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10/03/1989 | CEDH | N°13853/88

CEDH | TOMASI contre la FRANCE


SUR LA RECEVABILITE de la requête No 13853/88 présentée par Félix TOMASI contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 10 mars 1989 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN S. TRECHSEL F. ERMACORA G. SPERDUTI E. BUSUTTIL G. JÖRUNDSSON A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H.

DANELIUS G. BATLINER J. CAMPINOS...

SUR LA RECEVABILITE de la requête No 13853/88 présentée par Félix TOMASI contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 10 mars 1989 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN S. TRECHSEL F. ERMACORA G. SPERDUTI E. BUSUTTIL G. JÖRUNDSSON A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS G. BATLINER J. CAMPINOS H. VANDENBERGHE Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL MM. F. MARTINEZ C.L. ROZAKIS Mme J. LIDDY M. L. LOUCAIDES M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ; Vu l'article 25 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 17 novembre 1987 par Félix TOMASI contre la France et enregistrée le 11 mai 1988 sous le No de dossier 13853/87 ; Vu le rapport prévu à l'article 40 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Les faits de la cause tels qu'ils ont été présentés par le requérant peuvent se résumer comme suit : Le requérant est un ressortissant français, né en 1952 et exerçant la profession de commerçant. Il est domicilié à Bastia. Devant la Commission, le requérant est représenté par Maître Yves Lachaud, avocat au barreau de Paris. Le 23 mars 1983, le requérant fut arrêté parce qu'il était soupçonné d'avoir participé à une tentative d'assassinat contre deux légionnaires le 11 février 1982 au Centre de repos de la Légion Etrangère de Sorbo-Ocognano (Haute-Corse). Le 25 mars 1983 il fut inculpé du chef d'assassinat, tentative d'assassinat, infraction à la législation sur les armes. Entre mars 1983 et décembre 1986, l'instruction de l'affaire se poursuivit d'abord à Bastia puis à Bordeaux et à Poitiers. Le 9 septembre 1986 fut promulguée une loi portant création d'un titre XV du livre quatrième du code de procédure pénale traitant des "infractions en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur". Ce texte instituait à l'égard de ces infractions une procédure d'exception prévue aux articles 706-17 à 706-25 du code de procédure pénale et d'autre part, une sanction particulière prévue à l'article 44 in fine du code pénal, à savoir l'interdiction de séjour. Le 9 décembre 1986 la chambre d'accusation de la cour d'appel de Poitiers renvoya le requérant devant la cour d'assises du département de la Gironde sous l'accusation d'homicide volontaire avec préméditation et guet-apens, de tentative d'homicide volontaire avec préméditation et guet-apens et de transport d'armes et de munitions. Cet arrêt devint définitif après cassation. Le 30 décembre 1986 le législateur français prévoyait que l'article 706-25 du code de procédure pénale édicté par la loi du 9 septembre 1986 (au terme duquel les accusés majeurs poursuivis à raison des infractions en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant eu pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur, seraient jugés par une cour d'assises spéciale composée uniquement de magistrats), serait applicable aux procédures en cours. Cette même loi prévoyait que la chambre d'accusation pouvait être saisie d'une requête tendant à faire constater que les faits reprochés à l'accusé entraient dans le champ d'application de la loi du 9 septembre 1986. En l'espèce, cette loi ne rendait applicable que les dispositions de la loi du 9 septembre 1986 relative à la composition du tribunal et par conséquent écartait l'application de l'article 44 du code pénal aux infractions commises avant l'entrée en vigueur de la loi du 9 septembre 1986. Ainsi, le 20 mai 1987 la chambre d'accusation de la cour d'appel de Poitiers fut saisie par le Ministère Public d'une requête afin de constater que les faits reprochés au requérant entraient dans le champ d'application de la loi nouvelle et relevaient par conséquent de la compétence de la cour d'assises spéciale prévue à l'article 706-25 de ladite loi. Le 16 juin 1987 la chambre d'accusation de la cour d'appel de Poitiers fit droit à cette requête de modification d'arrêt. Aux