La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/06/1985 | CEDH | N°9621/81

CEDH | AFFAIRE VALLON c. ITALIE


En l'affaire Vallon*, --------------- * Note du greffier: L'affaire porte le n° 10/1984/82/129. Les deux premiers chiffres désignent son rang dans l'année d'introduction, les deux derniers sa place sur la liste des saisines de la Cour depuis l'origine et sur celle des requêtes initiales (à la Commission) correspondantes. ---------------
La Cour européenne des Droits de l'Homme, constituée, conformément à l'article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention") et aux clauses pertinentes de son règlement, en une

chambre composée des juges dont le nom suit: MM. G. ...

En l'affaire Vallon*, --------------- * Note du greffier: L'affaire porte le n° 10/1984/82/129. Les deux premiers chiffres désignent son rang dans l'année d'introduction, les deux derniers sa place sur la liste des saisines de la Cour depuis l'origine et sur celle des requêtes initiales (à la Commission) correspondantes. ---------------
La Cour européenne des Droits de l'Homme, constituée, conformément à l'article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention") et aux clauses pertinentes de son règlement, en une chambre composée des juges dont le nom suit: MM. G. Wiarda, président, D. Evrigenis, G. Lagergren, L.-E. Pettiti, B. Walsh, Sir Vincent Evans, M. C. Russo,
ainsi que de MM. M.-A. Eissen, greffier, et H. Petzold, greffier adjoint,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 28 mai 1985,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date:
PROCEDURE
1. L'affaire a été portée devant la Cour par la Commission européenne des Droits de l'Homme ("la Commission") le 12 octobre 1984, dans le délai de trois mois ouvert par les articles 32 par. 1 et 47 (art. 32-1, art. 47) de la Convention. A son origine se trouve une requête (n° 9621/81) dirigée contre la République italienne et dont M. M. Daniel Vallon, ressortissant français, avait saisi la Commission le 23 octobre 1981 en vertu de l'article 25 (art. 25).
2. La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48 (art. 44, art. 48) ainsi qu'à la déclaration italienne de reconnaissance de la juridiction obligatoire de la Cour (article 46) (art. 46). Elle a pour but d'obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent ou non un manquement de l'Etat défendeur aux obligations qui lui incombent aux termes des articles 5 par. 3 et 6 par. 1 (art. 5-3, art. 6-1).
3. En réponse à l'invitation prescrite à l'article 33 par. 3 d) du règlement, M. Vallon a exprimé le désir de participer à l'instance pendante devant la Cour et a désigné son conseil (article 30).
4. Par une lettre du 16 novembre 1984, les autorités françaises ont informé le greffier que leur gouvernement ne souhaitait pas intervenir dans la procédure (article 33 par. 3 b) du règlement).
5. La chambre de sept juges à constituer comprenait de plein droit M. C. Russo, juge élu de nationalité italienne (article 43 de la Convention) (art. 43), et M. G. Wiarda, président de la Cour (article 21 par. 3 b) du règlement). Le 22 octobre 1984, celui-ci en a désigné par tirage au sort les cinq autres membres, à savoir MM. Thór Vilhjálmsson, D. Evrigenis, L. Liesch, B. Walsh et R. Macdonald, en présence du greffier (articles 43 in fine de la Convention et 21 par. 4 du règlement) (art. 43). Par la suite, M. G. Lagergren, M. L.-E. Pettiti et Sir Vincent Evans, juges suppléants, ont remplacé respectivement MM. Thór Vilhjálmsson et Macdonald, empêchés, et M. Liesch, décédé le 4 mars 1985 (articles 22 par. 1 et 24 par. 1 du règlement).
6. Ayant assumé la présidence de la Chambre (article 21 par. 5 du règlement), M. Wiarda a consulté par l'intermédiaire du greffier l'agent du gouvernement italien ("le Gouvernement"), le délégué de la Commission et l'avocat du requérant sur la nécessité d'une procédure écrite (article 37 par. 1). Le 24 novembre 1984, il a décidé que lesdits agent et conseil auraient chacun jusqu'au 31 janvier 1985 pour déposer des mémoires auxquels le délégué pourrait répondre par écrit dans les deux mois du jour où le greffier lui aurait communiqué le dernier arrivé d'entre eux.
Le mémoire de M. Vallon - dont le président avait autorisé le conseil, le 24 novembre 1984, à employer la langue italienne (article 27 par. 3) - est parvenu au greffe le 24 janvier 1985, celui du Gouvernement le 1er février.
