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12/10/1988 | CEDH | N°11570/85

CEDH | C. et autres contre l'ITALIE


SUR LA RECEVABILITE
de la requête No 11570/85 présentée par C. et autres contre l'Italie __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 12 octobre 1988 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN S. TRECHSEL F. ERMACORA E. BUSUTTIL A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS H. VANDENBERGHE Mme G.H. THUNE Sir Basil HA

LL MM. F. MARTINEZ C.L. ROZAKIS Mm...

SUR LA RECEVABILITE
de la requête No 11570/85 présentée par C. et autres contre l'Italie __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 12 octobre 1988 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN S. TRECHSEL F. ERMACORA E. BUSUTTIL A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS H. VANDENBERGHE Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL MM. F. MARTINEZ C.L. ROZAKIS Mme J. LIDDY M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ; Vu l'article 25 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 25 janvier 1985 par C. et autres contre l'Italie et enregistrée le 3 juin 1985 sous le No de dossier 11570/85 ; Vu le rapport prévu à l'article 40 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Les requérants sont : C., ressortissant italien, né le 16 novembre 1932 à Gênes, où il exerce la profession de médecin. L., ressortissant italien né le 16 juillet 1946 à Taranto (Italie), qui exerce la profession d'avocat à Gênes. R., ressortissant italien, né le 11 mai 1937 à Gênes, où il exerce la profession de géomètre. Pour la procédure devant la Commission les requérants sont représentés par Maîtres Giacomini Giuseppe Michele, Timossi Gualtiero et Conte Giuseppe. Les requérants s'adressent à la Commission en leur nom personnel et en tant que représentants de l'Association des Professions Libérales. Les requérants exposent qu'aux termes de la législation italienne en vigueur en matière de contrôles fiscaux, toute personne exerçant une profession pour laquelle est prévue l'inscription à un ordre professionnel ("per le quali è prevista l'iscrizione in appositi albi o elenchi") doit tenir un répertoire annuel de la clientèle où sont annotés l'identité ("generalità") des clients qui ont bénéficié de leurs prestations professionnelles, ainsi que la nature et la date des prestations effectuées (article 3, deuxième alinéa du D.L. n° 835 du 19.12.1984). Toute contravention à ces dispositions est punie de peines de prison et d'amende (D.L. du 10 juillet 1982 n° 429, converti en loi du 7 août 1982 n° 516). Les requérants font valoir d'autre part (article 33 du D.P.R. du 29 septembre 1973, n° 600 et article 52 du D.P.R. du 26 octobre 1972, n° 633) que les agents du fisc, dûment autorisés par leur administration, peuvent procéder lors d'une inspection fiscale dans les locaux professionnels à l'examen de documents, à des vérifications et recherches et à tout autre relevé considéré utile pour l'établissement de l'impôt (1). L'autorisation du procureur de la République ou de l'autorité judiciaire la plus proche est cependant nécessaire dans tous les cas pour procéder pendant la vérification à des perquisitions personnelles et à l'ouverture de plis cachetés, sacs, coffres forts, meubles, placards et endroits analogues (2). ----------- (1) "Ad ispezioni documentali, verificazioni e ricerche ed ogni altra rilevazione ritenuta utile per l'accertamento dell'imposta ......". (2) "E' in ogni caso necessaria l'autorizzazione del procuratore della Repubblica o dell'autorità giudiziaria più vicina per procedere durante l'accesso a perquisizioni personali e all'apertura coattiva di pieghi sigillati, casseforti, mobili, ripostigli e simili". Les requérants se plaignent que ces dispositions entraînent une atteinte à la vie privée des clients. A titre de clients les requérants font valoir que par application de cette loi, leur correspondance ainsi que les documents et informations confidentielles les concernant ont pu être examinés par des fonctionnaires effectuant un contrôle fiscal auprès des médecins, avocats et autres personnes exerçant des professions libérales auxquels ils ont pu avoir recours. Si de tels contrôles sont effectués ils n'en sont pas informés et peuvent donc se considérer comme étant victimes d'une violation de la Convention du fait de l'existence même de la législation litigieuse.
