire "au provisoire", s’il y a urgence et sans préjudicier "au principal" à la demande de quiconque se prétend victime, par exemple, d’un acte administratif constituant une voie de fait. Le recours s’exerce "en toute matières, sauf celles que la loi soustrait au pouvoir judiciaire". La jurisprudence mentionnée à cet égard par le Gouvernement se trouve analysée au paragraphe 54 ci-dessous.
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION
30. M. Van Droogenbroeck avait introduit, le 2 janvier 1974, une première requête (no 6989/75) que la Commission a déclarée irrecevable le 5 mars 1976, pour non-épuisement des voies de recours internes. Dans la seconde, du 16 avril 1977 (no 7906/77), il prétendait se trouver en état de servitude en astreint au travail, au mépris des paragraphes 1 et 2 de l’article 4 (art. 4-1, art. 4-2) de la Convention. Il alléguait en outre que sa privation de liberté, décidée selon lui par le ministre de la Justice et non par un liberté, tribunal, enfreignait, le paragraphe 1 de l’article 5 (art. 5-1) et qu’il n’avait pas bénéficié d’un contrôle judiciaire de la légalité de ses internements comme l’eût voulu le paragraphe 4 (art. 5-4) du même article. Il invoquait enfin sa liberté d’expression, garantie par l’article 10 (art. 10): il aurait par deux fois subi des sanctions disciplinaires pour avoir protesté contre les recommandations de la Commission pour récidivistes.
31. Le 5 juillet 1979, la Commission européenne des Droits de l’Homme a rejeté ce dernier grief pour défaut manifeste de fondement (article 27 par. 2) (art. 27-2); elle a retenu la requête pour le surplus.
Dans son rapport du 9 juillet 1980 (article 31 de la Convention) (art. 31), elle formule l’avis qu’il y a eu manquement aux exigences du paragraphe 4 de l’article 5 (art. 5-4) (unanimité), mais non du paragraphe 1 (art. 5-1) (dix voix contre deux) ni de l’article 4 (art. 4) (unanimité).
Le rapport renferme une opinion dissidente.
CONCLUSIONS PRESENTEES A LA COUR PAR LE GOUVERNEMENT
32. Dans son mémoire d’avril 1981 puis son mémoire complémentaire de février 1982, le Gouvernement a conclu
"qu’il plaise à la Cour de décider qu’il n’y a eu, à l’égard du requérant, violation d’aucune disposition de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales".
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE L’ARTICLE 5 par. 1 (art. 5-1)
33. Pour autant qu’il s’applique en l’espèce, l’article 5 par. 1 (art. 5-1) de la Convention se lit ainsi:
"Toute personne a droit à liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales:
a) s’il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent.
Les alinéas b) à f) n’entrent manifestement pas en ligne de compte; le Gouvernement n’invoque du reste aucun d’entre eux.
34. Quant au paragraphe 1 a), la "compétence" du "tribunal" qui a prononcé la mesure litigieuse - la cour d’appel de Gand par son arrêt du 20 octobre 1970 (paragraphe 9 ci-dessus) - ne prête pas à controverse.
Il en va de même de l’existence d’une privation de liberté. Sur ce point, il échet de rappeler que d’après la jurisprudence belge la mise à la disposition de gouvernement des récidivistes et délinquants d’habitude s’analyse en une peine privative de liberté, indépendamment de la forme que son exécution peut revêtir dans un cas et à un moment donnés: internement, semi-liberté, liberté sous tutelle ou probation (paragraphes 19 et 21 ci-dessus - Cour de cassation 4 avril 1978, Pasicrisie 1978, I, p. 861). La Cour ne prendra pourtant en considération que la première de ces formes, la seule dont se plaigne M. Van Droogenbroeck. A la lumière des précisions fournies par le délégué de la Commission lors des audiences du 20 octobre 1981, elle limitera son examen aux internements auxquels a trait la requête no 7906/77 de l’intéressé (paragraphe 30 ci-dessus), à savoir ceux qu’il a subis du 21 janvier 1976 au 1er juin 1977 puis du 21 décembre 1977 au 18 mars 1980 (paragraphes 13-18 ci-dessus).
35. Il incombe à la Cour de rechercher si lesdits internements ont eu lieu "après condamnation" par la cour d’appel de Gand.
Par "condamnation" au sens de l’article 5 par. 1a) (art. 5-1-a), il faut entendre, eu égard au texte français, à la fois une "déclaration de culpabilité", consécutive à "l’établissement légal d’une infraction" (arrêt Guzzardi du 6 novembre 1980, série A no 39, p. 37, par. 100), et l’infliction d’une peine ou autre mesure privatives de liberté. Ces conditions se trouvent remplies en l’occurrence.
Quant au mot "après", il n’implique pas un simple ordre chronologique de succession entre "condamnation" et "détention": la seconde doit en outre résulter de la première, se produire, "à la suite et par suite" - ou "en vertu" - "de celle-ci" (arrêt X contre Royaume-Uni du 5 novembre 1981, série A no 46, p. 17, par. 39; arrêt Engel et autres du 8 juin 1976, série A no 22, p. 27, par. 68).
36. Selon le requérant, les privations de liberté incriminées tiraient leur source non pas de la sentence d’un "tribunal compétent", mais de décisions du ministre de la Justice.
Pour l’État défendeur au contraire, l’internement s’opère "de plein droit" sur la base de la décision judiciaire qui place le récidiviste à la disposition du gouvernement et il en constitue "le principal mode d’exécution"; seul l’élargissement exigerait "une décision ministérielle". La "mission attribuée au ministre (...) par la loi du 1er juillet 1964" se limiterait "à ‘modaliser’ l’exécution d’une peine privative de liberté", par exemple "en suspendant", sous des conditions fixées par lui, "l’internement qui découle de cette peine (...) ou en révoquant une décision de libération sous condition prise par lui". "En ne décidant pas de libérer", le ministre "ne décide[rait]" donc "pas d’interner".
