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16/07/1986 | CEDH | N°9310/81

CEDH | RAYNER c. ROYAUME-UNI


(7RADUCTION) EN FAI T Le requérant, Michael Anthony Rayner, de nationalité britannique, exploite; avec des membres de sa famille, une entreprise agricole déjà ancienne et comprenani plusieurs secteurs, un domaine agricole et un immeuble à usage d'habitation pour les employés . Il est représenté par la « Fédération of Heathrow Anti-noise Groups» (FHANG) et par M . N .C . Walsh, duCabinet Blaker, Son et Young, solicitors à Lewes . ' Sa requête concerne la nuisance sonore liée à l'aéroport d'Heathro w A.
Situation du requéran t
Le requÃ

©rant habite avec sa famille au numéro 3, Riverside Bungalows, Poyli Park, Colnbrook . Sa...

(7RADUCTION) EN FAI T Le requérant, Michael Anthony Rayner, de nationalité britannique, exploite; avec des membres de sa famille, une entreprise agricole déjà ancienne et comprenani plusieurs secteurs, un domaine agricole et un immeuble à usage d'habitation pour les employés . Il est représenté par la « Fédération of Heathrow Anti-noise Groups» (FHANG) et par M . N .C . Walsh, duCabinet Blaker, Son et Young, solicitors à Lewes . ' Sa requête concerne la nuisance sonore liée à l'aéroport d'Heathro w A.
Situation du requéran t
Le requérant habite avec sa famille au numéro 3, Riverside Bungalows, Poyli Park, Colnbrook . Sa maison, acquise par sa famille en 1952, était alors occupée pat un locâtaire . Le requérant s'y installa en 1961 . Il habitait auparavant dans le villagé d'Horton. La majeure partie des biens possédés ou occupés par l'entreprise familiale du requérant se situent dans un rayon d' 1,500 km de la maison du requérant . Celle-ci est située à 2 km environ à l'ouest et dansl'axede la piste nord d'Heathrow . La maison est régulièrement survolée par les avions le jour et dans une certaine mesurela-nuit et se situe dans un périm8tre de 60 NNI* . . Le village de Horton, où le requérant habitait jusqu'en 1961, est situé (selon la carte que le requérant a soumise) dans un périmètre de 55 NNI . . . , Le requérant a produit un rapport sur le contrôle du bruit des avions, établi par les services scientifiques de Londres (Groupe bruit et vibrations) et selon lequel le niveau moyen du bruit à Poyle Park est de 87 décibels (dB[A]) pour l'atterrissagé et de 86 dB[A] pour le décollage . Le rapport précise en outre que le chiffre du niveaû de bruit exprimé en pourcentage et dépassant 90 dB[A] est de 29 % pour l'attenis; sage et 38 % pour le décollage . * NNI = Noise and Number Index(indice numérique de bruit) qui nent compte du nombre d'avions dépasA sant un cerlain niveau debruit et du bruit moyen des avions à partir d'un certain niveau de bruiL Au Royaume-Uni, les critères offi ciels urilisës en mati8red'aumri saGon de construire des logements dans les zones atteintes par le btuit des avions, exprimés en NNI, sont les suivant s 60 NNI et au-dessus : refus des permis de construir e 40 - 50 NNI :
aucuùe gcande construction nouvelle ne peut être autorisée, à moius qu'ellé ne présente une isolation sonore suffisanteI
35-39NNI : unpetmiédewnevûirevepeufénere(usëpomcausedemo[ifdebmiturri= . .~r . . . . . . . quement .
