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03/12/1986 | CEDH | N°11362/85

CEDH | C. contre l'ITALIE


SUR LA RECEVABILITE de la requête N° 11362/85 présentée par A.C. contre l'Italie _________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 3 décembre 1986 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président E. BUSUTTIL G. JÖRUNDSSON G. TENEKIDES S. TRECHSEL B. KIERNAN A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS

H. DANELIUS G. BATLINER H. VA...

SUR LA RECEVABILITE de la requête N° 11362/85 présentée par A.C. contre l'Italie _________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 3 décembre 1986 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président E. BUSUTTIL G. JÖRUNDSSON G. TENEKIDES S. TRECHSEL B. KIERNAN A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS G. BATLINER H. VANDENBERGHE Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL M. F. MARTINEZ M. K. ROGGE, Chef de Division faisant fonction de Secrétaire de la Commission ; Vu l'article 25 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 4 novembre 1984 par A. C. contre l'Italie et enregistrée le 14 janvier 1985 sous le N° de dossier 11362/85 ; Vu le rapport prévu à l'article 40 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Le requérant, de nationalité italienne, est né en 1926 à Melito (Reggio Calabria), où il réside actuellement. En 1958, puis à diverses autres reprises, il fut interné dans l'asile psychiatrique de Reggio Calabria, d'où il sortit définitivement le 13 juillet 1975. Entretemps, la période de congé à laquelle il avait droit étant échue, le requérant fut licencié par l'administration des Postes italiennes. Il demanda, alors, l'octroi d'une pension privilégiée ordinaire (trattamento di quiescenza privilegiato ordinario), en alléguant que le trouble psychique, en raison duquel il avait perdu son emploi, avait été causé par des événements liés au service. Par délibération du 30 mai 1978 du Président de l'Istituto Postelegrafonici, sa demande fut rejetée, l'administration n'ayant pas reconnu le lien de cause à effet entre les fonctions exercées et l'infirmité dont il avait été affecté. Contre la décision de rejet le requérant introduisit un recours devant la Cour des Comptes qui, le 29 septembre 1981, estima que l'affaire n'était pas encore en l'état et ordonna des enquêtes ultérieures, ainsi qu'une expertise médicale. La demande d'expertise fut transmise au collège médico-légal auprès du Ministère de la Défense le 12 juillet 1982. Le 26 octobre 1985 celui-ci soumit le requérant à une visite et répondit, en décembre 1985, aux questions qui lui avaient été posées. Le 28 janvier 1986 son rapport fut déposé au greffe de la Cour des Comptes. Aucune suite n'a été communiquée.
GRIEFS Devant la Commission, le requérant se plaint de la durée de la procédure engagée afin de se faire reconnaître son droit à la pension et allègue la violation de l'article 6 par. 1 de la Convention. Lors de l'introduction de la requête le requérant s'était plaint d'avoir été interné, sans raisons légitimes, dans l'asile psychiatrique de Reggio Calabria, où il aurait été soumis à des traitements inhumains et dégradants.
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION Le 2 décembre 1985 la Commission a décidé de porter la requête à la connaissance du Gouvernement défendeur et de l'inviter, conformément à l'article 42 par. 2 b) du Règlement intérieur, à présenter par écrit ses observations sur la recevabilité et le bien-fondé du grief concernant la durée de la procédure devant la Cour des Comptes. Elle a déclaré la requête irrecevable pour le surplus. Le Gouvernement a présenté ses observations le 14 avril 1986 et le requérant y a répondu le 3 mai 1986.
ARGUMENTATION DES PARTIES Sur la compatibilité du grief avec l'article 6 de la Convention Le Gouvernement expose que le droit à pension dite "privilégiée ordinaire" réclamé par le requérant est un droit subjectif à une prestation patrimoniale dont le montant est calculé en fonction des barèmes établis à l'avance par la loi et par rapport à la dernière rétribution. Le droit à pension naît dès que se trouvent réalisées deux conditions, à savoir : l'existence d'un rapport de service avec l'Administration ; une infirmité ou lésion attribuables à des raisons de service. Des cotisations sont versées par les employés qui contribuent à alimenter le fonds-pension. D'avis du Gouvernement, la contestation soulevée par le requérant porte sur des "droits et obligations de caractère civil" au sens de l'article 6 par. 1 de la Convention. Le requérant s'accommode de cet avis. Sur le bien-fondé du grief Le Gouvernement fait valoir que les normes du Code de procédure civile (C.p.c.) s'appliquent aux procès devant les sections juridictionnelles de la Cour des Comptes et que, dès lors, le déroulement de la procédure était soumis à l'initiative des parties. A cet égard, le requérant a demandé et obtenu deux ajournements les 24 mars et 7 novembre 1980. D'autre part, il a été nécessaire d'acquérir les évaluations techniques d'un collège médico-légal. Ainsi, une expertise fut ordonnée le 29 septembre 1981 à la demande non seulement du barreau de l'Etat mais aussi - quoiqu'en voie subordonnée - de l'avocat du requérant. L'avis demandé n'est parvenu à la Cour des Comptes qu'après environ trois ans. La complexité des questions posées au collège médico-légal justifie ce laps de temps. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de retenir qu'en l'espèce il n'y a pas eu violation de l'article 6 par. 1 de la Convention. Le requérant précise qu'aux litiges en matière de travail et sécurité sociale s'applique une procédure spéciale réglementée par les articles 409 et suivants C.p.c. modifié par la loi n° 533 du 13 août 1973. Les caractères propres de cette procédure devraient, notamment, être la rapidité de son déroulement et des pouvoirs de contrôle plus étendus confiés au juge sur ledit déroulement. Il importe à cet égard de souligner que les audiences de simple renvoi sont interdites par l'article 420 deuxième alinéa C.p.c., et que le juge, sur la base de cette disposition, doit motiver la décision d'ajourner faisant état de la demande des parties. Par ailleurs, du 7 novembre 1980 - date de la deuxième demande de renvoi - à aujourd'hui, près de six ans se sont écoulés. A cet égard, il est vrai que la procédure a pu être ralentie par la nécessité d'acquérir l'expertise du collège médico-légal. Toutefois, l'article 424 C.p.c. dispose que le délai du dépôt d'une expertise écrite ne peut pas dépasser vingt jours. Or, d'une part, l'ordonnance de la Cour des comptes du 29 septembre 1981 fut transmise au collège médico-légal seulement le 12 juillet 1982, soit avec près de dix mois de retard. D'autre part, l'activité accomplie par ce dernier se limite à la visite du 26 octobre 1985, précédée par l'examen de certains rapports énoncés dans l'expertise. Le délai de trois ans ne saurait donc être justifié en l'espèce.
EN DROIT Le requérant se plaint de la durée excessive de la procédure engagée devant la Cour des Comptes pour se voir reconnaître un droit à pension privilégiée ordinaire. La Commission note que ledit droit est en droit italien un droit subjectif à une prestation patrimoniale issu de la cessation du rapport d'emploi suite à une infirmité pour cause de service. Elle note également que les employés contribuent par des cotisations à alimenter le fonds-pension. A la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme dans les affaires Deumeland (Cour Eur. D.H. arrêt Deumeland du 29 mai 1986, série A No 100) et Feldbrugge (Cour Eur. D.H. arrêt Feldbrugge du 29 mai 1986, série A No 101) la Commission estime que la procédure incriminée porte sur des "droits et obligations de caractère civil" au sens de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention, ce que le Gouvernement ne conteste d'ailleurs pas. L'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention reconnaît à toute personne le droit "à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable". En l'espèce, la Commission constate que le recours introduit par le requérant contre la décision du 30 mai 1978 est encore pendant. En ce qui concerne la période à prendre en considération, la Commission note que la date d'introduction dudit recours ne ressort pas des pièces du dossier. Toutefois, même si l'on ne prend en considération que la période postérieure au 29 septembre 1981, le laps de temps qui s'est écoulé depuis cette date soulève des problèmes sous l'angle de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. Par conséquent, la Commission estime qu'elle ne saurait, en l'état du dossier, déclarer ce grief manifestement mal fondé et que celui-ci nécessite un examen approfondi qui relève du fond de l'affaire. Elle constate d'autre part que le grief ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Par ces motifs, la Commission DECLARE LE RESTANT DE LA REQUETE RECEVABLE. Le Chef de Division Le Président faisant fonction de de la Commission Secrétaire de la Commission (K. ROGGE) (C.A. NØRGAARD)


Synthèse
Formation : Cour (plénière)
Numéro d'arrêt : 11362/85
Date de la décision : 03/12/1986
Type d'affaire : Décision
Type de recours : Non-violation de P1-1

Analyses

(Art. 12) SE MARIER, (Art. 14) DISCRIMINATION, (Art. 34) VICTIME, (Art. 35-1) EPUISEMENT DES VOIES DE RECOURS INTERNES, (Art. 8-1) RESPECT DE LA VIE FAMILIALE


Parties
Demandeurs : C.
Défendeurs : l'ITALIE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1986-12-03;11362.85 ?

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