37. Cette thèse est controversée en droit belge. Elle s’appuie dans une large mesure sur un passage des travaux préparatoires de la loi du 9 avril 1930, remplacée par celle du 1er juillet 1964 ("la mise à la disposition du gouvernement est l’internement dans un établissement désigné par un arrêté royal", Pasinomie 1930, p. 88, 2e colonne), mais d’autres vont dans un sens différent (la "mise à la disposition du gouvernement est indépendante de l’internement qu’elle peut entraîner": Chambre des représentants, session 1927-1928, document no 11). Le délégué de la Commission a souligné qu’elle ne cadre pas avec la lettre de l’article 25 de la loi de 1964 (paragraphe 21 ci-dessus: "s’il y a lieu"), ni surtout avec la pratique récente de l’administration du département de la Justice puisque les deux tiers environ des récidivistes et délinquants d’habitude mis à la disposition du gouvernement demeurent en liberté (paragraphe 24 ci-dessus, paragraphe 16 du rapport de la Commission et compte rendu de l’audience de la matinée du 20 octobre 1981).
Même quand le condamné ne recouvre pas sa liberté après avoir subi sa peine d’origine, hypothèse étrangère au cas d’espèce et aujourd’hui exceptionnelle, c’est apparemment en vertu d’instructions ministérielles prescrivant son internement. Du moins cela ressort-il du paragraphe 6 d’une circulaire du 20 décembre 1930, produite par le Gouvernement ("Les condamnés mis à la disposition du gouvernement après l’expiration de leur peine doivent être signalés au ministre de la Justice en vue de leur internement éventuel") et du résumé des faits figurant dans une décision de la Commission (1er octobre 1975, requête no 6697/74, R.V. c/Belgique, jointe ultérieurement à la première requête, no 6989/75, de M. Van Droogenbroeck). La nécessité de pareilles instructions expresses se conçoit d’ailleurs chaque fois qu’il y a transfert de l’intéressé, appelé à quitter une prison pour Merksplas.
En tout cas, les décisions ministérielles qui ont révoqué, les 11 janvier et 11 septembre 1975, les libérations conditionnelles accordées à M. Van Droogenbroeck ont bien ordonné d’"interner" ce dernier (paragraphes 12-13 ci-dessus).
38. Au demeurant, par delà les apparences et le vocabulaire employé il faut s’attacher à cerner la réalité (voir notamment, mutatis mutandis, l’arrêt Deweer du 27 février 1980, série A no 35, p. 23, par. 44).
Or le gouvernement jouit en l’occurrence d’une grande latitude. La jurisprudence et la pratique confirment sans nul doute ce qui paraît se dégager du texte de l’article 25 de la loi de 1964 ("s’il y a lieu") et de l’expression même de "mise à (...) disposition". Dans un arrêt du 4 avril 1978, la Cour de cassation de Belgique a constaté que "l’exécution de [la] peine" dont il s’agit "est dans une large mesure laissée à l’appréciation" du ministre de la Justice (Pasicrisie 1978, I, p. 861). Par rapport au jugement ou arrêt initial, les décisions ministérielles se révèlent beaucoup plus autonomes en la matières que dans un domaine voisin: la mise des vagabonds "à la disposition du gouvernement" (loi du 27 novembre 1891; arrêt De Wilde, Ooms et Versyp du 18 juin 1971, série A no pp. 24-25, par. 37, et pp. 33-34, par. 61). En bref, pour reprendre une formule du délégué de la Commission, "la décision judiciaire n’ordonne pas la détention" des récidivistes et délinquants d’habitude: elle "l’autorise".
39. Partant, il incombe à la Cour de rechercher s’il existe un lien suffisant, aux fins de l’article 5 (art. 5), entre ladite décision et la privation de liberté en cause.
La question appelle une réponse affirmative car le pouvoir d’appréciation consenti au ministre s’exerce à l’intérieur d’un cadre tracé à la fois par la loi et par la "condamnation" qu’a prononcée le "tribunal compétent". A cet égard, la Cour relève que d’après la jurisprudence belge, le jugement ou arrêt qui condamne l’intéressé à l’emprisonnement et, à titre complémentaire ou accessoire, le met à la disposition du gouvernement en vertu de l’article 22 ou de l’article 23 de la loi de 1964, constitue "un tout indivisible" (paragraphe 21 ci-dessus; Cour de cassation 17 juin 1975, Pasicrisie 1975, I, p. 999). Il comprend deux éléments: le premier consiste en une peine privative de liberté, à subir durant le temps indiqué dans la décision judiciaire, le second en la mise à la disposition du gouvernement, dont l’exécution peut revêtir des formes différentes allant de la liberté sous tutelle à l’internement.
Le choix entre ces formes relève de la discrétion du ministre de la Justice. Celui-ci ne jouit cependant pas d’une liberté absolue en la matière: dans les limites fixées par la loi, il doit évaluer le degré de "dangerosité" de l’intéressé ainsi que les perspectives de le réinsérer dans la société à court ou moyen terme.
