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18/07/1986 | CEDH | N°10785/84

CEDH | W. contre ALLEMAGNE


La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 18 juillet 1986 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN F. ERMACORA G. TENEKIDES S. TRECHSEL B. KIERNAN A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS G. BATLINER H. VANDENBERGHE Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ;
Vu l'article 25 (art. 25) de la

Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libert...

La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 18 juillet 1986 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN F. ERMACORA G. TENEKIDES S. TRECHSEL B. KIERNAN A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS G. BATLINER H. VANDENBERGHE Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ;
Vu l'article 25 (art. 25) de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 15 novembre 1980 par R.W. contre la République Fédérale d'Allemagne et enregistrée le 25 janvier 1984 sous le N° de dossier 10785/84 ;
Vu le rapport prévu à l'article 40 du Règlement intérieur de la Commission ;
Après avoir délibéré,
Rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant est un ressortissant allemand né en 1919, ingénieur de profession et demeurant à Bad Honnef.
En mai 1974 le requérant a assigné en paiement son bailleur et a demandé l'assistance judiciaire, qui lui fut accordée en décembre 1975.
Dans cette affaire l'audience eut lieu le 18 février 1976 mais le défendeur étant absent, l'audience fut reportée au 3 mars 1976, date à laquelle elle fut reportée à nouveau en raison du décès du défendeur.
Ce n'est que le 7 février 1979 qu'eut lieu une nouvelle audience à l'issue de laquelle le défendeur fut condamné par défaut.
Suite à l'opposition formée par l'adversaire du requérant, c'est-à-dire par son héritier, une nouvelle date d'audience fut fixée, après plusieurs remises, au 24 octobre 1979 puis annulée.
Le 3 décembre 1979, le requérant demanda que l'affaire soit décidée sans débats oraux, ce qui fut accordé.
Après plusieurs échanges de mémoires, le tribunal d'instance de Königswinter par jugement en date du 23 avril 1980 confirma partiellement le jugement rendu par défaut le 7 février 1979. Aux termes de ce jugement le défendeur devait régler au requérant une somme de 589,92 DM plus les intérêts.
Le 12 juillet 1980, le requérant demanda à ce que les frais et dépens qu'il devait supporter à concurrence des 3/10e suite au jugement du 23 avril 1980 lui soient facturés, ce qui fut fait par décision du 29 juillet 1980.
Le requérant estima pour sa part que le tribunal d'instance n'avait pas répondu à sa demande et réitéra celle-ci. Cette réitération fut traitée comme un recours immédiat contre la décision du tribunal d'instance du 29 juillet 1980 et examinée puis rejetée par le tribunal régional de Bonn par décision du 3 décembre 1980 comme étant irrecevable car tardive.
Contre celle-ci le requérant forma un recours devant le tribunal régional supérieur de Cologne, recours qui fut rejeté comme irrecevable par décision du 23 janvier 1981.
Le requérant forma alors un recours constitutionnel portant sur cette procédure de fixation de frais, recours qui fut déclaré irrecevable par la cour constitutionnelle fédérale par décision datée du 12 mai 1981. La cour constitutionnelle fédérale estima en effet que le requérant aurait du introduire son recours constitutionnel dans un délai de 30 jours à compter de la décision du tribunal régional de Bonn du 3 décembre 1980 au lieu d'introduire par devant le tribunal régional supérieur de Cologne un recours qui était manifestement irrecevable de sorte que la décision de Cologne ne faisait pas courir le délai de 30 jours.
En ce qui concerne la procédure mentionnée sous I, le requérant s'adressa à la Commission le 15 novembre 1980 en faisant valoir un certain nombre de griefs relativement à la durée de la procédure contre son bailleur qui avait duré de 1974 à 1980.
Un an plus tard soit le 5 novembre 1981, le requérant s'adressa à nouveau à la Commission et fit valoir qu'il ne pouvait épuiser les voies de recours internes conformément à l'article 26 (art. 26) puisque le jugement du tribunal d'instance de Königswinter du 23 avril 1980 avait été rendu en sa faveur.
Par ailleurs le requérant se plaignit dans la même lettre du 5 novembre 1981, pour la première fois, de la procédure en fixation des frais et dépens qui avait abouti à la décision de la Cour constitutionnelle fédérale du 12 mai 1981 (Procédure II).
Le 20 décembre 1983, soit deux ans plus tard, le requérant s'adressa à nouveau à la Commission pour se plaindre cette fois de la durée excessive d'une autre procédure qui avait, elle, débuté en 1967.
Or, en ce qui concerne cette procédure, le requérant avait introduit le 13 juillet 1978 une requête auprès de la Commission qui fut déclarée irrecevable par décision du 13 décembre 1979. Cette requête portait sur la durée d'une procédure qui avait débuté en 1967 et qui était toujours pendante en première instance à la date de la décision de la Commission.
