La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/02/1988 | CEDH | N°11497/85

CEDH | D. contre la SUISSE


SUR LA RECEVABILITE de la requête N° 11497/85 présentée par D. contre la Suisse ------ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 29 février 1988 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN S. TRECHSEL F. ERMACORA E. BUSUTTIL A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCH

ERMERS H. DANELIUS G. BATLI...

SUR LA RECEVABILITE de la requête N° 11497/85 présentée par D. contre la Suisse ------ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 29 février 1988 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN S. TRECHSEL F. ERMACORA E. BUSUTTIL A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS G. BATLINER J. CAMPINOS H. VANDENBERGHE Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL MM. F. MARTINEZ C.L. ROZAKIS Mme J. LIDDY M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ; Vu l'article 25 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 11 mars 1985 par D. contre la Suisse et enregistrée le 16 avril 1985 sous le No de dossier 11497/85 ; Vu le rapport prévu à l'article 40 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Les faits de la cause tels qu'ils ont été exposés par le requérant peuvent se résumer comme suit. Le requérant est ressortissant suisse, né en 1962, résidant à Genève. Il est représenté devant la Commission par Me J. Barillon, avocat à Genève. Le 10 octobre 1981 le requérant et onze autres jeunes gens ont pénétré par la force à deux reprises dans un appartement habité par deux femmes qui furent violées. Le 18 octobre 1982 le requérant, accusé de viol, complicité de viol et complicité d'attentat à la pudeur avec violence, a été renvoyé devant la cour d'assises du canton de Genève. Par arrêt de la cour d'assises du 8 mars 1983, il a été reconnu coupable de viol et de complicité de viol et d'attentat à la pudeur et condamné à cinq ans de réclusion criminelle. Le requérant, qui tout au long du procès a clamé son innocence, s'est pourvu en cassation. Il a soutenu que le témoignage de la victime qui avait constitué la preuve fondamentale de sa culpabilité était contradictoire. En effet la victime avait déclaré dans un premier temps qu'elle était dans l'impossibilité de reconnaître sur une photo son violeur à cause de l'obscurité régnant au moment des faits, alors qu'ensuite elle avait formellement affirmé reconnaître le violeur en la personne du requérant, lorsqu'elle l'avait aperçu au cours de la procédure devant la chambre d'accusation. Le requérant a, en outre, produit des extraits de la presse genevoise selon lesquels à l'issue de la procédure le président de la cour d'assises aurait déclaré que "le jury a été troublé par le fait que s'(il était) innocent, un de (ses) coaccusés (le laissait) condamner, (le) sachant innocent". De l'avis du requérant il résulterait de cette déclaration qu'il existait des doutes quant à sa culpabilité et que sa condamnation aurait violé le principe "in dubio pro reo". Le 2 février 1984 la Cour de cassation pénale a rejeté le recours du requérant. Elle a estimé que les arguments du requérant quant à la crédibilité du témoignage de la victime étaient d'ordre appellatif et qu'elle n'avait pas à statuer sur ce point. Elle a en outre estimé qu'"elle ne (pouvait) être saisie que de l'arrêt lui-même et non pas des commentaires éventuels que le président de la cour d'assises adresse ensuite aux condamnés et dont la teneur lui (était) de toute façon étrangère". Le requérant a introduit contre cet arrêt un recours de droit public et un pourvoi en nullité devant le tribunal fédéral suisse. Il a invoqué entre autres l'article 6 par. 2 de la Convention. Le 29 mai 1984 le tribunal fédéral a déclaré irrecevable le pourvoi en nullité pour autant que le requérant faisait valoir une violation du principe "in dubio pro reo". Par ailleurs, par arrêt de la même date, notifié au conseil du requérant le 12 septembre 1984, le tribunal fédéral a également rejeté le recours de droit public au motif que, d'une part, l'appréciation des preuves par la cour d'assises ne pouvait être considérée comme arbitraire et d'autre part, on ne saurait déduire de l'admonestation finale du président de la cour d'assises que le jury ait eu des doutes au sujet de la culpabilité du requérant.
GRIEFS
1. Le requérant allègue que les juridictions cantonales genevoises l'ont condamné sans disposer des preuves suffisantes. Il soutient notamment que le témoignage de la victime était contradictoire et de ce fait insuffisant pour établir sa culpabilité.