40. De fait, il importe de ne pas perdre de vue les finalités de la loi de 1964 telles qu’elles se dégagent du titre et de l’économie générale de celle-ci, des travaux préparatoires et de la jurisprudence belge: "protéger la société contre le danger que constituent les récidivistes et les délinquants d’habitude", mais aussi "donner [au gouvernement] la possibilité de tenter [leur] amendement" (Cour de cassation 11 décembre 1933, Pasicrisie 1934, I, p. 99). Pour essayer d’atteindre ce double but, il faut prendre en compte des circonstances diverses et changeantes par nature. Au moment où il statue, le juge ne saurait, par la force des choses, que supputer l’évolution future de l’intéressé. Le ministre de la Justice, lui, peut la suivre de plus près et à intervalles rapprochés, par l’intermédiaire et avec l’aide de ses services, mais par là même le lien entre ses décisions de non-élargissement ou de réinternement et le jugement ou arrêt initial se distend peu à peu avec l’écoulement du temps. Il risquerait de se rompre à la longue si lesdites décisions en arrivaient à se fonder sur des motifs étrangers aux objectifs du législateur et du juge ou sur une appréciation déraisonnable au regard de ces objectifs. En pareil cas, un internement régulier à l’origine se muerait en une privation de liberté arbitraire et, dès lors, incompatible avec l’article 5 (art. 5) (voir notamment l’arrêt X contre Royaume-Uni, précité, série A no 46, p. 19, par. 43).
Il n’en a pas été ainsi en l’espèce. Les autorités belges ont témoigné envers M. Van Droogenbroeck de patience et de confiance: elles lui ont ménagé, malgré son comportement, plusieurs occasions de se reclasser (paragraphes 10, 11, 12 et 16 ci-dessus). La manière dont elles ont usé de leur pouvoir a respecté les exigences de la Convention qui s’accommode d’une indétermination relative de la sentence et n’astreint pas les Etats contractants à confier à des juges un contrôle général de l’application des peines.
41. Le requérant a soutenu de surcroît, devant la Commission (paragraphes 27 in fine et 57 du rapport), que son internement n’avait pas eu lieu "régulièrement" et "selon les voies légales", au sens de l’article 5 par. 1 (art. 5-1): le ministre de la Justice aurait usurpé un pouvoir dont l’article 25 de la loi de 1964 investirait le gouvernement tout entier.
La Cour se borne à constater à ce sujet, avec la Commission, qu’en Belgique - comme dans d’autres États contractants - l’exécution des peines et autres mesures prononcées par les juridictions répressives relèves traditionnellement du ministre de la Justice. Elle n’a aucune raison de douter que celui-ci ait constitué, en vertu des principes généraux de l’attribution et de la répartition des pouvoirs en droit public belge, une autorité qualifiée pour agir dans le cas de M. Van Droogenbroeck.
42. Il n’y a donc pas eu violation de l’article 5 par. 1 (art. 5-1).
II. SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE L’ARTICLE 5 par. 4 (art. 5-4)
43. Le requérant se plaint également de n’avoir pu exercer, lors de ses internements, aucun recours conforme aux exigences du paragraphe 4 de l’article 5 (art. 5-4), aux termes duquel
"Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale."
La Cour doit examiner le grief malgré l’absence d’infraction au paragraphe 1; elle renvoie sur ce point à sa jurisprudence, et notamment à sont arrêt De Wilde, Ooms Versyp du 18 juin 1971 (série A no 12, pp. 39-40, par. 73).
A. Sur la thèse principale du Gouvernement
44. Le Gouvernement plaide d’abord que la procédure suivie en 1970 et 1971 devant le tribunal correctionnel de Bruges, puis la cour d’appel de Gand et la Cour de cassation (paragraphe 9 ci-dessus), suffisait au respect de l’article 5 par. 4 (art. 5-4). Il invoque notamment un extrait de l’arrêt précité du 18 juin 1971 (ibidem, p. 40, par. 76):
"De prime abord, le libellé de l’article 5 par. 4 (art. 5-4) pourrait donner à penser qu’il reconnaît au détenu le droit de faire toujours contrôler par un tribunal la légalité d’une détention antérieure qui l’a privé de sa liberté (...). Si [cette] décision émane d’un organe administratif, l’article 5 par. 4 (art. 5-4) astreint sans nul doute les États à ouvrir au détenu un recours auprès d’un tribunal, mais rien n’indique qu’il en aille de même quand elle est rendue par un tribunal statuant à l’issue d’une procédure judiciaire. Dans cette dernière hypothèse, le contrôle voulu par l’article 5 par. 4 (art. 5-4) se trouve incorporé à la décision; tel est le cas, par exemple, d’une ‘condamnation’ à l’emprisonnement prononcée ‘par un tribunal compétent’ (article 5 par. 1a) (art. 5-1-a) de la Convention)." (voir en outre l’arrêt Engel et autres, précité, série A no 22, p. 32, par. 77)
45. En réalité, la Cour l’a souligné récemment, ce passage "ne parle que de ‘la décision privative de liberté’; il ne vise pas la détention ultérieure dans la mesure où des questions nouvelles de légalité la concernant surgiraient après coup" (arrêt X contre Royaume-Uni, précité, série A no 46, p. 22, par. 51). L’arrêt De Wilde, Ooms et Versyp avait du reste pris en considération, sous l’angle de l’article 5 par. 4 (art. 5-4), non seulement les décisions initiales d’internement pour vagabondage relatives à trois requérants (série A no 12, pp. 40-43, par. 74-80), mais aussi la procédure régissant l’examen des demandes d’élargissement des intéressés pour autant qu’elles soulevaient des questions quant à la légalité de la poursuite de cet internement (ibidem, pp. 43-44, par. 81-84).
