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16/03/1989 | CEDH | N°12334/86

CEDH | A. contre la FRANCE


SUR LA RECEVABILITE de la requête No 12334/86 présentée par A. contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 16 mars 1989 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN S. TRECHSEL E. BUSUTTIL A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS G. BATLINER J. CAM

PINOS H. VANDENBERGHE Mme G.H. THUNE ...

SUR LA RECEVABILITE de la requête No 12334/86 présentée par A. contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 16 mars 1989 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN S. TRECHSEL E. BUSUTTIL A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS G. BATLINER J. CAMPINOS H. VANDENBERGHE Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL MM. F. MARTINEZ C.L. ROZAKIS Mme J. LIDDY M. L. LOUCAIDES M. J. RAYMOND, Secrétaire adjoint de la Commission ; Vu l'article 25 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 2 juin 1986 par A. contre la France et enregistrée le 6 août 1986 sous le No de dossier 12334/86 ; Vu le rapport prévu à l'article 40 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Les faits de la cause tels qu'ils ont été présentés par le requérant peuvent se résumer comme suit. Le requérant est un ressortissant français né en 1915. Il est retraité et demeure à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe). Par acte notarié passé le 3 avril 1975 le requérant a vendu au prix de 20.000 F à Melle M. un patrimoine immobilier d'environ 1 hectare sur lequel étaient construites sept villas. L'acheteur, Melle M., était une femme avec laquelle il avait vécu en concubinage pendant 18 ans et dont il avait eu cinq enfants reconnus par chacune des parties. Par exploit du 1er octobre 1979, le requérant saisit le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre d'une demande tendant à voir annuler la vente qu'il avait consentie à Melle M. au motif que le prix payé par l'acheteur ne correspondait pas à la valeur réelle et au motif que le notaire ayant mal interprété sa volonté lui avait fait signer un acte de vente concernant l'ensemble de son patrimoine immobilier alors qu'il n'avait projeté que d'en vendre une portion. Au cours de la procédure il fut établi que cette vente était en réalité une donation déguisée. Le requérant demanda la révocation de celle-ci pour ingratitude. Par jugement du 11 juin 1982 le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre rejeta les demandes du requérant. Par arrêt du 7 février 1983 en revanche la cour d'appel de Basse-Terre fit droit aux prétentions du requérant en estimant que la donation déguisée devait être révoquée pour ingratitude en raison du fait que Melle M. avait en juin 1981 fait sommation au requérant d'avoir à quitter les lieux en se réservant d'intenter à son encontre une action en expulsion. La cour estima que cette attitude de la donataire envers le requérant qui s'était entièrement dépouillé à son profit avait pris un tour offensant pour son bienfaiteur et témoignait envers lui d'une ingratitude inacceptable constitutive d'une injure grave devant entraîner la révocation de la donation déguisée. Le requérant introduisit alors devant le juge des référés une action rendant à voir ordonner l'expulsion de Melle M. Toutefois, le juge des référés se déclara incompétent le 11 juillet 1983, incompétence qui fut confirmée en appel le 24 mars 1984. Le pourvoi en cassation formé par Melle M. contre l'arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre du 7 février 1983 fut rejeté par la Cour de cassation par arrêt en date du 20 novembre 1984. L'expédition exécutoire de cet arrêt de la Cour de cassation portait la formule suivante : "en conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et au Procureur de la République près les tribunaux de grande instance d'y tenir la main ; à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu'ils en seront légalement requis. En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président, le Rapporteur et le Greffier. Pour copie certifiée conforme revêtue de la formule exécutoire faite en quatre pages et collationnée délivrée le 15 février 1985. Signé le greffier en chef de la Cour de cassation." A la diligence du requérant, l'arrêt de la Cour de cassation fut signifié par voie d'huissier à Melle M. le 25 mai 1985, avec commandement d'avoir à débarrasser les lieux occupés sans titre, ni droit, ni qualité. Melle M. refusant de s'exécuter, un huissier de justice mandaté par le requérant lui signifia, le 12 juin 1985, une sommation de déguerpir. Cette sommation étant également restée sans effet, l'huissier s'adressa au sous-préfet de Pointe-à-Pitre par lettre en date du 14 juin 1985 pour solliciter le concours de la force publique afin de faire exécuter l'arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre du 7 février 1983 tel que confirmé par l'arrêt de la Cour de cassation. Devant le silence observé par le sous-préfet à cette demande, le requérant s'adressa au ministre de l'intérieur pour se plaindre du refus de M. le préfet, commissaire de la République du département de la Guadeloupe, de prêter le concours de la force publique en vue d'exécuter le jugement. Le ministère de l'intérieur répondit au requérant qu'il transmettait sa requête au préfet. Par lettre du 13 décembre 1985, le préfet informa toutefois le requérant qu'il ne