Par une lettre du 20 février, le secrétaire de la Commission a informé le greffier que le délégué formulerait ses observations à l'audience.
7. Le 6 mars, le président a fixé au 27 mars la date d'ouverture de la procédure orale après avoir consulté agent du Gouvernement, délégué de la Commission et conseil du requérant par l'intermédiaire du greffier (article 38 du règlement).
Le 12 mars, il a autorisé l'agent du Gouvernement à plaider en italien (article 27 par. 2).
8. Les débats se sont déroulés en public le jour dit, au Palais des Droits de l'Homme à Strasbourg. La Cour avait tenu immédiatement auparavant une réunion préparatoire.
Ont comparu: - pour le Gouvernement M. A. Squillante, président de section au Conseil d'Etat, chef du Service du contentieux diplomatique du ministère des Affaires étrangères, agent, M. D. Striani, ancien magistrat, conseil; - pour la Commission M. S. Trechsel délégué; - pour le requérant Me G.B. Gramatica, avocat, conseil.
9. La Cour les a entendus en leurs plaidoiries. Par la bouche de son agent, le Gouvernement a déclaré ne plus contester l'avis de la Commission (paragraphe 20 ci-dessous). Par une lettre du 25 avril 1985, arrivée au greffe le lendemain, il a informé la Cour de la conclusion d'un règlement amiable avec le requérant; en conséquence, il a demandé la radiation de l'affaire du rôle en vertu de l'article 48 par. 2 du règlement. Dès le 17 avril, le greffier avait reçu de Me Gramatica une lettre lui annonçant l'accord en question; le 11 mai, le délégué de la Commission lui a fait savoir que l'application de l'article 48 par. 2 ne soulevait de sa part aucune objection.
FAITS
10. Poursuivi dans son pays pour meurtre et tentative de meurtre, M. Daniel Vallon, ressortissant français né en 1950, fut arrêté à Gênes le 4 décembre 1976 en exécution d'un mandat d'arrêt international que le juge d'instruction de Clermont-Ferrand avait décerné le 21 avril 1976. Les autorités françaises ayant réclamé son extradition, il déclara s'y opposer.
11. Le 5 janvier 1977, le parquet général saisit la chambre d'instruction près la cour d'appel de Gênes, compétente pour exprimer un avis en la matière. Pendant les audiences, le requérant excipa de l'inconstitutionnalité du décret royal n° 5726 du 30 juin 1870, relatif à l'entrée en vigueur du traité d'extradition entre la France et l'Italie. Le 16 janvier 1978, la chambre d'instruction soumit la question à la Cour constitutionnelle.
12. Le 15 juin 1979, celle-ci jugea le décret inconstitutionnel dans la mesure où il autorisait l'extradition même en cas de crime puni de la peine de mort.
13. Le 25 septembre 1979, la chambre d'instruction se prononça contre l'extradition; le 12 octobre, le parquet ordonna l'élargissement de M. Vallon.
Toutefois celui-ci ne recouvra pas sa liberté. En effet, le 23 juin le ministre de la Justice avait demandé l'ouverture, en Italie, de poursuites contre le requérant pour les crimes commis en France (article 10 du code pénal); aussi le procureur de la République de Gênes avait-il lancé, le 26, un nouveau mandat d'arrêt.
14. Les 5 juillet et 1er août 1979, l'intéressé réclama en vain son élargissement pour échéance du délai maximal de détention provisoire; ses recours ultérieurs échouèrent eux aussi.
15. Le juge d'instruction italien donna trois commissions rogatoires à son homologue de Clermont-Ferrand.
Par la première, du 22 août 1979, il sollicitait la communication de certaines pièces et l'audition de plusieurs témoins. Le juge français l'informa, le 18 octobre 1979, que le 20 juillet il avait expédié en Italie un dossier complet qui parvint au juge d'instruction de Gênes le 29.
La deuxième commission rogatoire, du 15 avril 1980, tendait à l'audition de plusieurs personnes. N'ayant pas reçu de réponse, le magistrat italien en demanda une les 27 juin et 20 octobre 1980, puis le 9 janvier 1981. Le 29 janvier, il apprit par le biais d'Interpol que son collègue français la lui avait adressée le 3 juillet 1980 par la voie diplomatique.
Il délivra sa troisième commission rogatoire le 28 mars 1981.
16. Le 2 septembre 1981, le ministère italien des Affaires étrangères lui communiqua trois notes verbales de l'ambassade de France à Rome. Par les deux premières, des 11 et 18 septembre 1980, les autorités françaises déclaraient ne pouvoir déférer à la deuxième commission rogatoire car cela aurait pu porter atteinte à l'ordre public français. Quant à la dernière note, du 26 mai 1981, elle retournait sans suite la troisième commission rogatoire.