GRIEFS Les requérants se plaignent tout d'abord d'une violation des articles 8 et 14 de la Convention. Ils considèrent que la législation italienne indiquée plus haut constitue une atteinte au secret professionnel et par voie de conséquence à la vie privée des clients concernés qui ont droit à la confidentialité de leur dossier. Il se considèrent victimes d'une violation de la Convention au sens de son article 25, dans la mesure où des faits confidentiels concernant leur vie privée ont ainsi pu être portés, à leur insu, à la connaissance des autorités administratives à l'occasion d'une vérification fiscale effectuée chez des professionnels auxquels ils ont eu recours. Se référant à l'affaire Klass, ils estiment pouvoir se plaindre des dispositions de la loi en tant que telle : elle porterait directement atteinte aux droits d'un individu puisque le caractère secret des mesures d'exécution ne permet pas à l'intéressé d'en être informé. Les requérants se plaignent que les mesures prévues par la loi ne s'avèrent pas nécessaires pour atteindre le but poursuivi par la loi qui est le contrôle des déclarations de revenus des professions libérales. Les requérants se plaignent d'une violation de l'article 14 de la Convention en ce que les dispositions litigieuses visent uniquement les professions pour lesquelles une inscription à l'ordre professionnel est nécessaire et non d'autres professions libérales telles que, par exemple, celle d'administrateur de biens ou d'expert. Les requérants se plaignent également d'une violation du droit à la liberté de correspondance. Les requérants se plaignent enfin, en invoquant les articles 6 et 13 de la Convention, de n'avoir pas accès en l'espèce à un tribunal (article 6 de la Convention) et de ne disposer d'aucune voie de recours effective (article 13 de la Convention).
EN DROIT
1. Les requérants, qui tous exercent une profession libérale, se plaignent de diverses dispositions fiscales en matière de tenue de registres de leur clientèle. Ils en infèrent des violations de l'article 8 (Art. 8) de la Convention, tant pris isolément que combiné avec l'article 14 (Art. 8+14) de la Convention. Ils considèrent en effet que les dispositions précitées portent atteinte au droit au respect de la vie privée et de la correspondance garanti par l'article 8 (Art. 8) et constituent de surcroît un traitement discriminatoire prohibé par l'article 14 (Art. 14) de la Convention.
2. La Commission relève d'emblée que la requête a été introduite par les requérants, en premier lieu, en leur qualité de représentants de l'association des professions libérales. Or, l'association concernée, encore que pouvant être considérée comme une organisation non-gouvernementale pouvant agir devant la Commission, ne peut en l'occurrence se prétendre elle-même victime d'une violation du droit au respect de la vie privée (cf. Déc. N° 9900/82 du 4.5.83, D.R. 32, p. 261 et N° 9939/82 du 4.7.83, D.R. 34, p. 213) garanti par l'article 8 de la Convention, les mesures litigieuses ne pouvant frapper de toute évidence que les membres de cette association. Dans cette mesure la requête est incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention et doit être rejetée conformément à l'article 27 par. 2 (Art. 27-2) de la Convention.
3. En tant que membres de professions libérales, par eux exercées, les requérants se plaignent en particulier que, contrairement à des membres d'autres professions, ils sont dans l'obligation de tenir des registres où sont annotées l'identité des clients ainsi que la nature et la date des prestations effectuées. Ils affirment que les renseignements ainsi portés sur les registres relèvent de la vie privée des clients et des rapports de confidentialité entre ces derniers et les praticiens et, par ailleurs, que l'inspection de ces registres par le fisc constitue une ingérence dans la vie privée des personnes dont le nom figure sur les registres. La Commission estime, tout d'abord, que dans la mesure où ils se plaignent que le fait pour eux de s'acquitter des obligations auxquelles ils sont soumis en tant que praticiens porte atteinte à la vie privée de leurs clients, les requérants exercent par là une "actio popularis", institution étrangère au système de la Convention. En effet, l'article 25 (Art. 25) de la Convention exige que le requérant lui-même se prétende victime d'une violation de la Convention. En l'espèce, les