2. Le requérant fait valoir en outre que sa condamnation, malgré les doutes subsistant quant à sa culpabilité exprimés par le président de la cour d'assises à l'issue de la procédure, a violé le principe de la présomption d'innocence. Il invoque l'article 6 par. 2 de la Convention.
EN DROIT
1. Le requérant se plaint d'abord d'avoir été condamné sans que la preuve de sa culpabilité ait été apportée. La Commission observe d'abord qu'elle a pour seule tâche, conformément à l'article 19 (Art. 19) de la Convention, d'assurer le respect des engagements résultant de la Convention pour les Parties contractantes. Elle rappelle en particulier que l'appréciation des preuves relève du pouvoir des tribunaux indépendants et impartiaux et que sa tâche se limite à examiner si les moyens de preuve ont pu être présentés de manière à garantir un procès équitable et si le procès dans son ensemble a été conduit de manière à obtenir ce même résultat (cf. par ex. No 6172/73, déc. 7.7.75, D.R. 3 p. 77). La Commission a examiné ce grief sous l'angle du paragraphe 1 de l'artice 6 (Art. 6-1) qui garantit à toute personne contre qui une accusation pénale est dirigée le droit à un procès équitable. La Commission constate qu'en l'espèce plusieurs éléments ont été présentés aux juridictions compétentes pendant l'instruction et le procès, parmi lesquels plusieurs témoignages et notamment celui de la victime. En effet, celle-ci, tout en admettant qu'elle n'avait pas pu reconnaître le violeur sur une photo, a toutefois formellement identifié le requérant comme étant l'auteur du viol au cours de la procédure devant la chambre d'accusation. Elle a, en outre, maintenu ses déclarations tout au long du procès devant la cour d'assises. Dans ces conditions, la Commission estime qu'aucune atteinte au droit à un procès équitable ne peut être constatée en l'espèce. Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé au sens de l'article 27 par. 2 (Art. 27-2) de la Convention.
2. Le requérant soutient ensuite que les déclarations qu'aurait faites le président de la cour d'assises à l'issue du procès laissent entendre que le jury, malgré son verdict, doutait de la culpabilité du requérant. Il invoque l'article 6 par. 2 (Art. 6-2) de la Convention qui stipule : "Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie." La Commission observe d'abord que cette disposition est avant tout une garantie d'ordre procédural s'appliquant à toute procédure pénale et impliquant entre autres que le doute profite à l'inculpé (cf. affaire Autriche c/Italie, Rapport de la Commission, Annuaire 6 p. 783). Cette disposition garantit en outre à tout individu qu'il ne sera pas traité comme coupable d'une infraction avant qu'un tribunal compétent n'ait établi sa culpabilité selon la loi (cf. No 7986/77, Krause c/Suisse, déc. 3.10.78, D.R. 13 p. 73). En l'espèce, la Commission estime que les déclarations du président de la cour d'assises ne sauraient être considérées comme pouvant infirmer le verdict du jury qui s'est prononcé pour la culpabilité du requérant, culpabilité qui est dès lors "légalement établie". Par ailleurs, il ne ressort guère des éléments fournis par le requérant que les juridictions en question, en remplissant leurs fonctions, soient parties de la conviction ou de la supposition que le requérant avait commis les actes incriminés (cf. affaire Autriche c/Italie, Rapport susmentionné de la Commission, Annuaire 6 p. 784 ; No 7628/76, déc. 9.5.77, D.R. 9 p. 169), ou que la preuve de sa culpabilité n'a pas été à la charge de l'accusation (No 5574/72, déc. 21.3.75, D.R. 3 p. 10). Il s'ensuit que cette partie de la requête est également manifestement mal fondée au sens de l'article 27 par. 2 (Art. 27-2) de la Convention. Par ces motifs, la Commission DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire de la Commission Le Président de la Commission (H.C. KRÜGER) (C.A. NØRGAARD)


Synthèse
Formation : Cour (chambre)
Numéro d'arrêt : 11497/85
Date de la décision : 29/02/1988
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : Violation de l'Art. 5-1 ; Violation de l'Art. 5-4 ; Non-violation de l'art. 14+5-4 ; Non-lieu à examiner l'art. 13 ; Satisfaction équitable réservée

Analyses

(Art. 13) DROIT A UN RECOURS EFFECTIF, (Art. 14) DISCRIMINATION, (Art. 5-1) LIBERTE PHYSIQUE, (Art. 5-1) VOIES LEGALES, (Art. 5-1-d) EDUCATION SURVEILLEE, (Art. 5-4) INTRODUIRE UN RECOURS, (Art. 5-4) ORDONNER LA LIBERATION, (Art. 6-1) DELAI RAISONNABLE


Parties
Demandeurs : D.
Défendeurs : la SUISSE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1988-02-29;11497.85 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award