La "détention" des vagabonds relève de l’alinéa e) de l’article 5 par. 1 (art. 5-1-e); il en va de même de celle des aliénés. Or "les motifs [la] justifiant à l’origine (...) peuvent cesser d’exister". La Cour en a tiré une conséquence importante:
"(...) on méconnaîtrait le but et l’objet de l’article 5 (...) si l’on interprétait le paragraphe 4 (art. 5-4) (...) comme exemptant en l’occurrence la détention de tout contrôle ultérieur de légalité pour peu qu’un tribunal ait pris la décision initiale. Par nature, la privation de liberté dont il s’agit paraît appeler la possibilité de semblable contrôle, à exercer à des intervalles raisonnables." (arrêts Winterwerp du 24 octobre 1979 et X contre Royaume-Uni, précité, série A no 33, p. 23, par. 55, et no 46, pp. 22-23, par. 52)
46. D’après l’État défendeur, "la mise à la disposition du gouvernement des récidivistes et délinquants d’habitude ne présente (...) aucun des caractères" voulus "pour que s’applique cette jurisprudence". Elle s’analyserait en une privation de liberté prescrite "par une juridiction de l’ordre judiciaire, pour une période déterminée". Sa "validité" dépendrait de "conditions objectives", "limitativement énumérées par les articles 22 et 23 de la loi" de 1964, réunies "au jour du prononcé de la peine" et, "en principe, [non] susceptibles de se modifier au fil du temps"; nul "événement ultérieur" ne saurait la "compromettre". La mesure ainsi autorisée par le législateur, adoptée par le juge et exécutée par le ministre de la Justice, dans l’accomplissement de sa tâche "d’individualisation de cette peine", se fonderait certes sur "la nécessité de protéger la société contre les agissements des récidivistes et délinquants d’habitude", mais ni la loi belge ni la Convention ne subordonneraient le "maintien de l’internement" à la "persistance d’un danger social inhérent à la mise en liberté". L’opinion contraire de la Commission confondrait la "légalité" avec l’opportunité, "deux concepts" pourtant "radicalement différents". Elle déboucherait sur une solution que l’on ne rencontrerait "dans aucun pays": "proclamer que tout condamné de droit commun" doit pouvoir contester, "à un moment donné", l’opportunité de sa détention.
47. La Cour rappelle que l’étendue de l’obligation assumée par les Etats contractants en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 (art. 5-4) "n’est pas forcément identique en toute circonstance, ni pour chaque sorte de privation de liberté" (arrêt X contre Royaume-Uni, précité, série A no 46, p. 22, par. 52). Elle n’oublie pas qu’en l’occurrence l’internement litigieux tombait sous le coup du seul alinéa a) du paragraphe 1 et non, comme dans l’affaire Winterwerp et l’affaire De Wilde, Ooms et Versyp, de l’alinéa e) ni, comme dans l’affaire X contre Royaume-Uni (ibidem, pp. 17-18, par. 39), de ces deux alinéas combinés.
Néanmoins, la nature et le but d’un type donné de "détention" importent plus ici que sa place dans la systématique de la Convention. Or la mise des récidivistes et délinquants d’habitude à la disposition du gouvernement répond à des finalités spécifiques. Dans la doctrine de la Cour de cassation, bien qu’assimilée à une peine elle vise, en même temps qu’à protéger la société, à fournir à l’exécutif l’occasion d’essayer d’amender les intéressés (paragraphe 40 ci-dessus). Sauf dans le cas de la récidive de crime sur crime (article 22 de la loi), la juridiction qui la prononce doit motiver sa décision (article 24); il lui faut en particulier indiquer "de façon concrète en précise" pourquoi elle estime que le prévenu, en état de récidive légale, présente "une tendance persistante à la délinquance", au sens de l’article 23 de la loi (Cour de cassation 3 janvier 1962, Pasicrisie 1962, I, p. 526; paragraphe 9 ci-dessus). En pratique, elle ouvre au ministre de la Justice "un crédit de privation de liberté (...) dont la durée effective" - "de zéro jour à dix"ans’ - frappe par son "indétermination relative" et varie, en principe, selon les besoins du traitement et les impératifs de la défense sociale (paragraphe 64 du rapport de la Commission et décision finale du 5 juillet 1979 sur la recevabilité de la requête). L’internement que peut entraîner la mise à la disposition du gouvernement se produit uniquement "s’il y a lieu" (article 25 de la loi), expression synonyme, d’après la Cour de cassation, de "lorsque la protection de la société l’exige" (4 avril 1978, Pasicrisie 1978, I, p. 861).
Ainsi que la Commission le souligne au paragraphe 66 de son rapport, un tel système diffère fondamentalement de celui - sur lequel la Cour n’a pas à se prononcer en l’occurrence - de la libération conditionnelle d’une personne condamnée par un tribunal à une peine d’emprisonnement jugée par lui appropriée.
Dans le domaine de la loi de 1964, la liberté de choix laissée au ministre de la Justice implique que celui-ci, durant l’application de la mesure, s’interroge sur la nécessité de priver ou continuer à priver l’intéressé de sa liberté ou sur l’absence ou disparition de pareille nécessité. "Tendance persistante à la délinquance" ou "dangerosité sociale": notions contingentes par essence, qui amènent à suivre le condamné dans l’évolution de sa personnalité comme de son comportement, afin d’adapter son statut à un changement, favorable ou défavorable, des circonstances. Les législateur belge l’a reconnu jusqu’à un certain point en ménageant la possibilité d’une mainlevée, par la cour d’appel, des effets du jugement ou arrêt initial (article 26 de la loi, paragraphe 23 ci-dessus), le gouvernement en créant la Commission pour récidivistes et en associant des "médecins anthropologues" aux décisions ministérielles (paragraphes 21 et 22 ci-dessus).
Il faut dès lors se demander si la logique même du système belge n’exige pas un contrôle judiciaire ultérieur, à intervalles raisonnables, de la justification de la privation de liberté. Considérer cette justification comme acquise, une fois pour toutes, au moment de la condamnation équivaudrait en quelque sorte à présumer que la détention n’apportera aucun résultat utile.