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Les chiffres du niveau moye.n de bruit fournis par le Gouvernement dëfensont de 104-110 PNdB (decibels ipondérés perçus) pour l'atterrissage et 111,3 PNdB pour le décollage . Ce qui correspond, souligne le requérïnt., à dB[P.] et 77,8-98,3 dB[A] respectivement, selon la conversion habituelle des 3 - dB[AJ . Développement et importance de l'aéroport d'lleathro w L'aéroport est passé du. miniutère de l'Air aux services de l'aviation civile le janvier 1946 . En mai 1952, la BOAC inaugurait le premier service de ligne ienne ne comportant que des a ions à réaction . Trois terminaux ont été consrruits et ouverts en 1955, 1961 et 1968 . iJn quae sera achevé en 1985 . La construction à Stansted d'un cinciuième tertrtinal ou troisième aéroport de Londres est à l'étude . Le trafic passagers de l'aéroport n'a cessé d'augmenter régulièrement. En 956, l aéroport recevait 3 ntillions de passagers . En juillet 1963, i1 en a enregistré lus d'rm nùllion en un seul mois . En 1973, 22,4 millions de passagers empnmtaient s lignes internadonales et 4,4 rnillions les lignes intérieures . Les mouvements 'appareils s'en sont accrus d'autant : pour les six mois de juin à décembre 1946, c chiffre était de2 .046 . En 1960, il était de, 146 .501 . Dan ;; les douze mois prscédant 29 fé.vrier 1980, le chiffre atteignait 303 .110 . Actuellement, plus de 70 companies aériennes utilisent l'aéroport, desservant plus de 200 dtstinations dans le tonde entier. Il ressort des statistiques soumises par le requérant, et que le Gouvernement léfendeur n'a pas contestées, que l'aéroport enregistre selon les jours de . .700 à r 00 décollages ou atterrissages . Le Concorde est en service depuis 1970, mais le ionibre total d'artivées ou de départs de cet appareil est très faible, 1% environ de 'ensemble des mouvements d'avions à Heathrow . Depuils 1978, il existe nne &iison pai- hélicoptère entre Hea.throw er Gatwick, soit une vingtaine devolspar jour . Heathrow esi : au Royautne-Uni le preinier aéroport pour la valeur du qommeixe ivisible et en 1983 les opérations de fret ent été évaluées à 16,6 milliards (3BP . Il entre pour une grande part dans les recettes du Royaume-Uni (4 milliards de livres par an) que viennent dépenser dans le pays les visiteurs d'outre-iner . Plus de 20 % âes passagers utilisent l'aéroport comme point de transit . Selon nne estimation pm1dente, l'aéroport rentre pour 200 millions GBP net dans la balance des paiements du Royaume-Uni et fournit ma emploi direct à quelque 45 .000 personnes . Le nombre 1 de personnes employées localement à l'entretien du complexe est important. ~Heathrow est également une importante source de recettes pour la région puisqne, pour l'exercice 1982/83, il a payé environ 9 millions GBP d'irnp8ts locaux et de loyer . 17
C . Mesures de réduction du brui t Diverses mesures ont été prises pour lutter contre la nuisance sonore liée à 1 l'exploitation d'un aéroport . 1 a . Homologation phonique 1 Les gouvernements successifs du Royaume-Uui ont essayé, par voie de coopération internationale, de rendre les avions moins bruyants . Le grand forum est à cet égard l'Organisation internationale de l'aviation civile (OACI), avec à l'origine son t Comité sur le bruit des aéronefs (CAN) et maintenant sa Commission sur la protec- ( tion de l'environnement contre les nuisances de l'aviation (CAEP) . Une série de norme s ont été décidées qui aboutissentà écarter les appareils non conformes . Au : Royaume-Uni, c'est un décret sur la navigation aérienne (homologation phonique) qui les a mises en o:uvre . En mai 1979, de nouvelles normes ont été définies que le Royaume-Uni a appliquées par le décret de 1984, toujours en vigueur . Le texte prévoit notamment : - des modifications pour répondre aux besoins en avions à réaction sub- i soniques ; - les besoins de la production future de type d'avions supersoniques et de ver ~ sions dérivées . b . Restrictions des vols de nuit pour les avions à réactio n Le Gouvernement du Royaume-Uni a pris depuis 1971 des mesures concrètes pour réduire progressivement le nombre des vols de