La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/03/1988 | CEDH | N°11811/85

CEDH | SPILLMANN contre la SUISSE


SUR LA RECEVABILITE de la requête No 11811/85 présentée par Richard SPILLMANN contre la Suisse __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 8 mars 1988 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN S. TRECHSEL G. SPERDUTI E. BUSUTTIL G. JÖRUNDSSON A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS

G. BATLINER J. CAMPINOS H. VAND...

SUR LA RECEVABILITE de la requête No 11811/85 présentée par Richard SPILLMANN contre la Suisse __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 8 mars 1988 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN S. TRECHSEL G. SPERDUTI E. BUSUTTIL G. JÖRUNDSSON A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS G. BATLINER J. CAMPINOS H. VANDENBERGHE Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL MM. F. MARTINEZ C.L. ROZAKIS Mme J. LIDDY M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ; Vu l'article 25 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 24 septembre 1985 par Richard Spillmann contre la Suisse et enregistrée le 23 octobre 1985 sous le No de dossier 11811/85 ; Vu la décision de la Commission en date du 16 octobre 1986 de porter la requête à la connaissance du Gouvernement de la Suisse et d'inviter ce dernier à présenter par écrit ses observations sur la recevabilité et le bien-fondé de celle-ci ; Vu les observations formulées par le Gouvernement défendeur le 21 janvier 1987 ; Vu les observations en réponse présentées par le requérant le 9 avril 1987 ; Vu le rapport prévu à l'article 40 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Le requérant de nationalité suisse, né en 1953, est domicilié à Bâle. Il est imprimeur. Dans la procédure devant la Commission il est représenté par Me Martin Neidhart, avocat à Liestal (Suisse). Le requérant se trouve être le porte-parole de la section régionale d'un mouvement de lutte anti-nucléaire, sis à Kaiseraugst, à proximité de Bâle. En date du 3 février 1983 une manifestation eut lieu à Bâle, dirigée et organisée par le requérant. Au moment de ces événements fut perpétré à Pratteln, commune située non loin de Bâle, un attentat en ce sens qu'on fit sauter un pylone de haute tension. Selon le requérant, ce fait fournit aux autorités suisses un prétexte pour installer un système d'écoutes téléphoniques branché sur le domicile du requérant. En effet, dès la première semaine de février le requérant avait remarqué qu'il était l'objet d'une filature par la police. En date du 22 août 1983, des tiers l'ont officieusement informé qu'un système d'écoutes téléphoniques avait été mis en place en février, pour une période d'une semaine. En date du 12 septembre 1983, le requérant saisit le tribunal fédéral d'un recours de droit public mettant en cause la surveillance par écoutes téléphoniques qu'il soupçonnait. Par arrêt en date du 19 mars 1984, le Tribunal fédéral rejeta le recours, considérant qu'un recours de droit public n'est recevable que s'il est dirigé contre des mesures cantonales. Tel n'était pas le cas, en l'espèce. Par lettre du 12 avril 1984, le requérant s'adressa ensuite au Procureur général de la Confédération pour s'informer de la question de savoir si celui-ci avait ordonné une mesure d'écoutes téléphoniques à son endroit. Le Ministère public de la Confédération l'informa par lettre du 16 mai 1984 qu'il n'était pas en mesure de lui répondre sur ce point. En date du 28 mai, le requérant formula une nouvelle fois sa demande en prenant soin d'invoquer les articles 6, 8 et 13 de la Convention. Par lettre du 4 juin 1984 le Ministère public de la Confédération releva que plusieurs raisons pouvaient être à l'origine de l'absence d'information du requérant : soit qu'aucune mesure d'écoutes téléphoniques n'a été ordonnée, soit que la mesure est toujours en vigueur, soit qu'elle a pris fin mais qu'elle doit demeurer secrète en vue de la bonne marche de l'instruction en cours. En tout état de cause la mesure serait en conformité avec l'article 66 de la loi fédérale sur la procédure pénale (PPF) et l'article 8 par. 2 de la Convention. En date du 25 juin 1984, le requérant saisit le Département fédéral de justice et de police d'un recours formel dans le cadre d'une procédure de dénonciation (Aufsichtsbeschwerde) qui a pour objet le refus du Ministère public fédéral de donner des informations sur les motifs, les modalités et la durée d'une mesure d'écoute. Par lettre du 21 décembre 1984, le Département fédéral de justice et police lui fit savoir qu'il traitait les dénonciations fondées sur l'article 71 de la loi fédérale sur la procédure administrative comme recours formel, au sens des articles 44 et suiv. de ladite loi. En conséquence, le requérant jouit de tous les droits reconnus aux parties et bénéficie d'un droit à une décision formelle du Département fédéral de Justice et Police. Il s'ensuit que les conditions de l'article 13 sont respectées. Par lettre du 11 janvier 1985, le requérant demanda le droit d'accès au dossier portant sur la procédure relative à la mesure par écoutes téléphoniques. Il se heurta à un refus du Département fédéral de police et justice, par lettre du 30 janvier 1985. Par sa décision finale du 23 avril 1985, ledit Département rejeta le recours. Après avoir rappelé qu'il traitait le recours du requérant en tant que recours formel, en application de l'article 44 de la loi fédérale sur la procédure administrative, et rejeté une nouvelle fois la demande formulée en vue d'obtenir l'accès au dossier, le Département relevait, tout d'abord, que la base légale d'une mesure d'écoutes téléphoniques était constituée par les articles 66, 66 quater et 72 PPF. D'autre part, il expliquait que les conditions énoncées par ces dispositions étaient régulières dans la mesure où le but de la police judiciaire est de poursuivre des infractions contre la sécurité intérieure et extérieure de la Confédération commises, comme cela a été le cas en l'espèce, par des groupes appartenant au mouvement anti-nucléaire de Kaiseraugst, dont le requérant était le porte-parole. Le fait de garder le secret sur une mesure d'écoutes téléphoniques éventuellement prise doit être examiné dans chaque cas particulier. De toute manière, il ne saurait y avoir atteinte à l'article 8 de la Convention, car la pratique suivie est en concordance avec la jurisprudence de la Cour européenne (cf. Cour Eur. D.H., arrêt Klass et autres du 6 septembre 1978, série A No 28 p. 30). Enfin, le Département a considéré que dans l'attente d'une révision formelle des dispositions de la loi fédérale sur la procédure pénale, la procédure de dénonciation (Aufsichtsbeschwerde) constitue un recours efficace au sens de l'article 13 de la Convention. En effet, la réglementation prévoit que dans le cadre de l'instruction de la dénonciation, à l'occasion de la phase de procédure de préavis, il est vérifié auprès du président de la chambre d'accusation du Tribunal fédéral suisse si et pour quels motifs une mesure d'écoute téléphonique a eu lieu et pour quels motifs l'information ultérieure a été refusée. Grâce à cette vérification, le Département fédéral de justice et police a pleine connaissance, lorsqu'il statue sur la dénonciation, de la décision prise dans ce contexte par le président de la chambre d'accusation du Tribunal fédéral. Il est ainsi en mesure d'apprécier la justification de la mesure d'écoute et celle de l'éventuelle renonciation à une information a posteriori de la personne qui y a été soumise. Au demeurant, le requérant a requis, en date du 8 mai 1985, une interprétation de la décision du Département fédéral de justice et police du 23 avril 1985, en application de l'article 69 de la loi fédérale sur la procédure administrative. Toutefois, par décision du 23 mai 1985, cette dernière autorité informa la requérant qu'elle n'entrait pas en matière sur la demande interprétative. Les griefs du requérant peuvent se résumer comme suit : Le requérant allègue, tout d'abord, la violation de l'article 8 de la Convention, ensuite des articles 6 et 13 de la Convention et enfin de l'article 17 de la Convention.