48. Sans doute la Cour de cassation de Belgique a-t-elle écarté cette thèse, par un arrêt du 4 avril 1978, au profit de la doctrine du "contrôle incorporé" (Pasicrisie 1978, I, p. 862, et paragraphe 44 ci-dessus). Telle que l’entend l’article 5 par. 4 (art. 5-4), la "légalité" d’une "arrestation ou détention" s’apprécie pourtant sous l’angle non du seul droit interne, mais aussi du texte de la Convention, des principes généraux qu’elle consacre et du but des restrictions qu’autorise l’article 5 par. 1 (art. 5-1) (voir, mutatis mutandis, l’arrêt X contre Royaume-Uni, précité, série A no 46, p. 25, par. 57, à combiner avec l’arrêt Winterwerp précité, série A no 33, p. 17, par. 39, et pp. 19-20, par. 45).
Or "une détention arbitraire ne peut jamais passer pour ‘régulière’" (lawful) au regard du paragraphe 1, indépendamment de sa compatibilité avec le droit interne (voir, parmi d’autres, l’arrêt X contre Royaume-Uni, précité, série A no 46, p. 19, par. 43). Là se situe la limite à ne pas franchir dans l’exercice du large pouvoir discrétionnaire dont le ministre de la Justice jouit pour exécuter, ou mettre en oeuvre, la décision judiciaire initiale. Cette nécessité se trouve encore accrue par la gravité de l ‘enjeu, le risque d’une perte de liberté qui peut atteindre dix ans (article 23 de la loi), voire davantage (article 22). Un tel internement ne cadrerait plus avec la Convention s’il cessait de se fonder sur des motifs plausibles et conformes aux finalités de la loi de défense sociale; sous l’angle de l’article 5 (art. 5), il acquerrait un caractère "illégal" ou "irrégulier". Partant, l’intéressé doit pouvoir saisir un "tribunal" compétent pour statuer sur l’existence ou l’absence de pareil manquement; il doit en avoir la faculté pendant sa "détention" - un certain temps après le début de celle-ci, puis à des intervalles raisonnables (voir, mutatis mutandis, l’arrêt X contre Royaume-Uni, précité, série A no 46, pp. 22-23, par. 52) - ainsi qu’au moment d’un réinternement éventuel s’il se trouvait en liberté.
49. Assurément, l’article 5 par. 4 (art. 5-4) ne garantit pas le droit à un examen judiciaire d’une portée telle qu’il habiliterait le tribunal à substituer sur l’ensemble des aspects de la cause, y compris des considérations de pure opportunité, sa propre appréciation à celle de l’autorité dont émane la décision. Il n’en veut pas moins "un contrôle assez ample pour s’étendre à chacune des conditions indispensables, selon la Convention, à la ‘régularité’ ou ‘légalité’ de la détention d’un individu" en vertu du chapitre VII de la loi de 1964; il le commande d’autant plus que sauf la qualité même de récidiviste ou de délinquant d’habitude, les circonstances justifiant cette détention à l’origine peuvent changer au point de disparaître (voir, mutatis mutandis, l’arrêt X contre Royaume-Uni, précité, série A no 46, p. 25, par. 57-58).
En l’occurrence, la Convention exigeait une procédure appropriée permettant à une juridiction de déterminer "à bref délai", à la demande de M. van Droogenbroeck, si le ministre de la Justice était en droit de décider que l’internement continuait à répondre au but et à l’objet de la loi de 1964 (ibidem). Au regard de l’article 5 par. 4 (art. 5-4), il ne s’agissait pas là d’une simple question d’opportunité; elle concernait la "légalité" même de la privation de liberté incriminée.
B. Sur la thèse subsidiaire du Gouvernement
50. D’après la thèse subsidiaire du Gouvernement, plusieurs voies de recours conformes aux prescriptions de l’article 5 par. 4 (art. 5-4) s’ouvraient au requérant:
(i) provoquer ou engager des poursuites pour séquestration arbitraire;
(ii) saisir la cour d’appel de Gand de tout litige né entre lui et le ministère public quant à l’exécution de l’arrêt du 20 octobre 1970;
(iii) l’inviter à le relever des effets de la mesure le frappant;
(iv) s’adresser au président du tribunal de première instance à titre de juge des référés;
(v) intenter une action s’appuyant directement sur l’article 5 par. 4 (art. 5-4).
Lors des audiences du 20 octobre 1981 et dans son mémoire complémentaire de février 1982 (paragraphes 44-45), le Gouvernement a renoncé à soutenir que M. Van Droogenbroeck aurait pu, de surcroît, introduire devant le Conseil d’État un pourvoi en annulation contre la décision d’internement.
La Commission pour récidivistes (paragraphe 22 ci-dessus) n’entre pas davantage en ligne de compte sur le terrain de l’article 5 par. 4 (art. 5-4). Elle n’est pas un "tribunal" au sens de la Convention, ne fournit pas aux internés qu’elle entend les garanties d’une procédure judiciaire et, dotée d’attributions purement consultatives, n’a compétence ni pour se prononcer sur la "légalité" de la "détention" des intéressés, ni a fortiori pour "ordonner" de relâcher ceux d’entre eux dont elle estimerait "illégale" la privation de liberté (voir notamment l’arrêt X contre Royaume-Uni, précité, série A no 46, p. 23, par. 53, et p. 26, par. 61, ainsi que l’arrêt Irlande contre Royaume-Uni, du 18 janvier 1978, série A no 25, p. 76, par. 200).
51. La première voie de recours mentionnée par le Gouvernement (paragraphes 26 et 50 ci-dessus) tend à la constatation non seulement d’une illégalité, mais aussi d’une infraction imputable par hypothèse, dans le cas d’un internement de récidiviste ou délinquant d’habitude, à un fonctionnaire, officier public ou directeur d’établissement pénitentiaire (articles 147 du code pénal et 609 du code d’instruction criminelle), donc d’une culpabilité personnelle. En outre, le "tribunal" éventuellement saisi, à supposer que la procédure s’achève "à bref délai", pourra au mieux condamner le délinquant et non "ordonner" lui-même la libération de la victime. Enfin, l’action risquera de reste inopérante si le prévenu se retranche derrière le "commandement de l’autorité légitime" (article 70 du code pénal), à savoir le ministre de la Justice.