nuit et diminuer d'autant les perturbations sonores d'Heathrow . ' En 1978, le Gouvernement a décidé la suppression progressive sur 10 ansd e tous les vols d'appareils plus bruyants . L'opération doit s'effectuer par fixàtion de deux quotas, l'un pour les mouvements d'appareils plus bruyants, l'autre pour ceux d'appareils moins bruyants . Il a été décidé que les premiers seraient progressivement amenés à zéro en dix ans par suppression annuelle d'un même nombre d'appareils et par augmentation parallèle du nombre des môuvements d'avions moins bruyants . Pour savoir si un appareil peut figurer dans le quota des moins bruyants, ses caractéristiques sonores sont mesurées en décibels pondérés (PNdB) dans le péri- , mètre de la nonne 95 . Selon le Gouvernement défendeur, la norme 95 est le uiveau de bruit en-deçà duquel, selon les renseignements actuels, une . personne normale- ~ ment constituée dormant dans une pièce insonorisée ne se réveillera probablement pas . Les critères précisés (6 .500 m2 pour le décollage, 4 .000.m? pour l'atterrissage) • correspondent en gros aux caractéristiques de l'avion à réaction modetnelemoins{ bruyant, par exemple l'Airbus A 300 B et le TriStar L1011 . A daterdu 1°°avril 1987 , aucun vol de nuit des types d'appareils les plus bruyants ne sera plus autorisé .
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c . Surveillance du bruit C'est au début des années soiaante qu'a été exercée pour la premi8re fois un e rveillance du brait des aéronefs au décollage . Depuis juillet 1974, la 13ri6sh rports Authority (BAA) exerce cette surveillance au nom du Gouvernement grâce rn équipetnent automatique .. Cet équipement comprend 13 sonomètres (a NMT :» iés à une unité centrale de contr6le . Le système dispose d'un contrôle automatique opre à d8tecter valablement tout bruit dépassant le seuil limite pour la période . La répartition des sonomètres est telle que tout appareil à réaction décollant cle éropoi .Y passe au-dessus ou tout près d'un point de contrôle . Les sonomètres surent, par conséquent, un contrôle valable des niveaux maximum de bruit pour ts les appareils . Le niveau de bruit d'unavion à réaction au décollage ne doit pas dépasser les nites légales de 110 PNdB lejour (de 7h .. à 23h ., heure locale) ou dei102 PNdB nuit (23h .-7h ., heure locale) enr .gistrées par le sonomëtre le plus proche apr'P.s décollage . En cas de dépassement de la limite admissible, le BAA en informe par courrier compagnie et adresse copie de la lettre au ministère des Transports . C'est anx ploitants cle la compagnie de veiller à ce que leurs appateils forÇtionnent confor;ment aux conditions prévues par la loi . Pour cela, ils auront peut-être à veiller écialernent aux reéthodes de décollage ert/ou à adapter le poidr au décollage de ,on à coller à un itinéraire précis de départ . d . Trajectoires de bruit minimal Ces trajectoires sont conçues pour éviter autant qne possible les grandes aggloSrations et survoler par conséquent le plus petit nombre de personnes en fonction s exigenees de sécurité et de gestion de la circulation aérieune . e . Autres mesures d'exploitatio n Ourre les principales mesures précitées, d'autres dispositions. importantes sont vigueurqui visent à réduire les niveaux de bruit, par exemple les méthodes spéciad'approche, les altitudes minima au décollage et à l'approche de la terre, l'utilisan alternée des pistes, la limitation des mouvements de transport nérien, l'agrémeint :alable à]'exploitation, les taxes d'atterrissage calculées en foixtion du bruit . f. Plan d'aide à l'isolation pnoniqu e Le premier plan d'isolation phonique des habitations a été introduit pou r ;athroiv eri avril 1966 . D'autres l'ont été en 1972 et 1975, ce dernier ayant été am r .'r ré en 1977 par élévation des plafonds financiers . Le plan actuel est entré en ;ueur te 1°1 avril 1980 grâce au Règlement No . 15 :3 de 1980 . 19