1. Quant à l'article 8 de la Convention : Le requérant qui prétend avoir fait l'objet d'une mesure d'écoutes téléphoniques fait valoir que cette ingérence dans son droit au respect de la vie privée n'était pas prévue dans les textes de loi. Il relève à cet égard que les dispositions pertinentes du droit suisse, à la différence des dispositions figurant au code de procédure pénale allemand, ne mentionnent que de façon vague et imprécise les conditions dans lesquelles les mesures de surveillance par écoutes téléphoniques peuvent être ordonnées. En outre, la législation suisse autorise tous les moyens techniques pour mettre en oeuvre de telles mesures. Enfin, il fait valoir qu'il n'existe qu'un contrôle judiciaire sommaire et que la législation est muette quant à l'éventualité d'informer la personne concernée soit dans l'hypothèse où elle se trouve encore sur table d'écoutes, soit a posteriori.
2. Quant aux articles 6 et 13 de la Convention : Le requérant estime que la procédure de dénonciation (Aufsichtsbeschwerde) devant le Département fédéral de justice et police ne répond pas aux exigences des articles 6 et 13 de la Convention. Il soutient qu'il ne s'agit pas, en l'occurrence, d'une autorité "indépendante", tel un "tribunal". D'autre part, le manque d'informations de l'intéressé le prive de toute possibilité de demander et d'obtenir réparation d'un préjudice prétendument subi.
3. Quant à l'article 17 de la Convention : Le requérant estime que la mesure prétendument ordonnée à son encontre ne constitue non seulement une violation des dispositions susmentionnées de la Convention mais porte fondamentalement atteinte à son droit au respect de la vie privée et dépasse ainsi les limites imposées par l'article 17 de la Convention.
PROCEDURE La requête a été introduite le 24 septembre 1985 et enregistrée le 23 octobre 1985. Après un examen préliminaire par le Rapporteur, la Commission a procédé à l'examen de la recevabilité de la requête le 16 octobre 1986. Elle a décidé de donner connaissance de la requête au Gouvernement suisse, en application de l'article 42 par. 2 b) de son Règlement intérieur, et d'inviter celui-ci à présenter par écrit ses observations sur la recevabilité et le bien-fondé de celle-ci pour autant qu'elle concerne le grief au titre de l'article 13 de la Convention. Le Gouvernement a présenté ses observations sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête le 21 janvier 1987 et les observations en réponse du requérant sont parvenues le 9 avril 1987.
ARGUMENTATION DES PARTIES
Le Gouvernement défendeur A titre liminaire le Gouvernement rappelle que la législation suisse en matière d'écoutes téléphoniques a fait l'objet d'un examen approfondi dans le cadre de la requête No 10628/83, déclarée irrecevable par décision de la Commission le 14 octobre 1985. Le Gouvernement prend acte que la Commission se borne à l'inviter à présenter des observations au titre de l'article 13 de la Convention. Dans la présente affaire, le Gouvernement laisse à dessein ouverte la question de savoir si une procédure a été engagée contre le requérant et si, dans ce cadre, des mesures d'écoutes téléphoniques ont été ordonnées. Sur le caractère non déterminant de la réponse à cette question, il y a lieu de se référer à l'arrêt Klass (Cour Eur. D.H., arrêt le 6 septembre 1978, série A no 28, p. 20 par. 37 in fine). La question se pose dès lors de savoir si, en l'espèce, le requérant peut se prétendre victime, au sens de l'article 25, d'une violation de la Convention, bien qu'il ne soit pas en mesure de prouver que dans son cas il a fait l'objet de mesures d'écoutes téléphoniques. Sur ce point également, le Gouvernement rappelle la réponse donnée par la Commission qui, après avoir rappelé les critères adoptés par la Cour dans son arrêt rendu dans l'affaire Klass, a conclu comme suit : "A cet égard, la Commission constate que la législation suisse institue un système de surveillance exposant chacun au contrôle de ses communications téléphoniques, lorsque les conditions définies par la loi sont remplies et sans que la personne soumise à cette surveillance en soit informée. Dans ces circonstances, la Commission estime que les requérants sont en droit de se prétendre victimes d'une violation de la Convention bien qu'ils ne puissent démontrer à l'appui de leur requête avoir été assujettis à une telle mesure de surveillance." Quant à la recevabilité de la présente affaire, le Gouvernement se limite à des observations circonstanciées au regard de l'article 13 de la Convention.
1. Sur l'épuisement des voies de recours internes D'entrée le Gouvernement rappelle la teneur des observations qu'il avait formulées dans le cadre de la requête No 10628/83 précitée : "De l'avis du Gouvernement suisse, il serait contraire au caractère subsidiaire du mécanisme de contrôle instauré par la Convention - caractère subsidiaire plusieurs fois relevé, notamment dans son arrêt Handyside - que les requérants puissent s'adresser d'emblée à la Commission européenne des droits de l'homme sans avoir entrepris la moindre démarche sur le plan interne pour éclaircir la question et, le cas échéant, chercher à faire redresser la violation prétendue de la Convention par les autorités compétentes nationales." Le Gouvernement attache une importance fondamentale à ces principes. Il estime nécessaire de consacrer des développements complémentaires dans le contexte de la présente affaire étant donné que dans sa décision sur la recevabilité de la requête No 10628/83 précitée, la Commission avait laissé la question ouverte. Dans la présente affaire, les particularités sont les suivantes : - En premier lieu, lorsque, sur la base d'informations communiquées par des tiers, le requérant a été amené a penser qu'il était l'objet d'écoutes téléphoniques, il a effectivement introduit, le 12 septembre 1983, un recours de droit public devant le Tribunal fédéral suisse. Celui-ci n'est pas entré en matière sur ce recours, car lors de la procédure de consultation qui a été ordonnée dans le cadre de l'instruction du recours, il est apparu qu'aucune autorité du canton de Bâle-Ville n'avait ordonné une telle mesure. Or il convient de rappeler que le recours de droit public n'est ouvert que pour demander l'annulation d'un acte étatique cantonal. Le moyen de recours de droit public était donc inadapté en l'espèce. - Ensuite, après le rejet de son recours de droit public, le requérant s'est adressé par lettre du 12 avril 1984 au Ministère public de la Confédération. En répondant à sa demande d'information, le Ministère public de la Confédération a laissé ouverte la question de savoir si le requérant avait ou non fait l'objet d'écoutes téléphoniques. - D'autre part, le 25 juin 1984, le requérant a recouru contre cette décision auprès du Département fédéral de justice et police, autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération. Il suivait en cela l'indication précise qui figurait au bas de la décision du Ministère public de la Confédération du 4 juin 1984 en visant expressément les articles 14 et 17 al. 1 de la loi sur la procédure pénale fédérale. Malgré le fait qu'un tel recours constituait, au sens technique, une dénonciation (Aufsichtsbeschwerde), au sens de l'article 71 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968, l'autorité de surveillance - le Département fédéral de justice et police - a annoncé qu'il traiterait ce recours non pas comme une "dénonciation", mais comme un "recours", au sens des articles 44 ss de la loi précitée. - Enfin, il faut relever que ledit recours a été rejeté par décision du Département fédéral de justice et police du 8 mai 1985. Cette décision fait expressément mention que l'autorité de dernière instance n'est pas, en cette matière, le Département fédéral de justice et police, mais le Conseil fédéral. Mais s'il est vrai que la décision précitée ne rappelle pas à la fin du dispositif l'instance de recours que constitue le Conseil fédéral, cette indication figure dans le corps même de la décision précitée. Ainsi qu'il ressort de la demande d'interprétation qu'il a formulée le 8 mai 1985, le requérant avait connaissance de cette dernière voie de recours disponible au niveau national. Malgré cela, il n'a pas jugé nécessaire de s'adresser au Conseil fédéral. Toutefois, le Gouvernement voudrait préciser, en réponse à l'objection formulée par le requérant que, même si normalement dans ce type de procédure la décision du Département fédéral de justice et police constitue le dernier recours - au sens étroit -, il n'est pas exclu que le Conseil fédéral puisse traiter lui aussi, en tant que recours formel, comme l'a fait le Département lui-même, une dénonciation (Aufsichtsbeschwerde) qui lui aurait été adressée dans cette affaire. Mais jusqu'ici le Conseil fédéral n'a jamais été saisi du problème. C'est en ayant présent à l'esprit cette situation que le Gouvernement suisse affirme que le requérant a manqué à l'obligation d'épuiser les voies de recours internes, ainsi que le prescrit l'article 26 de la Convention.