52. Quant à la deuxième voie de recours alléguée, la cour d’appel de Gand avait en effet jugé, en 1897 et 1914, que les conflits surgissant entre le ministère public et un détenu au sujet de l’exécution d’une sentence répressive pouvaient être portés devant la juridiction dont elle émanait (paragraphe 28 ci-dessus; paragraphes 35, 39 et 71 in fine du rapport de la Commission; paragraphe 53 du mémoire du Gouvernement). Ainsi que le Gouvernement l’a reconnu en réponse à une question de la Cour, ces décisions anciennes - qui d’ailleurs n’avaient pas trait au système de la défense sociale - sont cependant demeurées isolées et la jurisprudence ultérieure ne les a pas confirmées; on ne saurait en déduire l’existence d’un recours conforme aux exigences de l’article 5 par. 4 (art. 5-4).
53. Troisième voie de recours invoquée, l’instance en mainlevée organisée par l’article 26 de la loi de 1964 (paragraphe 23 ci-dessus) se déroule sans contredit "devant un tribunal" et s’entoure des garanties d’une procédure judiciaire, mais la demande vise la suppression intégrale de la mise à la disposition du gouvernement, même quand l’intéressé se trouve en liberté. Le contrôle s’exerce donc sur l’ensemble de la mesure et non sur le seul internement; il concerne moins le "légalité" de ce dernier que "l’opportunité d’une extinction anticipée de la peine" prononcée par un jugement ou arrêt désormais inattaquables (paragraphe 33 du mémoire complémentaire du Gouvernement et Cour de cassation 15 février 1977, paragraphe 14 ci-dessus). Comme le soulignent Commission (paragraphe 74 in fine du rapport) et requérant (observations écrites de février 1982), la cour d’appel ne saurait "distinguer la privation de liberté des mesures de guidance, d’assistance ou d’encadrement" qui resteraient nécessaires, "même si le comportement actuel de l’intéressé n’était absolument plus de nature à justifier légalement la poursuite de l’internement". En outre, les intervalles de trois, voire cinq ans qui doivent séparer deux saisines de l’autorité judiciaire se révèlent trop espacés pour être "raisonnables" sous l’angle de l’article 5 par. 4 (art. 5-4) (paragraphe 48 ci-dessus). Surabondamment, il échet de noter que l’examen des demandes de M. Van Droogenbroeck a pris sept mois pour la première (12 mai-13 décembre 1976, paragraphe 14 ci-dessus) et six pour la seconde (16 septembre 1979 - 18 mars 1980, paragraphe 18 ci-dessus), ce qui s’accorde mal avec la notion de "bref délai".
54. Pour le Gouvernement, le juge des référés (paragraphe 29 ci-dessus) représente "le dernier rempart, s’il devait en exister un, des libertés individuelles" dans le système juridique belge. On peut le saisir en cas d’urgence et sur la base de la compétence générale dont l’investit l’article 584 du code judiciaire: statuer "au provisoire (...) en toutes matières, sauf celles que la loi soustrait au pouvoir judiciaire".
Il offre manifestement les caractéristiques d’un "tribunal" au sens de l’article 5 par. 4 (art. 5-4). En outre, par la nature même de son rôle il paraît appelé à se prononcer "à bref délai". Sans doute ne rend-il sa décision qu’"au provisoire", mais elle est "immédiatement exécutoire, nonobstant tout recours éventuel" (paragraphe 56 du mémoire du Gouvernement).
Ses attributions se trouvent définies en termes larges. De plus, les travaux préparatoires et l’exposé des motifs du code judiciaire montrent qu’elles s’étendent à toutes les affaires, civiles, administratives et pénales, qui relèvent des tribunaux, hormis celles pour lesquelles la législation pénale ou de procédure pénale ouvre des voies de recours spécifiques. D’après les éléments d’information recueillis par la Cour, l’exception visée à la fin de l’article 584 concerne les domaines du ressort de l’exécutif, mais elle n’empêche pas de censurer des actes illégaux de ce dernier.
La Cour reconnaît aussi le grand intérêt de la jurisprudence mentionnée par le Gouvernement. Elle note en particulier que les 22 février, 20 mai et 14 août 1980, le juge des référés de Bruxelles a "enjoint" à l’État belge, défendeur, de "libérer immédiatement" des personnes dont il estimait la détention "illégale" (Journal des Tribunaux 1980, pp. 578-580). Les ordonnances en question sont cependant postérieures au réinternement (21 décembre 1977) et, sauf la plus ancienne d’entre elles, à l’élargissement de M. Van Droogenbroeck (18 mars 1980). En outre, bien que relatives à des mesures privatives de liberté elles ne portaient pas sur la loi de 1964: la première et la troisième avaient trait à la mise de non-ressortissants à la disposition du gouvernement, au titre de la législation sur la police des étrangers, la deuxième - contre laquelle l’État belge a interjeté appel - à la révocation d’une libération conditionnelle.
Il n’en va pas de même d’une ordonnance plus récent (Note du greffe: Décisions apparemment inédites à la date de l’adoption du présent arrêt): le 16 novembre 1981, le juge des référés de Bruxelles s’est estimé compétent pour examiner une demande qui l’invitait à commander l’élargissement d’une personne détenue, en vertu de l’article 14 de la loi de 1964, à l’annexe psychiatrique d’un centre pénitentiaire; les circonstances de la cause l’ont cependant conduit à dire pour droit qu’il n’y avait pas lieu à référé.
