La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/10/1987 | CEDH | N°11939/86

CEDH | KILICARSLAN et KILICARSLAN contre la France


SUR LA RECEVABILITE de la requête No 11939/86 présentée par Fuat KILICARSLAN et Silvana KILICARSLAN contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 13 octobre 1987 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN S. TRECHSEL F. ERMACORA G. JÖRUNDSSON H.G. SCHERMERS H. DANELIUS G. BATLINER J. CAMPINOS H

. VANDENBERGHE Mme G.H. THUNE Sir Basil ...

SUR LA RECEVABILITE de la requête No 11939/86 présentée par Fuat KILICARSLAN et Silvana KILICARSLAN contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 13 octobre 1987 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN S. TRECHSEL F. ERMACORA G. JÖRUNDSSON H.G. SCHERMERS H. DANELIUS G. BATLINER J. CAMPINOS H. VANDENBERGHE Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL MM. F. MARTINEZ C.L. ROZAKIS Mme J. LIDDY M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ; Vu l'article 25 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 9 octobre 1985 par Fuat KILICARSLAN et Silvana KILICARSLAN contre la France et enregistrée le 30 décembre 1985 sous le No de dossier 11939/86 ; Vu le rapport prévu à l'article 40 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Fuat KILICARSLAN, ressortissant turc, est né en 1956 à Adapazare Turquie (ci-après "le premier requérant"). Sylvana KILICARSLAN-BORGHI, de nationalité française, est née en 1956 à Mulhouse. Elle exerce le métier de serveuse à Mulhouse. Elle est l'épouse du premier requérant et est elle-même requérante. Ils sont représentés dans la procédure devant la Commission et par Me Claude Lienhard, avocat au barreau de Strasbourg et par Me Thierry Moser, avocat au barreau de Mulhouse. Les faits de la cause tels qu'ils ont été exposés par les requérants peuvent se résumer comme suit : Les requérants ont été poursuivis pour infraction à la législation sur les stupéfiants, à savoir importation, détention, vente et usage d'héroïne. Par jugement du 22 mars 1985, le tribunal de grande instance de Mulhouse condamna Fuat Kilicarslan à trois ans de prison ferme et à l'interdiction définitive du territoire français et Sylvana Kilicarslan à douze mois de prison dont six avec sursis. Les requérants ont saisi ce même tribunal en juin 1985 d'une requête basée sur l'article 55 par. 1 du Code pénal français (1), dont le but est de relever le premier requérant de l'interdiction définitive du territoire français. Par décision du 6 mars 1986, le tribunal de grande instance de Mulhouse débouta le requérant de sa demande. En date du 24 juin 1986 la cour d'appel de Colmar rejeta l'appel interjeté par le requérant. Enfin, le résultat du pourvoi en cassation introduit par le requérant n'est pas encore connu. D'autre part, le tribunal de grande instance de Bobigny a condamné le premier requérant à la date du 2 décembre 1986 à six mois de prison ferme du fait qu'il a refusé d'embarquer dans l'avion à destination de la Turquie.
______________ (1) Art. 55-1. (L. no 75-624 du 11 juill. 1975) "Le juge qui prononce une condamnation peut, dans son jugement, relever le condamné en tout ou en partie, y compris en ce qui concerne la durée, des interdictions, déchéances, incapacités ou mesures de publication de quelque nature qu'elles soient, résultant de la condamnation. En outre, toute personne frappée d'une interdiction, d'une déchéance, d'une incapacité ou d'une mesure de publication de quelque nature qu'elle soit, résultant de plein droit d'une condamnation pénale ou prononcée dans le jugement de condamnation, sauf lorsqu'il a été fait application de l'article 43-1, peut demander à la juridiction qui a prononcé la condamnation ou, en cas de pluralité de condamnations, à la dernière juridiction qui a statué, de la relever, en tout ou en partie, y compris en ce qui concerne la durée, de cette interdiction, déchéance ou incapacité. ...."
GRIEFS Les requérants allèguent la violation de l'article 8 considéré isolément ou combiné avec l'article 14, de l'article 3 de la Convention et de l'article 3 du Protocole N° 4. Se fondant sur l'article 8 de la Convention, les requérants se plaignent de l'expulsion du premier requérant, citoyen étranger marié à une Française, en ce que celle-ci porte atteinte au respect de la vie familiale des requérants, et en ce que cette atteinte est double, puisqu'elle concerne d'une part l'époux expulsé et d'autre part son épouse. Il en résulte, en effet, que le mari expulsé se voit empêché de toute communauté de vie et de toute cohabitation avec son épouse, et que celle-ci se voit contrainte de s'expatrier. Les requérants allèguent aussi une violation de l'article 14 de la Convention en ce que cette expulsion créerait une discrimination entre la situation d'une Française mariée à un étranger et la situation d'une Française mariée à un Français. Cette distinction étant uniquement fondée sur l'origine nationale voire la naissance à l'étranger du conjoint expulsé. Les requérants allèguent encore une violation de l'article 3 du Protocole N° 4, en ce que l'expulsion de l'époux étranger a pour conséquence directe d'entraîner de fait l'expulsion de son conjoint français. Les requérants allèguent enfin une violation de l'article 3 de la Convention en ce que le fait pour l'épouse d'être obligé de s'expatrier constituerait un traitement dégradant.