2. Sur la prétendue violation de l'article 13 de la Convention En se fondant sur l'article 13 de la Convention, le requérant fait valoir qu'il n'existe, en Suisse, aucun recours effectif susceptible de faire constater une violation de la Convention dans son cas et y remédier. Le Gouvernement observe que la requête n'est pas claire quant à la question de savoir quelle disposition doit être lue en concours avec l'article 13 et la Commission n'a donné aucune indication à cet égard. Dès lors, il part de l'idée que dans le cadre de la présente requête, la question du respect ou non de l'article 13 de la Convention doit être examinée en relation avec l'article 8 de la Convention. Après avoir exposé les principes généraux se dégageant de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme relative à l'article 13 de la Convention, (voir notamment Cour Eur. D.H. arrêts James du 21 février 1986, Série A no 98, par. 84, Lithgow et autres du 8 juillet 1986, Série A no 102, par. 205, Silver et autres du 25 mars 1983, Série A no 61, par. 111-113), et avant de déduire, dans le cas d'espèce, les conséquences à tirer de cette jurisprudence, le Gouvernement relève de manière générale qu'en Suisse, où la Convention est directement applicable, le particulier dispose, en matière de contrôle des écoutes téléphoniques, d'un ensemble de recours qui remplissent globalement les exigences de l'article 13 de la Convention. Le contrôle qui émane de l'institution judiciaire (en l'occurrence le président de la chambre d'accusation du Tribunal fédéral), l'intervention de l'autorité administrative (Ministère public de la Confédération), doublé des recours administratifs (devant le Département fédéral de justice et police et devant le Conseil fédéral, instances administratives qui exercent des compétences juridictionnelles dans ce cadre) constituent bien, envisagés globalement, le "recours effectif" devant les "instances nationales" auxquelles se réfère l'article 13 de la Convention. En outre, pour juger de l'effectivité du recours, il faut prendre en considération les aménagements jurisprudentiels ou administratifs découlant d'arrêts rendus par la Cour européenne des Droits de l'Homme, puisque, selon la jurisprudence précitée de la Cour, les Etats parties à la Convention jouissent d'une certaine marge de manoeuvre sur la manière dont ils entendent respecter les exigences de l'article 13 de la Convention. a) Principes posés par les organes de la Convention sur les exigences de l'article 13 en ce qui concerne les écoutes téléphoniques Les organes de la Convention sont partis de l'idée que dans une société démocratique, les causes de surveillances secrètes doivent être soumises à un contrôle à chaque stade de la procédure. Ils ont distingué trois stades, l'ordonnance de la mesure d'écoute, son exécution et le contrôle après qu'elle a cessé. Sur ces questions, il y a lieu de se référer à l'arrêt rendu par la Cour dans l'affaire Klass précitée (par. 55) ainsi qu'à la décision de la Commission sur la recevabilité des requêtes Mersch et autres c/Luxembourg (No 10439/83 et ss., déc. du 10.5.1985). En ce qui concerne le contrôle des mesures de surveillance téléphoniques, lors des deux premiers stades, le Gouvernement se réfère aux articles 72 et 66-66quater de la loi fédérale sur la procédure pénale fédérale de 1934 (PPF). L'essentiel de ces dispositions peut être résumé de la manière suivante : En vertu de l'article 66bis, al. 1 PPF, l'autorité qui ordonne une mesure secrète d'écoute téléphonique doit, dans les vingt quatre heures qui suivent sa décision en soumettre une copie, accompagnée du dossier et d'un bref exposé des motifs, à l'approbation du président de la chambre d'accusation du Tribunal fédéral suisse. La décision reste en vigueur six mois au plus, pour autant que l'ordonnance de prorogation, accompagnée du dossier et de l'exposé des motifs, soit soumise, dix jours avant l'expiration du délai, à l'approbation du président de la chambre d'accusation du Tribunal fédéral (al. 2). En vertu de l'article 66quater al. 2 PPF, le président de la chambre d'accusation veille à ce que les mesures de surveillance soient rapportées à l'expiration du délai. Si une mesure de surveillance est levée, la question se pose de savoir si la personne en cause doit être informée de l'existence de la mesure de surveillance. La jurisprudence et la doctrine sont aujourd'hui unanimes à considérer qu'une exclusion générale de l'information a posteriori viole le principe de la proportionnalité et contrevient également à l'article 13 de la Convention. Si une information a posteriori menace cependant le but et l'objet de la mesure d'écoutes téléphoniques, on peut, exceptionnellement, y renoncer. A cet égard, en se référant expressément à l'arrêt rendu par la Cour dans l'affaire Klass, le Tribunal fédéral suisse a, dans un arrêt de principe rendu en la cause Vest et groupe régional bâlois des juristes démocratiques de la Suisse c/Bâle-Ville, du 9 novembre 1983 (ATF 109 Ia 273), reconsidéré de manière critique les garanties procédurales offertes par le droit fédéral aux justiciables en matière d'écoutes téléphoniques. b) Le cas d'espèce Dans la présente affaire, le requérant n'a, à ce jour, pas été informé par les autorités sur la question de savoir s'il a fait l'objet d'une mesure d'écoute téléphonique ou non. Par lettre du 4 juin 1984, le Ministère public de la Confédération lui a communiqué que cela signifiait "soit qu'aucune mesure de surveillance n'avait eu lieu, ou que la mesure de surveillance se prolongeait encore, ou que la mesure de surveillance avait pris fin et n'avait pas, ou pas encore été communiquée en raison du danger qu'une telle communication ferait courir au regard du but de la mesure". Il faut rappeler à cet égard qu'en vertu de l'article 17 de la loi fédérale sur la procédure pénale (PPF), c'est le Procureur général de la Confédération qui dirige la police judiciaire. Cette police judiciaire exerce sa mission sous la surveillance du Département fédéral de justice et police. Au Service de police du Ministère public de la Confédération incombe en particulier la tâche d'assurer le service des enquêtes et des informations dans l'intérêt de la sûreté intérieure et extérieure de la Confédération (Staatsschutz). Cette mission particulière est décrite dans l'arrêté du Conseil fédéral du 29 avril 1958 concernant le Service de police du Ministère public fédéral. C'est à la lumière de la réponse écrite donnée par le Ministère public de la Confédération que se pose, dans le cas du requérant, la question de la mise en oeuvre d'un contrôle a posteriori. Interviennent dans cette procédure non seulement le Ministère public de la Confédération, mais aussi le président de la chambre d'accusation du Tribunal fédéral, le Département fédéral de justice et police ainsi que le Conseil fédéral. Pour sa part, le Ministère public de la Confédération examine d'office la question de l'information a posteriori d'une personne assujettie à une mesure d'écoute téléphonique. Deux situations peuvent se présenter : dans un premier cas, l'intéressé reçoit une lettre dans laquelle sont précisées les raisons qui ont donné lieu à la mesure d'écoute (par exemple le soupçon d'avoir contrevenu à telle disposition légale), ainsi que les modalités et la durée de la mesure de surveillance ; dans le second cas, lorsqu'un intérêt public justifie le maintien du secret (notamment lorsque la sûreté intérieure et extérieure de la Confédération est en jeu), le Ministère public de la Confédération doit, par requête motivée, obtenir