La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/05/1989 | CEDH | N°13830/88

CEDH | LECLERC contre la BELGIQUE


SUR LA RECEVABILITE de la requête No 13830/88 présentée par Georges LECLERC contre la Belgique __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 9 mai 1989 en présence de MM. S. TRECHSEL, Président en exercice F. ERMACORA G. SPERDUTI E. BUSUTTIL G. JÖRUNDSSON A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS G. BATLINER

Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL MM. F...

SUR LA RECEVABILITE de la requête No 13830/88 présentée par Georges LECLERC contre la Belgique __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 9 mai 1989 en présence de MM. S. TRECHSEL, Président en exercice F. ERMACORA G. SPERDUTI E. BUSUTTIL G. JÖRUNDSSON A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS G. BATLINER Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL MM. F. MARTINEZ C.L. ROZAKIS Mme J. LIDDY M. L. LOUCAIDES M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ; Vu l'article 25 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 28 avril 1988 par Georges LECLERC contre la Belgique et enregistrée le 5 mai 1988 sous le No de dossier 13830/88 ; Vu le rapport prévu à l'article 40 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Le requérant est un ressortissant belge, né en 1956 et exerçant la profession de boulanger. Lors de l'introduction de sa requête, il était détenu à la prison de Lantin (Belgique). Devant la Commission, il est représenté par Maître F. Demol, avocat à Liège. Le 27 février 1987, le requérant fut renvoyé devant le tribunal correctionnel de Termonde sous la prévention d'avoir fait partie, du 19 octobre 1985 à approximativement début mars 1986, d'une association de malfaiteurs, ainsi que pour avoir soustrait frauduleusement 4 véhicules automobiles durant cette période et diverses fournitures de bureau à une date ultérieure. Par décision du 26 mars 1987, le tribunal correctionnel de Termonde renvoya l'affaire devant le tribunal correctionnel de Bruxelles suite à la demande faite par certains inculpés. Le ministère public fit appel de cette décision le 8 avril 1987 et le requérant fit de même le 9 avril 1987. Par arrêt du 13 mai 1987, la cour d'appel de Gand déclara les appels recevables et fondés, mit le jugement à néant et décida d'évoquer l'affaire au fond. Par arrêt du 30 novembre 1987, la cour d'appel déclara irrecevable, par absorption, les poursuites du chef de soustraction frauduleuse. La cour observa que le requérant avait déjà été condamné pour des faits semblables par un jugement du tribunal correctionnel de Liège du 20 juin 1986, qui avait acquis force de chose jugée. Estimant que les faits pour lesquels le requérant était poursuivi et ceux pour lesquels il avait été condamné constituaient un fait pénal unique en raison de l'unité d'intention, la cour estima que les soustractions frauduleuses reprochées étaient couvertes par la condamnation du 20 juin 1986 bien que cette condamnation fût intervenue pour d'autres faits matériels. La cour d'appel de Gand examina uniquement la prévention d'association de malfaiteur, punissable d'une peine d'emprisonnement de 6 mois à 5 ans pouvant être portée à 10 ans en cas de récidive. Elle l'estima établie et condamna le requérant à une peine d'emprisonnement de 30 mois, compte tenu de son état de récidive légale, ainsi qu'à une mise à la disposition du Gouvernement pour une période de 10 ans. Le requérant introduisit un recours en cassation contre cette condamnation, mais ne fit valoir aucun moyen. Le 3 novembre 1988, la Cour de cassation rejeta le pourvoi, observant que la décision était conforme à la loi et que les formalités substantielles ou prévues à peine de nullité avaient été observées.
GRIEFS
1. Le requérant allègue qu'en sanctionnant indirectement, par le biais de la prévention d'association de malfaiteurs, les faits de soustraction frauduleuse qu'elle n'avait pu retenir en raison de l'absorption par la condamnation prononcée le 20 juin 1986 par le tribunal correctionnel de Liège, la cour d'appel a porté atteinte au principe de l'examen équitable et impartial de sa cause garanti par l'article 6 par. 1 de la Convention et à la présomption d'innocence consacrée par l'article 6 par. 2 de la Convention. Il soutient en outre que sa détention actuelle ne peut être considérée comme régulière, compte tenu de l'absence d'examen équitable et impartial de sa cause par la cour d'appel. Il fait dès lors valoir qu'il y a eu violation de l'article 5 par. 1 a) de la Convention, qui prévoit que nul ne peut être privé de sa liberté, sauf en cas de détention régulière après condamnation par un tribunal compétent.
2. Le requérant se plaint également d'avoir été condamné à une peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. Il observe qu'en vertu de la législation belge, il ne pouvait être condamné qu'à une peine maximum de 10 ans d'emprisonnement et qu'il a été condamné à une peine plus forte, soit 30 mois d'emprisonnement et 10 ans de mise à la disposition du Gouvernement. Il invoque à cet égard l'article 7 par. 1 de la Convention.