EN DROIT Les requérants se plaignent de l'expulsion envisagée du requérant Fuat Kilicarslan vers la Turquie, compte tenu de la décision du tribunal de grande instance de Mulhouse qui, en date du 22 mars 1985, l'a condamné à trois ans de prison ferme et à l'interdiction définitive du territoire français. Ils font valoir que si cette mesure était mise à exécution, il y aurait atteinte à leur droit au respect de la vie privée et familiale en violation de l'article 8 (art. 8) de la Convention. Ils allèguent, en outre, une violation de l'article 8 combiné avec l'article 14 (art. 8+14) de la Convention en ce que l'impossibilité qui résulte, en fait, pour l'épouse française d'un étranger de résider en France alors que ce dernier a été expulsé du territoire français, crée une discrimination entre la situation d'une Française mariée à un étranger et la situation d'une Française mariée à un Français. D'autre part, les requérants se plaignent d'être victimes d'une violation de l'article 3 du Protocole N° 4 (P4-3) qui dispose que "Nul ne peut être expulsé par voie de mesure individuelle ou collective du territoire de l'Etat dont il est ressortissant." Sur ce point ils ont fait valoir que l'épouse du premier requérant se trouverait contrainte de quitter son pays, la France, pour rejoindre son époux en Turquie, ceci afin de satisfaire à ses obligations matrimoniales telles qu'elles résultent de l'article 215 du Code civil français. Les requérants allèguent, enfin, une violation de l'article 3 (art. 3) de la Convention, en ce que le fait pour l'épouse d'être obligée de s'expatrier constituerait un traitement dégradant. Avant de se prononcer sur le point de savoir si les faits allégués par les requérants révèlent l'apparence d'une violation des dispositions précitées de la Convention, la Commission doit examiner si les conditions énoncées à l'article 26 (art. 26) de la Convention, notamment celles relatives à l'épuisement des voies de recours internes, ont été satisfaites. En effet, aux termes de l'article 26 (art. 26) de la Convention, "la Commission ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes, tel qu'il est entendu selon les principes de droit international généralement reconnus". La Commission constate qu'en l'espèce les requérants n'ont pas relevé appel du jugement rendu en date du 22 mars 1985 par le tribunal de grande instance de Mulhouse, lequel a prononcé à l'encontre des requérants des peines privatives de liberté et notamment contre le premier requérant l'interdiction définitive du territoire français. Quant à la procédure entamée en application de l'article 55 par. 1 du Code pénal français, par laquelle le premier requérant a sollicité la mainlevée de la décision d'interdiction définitive du territoire français, elle n'est pas close dans la mesure où la Cour de cassation n'a pas encore statué sur le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar du 24 juin 1986 confirmant la décision de rejet des premiers juges en date du 6 mars 1986. Les requérants n'ont par conséquent pas épuisé les voies de recours dont ils disposaient en droit français. De plus, l'examen de l'affaire n'a permis de déceler aucune circonstance particulière qui aurait pu dispenser les requérants, selon les principes de droit international généralement reconnus en la matière, d'épuiser les voies de recours internes. Il s'ensuit que les requérants n'ont pas satisfait à la condition relative à l'épuisement des voies de recours internes et que la requête doit être rejetée sur l'ensemble des points soulevés, conformément à l'article 27 par. 3 (art. 27-3) de la Convention. Par ces motifs, la Commission DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire Le Président de la Commission de la Commission (H.C. KRÜGER) (C.A. NØRGAARD)


Synthèse
Formation : Commission
Numéro d'arrêt : 11939/86
Date de la décision : 13/10/1987
Type d'affaire : Décision
Type de recours : recevable (partiellement) ; irrecevable (partiellement)

Analyses

(Art. 6-1) ACCES A UN TRIBUNAL


Parties
Demandeurs : KILICARSLAN et KILICARSLAN
Défendeurs : la France

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1987-10-13;11939.86 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award