17. Entre temps, le 28 mai 1981, le juge d'instruction avait envoyé M. Vallon en jugement pour meurtre et tentative de meurtre, sans connaître la réponse aux commissions rogatoires.
Cité, le 22 janvier 1982, à comparaître devant la cour d'assises de Gênes, le requérant se vit condamner le 16 mars à quatorze années d'emprisonnement (reclusione) pour le premier chef d'accusation et acquitter du second.
Le procureur de la République et lui interjetèrent appel. Le 14 janvier 1983, la cour d'assises d'appel de Gênes confirma la peine infligée pour meurtre et, après avoir substitué l'inculpation de menace à celle de tentative de meurtre, constata l'extinction des poursuites pour cause d'amnistie. L'arrêt devint définitif le 18 janvier.
18. Saisie à nouveau par le parquet général de Gênes après l'abolition de la peine de mort en France (loi n° 81-908 du 10 octobre 1981), la chambre d'instruction se prononça une seconde fois, le 27 janvier 1983, contre l'extradition du requérant. Ce dernier continue à purger sa peine à Rome.
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION
19. Par sa requête du 23 octobre 1981 à la Commission (n° 9621/81), M. Vallon se plaignait des poursuites engagées contre lui en Italie. Ses griefs concernaient la durée tant de sa détention provisoire (article 5 par. 3 de la Convention) (art. 5-3) que de la procédure (article 6 par. 1) (art. 6-1).
20. La Commission a retenu la requête le 13 octobre 1983.
Dans son rapport du 8 mai 1984 (article 31 de la Convention) (art. 31), elle exprime à l'unanimité l'opinion qu'il y a eu violation des articles 5 par. 3 et 6 par. 1 (art. 5-3, art. 6-1)). Le texte intégral de son avis figure en annexe au présent arrêt.
EN DROIT
21. La Cour a reçu communication d'un règlement amiable conclu entre le gouvernement italien et M. Vallon (paragraphe 9 ci-dessus). Après avoir reconnu "qu'il y a eu de sa part violation de la Convention européenne des Droits de l'Homme dans les poursuites pénales menées contre le requérant", le premier a proposé au second, qui a accepté par l'intermédiaire de son conseil, six millions de lires, dont un million pour frais et honoraires d'avocat, "à titre de dédommagement".
22. Se prévalant de cet accord, le Gouvernement prie la Cour de rayer l'affaire du rôle en vertu de l'article 48 par. 2 du règlement, ainsi libellé: "Lorsque la chambre reçoit communication d'un règlement amiable, (...) elle peut, le cas échéant après avoir consulté les Parties, les délégués de la Commission et le requérant, rayer l'affaire du rôle."
23. La Cour prend acte du règlement amiable auquel ont abouti le Gouvernement et le requérant. Quant à l'existence d'un "intérêt général", elle constate l'absence de tout motif d'ordre public pouvant justifier la poursuite de l'instance (article 48 par. 4). Elle rappelle notamment que dans plusieurs affaires antérieures elle a déjà tranché, sur le terrain des articles 5 par. 3 et 6 par. 1 (art. 5-3, art. 6-1) de la Convention, des questions juridiques analogues à celles qui se posent en l'espèce (arrêts Wemhoff du 27 juin 1968, série A n° 7, Neumeister du 27 juin 1968, série A n° 8, Stögmüller du 10 novembre 1969, série A n° 9, Matznetter du 10 novembre 1969, série A n° 10, Ringeisen du 16 juillet 1971, série A n° 13, Eckle du 15 juillet 1982, série A n° 51, Foti et autres du 10 décembre 1982, série A n° 56, Corigliano du 10 décembre 1982, série A n° 57). Par là même, elle a précisé la portée des engagements assumés en ces matières par les Etats contractants.
En conséquence, il échet de rayer l'affaire du rôle.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, A L'UNANIMITE,
Décide de rayer l'affaire du rôle.
Fait en français et en anglais, puis communiqué par écrit le 3 juin 1985 en application de l'article 54 par. 2, second alinéa, du règlement.
Signé: Gérard WIARDA Président
Signé: Marc-André EISSEN Greffier


Synthèse
Formation : Cour (chambre)
Numéro d'arrêt : 9621/81
Date de la décision : 03/06/1985
Type d'affaire : Arrêt (Au principal)
Type de recours : Radiation du rôle (règlement amiable)

Analyses

(Art. 5-3) DUREE DE LA DETENTION PROVISOIRE, (Art. 6) PROCEDURE PENALE


Parties
Demandeurs : VALLON
Défendeurs : ITALIE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1985-06-03;9621.81 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award