l'accord du président de la chambre d'accusation du Tribunal fédéral pour être dispensé de l'obligation d'informer d'office l'intéressé de la mesure d'écoute téléphonique. Dans l'attente d'une révision législative que le Conseil fédéral suisse a proposée au Parlement dans son message du 29 mai 1985 (Feuille fédérale 1985 II 741), cette façon de procéder se fonde sur un échange de lettres des 2 juillet 1984 et 28 novembre 1984 entre le Département fédéral de justice et police et le Tribunal fédéral suisse. Cet échange de lettres, qui a son origine dans l'arrêt précité du Tribunal fédéral du 9 novembre 1983 rendu dans l'affaire Vest, consacre une interprétation extensive de l'article 66quater, al. 2 de la loi fédérale sur la procédure pénale (PPF) : cet échange de lettres habilite le président de la chambre d'accusation du Tribunal fédéral à statuer sur les requêtes du Procureur général de la Confédération tendant à refuser l'information ultérieure de personnes assujetties à des mesures d'écoutes téléphoniques, lorsque des intérêts publics impérieux (sûreté intérieure et extérieure de la Confédération notamment) le commandent. De son côté le Procureur général de la Confédération a pris les dispositions nécessaires, sur le plan administratif, pour assurer un traitement uniforme des demandes de renseignements émanant de particuliers au sujet d'écoutes téléphoniques qui auraient pu être ordonnées à leur encontre. Cette directive du 3 décembre 1984 rappelle les principes exposés plus haut. Enfin, il convient de souligner que le Département fédéral de justice et police n'a pas manqué de faire usage de la marge de manoeuvre que lui réserve la loi fédérale sur la procédure administrative pour tenir compte des exigences de l'article 13 de la Cconvention lorsque la procédure de "dénonciation" (Aufsichtsbeschwerde) a pour objet le refus du Ministère public fédéral de donner des informations sur les motifs, les modalités et la durée d'une mesure d'écoute. A cette fin, le Département fédéral de justice et police traite les dénonciations fondées sur l'article 71 de la loi fédérale sur la procédure administrative comme des recours formels au sens des articles 44 ss de ladite loi. En conséquence, l'intéressé jouit de tous les droits reconnus aux parties et bénéficie d'un droit à une décision formelle du Département fédéral de justice et police (elle-même sujette à recours auprès du Conseil fédéral suisse, dernière instance nationale). Dans le cadre de l'instruction de la dénonciation, à l'occasion de la phase de procédure de préavis, il est vérifié auprès du président de la chambre d'accusation du Tribunal fédéral suisse si et pour quels motifs une mesure d'écoute téléphonique a eu lieu et pour quels motifs l'information ultérieure a été refusée. Grâce à cette vérification, le Département fédéral de justice et police a pleine connaissance, lorsqu'il statue sur la dénonciation, de la décision prise dans ce contexte par le président de la chambre d'accusation du Tribunbal fédéral. Il est ainsi en mesure d'apprécier la justification de la mesure d'écoute et celle de l'éventuelle renonciation à une information a posteriori de la personne qui y a été soumise. Le Gouvernement considère que cet aménagement de la pratique du Département fédéral de justice et police est une expression particulière de l'obligation qui incombe à cette autorité (ainsi qu'à toutes les autorités suisses chargées de l'application du droit) d'interpréter les dispositions du droit fédéral à la lumière des exigences de la Convention européenne des Droits de l'Homme, et notamment de son article 13, en liaison avec son article 8. Dans le cas d'espèce, la procédure décrite ci-dessus a trouvé application, du moins dans la mesure où le requérant a fait usage des moyens de recours qui étaient à sa disposition (à l'exception du recours au Conseil fédéral, qu'il n'a pas jugé utile d'introduire). En particulier, le requérant a eu le bénéfice de la pratique récente du Département fédéral de justice et police, qui traite, comme des recours, au sens des articles 44 et suivants de la loi fédérale sur la procédure administrative, les dénonciations qui lui sont adressées en application de l'article 71 de ladite loi. Le requérant a ainsi bénéficié des droits réservés aux parties et a eu droit à une décision de l'autorité. En tant qu'autorité de décision, le Département a agi en tant qu'instance indépendante, étant donné que dans le domaine des écoutes téléphoniques, le Département ne donne aucune directive au Ministère public de la Confédération. En résumé, le Gouvernement est d'avis que, considérée globalement, la procédure qui existe en Suisse en vue de donner des garanties adéquates lors de la surveillance par écoutes téléphoniques respecte les exigences de l'article 13 de la Convention. Ces garanties concernent les trois stades de la procédure identifiés par la Cour européenne des Droits de l'Homme en ce qui concerne les mesures d'écoutes téléphoniques (ordonnance de la mesure, surveillance de son exécution et contrôle après qu'elle a cessé). Même dans les cas où, pour des raisons que tant la Cour européenne des Droits de l'Homme que le Tribunal fédéral estiment justifiées, le secret est maintenu, cette procédure donne néanmoins un ensemble de garanties dont les particuliers bénéficient à leur insu (c'est en particulier le cas du contrôle - fondamental sous l'angle du respect des droits de l'homme - qu'exerce "à la source" le président de la chambre d'accusation dans les heures qui suivent la mise en place de la mesure). Les mesures de contrôle qui interviennent à la suite d'une requête de l'individu, telles que les démarches que le requérant a faites auprès du Ministère public de la Confédération, puis auprès du Département fédéral de justice et police, constituent des mesures de contrôle complémentaires qui, appréciées en corrélation avec le contrôle juridictionnel de base, représentent bien un recours effectif au sens de l'article 13 de la Convention. Les autorités fédérales se sont efforcées de mettre en oeuvre les principes posés par la jurisprudence des organes de la Convention et par le Tribunal fédéral dès que ces décisions jurisprudentielles lui ont été connues. Depuis la prise de ces premières mesures - qui, selon le Gouvernement, respectent déjà intégralement les exigences de l'article 13 de la Convention - une modification législative a été proposée, en vue d'inscrire dans la loi des principes dont bénéficient déjà en pratique les particuliers. A cet égard, le Gouvernement signale que la révision ponctuelle de la loi fédérale qui est actuellement pendante devant le Parlement suisse vise à compléter la loi fédérale sur la procédure pénale en inscrivant un art. 66 quinquies nouveau, selon lequel l'autorité qui a ordonné la mesure d'écoutes téléphoniques communique à la personne touchée, dans les trente jours qui suivent la clôture de l'enquête, les motifs, le genre et la durée de la surveillance. L'alinéa 2 de la future disposition prévoit que l'autorité "ne peut renoncer à cette communication que si un intérêt public important, en particulier la sécurité intérieure ou extérieure de la Confédération, exige le maintien du secret". Cette renonciation exige l'approbation du président de la chambre d'accusation du Tribunal fédéral. Il découle de ce qui précède que le principe qui est inscrit dans ce projet de disposition législative est déjà, à l'heure actuelle, mis en oeuvre par le biais de l'aménagement de la pratique, dans le respect de l'esprit et de la lettre des articles 8 et 13 de la Convention.