3. Il se plaint encore du fait que le régime de mise à la disposition du Gouvernement auquel il sera soumis à l'expiration de sa peine principale ne lui garantit aucun recours à bref délai contre la légalité de sa détention, en violation de l'article 5 par. 4 de la Convention.
EN DROIT
1. Le requérant se plaint de n'avoir pas bénéficié de l'examen équitable de sa cause par un tribunal impartial et d'une atteinte à la présomption d'innocence. Il invoque l'article 6 par. 1 et 2 (art. 6-1-2) de la Convention. Il fait aussi valoir que sa détention actuelle n'est, en conséquence, pas régulière et allègue qu'il y a donc violation de l'article 5 par. 1 a) (art. 5-1-a). Il se plaint en outre d'avoir été condamné à une peine plus forte que celle applicable au moment où l'infraction a été commise. La Commission n'est cependant pas appelée à se prononcer sur le point de savoir si les faits allégués par le requérant révèlent l'apparence d'une violation des dispositions invoquées. En effet, aux termes de l'article 26 (art. 26) de la Convention, "la Commission ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes, tel qu'il est entendu selon les principes de droit international généralement reconnus". Conformément à la jurisprudence constante de la Commission, cette condition ne se trouve pas remplie du seul fait que l'intéressé a soumis son cas aux diverses autorités dont l'article 26 (art. 26) exige en principe la saisine ; il doit également avoir articulé, au moins en substance, devant la juridiction supérieure les griefs qu'il formule devant la Commission (cf. parmi d'autres, N° 1103/61, déc. 12.3.62, Recueil 8 p. 112 ; N° 8527/78, déc. 10.7.78, D.R. 13 p. 248). Dans le cas d'espèce, la Commission constate que le requérant n'a pas formulé ni devant la cour d'appel de Gand ni devant la Cour de cassation les griefs qu'il fait valoir devant la Commission. Compte tenu du fait qu'il s'agit d'une affaire pénale, la question de savoir s'il appartenait à la Cour de cassation de soulever d'office les violations d'ordre public pourrait se poser. Dans les circonstances de la présente affaire, la Commission considère qu'il n'y a pas lieu de se départir du principe rappelé ci-dessus selon lequel pour satisfaire à la condition de l'épuisement des voies de recours internes, le requérant doit avoir articulé devant la juridiction supérieure les griefs formulés devant la Commission. Or, elle vient de constater que le requérant n'avait pas soumis ses moyens aux instances nationales. Il s'ensuit que le requérant n'a pas satisfait à la condition relative à l'épuisement des voies de recours internes et que cette partie de la requête doit être rejetée conformément à l'article 27 par. 3 (art. 27-3) de la Convention.
2. Le requérant se plaint encore de l'absence de recours lui permettant de contester la légalité de sa détention lorsqu'il sera mis à la disposition du Gouvernement, en violation de l'article 5 par. 4 (art. 5-4) de la Convention. La Commission rappelle qu'elle a déjà considéré que ne peut "se prétendre victime", au sens de l'article 25 (art. 25) de la Convention, celui qui ne fait que craindre le risque d'une violation future de la Convention à son égard. (cf N° 7945/77, déc. 4.7.78, D.R. 14, p. 228). La Commission relève que le requérant n'a pas encore, à l'heure actuelle, été placé à la disposition du Gouvernement. Elle observe en outre qu'en Belgique, le régime de la mise à la disposition du Gouvernement laisse au ministre de la Justice une large discrétion quant au choix des modalités d'exécution de cette mesure : internement, semi-liberté, liberté sous tutelle ou probation (cf Cour eur. D.H., arrêt Van Droogenbroeck du 24 juin 1982, série A n° 50, p. 14, par. 21). Il n'est donc pas permis d'affirmer aujourd'hui que le requérant sera privé de sa liberté dans le cadre de la mesure de mise à la disposition du Gouvernement. Dans ces conditions, le requérant ne dispose pas d'éléments lui permettant de se prétendre, au sens de l'article 25 par. 1 (art. 25-1), victime d'une violation de l'article 5 par. 4 (art. 5-4) de la Convention. Ce grief doit donc être rejeté comme manifestement mal fondé, au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Par ces motifs, la Commission DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire Le Président en exercice de la Commission de la Commission (H.C .KRÜGER) (S. TRECHSEL)


Synthèse
Formation : Commission
Numéro d'arrêt : 13830/88
Date de la décision : 09/05/1989
Type d'affaire : Décision
Type de recours : irrecevable (partiellement)

Parties
Demandeurs : LECLERC
Défendeurs : la BELGIQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1989-05-09;13830.88 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award