Différentes considérations ont présidé à la formulation du plan actuel . Pour déterminer la zone à couvrir, le Gouvernement a estimé qu'il fallait tenir compte des~ niveaux de bruit que les gens auraient à supporter dans les années à venir car on' s'attend à ce que la mise en service graduelled'appareils moins bruyants réduise pro -1 gressivement les niveaux de bruit aux alentours d'Heathrow(comme d'ailleurs auxl environs des autres aéroports) . Le plan s'est donc concentré sur les-zones quï devaient encore connaître des niveaux de bruit relativement élevés au milieu des' années 80 . Il s'est concentré aussi sur les zones les plus perturbées par les vols dez nuit . Dans ce cas, le montant des subventions accordées visait à couvrir la totalitë des dépenses raisonnables encourues . Selon le plan actuel, la limite se fonde sur le périmètre de 50 NNI prévu pour, 1985 et le mélange des pistes de bruit de 95 PNdB pour les appareils moins bruyants! . 35 NNI est généralement considéré comme indiquant un taux de faible nuisance et 55 NNI un taux de nuisance élevé . 95 PNdB est le niveau de bruit extérieur en-deça duquel, selon un communiqué de presse du ministère du Commerce daté d ~, 21 février 1978, les calculs actuels indiquent qu'une personne normalement consti= tuée dormant dans une pièce insonorisée ne sera sans doute pas réveilléee La zon écomprisentduxbisophqeaétlrgipouencmt des limites naturelles, des routes le plus souvent . Lorsque le plan a été introduit en 1966, l'isolation du toit était facultative dan . Elle a été exclue du plan de 1980 pour tous les types slademnubvtio d'habitation, car cet équipement était offert en 1978 par le Plan d'isolation de l'habi-, tat relevant du ministère de l'Environnement . On a estimé que l'isolation effecmee pour économiser l'énergie fournissait également une bonne protection phonique . D . Situation en droit a . Recours , Il n'existe aucun recours spécifique offert aux personnes pouvant être affectées par le bruit des avions au voisinage des aéroports . L'article 76 de la loi de 1982 sur l'aviation civile (anciennement article 40 de la loi de 1949) est ainsi libellé : « Nul ne peut engager une action pour trouble de la possession ou pour nuisance du seul fait du vol d'un avion au-dessus de sa propriété à la perpendiculaire dq sol si, compte tenu du vent, du temps et de toute autre circonstance,la hauteur est raisonnable ou conforme aux incidents habituels de ce vol, tant que sé trouvent dûment respectées les dispositions de l'ordonnance sur la navigation aérienne et des textes prévus à l'article 62 ci-dessus et qu'il n'y a pas eu viola ; tion de l'article 81 ci-dessous . » i L'article 76 par .2 de la loi de 1 982 prévoit une responsabilité absolue (c'est-à-diré sans avoir approuvé la négligence ou 1?intention) lorsqu'un préjudice matériel ouuri dommage est causé à une personne ou à une propriété terreste ou aquatique, notam- . ment par un avion en vol ouun objet tombant d'un avion .
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Lis dispositions de l'article76 sont comparables à celles de la Convention de me relatives aux dommages causés aux tiers à la surface par des aéronefs étranrs (.Convention de RomeA) . La loi de 1960 sur la réduction du btvit exempte expressément de ses disposins lebriit causé par des avions . b . Indemnisation pour nuisaice sonore ou acqaisition de propriétés touchées
r le bruft Une imdemnisation poar moins-value de maisons et de terrains touchés par l e uit dun aéroport est prévue par la loi de 1973 sur l'indemnisation foncièré . Pour oir droit à réparation, le i3emandeur doit prouver que l'aéroport bénéficie d'une ~munité contre les poursuites judiciaires du fait de nuisances . C'ette immunité proent de l' article 77 par . 2 de la loi de 198 2 sur l'aviation civile e : s'étend à l'exp7oiion d'Heathrow . Ces nouveaax droits à indemi iisation sont liés à (les ouvrages publics, nouveaux modifiés, mis en service apr8s le 16 octobre 1969 . Pour des raisons de principe de pratique, l'iutensificatiomd'tin usage existant, par exemple à partir d'ouvrages jà mi s en service avant la date firzée par la loi de 1973, n'ouvre pas droit à indénmi-
La BAA, entreprise publique, n'est pas habilitée à acquérir une propriété e d'nn aéroport sauf à prouver que cette aequisition est nécessaire au bon nnlissement de ses fonctions .