Le requérant A titre préliminaire, le requérant fait valoir que le raisonnement du Gouvernement par analogie à la requête No 10628/83 précitée ne se justifie pas dans la mesure où un problème plus vaste se pose dans la présente affaire, à savoir celui du contrôle a posteriori de la mesure d'écoutes téléphoniques. D'autre part, il relève que dans la procédure concernant le point de savoir si la personne qui fait l'objet d'une mesure d'écoutes peut être informée de l'existence de cette dernière, la mesure proprement dite n'est pas soumise à un contrôle quant au fond. En effet, la "procédure d'urgence", à savoir la procédure de dénonciation mise en oeuvre suite à l'arrangement intervenu le 28 novembre 1984 avec le Tribunal fédéral n'aborde que la question de savoir si la personne visée par une mesure d'écoutes ou l'individu qui soupçonne faire l'objet d'une telle mesure a la possibilité ou non d'être informé de son existence et, dans l'affirmative, de la nature de la mesure en question. On peut considérer qu'une mesure d'écoutes est contraire à l'article 8 de la Convention, mais que pour des intérêts supérieurs il n'est pas possible d'aviser l'intéressé de son existence. Dans la présente affaire, on ne peut exclure qu'une telle situation se présente. On pourrait présumer que, pour des motifs non justifiés, de nombreux quartiers d'habitation de Bâle soient placés sur table d'écoute. Si l'intéressé faisait l'objet ultérieurement d'une notification, il faudrait s'attendre à une énorme publicité autour de l'affaire, publicité dont pourraient faire mauvais usage ceux qui, en raison d'activités criminelles, auraient intérêt à connaître tout le système des écoutes. Bien qu'en pareil cas il y ait maintien du secret dans l'intérêt général, cela ne change rien au fait que l'ingérence dans la vie privée des citoyens ne se justifiait pas. L'intéressé n'a dans ce cas aucune possibilité de déclencher un contrôle juridictionnel ultérieur, au sens de l'article 13 de la Convention. L'Etat doit donc veiller à garantir par d'autres voies un contrôle ultérieur. Or, pareil contrôle juridictionnel ultérieur n'est prévu ni par la législation fédérale ou cantonale en vigueur ni par les modifications envisagées. D'ailleurs, même si l'intéressé se voyait notifier l'existence d'une mesure d'écoutes, il n'est prévu à l'échelon fédéral aucun recours contre la mesure proprement dite. En toute hypothèse, il est inacceptable que, lorsqu'on invoque l'intérêt du maintien du secret, la mesure d'écoute initiale ne soit jamais contrôlée en dehors du contrôle juridique sommaire dans le cadre de l'arrêté. La réglementation fédérale allemande, sur laquelle la Cour européenne des Droits de l'Homme a dû se prononcer dans l'affaire Klass précitée, prévoit un contrôle ultérieur en imposant à l'autorité compétente d'informer l'intéressé dès que la notification peut intervenir sans compromettre le but de la restriction. A cette fin, le ministre compétent examine d'office, aussitôt après la levée des mesures ou au besoin ensuite, par intervalles, s'il y a lieu d'informer l'intéressé. Il soumet sa décision pour approbation à la Commission instituée par la G 10 pour en contrôler l'application. La Commission G 10 peut ordonner au ministre d'aviser l'intéressé qu'il a fait l'objet de mesures de surveillance. Une fois la notification faite, différentes voies de droit s'ouvrent alors pour permettre à l'intéressé de réclamer réparation du préjudice éventuellement subi (arrêt Klass précité, par. 57). En outre, contrairement à la réglementation en vigueur en Suisse, la réglementation allemande prévoit que quiconque se croit surveillé peut engager un recours sans qu'il ait été informé sur le point de savoir s'il fait effectivement ou non l'objet d'une mesure d'écoutes (arrêt Klass précité, par. 70).
1. Sur l'épuisement des voies de recours internes Le Gouvernement reproche au requérant de n'avoir pas recouru devant le Conseil fédéral contre la décision rendue le 23 avril 1985 par le Département fédéral de justice et police. Il convient de souligner ici que, selon le Gouvernement, il n'existe, d'après la loi écrite, aucune possibilité de recours contre la décision du Ministère public fédéral de surveiller des communications téléphoniques. Par application directe de l'article 13 de la Convention, une procédure d'urgence informelle a été introduite et la demande du requérant a été considérée comme recours formel ("echte" Beschwerde). Dans cette décision, il a certes été signalé qu'un recours, au sens d'une "dénonciation" (Aufsichtsbeschwerde), était possible devant le Conseil fédéral. Toutefois, il manquait une référence au vu de laquelle cette dénonciation était considérée également, au regard de l'article 13 de la Convention, en tant que recours formel au sens des articles 14 et ss. de la loi fédérale sur la procédure administrative. Il s'ensuit que dans le libellé du dispositif de la décision ne figurait aucune indication des voies de droit (Rechtsmittelbelehrung). Pour s'assurer qu'il ne s'agissait pas là d'une erreur, le requérant a présenté le 8 mai 1985 une demande interprétative. Cette demande fut déclarée irrecevable par décision du 23 mai 1985 au motif qu'il convenait de donner suite à une demande interprétative lorsqu'il y a contradiction entre le dispositif et l'exposé des motifs. Le fait de déclarer irrecevable la demande interprétative a donc permis de confirmer formellement l'absence de contradiction entre le dispositif (pas d'indication des voies de recours) et l'exposé des motifs (qualification du recours en tant que "dénonciation" et non en tant que recours formel). Le requérant devait en conclure qu'il s'agissait bien d'une dénonciation (Aufsichtsbeschwerde). A la lumière de ces considérations, l'exception soulevée par le Gouvernemenrt, selon laquelle le requérant n'aurait pas épuisé les voies de recours internes, ne saurait être retenue. D'ailleurs, en ce qui concerne ces voies de recours, il est un principe selon lequel le citoyen doit pouvoir s'en remettre au droit écrit. Dans ce domaine aussi règne la suprématie du droit écrit sur les décisions ad hoc de l'administration. Il faut ajouter qu'une "dénonciation" adressée au Conseil fédéral aurait été vouée à l'échec. Le Gouvernement confirme d'ailleurs dans ses observations écrites qu'il n'est pas question de s'écarter de la pratique existante. Ce recours n'est donc pas un recours efficace au sens de l'article 26 de la Convention. Quant à la mesure d'écoutes téléphoniques proprement dite, il n'existe aucun recours interne.
2. Sur la prétendue violation de l'article 13 de la Convention Il s'agit non seulement de mettre en cause le refus de notification ultérieur mais la mesure d'écoutes téléphoniques proprement dite doit pouvoir faire l'objet d'un contrôle ultérieur. Or, les observations du Gouvernement se limitent à la procédure d'urgence, procédure de dénonciation, instituée suite à l'arrangement intervenu avec le Tribunal fédéral le 28 novembre 1984. Quant à cette procédure mise en oeuvre récemment et quant à l'adoption prévue de l'article 66 quinquies de la loi fédérale sur la procédure pénale (PPF), le requérant ne méconnaît pas que le Gouvernement se préoccupe de faire en sorte, au moins partiellement, que la réglementation en matière d'écoutes téléphoniques réponde aux exigences de la Convention. L'interception des communications téléphoniques du requérant a eu lieu en février 1983. La première interpellation adressée par le requérant au Ministère public de la Confédération date du 12 avril 1984. Le recours adressé au Département fédéral de justice et police contre le Procureur fédéral a été présentée le 25 juin 1984. Mais ce n'est qu'après ces demandes que, contrairement à la pratique habituelle et sans aucune base légale, la procédure d'urgence a été instituée, par application directe de l'article 13 de la Convention. Le requérant s'est vu refuser le droit de consulter le dossier et n'a pu conclure ni de l'échange de lettres ni de la décision du 23 avril 1985 si, et à quelle date, le président de la chambre d'accusation s'était prononcé sur le maintien du secret et si le Département fédéral de justice et police avait procédé à un contrôle sur le point de savoir si des intérêts d'ordre public impérieux s'opposaient à l'information de l'intéressé. A supposer que de tels motifs existent effectivement, il est clair qu'on ne peut pas s'attendre à ce que le Gouvernement communique les raisons détaillées du refus d'information. Cela étant, il convient d'exiger de l'autorité de recours qu'elle fasse connaître sommairement au citoyen les raisons pour lesquelles il n'a pas eu d'information précise sur le point de savoir s'il a été ou non assujetti à une mesure d'écoutes téléphoniques. Dans ses observations, le Gouvernement fait valoir que cette procédure d'urgence a été d'application dans le cas du requérant. Il ne se prononce pas sur les intérêts d'ordre public à protéger non plus que sur la proportionnalité du maintien du secret. Il n'est reproché au requérant aucune activité touchant aux services secrets. En fait, celui-ci s'est borné à organiser une manifestation destinée à empêcher la construction d'une centrale nucléaire. Il serait pour le moins étrange que ce fait à lui seul suffise aux autorités suisses pour considérer qu'un individu porte atteinte à la sécurité de l'Etat. Le requérant ne peut imaginer d'autres motifs qui justifieraient à son encontre des mesures de surveillance aussi strictes. Il considère donc que les autorités ont fondé leur décision sur des informations erronées. Pour le cas où la Commission devait conclure que la procédure mise en oeuvre répondait aux exigences de l'article 13 de la Convention, elle devrait contrôler si, en l'espèce, des intérêts véritablement impérieux s'opposaient à une information du requérant en ce qui concerne la surveillance ou l'absence de surveillance de ses communications téléphoniques. La Commission devrait vérifier les intérêts invoqués par le Gouvernement et contrôler si dans le cas concret le maintien du secret était conforme au critère de proportionnalité. Enfin, si la Commission venait à conclure que le maintien absolu du secret à l'égard du requérant était fondé en droit, elle devrait examiner les conditions préalables de la mesure d'écoutes initiale, à la lumière des dispositions de la Convention invoquées.
