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14/07/1987 | CEDH | N°12861/87

CEDH | RAMADANSKI contre la Suisse


SUR LA RECEVABILITE de la requête No 12861/87 présentée par Milan et Verena RAMADANSKI contre la Suisse __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 14 juillet 1987 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN S. TRECHSEL F. ERMACORA E. BUSUTTIL A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H.

DANELIUS G. BATLINER H. VANDENBERGH...

SUR LA RECEVABILITE de la requête No 12861/87 présentée par Milan et Verena RAMADANSKI contre la Suisse __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 14 juillet 1987 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN S. TRECHSEL F. ERMACORA E. BUSUTTIL A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS G. BATLINER H. VANDENBERGHE Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL MM. F. MARTINEZ C.L. ROZAKIS Mme J. LIDDY M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ; Vu l'article 25 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 16 avril 1987 par Milan et Verena RAMADANSKI contre la Suisse et enregistrée le 23 avril 1987 sous le No de dossier 12861/87 ; Vu le rapport prévu à l'article 40 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit : Le requérant, RAMADANSKI Milan est un ressortissant yougoslave, né en 1951, exerçant le métier de serveur. Il se trouve actuellement en liberté conditionnelle à Wangen/Suisse. La requérante, RAMADANSKI Verena est une ressortissante suisse, née en 1959, résidant à Thun. Dans la procédure devant la Commission, les requérants sont représentés par Me Rainer Weibel, avocat à Berne. RAMADANSKI Milan a quitté son pays d'origine en 1969 pour la République Fédérale d'Allemagne où il a séjourné jusqu'à son expulsion. Il se trouve en Suisse depuis 1977. Jusqu'en 1980, il a exercé un travail saisonnier, à l'entière satisfaction de ses employeurs. Il a épousé en 1980 la requérante, de nationalité suisse. De cette union sont issus deux enfants âgés respectivement de 6 et 5 ans. Suite à un échange de coups de feu, le requérant a fait l'objet en 1983 d'une condamnation par le Président du tribunal (Gerichtspräsident) de Thun à une peine privative de liberté conditionnelle d'une durée de 14 jours pour blessures par imprudence. En date du 12 avril 1985, le tribunal correctionnel (Strafamtsgericht) de Thun l'a condamné à la peine de réclusion pour une période de 45 mois et à l'interdiction de séjour pendant 10 ans en raison de trafic de stupéfiants. Il se trouve en liberté conditionnelle compte tenu de sa bonne conduite et a repris dans ce cadre ses activités professionnelles. Le requérant vit en bonne intelligence avec son épouse et ses enfants et souhaite reprendre une vie familiale normale dès qu'il aura purgé sa peine. Par arrêté du 10 juillet 1985, la Police des étrangers du canton de Berne a décidé d'expulser le requérant hors du territoire suisse, cette mesure devant être mise à exécution le jour de sa mise en liberté définitive. Le requérant y a fait opposition, laquelle fut rejetée par décision du 2 septembre 1985. Par décision du 9 juillet 1986, le Gouvernement (Regierungsrat) du canton de Berne rejeta le recours introduit contre la décision rendue sur opposition formée par le requérant et ordonna l'expulsion du requérant. En date du 15 septembre 1986, le requérant introduisit un recours administratif devant le Tribunal fédéral qui fut rejeté en date du 27 février 1987. Une demande de sursis à exécution est aussi pendante.
GRIEFS Le requérant allègue la violation de l'article 8 de la Convention. Son expulsion en Yougoslavie entraînerait des conséquences désastreuses sur sa vie familiale. D'une part, son épouse et les deux enfants de nationalité suisse auraient de graves difficultés à s'intégrer dans un nouveau cadre social, pour le cas où ils suivraient le requérant. Il y aurait notamment la barrière de la langue. D'autre part, les liens entre les différents membres de la famille sont très étroits. En effet, les enfants entretiennent d'excellentes relations avec leurs grands-parents. En cas d'expulsion du père, les enfants seraient privés de sa présence ce qui serait très néfaste au plan éducatif. Le requérant soutient que le Tribunal fédéral a apprécié de façon arbitraire, d'une part, les éléments d'ordre privé qui militaient en faveur de la présence du père sur le territoire suisse et, d'autre part, les éléments d'intérêt public, tels qu'ils sont énoncés au par.2 de l'article 8 de la Convention. La requérante ne présente pas de griefs séparés.