Le requérant se plaint de la lTéquence des brûitsexcessifs causés par les atterrissage ou décollages d'avions, des niveaux sonores excessifs et de l'absence de répit converable . Il se plaint égalemeni de ce que, contrairement à la législatiôn d'autres Etats membres de la Convention, la législlation britannique exclutles recours civils pour cause, de nuisance, quelle qne soit pimportanee du préjudice ou du dommage subi . Il invoque à cet égard les articles 6 par . 1, 8 par . 1 et 19de la Convention, ainsi que 7'article 1 du Protocole additionnel .
EN D13OIIT ausées p ar le tra fi c 1 . I .é requérant se plaint de nuisances sonores et vibratoires c aérien à l'aéropo rt d'Heathrow . II se plaint en outre de ce que l'article 76 de la loi de 1982 sur l'aviation civile (CAA) l'empêche de porter son grief devant un tribunal interne . 21
La Commission a déjà déclaré dans l'affaire Arrondelle (No 7889/77, dée, 15 .7 .80, D .R . 19 p . 186) qu'en vertu de la Convention, le Royaume-Uni répond lorsqu'il y a plainte pour bruits d'avions au voisinage des aéroports britanniques caic'est un organe de l'Etat, la British Airports Authority (BAA), qui a construit et aménagé les aéroports civils . De plus, la circulation aérienne est régie par voie de législa`tion, la loi de 1982 sur l'aviation civile (CAA) . i Le requérant se plaint d'une situation continue pour laquelle il n'existe incon~ testablement aucun recours spécifique en droit britannique . Il peut dès lors dans ces conditions être considéré comme ayant satisfait à la condition de l'article 26 de 1â Convention . Le requérant a invoqué d'abord l'article 8 de la Convention . Selon lui ; les nuisances sonores dont il se plaint constituentune ingérence dans le droit au respect dé sa vie privée et à l'inviolabilité de son domicile . La Commission estime que l'article 8 par. 1 de la Convention, garantissant ce droit, ne saurait s'interpréter comme s'appliquant uniquement aux mesuresAirecte,s prises par les autorités et portant atteinte à la vieprivée et/ou au domicile d'un indi= vidu . L'article peut également couvrir les intrusions indirectes, conséquence inévi= table de mesures qui ne visent pas du toutdes particuliers . Dans ce contexte, il faut relever qu'un Etat ne doit pas seulement respecter mais aussi protéger les droits garantis par l'article 8 par . 1 (voir Cour Eur . D .H ., Arrêt Marckx du 13 juin 1979 ; série A n° 31, par. 31) . Une nuisance sonore considérable peut sans nul douté affecter le bien-être physique d'un individu et dès lors porter atteinte à sa vie privée. Elle peut également priver un individu de la possibilité de jouir des agréments de son domicile . En l'espèce, le périmètre de 60 NNI dans lequel vit le requérant est incontestablement une zone dans laquelle, en raison de la pollution sonore élevée, il n'est pas autorisé de construire de nouvelles habitations . Le niveau moyen de bruit des aéronefs survolant le domicile du requérant atteint, le Gouvernement défendeur l'a reconnu, des pointes de quelque 110 PNdB . On peut déduire du communiqué dé presse publié le 21 février 1978 par le ministère du Commerce que ce niveau de bruit est susceptible de réveiller une personne, dormant dans une pièce insonorisée . Lâ Commission estime que dans ces circonstances, le niveau de bruit constitue uné atteinte aux droits susmentionnés garantis par l'article 8,pac 1 . Il reste dès lors à examiner si l'ingérence justifiait au regard du paragraphe 2 