EN DROIT
1. Le requérant allègue la violation de l'article 8 (Art. 8) de la Convention en raison du fait qu'il aurait fait l'objet d'une mesure d'écoutes téléphoniques, laquelle constitue, selon lui, une ingérence dans son droit au respect de la vie privée. En outre, le requérant fait valoir une atteinte à ses droits garantis aux articles 6 et 13 (Art. 6, 13) de la Convention, considérant que la procédure de dénonciation (Aufsichtsbeschwerde) devant le Département fédéral de justice et police ne répond aux exigences ni de l'une ni de l'autre de ces dispositions de la Convention en raison de ce que d'une part, cette autorité ne saurait être qualifiée de "tribunal indépendant" au sens de l'article 6 (Art.6) et que, d'autre part, ladite procédure ne constitue pas un recours effectif susceptible de remédier à la situation litigieuse au sens de l'article 13 (Art. 13). Enfin, le requérant estime que la mesure prétendument ordonnée à son encontre porte fondamentalement atteinte à son droit au respect de la vie privée et dépasse ainsi les limites imposées par l'article 17 (Art. 17) de la Convention. D'entrée, le Gouvernement défendeur laisse ouverte la question de savoir si des mesures de surveillance par écoutes téléphoniques ont réellement été ordonnées. La question se pose dès lors de savoir si, en l'espèce, le requérant peut se prétendre victime, au sens de l'article 25 (Art. 25-1) de la Convention, dont le premier paragraphe se lit ainsi : "1. La Commission peut être saisie d'une requête adressée au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers, qui se prétend victime d'une violation par l'une des Hautes Parties Contractantes des droits reconnus dans la présente Convention ... " Le Gouvernement renvoie sur ce point au raisonnement qui suit, adopté par la Commission dans sa décision sur la recevabilité de la requête No 10628/83, déc. 14.10.85 (à paraître dans D.R. No 44) : "Se référant à l'arrêt rendu par la Cour européenne des Droits de l'Homme dans l'affaire Klass (Cour Eur. D.H., arrêt du 6.9.1978, série A no 28, p. 18 par. 34), la Commission rappelle ici que la Cour a accepté qu'un individu puisse, sous certaines conditions, se prétendre victime d'une violation entraînée par la simple existence de mesures secrètes ou d'une législation en permettant, sans avoir besoin d'avancer qu'on les a réellement appliquées. A cet égard, la Cour a déclaré que les conditions requises doivent être définies dans chaque cause selon le ou les droits de la Convention dont on allègue la violation, le caractère secret de mesures incriminées et la relation entre l'intéressé et ces mesures. A cet égard, la Commission constate que la législation suisse institue un système de surveillance exposant chacun au contrôle de ses communications téléphoniques, lorsque les conditions définies par la loi sont remplies et sans que la personne soumise à cette surveillance en soit informée. Dans ces circonstances, la Commission estime que les requérants sont en droit de se prétendre victimes d'une violation de la Convention bien qu'ils ne puissent démontrer à l'appui de leur requête avoir été assujettis à une telle mesure de surveillance." Le Gouvernement défendeur soutient en outre qu'en ce qui concerne la question du contrôle des écoutes téléphoniques le requérant aurait dû inviter les autorités nationales compétentes, notamment la dernière instance, à savoir le Conseil fédéral, à statuer sur la situation dénoncée, notamment au moyen de la procédure de la dénonciation (Aufsichtsbeschwerde) qui porte sur le contrôle de l'opportunité a posteriori d'une mesure d'écoute téléphonique et, d'une manière générale, sur le contrôle de la bonne application des dispositions légales pertinentes. De l'avis du Gouvernemenrt défendeur, l'ensemble des garanties procédurales à la disposition du requérant en la matière lui garantissait un recours efficace au sens de l'article 26 (Art. 26) de la Convention. Le requérant conteste ce point de vue. Il considère en particulier que la procédure de dénonciation devant le Conseil fédéral préconisée par le Gouvernement défendeur n'est pas un recours efficace au sens de l'article 26 (Art. 26) de la Convention et que, d'une manière générale, il n'existe pas actuellement en droit suisse de voies de droit susceptibles de redresser une situation telle que celle mise en cause. On ne saurait dès lors valablement lui opposer l'exception d'irrecevabilité tirée du non-épuisement des voies de recours internes, au sens de l'article 26 (Art. 26) de la Convention. La Commission constate que la question de l'épuisement des voies de recours internes est délicate et présente en l'espèce des incertitudes. Elle est fortement controversée entre les parties. Elle n'estime cependant pas nécessaire d'examiner plus amplement cette question compte tenu du fait que la requête est en tout état de cause irrecevable pour d'autres motifs.