D’un autre côté, le 10 juillet 1981 le président du tribunal de première instance de Nivelles a décliné sa compétence pour prescrire la restitution d’un émetteur de radiodiffusion et de son antenne, saisis le 3 juin 1981 sur plainte de la Régie des télégraphes et téléphones. (Note du greffe: Décision apparemment inédites à la date de l’adoption du présent arrêt.) La cour d’appel de Bruxelles a confirmé cette décision le 18 janvier 1982; renvoyant à de la jurisprudence, tant belge que française, antérieure au code judiciaire, elle a déclaré que "le juge civil, et par conséquent le juge des référés, est incompétent pour connaître des actes d’une instruction criminelle"*.
Eu égard à ce qui précède, le recours au juge des référés ne paraît pas à la Cour répondre, en l’espèce, aux exigences de l’article 5 par. 4 (art. 5-4) de la Convention, et ce pour les raisons suivantes.
D’une part, il s’agit pour l’instant de questions de droit interne belge indécises (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Deweer précité, série A no 35, p. 28 in fine), d’une jurisprudence très récente, en train de se former et qui prête à controverse. Le Gouvernement l’a combattue devant les juridictions nationales; il ne l’a invoquée devant la Commission ni sur le terrain de l’article 26 (art. 26) de la Convention ni sur celui du fond. Or une voie de recours doit exister avec un degré suffisant de certitude, sans quoi lui manquent l’accessibilité et l’effectivité requises par l’article 5 par. 4 (art. 5-4) (voir, mutatis mutandis, l’arrêt De Wilde, Ooms et Versyp, précité, série A no 12, p. 34, par. 62. Au moins à l’époque des faits litigieux, cette condition ne se trouvait pas réalisée quant à la possibilité de s’adresser au juge des référés dans le domaine de la loi de 1964.
En second lieu, comme le juge des référés ne statue qu’"au provisoire" sa décision ne porte pas préjudice au principal (article 1039 du code judiciaire et, mutatis mutandis, l’arrêt Deweer précité, série A no 35, p. 28, a), in fine) et ne revêt pas l’autorité de la chose jugée. De plus, l’évolution de la jurisprudence ne montre pas jusqu’ici avec assez de clarté si le contrôle de "légalité" opéré par le juge des référés présente l’ampleur voulue par l’article 5 par. 4 (art. 5-4) (paragraphe 49 ci-dessus). Il faut donc connaître le juge habilité à vider le contentieux "au principal". La Cour ayant soulevé la question lors des audiences, le Gouvernement a répondu qu’il s’agirait du tribunal de première instance. Il n’a pourtant apporté aucun élément à l’appui de cette indication, ni sur le point de savoir comment assurer actuellement le respect de "bref délai".
55. Quelques-unes des réflexions qui précèdent valent aussi pour la cinquième et dernière ressource signalée par le Gouvernement.
Le 28 février 1979, la cour d’appel de Mons a prononcé un arrêt d’après lequel il incombe au tribunal de première instance, à défaut de texte spécial et en vertu de l’article 568 du code judiciaire, d’examiner un recours qui se fonde d’emblée sur l’article 5 par. 4 (art. 5-4) de la Convention pour contester la validité d’une privation de liberté (Journal des Tribunaux, 1979, pp. 358-361). Il s’agissait de l’internement d’un individu qui, "au moment des faits", se trouvait "dans un état grave de déséquilibre mental le rendant incapable du contrôle de ses actions", matière que régissent les chapitres II à V (articles 7 à 20) de la loi de 1964. La Cour de cassation a censuré cette décision le 14 février 1980, mais par des motifs étrangers à la recevabilité du recours, qu’elle paraît au contraire avoir implicitement reconnue (Revue de droit pénal et de criminologie, 1980, pp. 765-790, avec les conclusions conformes du ministère public).
De leur côté, un arrêt du 22 août 1974 (Cour militaire, Journal des Tribunaux, 1974, pp. 611-612) et un jugement du 10 juin 1976 (conseil de guerre en campagne, chambre du conseil, ibidem, 1976, pp. 646-647) ont admis, sur la base de l’article 5 par. 4 (art. 5-4), que rien n’empêche un militaire placé en détention préventive par la "Commission judiciaire" de réclamer son élargissement devant le conseil de guerre ou la Cour militaire, selon le cas. La compétence de ceux-ci, ont-ils précisé, ne dérive pas de "la législation interne en vigueur", mais d’une "création jurisprudentielle" dont la source réside "dans un traité international et dans le principe de la prééminence de la règle de droit conventionnel international"; partant, elle se limite à ce qu’exige l’article 5 par. 4 (art. 5-4) (vérification de la légalité, non de l’opportunité).
La Cour a déjà eu l’occasion de souligner l’importance et les conséquences de l’incorporation de la Convention à l’ordre juridique interne (arrêt Irlande contre Royaume-Uni, précité, série A no 25, p. 91, par. 239) et de son applicabilité directe (arrêt De Wilde, Ooms et Versyp, précité, série A no 12, p. 46, par. 95; arrêt Van Oosterwijck du 6 novembre 1980, série A no 40, p. 16, par. 33). Toutefois, l’État défendeur "ne connaît pas de décision statuant sur un recours directement fondé sur l’article 5 par. 4 (art. 5-4) de la Convention, et introduit par un récidiviste mis à la disposition du gouvernement" (paragraphe 39 du mémoire complémentaire). De celles qu’il énumère, les plus anciennes (1974/1976) se rapportent à la détention préventive de militaires. L’arrêt rendu par la cour d’appel de Mons le 28 février 1979 avait bien trait à une forme de privation de liberté qui relève des chapitres II à V - et non, comme en l’espèce, du chapitre VII - de la loi de défense sociale. Il s’agit pourtant d’une décision isolée, non expressément confirmée par la Cour suprême sur le point considéré et, au demeurant, postérieure au réinternement de M. Van Droogenbroeck. Là encore la jurisprudence belge paraît en mouvement et l’on ignore jusqu’où elle ira dans l’affirmation d’un pouvoir judiciaire de contrôle.