de cet article . Il n'est pas contesté que l'exploitation de l'aéroport d'Heathrow soit fondée juridiquement . En outre, il ne peut être mis en doute que l'exploitation d'un aéropor[ et l'usage croisant des avions à réaction soient de l'intérêt du bien-être économiqué d'un pays et soient également nécessaires dans une société démocratique . Il est essentiel au développement du commerce intérieur et extérieur de disposer de moyens rapides de transport et c'est également un important .facteur de développement du tourisme . 22
F'iagérence dans le dzoit du requérant au regard de l'article 8 par . 4 est également proportionnée au but légitime lié à l'exploitation de l'aéroport . Certes, lorsqu'un Etat est autorisé 2 restreindre des droits ouilibertés garantis par la Convention, la règle de proportionnalité peut l'obliger à s'assurer que ces restrictions n'obligent pas l'intéressé à supporter nne charcge déraisonnable . 1La Commission relève dàne ce contexte que les autorités clu RoyaumarUni ont pris, ~e rr,quérara le reconnaît lui-même, diverses mesares ponrenrayeret lirniter les nuisances souores liées à l'exploitation de l'aéroport d'Heathrow . En particulier, le requérant n'a pas contesté qu'il avait droit à une subvention pour isolation phoniaue . : 1 1 faut relever en outre que le requérant s'est installé à Poyle Park en 1961 zdors qu'auparavant, il habitait un peu plus loin de l'aéroport et de s.a piste nord, dans le village de. Horton qui n'est à présent que dans le périmètre de 5 :5 NNI . Or, en 1961, les avions à réaction étaient déjà en service et l'aéroport avait d€;jà connu une grande expansion . Le requérant a clonc d(i se reniire compte qu'il ne choisissait pas d'habiter un environnement très paisible . IL n'a pas allégué qu'à l'époque il n'avait aucune raison de ne pas escompter une expansion du trafic de la circulation aérienne accroissant le niveau de bruit sur sa maison, ni qu'il n'avait pas d'autres possïoilités de choisir une résidence autre que Poyle Park . Il a dès Iors pris le risque de, choisir d'habiter dans un environrienient susceptible de se détériorer . Dans cette mesure, l'affaire peut sr, distinguer du cas du reqùérant 13agga (1) quiavait achevé de constriire sa maison en 1950 . " De plus, lz présente affaire se distingue de l'affaire Baggs dans la niesure où ce dernier requérant vivait dans an périmètre de 72,5 NNI, où les niveaul : de Ibruit maximal dépassent de beaucoup ceux indiqués pour l .e domicile clu présent requérant . Il doit être relevé dans ce contexi :e que l'échelle des PNdB est logarithmique, autrement dit rtoute angmentation de 10 unités sur l'échelle sc traduit par un doublement de l'importance du bruit . Le irequérant a reconnu qu'un nombre important de personnes vivent dans le périmètre de 6G NNI alors qu'incontestablement, rares sont les gens exposés au niveau de bruit que doit supporter le requérant Baggs et qui rend la propriété cle ce dernier invendable en pratique . La Convention ne gamntissarl pas en principe le droit à un environnement paisible, la pollution sonore dont peut répondreun Gouvernemeut, commeen l'espèce, ne saurait être considérée conlme constituant une charge d€raisonnable pour les in(lividus concernés s'ils ont la possibilité de déménager sans difficutrés ou préjndices majeurs . Le présent requérant a lui-méme, précisé, dans une lettre (lu 5 févriez 1985 soumise en même temps que les observe¢ions su r (1) voir DR 44, p . 13 :
. ".