requérants n'ont pas indiqué avoir été dûment mandatés par une ou plusieurs personnes qui se prétendent victimes de la situation qu'ils dénoncent. Il s'ensuit que sur ce point la requête est également incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention et doit être rejetée conformément à l'article 27 par. 2 (Art. 27-2) de la Convention. En ce qui concerne les obligations pesant sur les requérants eux-mêmes, la Commission n'aperçoit pas en quoi le simple fait de devoir tenir un registre de la clientèle puisse porter atteinte à la vie privée des requérants ou constituer un traitement discriminatoire. Il s'ensuit que les griefs sont, sous ce rapport, manifestement mal fondés et doivent être rejetés par application de l'article 27 par. 2 (Art. 27-2) de la Convention.
4. Les requérants se plaignent ensuite d'être eux-mêmes, en tant que clients de personnes exerçant une profession libérale, victimes d'une ingérence potentielle dans leur vie privée, contraire à l'article 8 (Art. 8) de la Convention. Ils font valoir que des faits confidentiels les concernant ont pu être portés, à leur insu, à la connaissance des autorités administratives à l'occasion de vérifications fiscales effectuées chez les membres des professions libérales auxquels ils ont eu recours. La Commission relève, cependant, que les requérants n'ont fait état d'aucun cas concret ni d'aucun fait précis les concernant. Dans ces conditions, elle estime que les requérants ne peuvent être considérés comme étant "victimes" au sens de l'article 25 (Art. 25) de la Convention d'une violation de cette disposition de la Convention. La requête est donc, à cet égard, manifestement mal fondée et doit être rejetée par application de l'article 27 par. 2 (Art. 27-2) de la Convention.
5. Les requérants se plaignent également en invoquant les articles 6 et 13 (Art. 6, 13) de la Convention, de n'avoir pas accès à un tribunal et de ne disposer d'aucune voie de recours effective leur permettant de faire valoir leurs griefs. L'article 6 (Art. 6) de la Convention reconnaît à toute personne "le droit à ce que sa cause soit entendue ... par un tribunal ... qui décidera ... des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil". A supposer même que les griefs des requérants touchent au droit au respect de la vie privée et de la correspondance, droits qui constituent des droits de caractère civil au sens de l'article 6 par. 1 (Art. 6-1) de la Convention (voir mutatis mutandis déc. N° 8366/78 du 8.3.79, D.R. 16, p. 196 et Cour Eur. D.H., arrêt O. c/ Royaume-Uni du 8 juillet 1987, série A n° 120, p. 58 par. 69 et Cour Eur. D.H. arrêt B. c/Royaume-Uni du 8 juillet 1987, série A n° 121, p. 79, par. 78), la Commission relève que les requérants disposent, le cas échéant, devant les tribunaux de l'ordre judiciaire italien d'une action en responsabilité civile de la Puissance publique, fondée sur l'article 2043 du code civil italien, au moyen de laquelle ils peuvent engager la responsabilité de l'administration pour des actes portant atteinte aux droits de la personnalité. Il s'ensuit que les griefs des requérants relatifs à l'absence de recours devant un tribunal sont manifestement mal fondés et doivent être rejetés conformément à l'article 27 par. 2 (Art. 27-2) de la Convention. Eu égard à sa décision relative à l'article 6 par. 1 (Art. 6-1), la Commission estime qu'il n'y a pas lieu d'examiner les griefs des requérants sous l'angle de l'article 13 (Art. 13), les exigences de ce dernier étant en effet moins strictes que celles de l'article 6 par. 1 (Art. 6-1) et absorbées par elles en l'espèce (Cour Eur. D.H. arrêt Sporrong et Lönnroth du 23 septembre 1982, série A n° 52, p. 32, par. 88 et arrêt Golder du 21 février 1975, série A n° 18, pp. 15-16, par. 33). Par ces motifs, la Commission DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire de Le Président de la Commission la Commission (H.C. KRÜGER) (C.A. NØRGAARD)


Synthèse
Formation : Cour (chambre)
Numéro d'arrêt : 11570/85
Date de la décision : 12/10/1988
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : Radiation du rôle (règlement amiable)

Analyses

(Art. 5-3) DUREE DE LA DETENTION PROVISOIRE, (Art. 5-4) INTRODUIRE UN RECOURS


Parties
Demandeurs : C. et autres
Défendeurs : l'ITALIE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1988-10-12;11570.85 ?

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