allégations du requérant qui considérait la requête comme contraire aux principes généraux du droit, aux conventions internationales et comme attentatoire aux droits de la défense, la chambre d'accusation répondit qu'en ce qui concernait le problème de la rétroactivité de la loi pénale, la loi du 30 décembre 1986 ne souffrait d'aucune ambigüité et s'imposait telle qu'elle y était définie à la chambre d'accusation saisie. De plus, la chambre d'accusation considérait que ces dispositions ne lui semblaient pas en contradiction avec les textes des conventions internationales. Quant au problème des droits de la défense, la chambre considérait que la nature même des investigations effectuées depuis 1983 par le juge d'instruction témoignait que le requérant et ses conseils avaient eu tout le loisir de s'expliquer sur l'aspect terroriste des chefs d'inculpation. Par arrêt du 24 septembre 1988, la chambre criminelle de la Cour de cassation rejetait le pourvoi formé par le requérant. Reprenant la même argumentation que la chambre d'accusation concernant la rétroactivité de la loi, elle ajoutait que l'article 706-16 du code de procédure pénale n'instituait pas de nouvelles incriminations mais désignait les infractions qui, lorsqu'il était constaté qu'elles étaient en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur, seraient poursuivies, instruites et jugées selon les dispositions du titre XV du code de procédure pénale ; que d'autre part, toute loi de procédure et de compétence était d'effet immédiat, qu'il en était ainsi de la loi du 30 décembre 1986 complétant la loi du 9 septembre. Par arrêt du 22 octobre 1988, la cour d'assises de Bordeaux, spécialement composée, prononça l'acquittement du requérant.
GRIEFS Le requérant se plaint que près de quatre ans après son inculpation il se trouva renvoyé devant la cour d'assises selon une procédure d'exception qui n'existait pas lors de son arrestation. Il soutient que, loin de se contenter de soumettre à une procédure d'exception des infractions déjà existantes, la loi du 9 septembre 1986 introduisit dans le droit pénal français une incrimination nouvelle fondée sur le mobile "terroriste" des auteurs de certaines infractions.
EN DROIT Le requérant se plaint de l'application rétroactive de la loi du 9 septembre 1986 aux termes de laquelle les infractions en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur seront jugées par des juridictions à composition spéciale. Cette loi a été déclarée applicable aux procédures en cours par une loi du 30 décembre 1986, postérieurement à son renvoi en jugement par la chambre d'accusation de la cour d'appel de Poitiers. Le requérant invoque l'article 7 (art. 7) de la Convention qui stipule : "Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international. De même il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. Le présent article ne portera pas atteinte au jugement et à la punition d'une personne coupable d'une action ou d'une omission qui, au moment où elle a été commise, était criminelle d'après les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées." Il ressort clairement du libellé même de l'article 7 par. 1 (art. 7-1) de la Convention, que ne peut se plaindre d'une violation de cette disposition que celui qui a été condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise ne constituait pas une infraction. Or, la Commission relève que le requérant a été acquitté par arrêt de la cour d'assises de Bordeaux en date du 22 octobre 1988. N'ayant pas été condamné mais au contraire acquitté, le requérant ne saurait se prétendre victime d'une violation de l'article 7 par. 1 (art. 7-1) de la Convention. La Commission estime dès lors que le grief doit être rejeté pour défaut manifeste de fondement par application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2). Par ces motifs, la Commission DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire Le Président de la Commission de la Commission (H.C. KRÜGER) C.A. NØRGAARD)


Synthèse
Formation : Commission
Numéro d'arrêt : 13853/88
Date de la décision : 10/03/1989
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : irrecevable (partiellement) ; recevable (partiellement)

Parties
Demandeurs : TOMASI
Défendeurs : la FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1989-03-10;13853.88 ?

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