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la recevabilité et sur te bien-fondé, présentées le 18 février 1985 par son avocat, que la demande locale de maisons est suffisante pour garantir une vente rapide desor . Si la vente de sa propriété peut, comme il le prétend, rencontrer certainesilogemnt difficultés, rien ne prouve le caractère insurmontable de ces difficultés, partiellement dues au fait que la propriété sert à l'exploitation agricole . Selon la Commission, les circonstances de l'espèce ne montrent pas que l e requérant soit soumis à une nuisance sonore d'un degré et d'une fréquence tels qu'il faudraient les considérer comme intolérables et exceptionnels, comparés à la situation d'un grand nombre depersonnes vivant à proximité d'un aéroport . La situatioii du requérant n'est pas identique à celle du requérant Baggs qui ne peut pas échapperi aux nuisances sonores sans sacrifier sa maison car elle est pratiquement invendableq L'ingérence dont se plaint le présent requérant n'est par conséquent pas dispropoo-; tionnée au but légitime lié à l'exploitation de l'aéroport . Il s'ensuit que la requêt . 2 de la éest,urcpoinmafetlondéause'rticl27p Convention . 2 . Le requérant a invoqué par ailleurs l'article 1 du Protocole additionnel, qui garantit le droit au respect de ses biens . Cette disposition concerne essentiellement la confiscation arbitraire de propriétés et ne garantit pas en principe le droit au respect des biens dans un environnement agréable . Il est exact que des nuisahces` sonores du fait des avions, très importantes du point de vue niveau et fréquence,j peuvent affecter lourdement la valeur d'un bien immobilier ou même le rendreinven-' dable et constituer de la sorte une expropriation partielle . Cependant, le requérant n'a soumis aucun élément prouvant que la valeur de sa propriété a été substantielle -1 ment diminuée en raison du bruit des avions, ce qui constituait une charge dispropor- . tionnée équivalant à une expropriation partielle et nécessiterait le versement d'une indemnisation . L'examen de ce grief par la Commission ne révèle dès lors âucune apparence i de violation de l'articlé 1 du Protocole additionnel . ­ s'ensuit que la requête est, sur ce point aussi, manifestement mal fondée au~ sens de l'article 27 par . 2 de la Convention . 3 . Le requérant a également allégué une violation de l'article 6 de la Convention au motif que la loi de 1982 sur l'aviation civile exclut tout droit d'action en répara-` tion pour troubles de la possession et nuisances du fait des vols d'avions au-dessus d'une propriété et toute action contre des nuisances dues au bruit ou à l'agacemenf causé par un avion ou un aérodrome . Le Gouvernement défendeur estime que l'article 76 de la CAA n'entrave pas! ,
l'essence même du droit d'accès à un tribunal . Certes, selon la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme,i toute contestation civile doit pouvoir être portée devant un tribunal (Cour Eur . D .H .,{ 24
arrêt Golder du 21 février 1975, série A n° 18, p . 18, par . 36) . Cependant, l'article 6 par . 1 ne pose pas de conditions quant à la nature et à la portée de lalél ;islation nationale pertinente régissant le «droit» en question . D'autre part, la Commission ne se juge pas en principeplus compétente pour déterminer ou pour réexaminer la teneur matérielle du droit civil qui devrait prévalofir dans l'Etat partie qr .'elle ne pourrait Ic faire vis-à-vis du droit pénal . Comme elle l'a déelaré dans l'affaire Sporrong et Lênnroth : «Que, dans un cas par[iculier, l'objet de la contesration soit un droit dépen d premièrement du système jutidique de l'Etat en cause . Mais la notion de `droit' eat elle-ménie, jusqu'à un certain point, une notion autonome. Aussi n'est-il pas d'une impottance décisive pour ce qui a trait à]'artir.le 6 par . 1 qu'un privilège ou un intérê donné qui existe dans un système de droit interne ne soit pas classé ou décrit eomme un `droit' Jans ce système . E est évident, toutefois, que les organe .s de la Convention ne sauraient créer, par voie d'in[erprétation de l'article 6 par . 