Dans sa requête le requérant se plaignit à nouveau de la durée totale de la procédure et fit valoir que la procédure avait été pendante en première instance de 1967 à 1983.
A cet égard le requérant exposa qu'entre 1979 et 1982 la procédure était toujours pendante devant le tribunal régional de Cologne.
Le 9 juillet 1982 le tribunal fixa la date d'audience au 22 septembre 1982. Le 6 août 1982 le requérant obtint l'assistance judiciaire.
A l'audience du 22 septembre 1982, le requérant ne comparut pas mais était représenté par son avocat.
Le tribunal constata le jour de l'audience qu'un arrangement amiable était intervenu entre les parties mais décida que compte tenu de l'absence du requérant celui-ci disposerait d'un délai jusqu'au 20 octobre 1982 pour refuser ce règlement à l'amiable.
Le 8 décembre 1982 le tribunal régional de Cologne constata que le requérant, défendeur dans cette procédure, n'envisageait pas de solution amiable et décida qu'un jugement serait rendu sur cette affaire le 12 janvier 1983.
Par jugement du 12 janvier 1983 le requérant fut condamné à payer à son adversaire (en confirmation partielle du jugement rendu par défaut contre lui le 10 octobre 1967) une somme totale de 9 562,80 DM plus 4 % d'intérêts depuis le 8 août 1967.
Contre ce jugement, le requérant forma directement le 23 février 1983 un recours constitutionnel qui fut toutefois déclaré irrecevable par la Cour constitutionnelle fédérale le 26 mars 1983 au motif que le requérant ayant omis de faire appel de ce jugement, il n'avait pas épuisé les voies de recours légales et notamment l'appel.
Le 22 février 1983, soit un jour avant l'introduction directe par le requérant d'un recours constitutionnel, son avocat déclara vouloir faire appel de ce jugement, en précisant toutefois que le dépôt d'un mémoire contenant l'exposé des motifs était réservé.
Le 1er mars 1983, l'avocat du requérant informa le tribunal régional supérieur de Cologne qu'il ne représentait plus le requérant.
Le 17 mars 1983 le requérant sollicita auprès du tribunal régional supérieur la désignation d'un nouvel avocat au bénéfice de l'aide judiciaire et demanda que le délai pour le dépôt du mémoire d'appel soit prorogé.
Par décision du 25 mars 1983 le tribunal régional supérieur de Cologne rejeta l'appel formé par le requérant le 22 février 1983 comme étant irrecevable, le requérant ayant omis de motiver son appel dans les délais prévus par la loi.
Le 11 novembre 1983 le tribunal régional supérieur de Cologne refusa d'accorder a posteriori au requérant l'assistance judiciaire pour faire appel du jugement du 12 janvier 1983 au motif que l'appel apparaissait manifestement mal fondé. Par voie de conséquence le tribunal régional supérieur de Cologne décida également de refuser d'accorder au requérant l'assistance judiciaire pour introduire une demande en révision (Wiedereinsetzungsgesuch) contre la décision déclarant son appel irrecevable parce que tardif.
GRIEFS
Le requérant se plaint de la durée à son sens excessive des trois procédures résumées ci-dessus (sous I, II et III). Il invoque l'article 6, par.1 (art. 6-1) de la Convention. Il se plaint également d'avoir été mis dans l'impossibilité de faire appel du jugement du 12 janvier 1983 (procédure III).
EN DROIT
I. Le requérant se plaint de la durée d'une procédure qu'il a intentée contre son bailleur en 1974 et qui s'est achevée par un jugement rendu le 23 avril 1980 qui lui donnait satisfaction.
En ce qui concerne ce grief, la Commission observe que non seulement le requérant n'a pas épuisé les voies de recours internes au sens de l'article 26 (art. 26) de la Convention en omettant d'introduire un
recours constitutionnel pour durée excessive de la procédure mais qu'au surplus il n'a pas respecté la règle du délai de six mois prévue audit article 26 (art. 26) de la Convention. En effet, à supposer même que le jugement du 23 avril 1980 puisse être considéré comme réalisant la condition de l'épuisement préalable des voies de recours internes, il échet de constater que le requérant s'est adressé pour la première fois à la Commission à ce sujet par lettre du 15 novembre 1980, soit plus de six mois après la date du jugement du 23 avril 1980.
Il s'ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée soit pour non épuisement des voies de recours internes soit pour non respect du délai de six mois en application de l'article 27, par. 3 (art. 27-3) de la Convention.
II. Le requérant se plaint d'avoir été condamné à payer une partie des frais et dépens de la procédure contre son bailleur. En ce qui concerne ce grief, et à supposer même qu'une procédure en fixation de frais et dépens puisse être considérée au regard de l'article 6, par. 1 (art. 6-1), comme portant sur une contestation sur un droit ou une obligation de caractère civil, la Commission rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle il n'y a pas épuisement des voies de recours, lorsque le recours a été déclaré irrecevable à la suite d'une informalité (voir par exemple D 6878/75 le Compte/Belgique du 6.10.1976 in DR 6, p. 79).
La Commission relève qu'en l'espèce, le tribunal régional de Bonn, le tribunal régional supérieur de Cologne, puis la cour constitutionnelle fédérale ont tous rejeté les recours du requérant comme étant irrecevables parce que tardifs.