PROCEDURE Le jour de l'introduction de la requête, le requérant a demandé au Président de la Commission d'indiquer au Gouvernement de la Suisse, en application de l'article 36 du Règlement intérieur qu'il serait souhaitable dans l'intérêt des parties et du déroulement normal de la procédure, de ne pas procéder à son expulsion en Yougoslavie avant que la Commission n'ait eu la possibilité de procéder à un examen de la requête. Le 23 avril 1987, le Président de la Commission a décidé de ne pas donner suite à cette demande. Cette décision a été communiquée au requérant par lettre du 24 avril 1987.
EN DROIT Le requérant se plaint de son expulsion imminente de la Suisse en Yougoslavie. Il fait valoir que cette expulsion aura pour effet de briser sa vie familiale et allègue notamment une violation de l'article 8 (art. 8) de la Convention. La Commission rappelle tout d'abord avoir à plusieurs reprises déclaré que la Convention ne garantit en tant que tel aucun droit pour un étranger d'entrer ou de résider dans un pays donné, ni le droit de ne pas être expulsé d'un pays donné (cf. par exemple requêtes No 4314/69, Recueil de décisions 32, p. 96 ; No 4403/70 et autres, Recueil de décisions 36, p. 92 ; No 5269/74, Recueil de décisions 39, p. 104 ; No 8041/77, déc. 15.12.77, D.R. 12 p. 197 et No 9203/80, déc. 5.5.81, D.R. 24 p. 239). Cependant, le requérant soutient également qu'en raison de son expulsion, il sera porté atteinte à son droit au respect de la vie familiale, puisqu'il devra quitter son épouse suisse et les deux enfants issus de cette union. Certes, l'article 8, paragraphe 1, (art. 8-1) de la Convention stipule que "toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance". La Commission a constamment déclaré que l'expulsion d'une personne d'un pays où vivent des membres proches de sa famille peut équivaloir à une ingérence dans l'exercice du droit de cette personne au respect de sa vie familiale au sens de l'article 8 (art. 8). Dans un certain nombre de cas, la Commission a examiné des situations où, comme en l'espèce, une personne mariée était obligée de quitter un Etat où elle vivait avec son conjoint, ressortissant du pays qui ordonne l'expulsion (cf. No 8041/77, déc. 15.12.77, D.R. 12 p. 197). Cependant, aux termes de l'article 8 paragraphe 2 (art. 8-2) de la Convention, il peut y avoir ingérence dans les droits que garantit le paragraphe premier de cette disposition si ladite ingérence est prévue par la loi et nécessaire, dans une société démocratique, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale. Dans la présente affaire, la lecture de l'arrêt du Tribunal fédéral montre que la question de la proportionnalité de la mesure d'expulsion envisagée a été amplement examinée par rapport à la gravité de l'infraction commise par le requérant et pour laquelle il a été condamné, et par rapport à sa situation familiale. Toutefois, la juridiction suprême a estimé que, dans les circonstances particulières de l'affaire, c'est à bon droit que les autorités ont accordé plus de poids à "la défense de l'ordre" qu'à l'intérêt privé et familial du requérant. En outre, il n'a pas été démontré qu'il serait impossible pour le requérant de vivre avec sa famille en Yougoslavie. La Commission admet donc que l'expulsion du requérant de la Suisse constitue une ingérence dans sa vie familiale. Cependant, vu la gravité et le caractère de l'infraction pour laquelle l'intéressé a été condamné en Suisse et les raisons invoquées par le Tribunal fédéral, la Commission estime que l'ingérence incriminée est justifiée au regard du paragraphe 2 de l'article 8 (art. 8-2), comme étant une mesure conforme à la loi et nécessaire, dans une société démocratique, à la défense de l'ordre ou à la prévention des infractions pénales. Il s'ensuit que la requête est manifestement mal fondée, au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2), de la Convention. Par ces motifs, la Commission DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire Le Président de la Commission de la Commission (H.C. KRÜGER) (C.A. NØRGAARD)


Synthèse
Formation : Commission
Numéro d'arrêt : 12861/87
Date de la décision : 14/07/1987
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : recevable (partiellement) ; irrecevable (partiellement)

Analyses

(Art. 6-1) DELAI RAISONNABLE


Parties
Demandeurs : RAMADANSKI
Défendeurs : la Suisse

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1987-07-14;12861.87 ?

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