pouvait lui accorder le concours de la force publique pour expulser Melle M. et lui conseilla de s'adresser au juge des référés, au motif que l'arrêt en question n'était pas assorti expressément d'une décision d'expulsion à l'égard de Melle M. Le 25 décembre 1985 le requérant informa le préfet que l'arrêt de la Cour de cassation du 20 novembre 1984 était assorti de la formule exécutoire, que l'occupation sans titre de la propriété d'autrui était contraire à l'ordre public et qu'il était du devoir de la force publique de répondre légalement et favorablement à la demande de l'huissier sollicitant le concours de la force publique. Néanmoins, par assignation du 7 janvier 1986, le requérant s'adressa au juge des référés de Pointe-à-Pitre pour obtenir l'expulsion de Melle M. sous astreinte de 1500 F par jour de retard et le paiement de 24.500 F à titre de domages et intérêts et de 245.000 F représentant 35 mois de loyer. Le requérant exposait dans sa demande que bien que la donation faite au profit de Melle M. ait été révoquée par arrêt du 7 février 1983, celle-ci continuait d'occuper les lieux et de percevoir les loyers des maisons appartenant au requérant alors que celui-ci, âgé de plus de 70 ans, ne pouvait pénétrer sur sa propriété et était hébergé par des amis. Par ordonnance du 29 janvier 1986 le juge des référés se déclara incompétent pour prononcer l'expulsion de Melle M. aux motifs que : "Attendu qu'il résulte des débats et des pièces produites que la défenderesse a édifié des constructions sur le terrain qui a fait l'objet de la donation révoquée ; que ces constructions ont été faites avant et certaines après la donation ; que Melle M. invoque sa bonne foi dans l'instance qu'elle a introduite contre Abare sur le fondement de l'article 555 du Code civil ; que ce litige n'est jusqu'à présent pas tranché ; que le constructeur de bonne foi bénéficie d'un droit de rétention ; qu'il convient de préciser que l'arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre révoquant la donation n'a pas prononcé l'expulsion de M. ; qu'il existe en l'espèce une difficulté sérieuse qui excède notre compétence". Selon les indications du requérant, l'instance introduite par Melle M. devant le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre pour faire constater sa qualité de constructeur de bonne foi n'est à ce jour pas tranchée.
GRIEFS Le requérant se plaint d'être atteint depuis 1985 dans son droit au respect de sa propriété. Il invoque l'article 1er du Protocole additionnel. Il expose que la donation déguisée ayant été révoquée par un jugement passé en force de chose jugée, il est à nouveau tenu en tant que propriétaire de payer toutes les taxes et impôts afférant à cette propriété, alors qu'il ne peut même plus pénétrer chez lui et que son adversaire continue de percevoir les loyers et les revenus de ladite propriété.
EN DROIT Le requérant se plaint d'une atteinte au droit au respect de ses biens tel qu'il est reconnu par l'article 1er du Protocole additionnel (P1-1). Il expose qu'alors même qu'il est redevenu propriétaire de ses biens immobiliers du fait d'une révocation de donation passée en force de chose jugée, il ne peut entrer depuis 1985 en possession de ses biens étant dans l'impossibilité d'obtenir l'expulsion de son adversaire. Il est vrai que l'article 1er du Protocole (P1) dispose que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Toutefois, la Commission n'est pas appelée à se prononcer sur le point de savoir si les faits allégués par le requérant révèlent l'apparence d'une violation de cette disposition. En effet, aux termes de l'article 26 (art. 26) de la Convention, "la Commission ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes, tel qu'il est entendu selon les principes de droit international généralement reconnus". Le requérant, il est vrai, a gagné une procédure en révocation de donation et est redevenu, depuis la notification le 25 mai 1985 de l'arrêt rendu en sa faveur par la Cour de cassation, propriétaire des biens immobiliers dont il avait fait donation en 1975. Toutefois, la question de savoir si et dans quelles conditions le requérant peut reprendre possession des biens en question n'est pas encore tranchée puisque l'adversaire du requérant a introduit contre lui une action fondée sur l'article 555 du Code civil et les articles 1264 à 1267 du Code de procédure civile, procédure qui est pendante à l'heure actuelle. Il s'ensuit qu'au stade où se trouve actuellement la procédure devant les juridictions internes, la présentation de ce grief apparaît prématurée et qu'aucune violation de la Convention ne saurait être constatée en l'état. La requête doit donc être rejetée comme manifestement mal fondée conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Par ces motifs, la Commission DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire adjoint Le Président de la Commission de la Commission (J. RAYMOND) (C.A. NØRGAARD)


Type d'affaire : DECISION
Type de recours : irrecevable (partiellement) ; recevable (partiellement)

Parties
Demandeurs : A.
Défendeurs : la FRANCE

Références :

Origine de la décision
Formation : Commission
Date de la décision : 16/03/1989
Date de l'import : 21/06/2012

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 12334/86
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1989-03-16;12334.86 ?

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