Il s'ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée pour non épuisement valable des voies de recours internes conformément à l'article 27, par. 3 (art. 27-3) de la Convention.
III. Le requérant se plaint de la durée d'une procédure civile qui a débuté en 1967 et qui s'est terminée par un jugement de première instance rendu le 12 janvier 1983.
Il se plaint également d'avoir été mis dans l'impossibilité de faire appel de ce jugement du fait que l'appel fut arbitrairement, selon lui, déclaré irrecevable parce que tardif le 25 mars 1983.
La Commission relève tout d'abord qu'une précédente requête du requérant concernant la durée excessive de cette même procédure a été déclarée irrecevable par décision du 13 décembre 1979.
La Commission rappelle qu'aux termes de l'article 27, par. 1 (art. 27-1) de la Convention, elle ne retient aucune requête introduite par application de l'article 25 (art. 25), lorsqu'elle est essentiellement la même qu'une requête précédemment examinée par la Commission et si elle ne contient pas de faits nouveaux.
Il s'ensuit que pour ce qui concerne la durée de la procédure en question, la Commission ne saurait examiner la période allant de 1967 à 1979 vue isolément au titre de l'article 6, par. 1 (art. 6-1), les griefs du requérant ayant été déclarés précédemment irrecevables par décision du 13 décembre 1979. Le requérant a toutefois présenté une requête contenant des "faits nouveaux" au sens de l'article 27, par. 1 (art. 27-1), de la Convention en ce qui concerne la continuation de cette procédure.
La Commission estime dès lors avoir compétence pour examiner les griefs du requérant tirés de la durée excessive de la procédure.
A cet égard, la Commission relève qu'un jugement a été rendu en défaveur du requérant en première instance le 12 janvier 1983, jugement contre lequel le requérant forma directement un recours constitutionnel qui fut déclaré irrecevable le 26 mars 1983, le requérant n'ayant fait préalablement usage de la voie de recours normale de l'appel (Berufung). L'appel du requérant contre le jugement du 12 janvier 1983 fut quant à lui déclaré irrecevable parce que tardivement motivé par décision du tribunal régional supérieur de Cologne en date du 25 mars 1983. Enfin, la dernière décision dans cette affaire fut celle rendue le 11 novembre 1983 par le tribunal régional supérieur de Cologne qui refusa d'accorder rétroactivement au requérant l'aide judiciaire pour faire appel du jugement du 12 janvier 1983.
La Commission relève que le recours constitutionnel du requérant a été rejeté comme étant irrecevable le 26 mars 1983. Il s'ensuit que selon la jurisprudence constante de la Commission, le requérant n'a pas valablement épuisé les voies de recours internes dont il disposait en droit interne.
La Commission estime par ailleurs qu'il aurait appartenu au requérant, s'il avait estimé que la procédure excédait un délai raisonnable, de réitérer le cas échéant un recours constitutionnel pour durée excessive de celle-ci conformément aux indications contenues dans la décision de la Cour constitutionnelle fédérale, à savoir après intervention de la décision du Tribunal régional supérieur du 25 mars 1983 déclarant son appel irrecevable parce que tardif.
Il s'ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée pour non épuisement valable des voies de recours internes, conformément à l'article 27 par. 3 (art. 27-3) de la Convention.
Le requérant se plaint enfin d'avoir été mis dans l'impossibilité de faire appel du jugement rendu le 12 janvier 1983 par le tribunal régional de Cologne. A cet égard, la Commission se réfère à sa jurisprudence selon laquelle l'article 6, par. 1 (art. 6-1), ne s'oppose pas à une réglementation de l'accès des justiciables aux tribunaux pourvu que cette réglementation ait pour but d'assurer une bonne administration de la justice (cf. par exemple No 6916/75 Déc. 8.10.1976, DR 6, p. 107).
En l'espèce, la Commission estime que le fait d'exiger qu'un recours soit motivé dans un délai déterminé a, sans aucun doute, pour but d'assurer une bonne administration de la justice.
Le présent grief doit donc être rejeté pour défaut manifeste du fondement par application de l'article 27, par. 2 (art. 27-2), de la Convention.
Par ces motifs, la Commission
DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire Le Président de la Commission de la Commission (H.C. KRÜGER) (C.A. NØRGAARD)


Synthèse
Formation : Cour (plénière)
Numéro d'arrêt : 10785/84
Date de la décision : 18/07/1986
Type d'affaire : Décision
Type de recours : Non-violation de P1-1

Analyses

(Art. 13) DROIT A UN RECOURS EFFECTIF, (Art. 14) DISCRIMINATION, (Art. 5-1) VOIES LEGALES, (Art. 6-1) ACCES A UN TRIBUNAL, (Art. 6-1) DELAI RAISONNABLE, (Art. 6-1) DROITS ET OBLIGATIONS DE CARACTERE CIVIL, (Art. 6-1) TRIBUNAL IMPARTIAL, (Art. 6-1) TRIBUNAL INDEPENDANT, (P1-1-1) INGERENCE, (P1-1-1) PREVUE PAR LA LOI, (P1-1-1) PRINCIPES GENERAUX DU DROIT INTERNATIONAL


Parties
Demandeurs : W.
Défendeurs : ALLEMAGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1986-07-18;10785.84 ?

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