56. La Cour n’exclut en aucune manière que l’exercice combiné, parallèle ou successif (voir, mutatis mutandis, l’arrêt X contre Royaume-Uni, précité, série A no 46, p. 26, par. 60) d’un recours au juge des référés et d’une action "au principal" sur la base de l’article 5 par. 5 (art. 5-5) puisse, au terme de l’évolution frappante analysée plus haut, conduire à un résultat conforme aux prescriptions de ce texte. Elle doit néanmoins constater que pareil résultat n’a pas été atteint en l’espèce; il ya a donc eu violation de l’article 5 par. 4 (art. 5-4).
III. SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE L’ARTICLE 4 (art. 4)
57. L’intéressé invoque aussi l’article 4 (art. 4), ainsi libellé:
"1. Nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude.
2. Nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire.
3. N’est pas considéré comme ‘travail forcé ou obligatoire’ au sens du présent article:
a) tout travail requis normalement d’une personne soumise à la détention dans les conditions prévues par l’article 5 (art. 5) de la (...) Convention, ou durant sa mise en liberté conditionnelle;
58. En premier lieu, sa mise à la disposition du gouvernement l’aurait placé dans un état de "servitude" contraire au paragraphe 1: elle l’aurait assujetti "au bon vouloir de l’administration".
La situation incriminée n’a pas enfreint l’article 5 par. 1 (art. 5-1) (paragraphe 42 ci-dessus). Partant, elle ne pourrait s’analyser en servitude que si elle avait impliqué une forme "particulièrement grave" de "négation de la liberté" (paragraphes 79-80 du rapport de la Commission), ce qui n’a pas été le cas.
59. M. Van Droogenbroeck se plaint en outre d’avoir été, au mépris du paragraphe 2 de l’article 4 (art. 4-2), "contraint" de travailler pour gagner 12.000 FB. D’après le Gouvernement, on l’y a seulement "invité".
La Cour estime pouvoir laisser ouverte cette question de fait. A partir du moment où l’élargissement dépend de la possession d’un pécule résultant de la rétribution de tâches accomplies dans un établissement pénitentiaire (paragraphes 13, 16 et 17 ci-dessus), on se rapproche en pratique d’une véritable obligation.
Il ne s’ensuit pourtant pas que le grief soit fondé. En effet, la méconnaissance de l’article 5 par. 4 (art. 5-4) (paragraphe 56 ci-dessus) n’entraîne pas celle de l’article 4 (art. 4): par son paragraphe 3 a) (art. 4-3-a), il autorise le travail requis normalement de personnes dont, comme en l’occurrence, la privation de liberté n’enfreint pas le paragraphe 1 de l’article 5 (art. 5-1). De plus, le travail demandé à M. Van Droogenbroeck n’a pas excédé les limites "normales" en la matière car il tendait à l’aider à se reclasser dans la société et avait pour base légale des textes dont on rencontre l’équivalent dans certains autres États membres du Conseil de l’Europe (paragraphe 25 ci-dessus et, mutatis mutandis, arrêt De Wilde, Ooms et Versyp, précité, série A no 12, pp. 44-45, par. 89-90).
60. Les autorités belges n’ont donc pas manqué aux exigences de l’article 4 (art. 4).
IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 50 (art. 50)
61. Lors des audiences, l’un des avocats du requérant a prié la Cour d’accorder à son client, si elle constate une violation de la Convention, une satisfaction équitable au titre de l’article 50 (art. 50). Il a déclaré s’en remettre à elle en ce qui concerne les "dommages matériel et moral"; quant aux "frais et honoraires", il les a énumérés dans une note que le secrétaire de la Commission a communiquée au greffier 14 décembre 1981.
Le Gouvernement, lui, n’a pas pris position.
62. Bien que soulevée en vertu de l’article 47 bis du règlement, la question ne se trouve donc pas en état. En conséquence, la Cour doit la réserver; dans les circonstances de la cause, elle estime qu’il échet de la renvoyer à la chambre conformément à l’article 50 par. 4 du règlement.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, A L’UNANIMITE
1. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 5 par. 1 (art. 5-1) de la Convention;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 par. 4 (art. 5-4);
3. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 4 (art. 4);
4. Dit que la question de l’application de l’article 50 (art. 50) ne se trouve pas en état;
a) en conséquence, la réserve en entier;
b) la renvoie à la chambre en vertu de l’article 50 par. 4 du règlement.
Rendu en français et en anglais, le texte français faisant foi, au Palais des Droits de l’Homme à Strasbourg, le vingt-quatre juin mil neuf cent quatre-vingt-deux.
Gérard WIARDA
Président
Marc-André EISSEN
Greffier
* Note du greffe: Décisions apparemment inédites à la date de l'adoption du présent arrêt.
AFFAIRE GOLDER c. ROYAUME-UNI
ARRÊT AIREY c. IRLANDE
ARRÊT VAN DROOGENBROECK c. BELGIQUE
ARRÊT VAN DROOGENBROECK c. BELGIQUE


Synthèse
Formation : Cour (plénière)
Numéro d'arrêt : 7906/77
Date de la décision : 24/06/1982
Type d'affaire : Arrêt (au principal)
Type de recours : Violation de l'Art. 5-4 ; Non-violation de l'art. 5-1 ; Non-violation de l'art. 4 ; Satisfaction équitable réservée

Analyses

(Art. 4-2) TRAVAIL FORCE, (Art. 5-1) ARRESTATION OU DETENTION REGULIERE, (Art. 5-1) LIBERTE PHYSIQUE, (Art. 5-1) VOIES LEGALES


Parties
Demandeurs : VAN DROOGENBROECK
Défendeurs : BELGIQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1982-06-24;7906.77 ?

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