2. La Commission examinera en premier lieu le point de savoir si les prétendues mesures de surveillance et de contrôle par écoutes téléphoniques dénoncées par le requérant constituent une ingérence dans ses droits garantis par l'article 8 (Art. 8) de la Convention et, dans l'affirmative, si ces ingérences peuvent se justifier au regard du paragraphe 2 (Art. 8-2) de cette même disposition. Cet article est ainsi libellé : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. La Commission considère que ces mesures, à supposer que celles-ci aient été appliquées aux communications téléphoniques du requérant, constituaient une ingérence dans l'exercice de ses droits reconnus au paragraphe 1er de l'article 8 (Art. 8-1) . Ainsi que la Cour l'a relevé dans son arrêt Klass (ibidem par. 41) : "Manifestement chacune des mesures de surveillance permises, une fois exécutée contre un individu donné, entraînerait une ingérence d'une autorité publique dans l'exercice du droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale et de sa correspondance. De plus, la législation elle-même crée par sa simple existence, pour tous ceux auxquels on pourrait l'appliquer, une menace de surveillance entravant forcément la liberté de communication entre usagers des services des postes et télécommunications et constituant par là une 'ingérence d'une autorité publique' dans l'exercice du droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale ainsi que de leur correspondance." Le paragraphe 2 de l'article 8 (Art. 8-2) autorise cependant certaines restrictions à l'exercice de ces droits et il y a lieu de se demander si les ingérences prévues par la législation suisse entrent dans le cadre dudit paragraphe. Ainsi que la Commission l'a relevé notamment dans sa décision sur la requête No 10628/83 précitée, pour ne pas enfreindre l'article 8 (Art. 8) de la Convention, l'ingérence doit d'abord avoir été "prévue par la loi". Cette exigence se trouve remplie en l'espèce car la mesure de surveillance et de contrôle par écoutes téléphoniques est régie par les articles 72 et 66 à 66quarter de la loi fédérale sur la procédure pénale (PPF), du 15 juin 1934, révisée par la loi fédérale du 23 mars 1979. Enfin, l'ingérence doit être "nécessaire" dans une société démocratique, notamment à la "sécurité nationale", à la "sûreté publique" à la "défense de l'ordre", ou à la "prévention des infractions pénales". D'une manière générale, c'est au Ministère public de la Confédération qu'incombe la tâche d'"assurer le service de recherches et de l'information aux fins de sauvegarder la sûreté intérieure et extérieure du pays" (art. 58 de la loi fédérale sur l'organisation de l'administration du 19 septembre 1978). Par ailleurs, il est bien précisé dans le texte des articles 72 et 66 à 66quater PPF que la mesure de surveillance et de contrôle des formes de communication ne peut être ordonnée que si un certain nombre de conditions sont réunies. Il faut notamment qu'il y ait des indices permettant de soupçonner quelqu'un de projeter, accomplir ou avoir accompli une infraction dont la gravité ou la particularité justifie l'intervention. Il faut d'autre part que la personne faisant l'objet de surveillance soit suspectée d'être l'auteur de cette infraction ou d'y avoir participé ; en outre, il faut que les moyens ordinaires d'investigation se soient avérés inopérants en raison de la nature des faits et des circonstances de l'espèce. Lorsqu'une mesure est ordonnée dans le cadre de poursuites des infractions contre la sûreté intérieure et extérieure de la Confédération, elle l'est aux termes de l'article 72 PPF par le Procureur général de la Confédération. En ce faisant, celui-ci agit en toute indépendance. D'autre part, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa décision, il est tenu de soumettre celle-ci à l'approbation du président de la chambre d'accusation du Tribunal fédéral (art. 66 à 66quater PPF). Enfin, il y a un contrôle périodique du maintien de la mesure de surveillance au moins tous les six mois. Au terme de cette période, une ordonnance de prolongation doit être prononcée par le Procureur général et approuvée par le président de la chambre d'accusation. La Commission relève que les mesures de surveillance et de contrôle par écoutes téléphoniques sont soumises à une procédure préalable d'autorisation, que, d'autre part, il est mis fin à la surveillance dès qu'elle ne s'avère plus nécessaire ou au moment où la décision est rapportée. Elle observe que d'une manière générale les conditions telles que les a énoncées la Cour dans son arrêt Klass (ibidem, par. 51 et 52) sont réunies en l'occurrence. Le fait que la procédure de contrôle judiciaire est "secrète même à l'égard de la personne touchée" (art. 66quater, al. 1 PPF) ne saurait prêter à critique au regard de l'article 8, par. 2 (Art. 8-2), de la Convention puisque cette caractéristique de la procédure est elle-même "prévue par la loi" et répond, à une "nécessité" dans une société démocratique (Cour Eur. D.H., arrêt précité, par. 55). Enfin, pour ce qui est de l'absence de notification ultérieure à l'adresse du requérant, la Commission souligne que dans l'arrêt Klass, la Cour a déclaré qu'il ne saurait être incompatible avec l'article 8, par. 2 (Art. 8-2) , de ne pas informer l'intéressé dès la fin de la surveillance, car c'est précisément cette abstention qui assure l'efficacité de l'ingérence (Cour Eur.D.H., arrêt précité, par. 58). Il convient d'ailleurs de rappeler que dans le système suisse on ne peut renoncer à la notification a posteriori que dans les cas où une information menacerait le but et l'objet de la mesure d'écoute. Prenant en considération l'ensemble de ces éléments, les critères énoncés par la Cour dans son arrêt précité et la conclusion à laquelle la Commission est parvenue dans sa décision sur la requête No 10628/83 précitée, la Commission parvient à la conclusion que les mesures de surveillance et de contrôle par écoutes téléphoniques, qui peuvent être ordonnées dans le cadre de la législation suisse ne vont pas au-delà de ce qui est strictement nécessaire dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales. Il s'ensuit que sur ce point la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée, en application de l'article 27, par. 2, (Art. 27-2) de la Convention.
3. La Commission est ensuite appelée à se prononcer sur l'allégation du requérant selon laquelle la procédure de dénonciation (Aufsichtsbeschwerde) qui s'est déroulée devant le Département fédéral de justice et police ne répond pas aux exigences de l'article 6 de la Convention en raison de ce que cette instance n'est pas un "tribunal indépendant" au sens de ladite disposition. A cet égard la Commission se réfère à l'arrêt de la Cour dans l'affaire Klass (ibidem par. 75). Dans cet arrêt la Cour a constaté que tant que la surveillance demeurait valablement secrète, la décision de surveiller quelqu'un n'était, par là-même, pas susceptible d'un contrôle judiciaire à l'initiative de l'intéressé, au sens de l'article 6 (Art. 6) et que, partant, elle échappait nécessairement aux prescriptions de cet article. Suivant le même raisonnement dans le cas d'espèce, la Commission arrive à la conclusion que l'article 6 (Art. 6), à supposer qu'il soit applicable en l'espèce, n'a pas été violé. Comme le requérant n'a pas reçu de notification a posteriori de l'application d'une mesure d'écoutes téléphoniques, il n'est pas nécessaire, en l'espèce, de prendre position sur la question de savoir si, dans une telle hypothèse, il y aurait eu un recours judiciaire répondant aux exigences de l'article 6 (Art. 6). Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée, en application de l'article 27 par. 2 (Art. 27-2) de la Convention.
4. Le requérant dénonce également la violation de l'article 13 (Art. 13) de la Convention, aux termes duquel : "Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles." Le requérant fait valoir à cet égard qu'il n'existe, en Suisse, aucun recours effectif susceptible de remédier à la situation litigieuse. En particulier, la procédure de dénonciation (Aufsichtsbeschwerde) préconisée par le Gouvernement ne répond pas aux exigences de ladite disposition de la Convention. Dans ses observations, le Gouvernement relève de manière générale qu'en Suisse le particulier dispose, en matière de contrôle des écoutes téléphoniques, d'un ensemble de recours qui, envisagés globalement, répondent aux exigences de l'article 13 (Art. 13) de la Convention. Il s'agit en l'occurrence du contrôle qui émane de l'instance judiciaire, à savoir le président de la chambre d'accusation du Tribunal fédéral, de l'intervention de l'autorité administrative, à savoir le Ministère public fédéral, doublé des recours administratifs devant le Département fédéral de justice et police et devant le Conseil fédéral, instances administratives qui exercent des compétences juridictionnelles dans ce cadre. En particulier, le Gouvernement s'est référé à la procédure de dénonciation (Aufsichtsbeschwerde) et il a relevé que les dénonciations fondées sur les articles 71 de la loi fédérale sur la procédure administrative sont traitées comme des recours formels au sens de l'article 44 et ss. de ladite loi. La conséquence en est que l'intéressé jouit de tous les