1, un droit matériel qui n'aurait aucune espèce de fondement dans le droit interne de l'Etat en cause . e(rapport Comm . 8 .10 .80, par . 1 5 0 ; voir également No 8282/78, déc . 14 .7 .80, D .R . 21 p .109, Kaplan c/Rôyau:ne-LJni, rcpp(irt Cornm . 17 .7 .80, par . 134, D .R . 21 p . 5) . Contrairement aux affaires examitiées jusqu'ici par la Commission (voir No 7,43176, déc . 10 .12 .76, D .R . 8 p . 216 ; No 10096/82 non publiée ; No 10475/83, déc . 9 .10 .84, D .R . 39 p . 246) et la Cour européenne des Droits de l'HomTe (voir Cour D .H ., arrêt Ashingdane du 213 mai 1985 . série A n" 93), la disposition de l'alticle 76 CAA ne confère pas une immunité de juridiction à cermins groupes de personnes (par exemple, les ntilitaires ou les malades mentaux dans les affaires précitées), mais exclut d'une manJère générale toute action pour troubles de la possession ou pour nuisance causés par un avion volant à une altitude raisonnable, indépendamment de la situation du plaignant . La Commission considère qne le but et l'eff'et de l'article 76 CAA est d'exclure en général toute dentande éventuelle en réparalion pour troubles de la pos:aession ou nuisances, et pas sirnplement de limiter la compétence des tribunaux civils à certaines catégories d'actions civiles . Le requérant ne peut dès lors pas invoquer en droit anglais un droit matériel à réparation pour les nuisanc,es sonores alléguées . Le simple. fait qu'une action pour nuisances sonores causées par un avion n'aurait dès lors aucune chance de réussir, r :'équivaut pas à priver le requérant du droit d'accès à un tribunal . La Commission relève égalenent daus ce contexte que le requérant a lui-même reconnu qne si l'article 76 CAA ne devait pas s'appliquer, il faudrait, pour engager une ac:ion pour nuisances, prouver un usage déraisonnable. Sa thèse est cepenclant qu'en dépit des diverses mesures de réduction du bruit prises par les autorités con-ipétentes, les droits que lui garantit la Convention ont été méconnus en raison des nuisances sonores des avions . Dans ces conditions, il ne peut pas être considéré conime clairentent établi qu'en droit anglais le requérant poutrait faire vàloir devant dn tribunal un droit concret s'il n'était pas empêché de le faire par l'article 76 CAA .
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Il s'ensuit que ce grief ne révèle aucune apparence de violation des droits@t libertés consacrés par la Convention, en particulier par l'article 6 par . 1 . La requ@te est, sur ce point aussi, manifestement maI fondée au sens dé l'article 27 par . 2 de la Convention . 4. Par contre, la Commission estime que le grief selon lequel le requérant a ét`é privé, en ce qui concerne la nuisance sonore des avions, de tout recours effectif devant une instance nationale, pose au regard de l'article 13 de la Convention dës questions de droit et de fait tellement complexes qu'il faut, pour les trancher, procé1 der à un examen au fond . r Par ces motifs, la Commission DÉCLARE RECEVABLES, tous moyens de fond réservés, le grief du requérant selon lequel, en ce qui concerne le bruit des avions, il ne dispose d'aucun recours effectif devant une instance nationale au sens de l'Article 13 de la Convention ; DÉCLARE LA REQUÊTE IRRECEVABLE pour le surplus .
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Type d'affaire : Décision (Finale)
Type de recours : Partiellement recevable ; partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 13) DROIT A UN RECOURS EFFECTIF, (Art. 14) DISCRIMINATION, (Art. 5-1) VOIES LEGALES, (Art. 6-1) ACCES A UN TRIBUNAL, (Art. 6-1) DELAI RAISONNABLE, (Art. 6-1) DROITS ET OBLIGATIONS DE CARACTERE CIVIL, (Art. 6-1) TRIBUNAL IMPARTIAL, (Art. 6-1) TRIBUNAL INDEPENDANT, (P1-1-1) INGERENCE, (P1-1-1) PREVUE PAR LA LOI, (P1-1-1) PRINCIPES GENERAUX DU DROIT INTERNATIONAL


Parties
Demandeurs : RAYNER
Défendeurs : ROYAUME-UNI

Références :

Origine de la décision
Formation : Commission (plénière)
Date de la décision : 16/07/1986
Date de l'import : 21/06/2012

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 9310/81
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1986-07-16;9310.81 ?

Source

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