droits reconnus aux parties et bénéficie d'un droit à une décision formelle du Département fédéral de justice et police, elle-même sujette à un recours auprès du Conseil fédéral. Le requérant a répliqué que les autorités auraient dû l'informer sur le point de savoir s'il avait en réalité fait l'objet d'écoutes téléphoniques. En outre, il estime que le Département fédéral de justice et police étant le supérieur hiérarchique du Procureur général fédéral ne saurait être considéré comme un organe de recours indépendant. La Commission rappelle ici que, conformément à sa jurisprudence constante, l'article 13 (Art. 13) de la Convention vise l'octroi d'un recours contre une allégation de violation d'un des droits et libertés proclamés dans les autres articles de la Convention. Elle souligne également que dans l'affaire Klass (arrêt précité) elle a estimé que si la notification devait aller à l'encontre de l'objectif des ingérences nécessaires à la sécurité nationale et justifiées par la Convention (article 8 par. 2) (Art. 8-2), une interprétation de l'article 13 (Art. 13) ayant pour effet de créer un droit d'être informé ne serait pas en harmonie avec le système de la Convention (voir rapport Comm. 9.3.77, par. 71, série B no 26). Cette argumentation a été reprise par la Cour dans l'affaire Klass (ibidem par. 68). La Commission relève que le système de recours en matière d'écoutes téléphoniques pose des problèmes particuliers par rapport à l'article 13 (Art. 13) de la Convention, pour autant qu'une notification, même a posteriori, de la mesure prise serait susceptible d'aller à l'encontre de l'objectif même de cette mesure. En conséquence, ainsi que la Cour l'a déclaré dans l'affaire Klass (ibidem par. 69), un recours effectif selon l'article 13 (Art. 13), dans la situation spécifique de la surveillance secrète, doit s'entendre d'un recours aussi effectif qu'il peut l'être eu égard à sa portée limitée, inhérente à tout système de surveillance. Tandis que selon le système allemand examiné dans l'affaire Klass il y a l'obligation d'une notification a posteriori à l'intéressé dès que celle-ci peut s'opérer sans compromettre le but de la restriction, le système luxembourgeois, examiné par la Commission dans les affaires Mersch et autres (No 10439/83, No 10440/83, No 10441/83, No 10452/83, No 10512/83 et No 10513/83, déc. 10.5.85, à paraître dans D.R. No 43), se caractérisait par l'absence totale de telles notifications. Néanmoins la Commission a estimé que le droit de s'adresser au Conseil d'Etat luxembourgeois, tenu d'effectuer une enquête, ainsi que l'existence de certaines autres garanties, à savoir le droit d'intenter une action en responsabilité civile et le contrôle a priori de l'opportunité de la surveillance, étaient de nature à satisfaire aux exigences de l'article 13 (Art. 13). Dans la synthèse opérée par la Cour dans l'affaire Silver et autres (Cour Eur. D.H., arrêt du 25 mars 1983, série A no 61, p. 42 par. 111-113) dans le cadre d'un examen conjoint des articles 13 et 8 (Art. 13, 8) de la Convention, celle-ci a rappelé un certain nombre de principes. Du dernier principe énoncé il découle que "le jeu de l'article 13 (Art. 13) dans un cas donné dépend de la manière dont l'Etat contractant intéressé a choisi de s'acquitter de l'obligation assumée par lui en vertu de l'article 1 : reconnaître directement à quiconque relève de sa juridiction les droits et libertés du Titre Ier". Il appartient à présent à la Commission d'examiner les différentes voies de recours dont le requérant dispose en droit suisse en vue d'établir si elles sont "effectives" dans ce sens étroit. Il faut souligner qu'il existe dans le système suisse un contrôle a priori de l'opportunité de la surveillance dans la mesure où l'autorité qui ordonne la mesure d'écoutes téléphoniques est tenue de démander, dans un délai de vingt quatre heures, l'approbation du président de la chambre d'accusation du Tribunal fédéral (voir ci-dessus pp. 21-22). La Commission relève d'autre part qu'un contrôle a posteriori paraît dans une certaine mesure possible. Il est vrai qu'en l'espèce le requérant n'a pas, à ce jour, été informé par les autorités sur le point de savoir s'il a fait l'objet ou non d'une mesure d'écoutes téléphoniques. C'est dans le cadre d'un échange de lettres entre l'intéressé et le Ministère public fédéral et à la lumière de la réponse écrite donnée par ce dernier que s'est posée, en l'occurrence, la question de la mise en oeuvre d'un contrôle a posteriori. En effet, dans sa lettre du 4 juin 1984, cette autorité, répondant à la demande de renseignements formulée par le requérant au sujet d'écoutes téléphoniques qui auraient pu être ordonnées à son encontre, a indiqué que "soit aucune mesure de surveillance n'avait eu lieu, soit la mesure de surveillance se prolongeait encore, soit la mesure de surveillance avait pris fin et n'avait pas ou pas encore été communiquée en raison du danger qu'une telle communication faisait courir au regard du but de la mesure". Il en ressort qu'après la mainlevée de la mesure, dans l'hypothèse où celle-ci a été ordonnée, le requérant en sera informé sauf si une telle information risque de compromettre le but et l'objet de la mesure en question. Lorsque l'intérêt public justifie le maintien au secret, notamment lorsque la sûreté intérieure et extérieure de la Confédération est en jeu, le Ministère public fédéral doit obtenir l'approbation du président de la chambre d'accusation du Tribunal fédéral pour être dispensé de l'obligation d'informer d'office l'intéressé de la mesure d'écoutes téléphoniques. Enfin, il convient de souligner que lorsque la procédure de dénonciation (Aufsichtsbeschwerde) est mise en oeuvre devant le Département fédéral de justice et police pour contester le refus du Ministère public fédéral de donner des informations sur les motifs, les modalités et la durée d'une mesure d'écoutes, cette instance traite, selon une pratique récente, les dénonciations qui lui sont adressées en application de l'article 71 de la loi fédérale sur la procédure administrative en tant que recours au sens de l'article 44 et ss. de ladite loi. L'intéressé jouit par conséquent de tous les droits reconnus aux parties et bénéficie notamment d'un droit à une décision formelle. En effet, la dénonciation donne lieu à des vérifications auprès du président de la chambre d'accusation du Tribunal fédéral et, sur la base des informations obtenues, le Département fédéral de justice et police procède à une appréciation de la justification de la mesure d'écoutes et de celle de l'éventuelle renonciation à une notification a posteriori à l'intéressé. En outre, cette autorité prend une décision formelle contre laquelle il est possible d'introduire un recours devant le Conseil fédéral, dernière instance nationale. La Commission relève que dans le cas d'espèce la procédure décrite ci-dessus a trouvé application, dans la mesure où le requérant a fait usage des voies de droit qui étaient à sa disposition à l'exception toutefois du recours au Conseil fédéral. Dès lors, la Commission estime que l'ensemble des recours prévus par le droit suisse répond, compte tenu du domaine particulier de la surveillance par écoutes téléphoniques et des circonstances spécifiques de l'affaire, aux exigences de l'article 13 (Art. 13) de la Convention. Il s'ensuit que cette partie de la requête est aussi manifestement mal fondée et doit être rejetée, en application de l'article 27 par. 2 (Art. 27-2) de la Convention.
5. Enfin, pour autant que le requérant fait valoir que la mesure prétendument ordonnée à son encontre porterait fondamentalement atteinte à son droit au respect de la vie privée et dépasserait ainsi les limites imposées par l'article 17 (Art. 17) de la Convention, la Commission estime que la prise en considération de cette disposition de la Convention n'entre manifestement pas en ligne de compte eu égard aux conclusions auxquelles elle est parvenue par ailleurs quant aux différents points soulevés dans la requête. Par ces motifs, la Commission DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire Le Président de la Commission de la Commission (H.C. KRÜGER) (C.A. NØRGAARD)


Synthèse
Formation : Cour (plénière)
Numéro d'arrêt : 11811/85
Date de la décision : 08/03/1988
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : Exception préliminaire rejetée (non-épuisement) ; Violation de l'Art. 8 ; Non-violation de l'art. 6 ; Non-violation des art. 3, 14+8, P1-2 and 13+P1-2 ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Remboursement frais et dépens - procédure nationale ; Remboursement frais et dépens - procédure de la Convention

Analyses

(Art. 11-2) PROTECTION DES DROITS ET LIBERTES D'AUTRUI, (Art. 14) DISCRIMINATION, (Art. 3) PEINE INHUMAINE, (Art. 35-1) EPUISEMENT DES VOIES DE RECOURS INTERNES, (Art. 6-1) PROCES EQUITABLE, (Art. 6-3-d) INTERROGATION DES TEMOINS, (Art. 8-1) RESPECT DE LA VIE FAMILIALE, (Art. 8-2) NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE, (Art. 8-2) PREVUE PAR LA LOI, (Art. 8-2) PROTECTION DE LA MORALE, (Art. 8-2) PROTECTION DE LA SANTE


Parties
Demandeurs : SPILLMANN
Défendeurs : la SUISSE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1988-03-08;11811.85 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award