La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/07/1989 | CEDH | N°12978/87

CEDH | MILLOT contre la SUISSE


SUR LA RECEVABILITE de la requête No 12978/87 présentée par Jean-Pierre MILLOT contre la Suisse __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 6 juillet 1989 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN S. TRECHSEL F. ERMACORA G. SPERDUTI E. BUSUTTIL A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS

H. DANELIUS G. BATLINER ...

SUR LA RECEVABILITE de la requête No 12978/87 présentée par Jean-Pierre MILLOT contre la Suisse __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 6 juillet 1989 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN S. TRECHSEL F. ERMACORA G. SPERDUTI E. BUSUTTIL A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS G. BATLINER J. CAMPINOS H. VANDENBERGHE Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL MM. F. MARTINEZ C.L. ROZAKIS Mme J. LIDDY M. L. LOUCAIDES M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ; Vu l'article 25 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 1er avril 1987 par Jean-Pierre MILLOT contre la Suisse et enregistrée le 3 juin 1987 sous le No de dossier 12978/87 ; Vu le rapport prévu à l'article 40 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit. Le requérant est un ressortissant français né en 1937. Il réside à Genève où il exerce la profession de traducteur. Devant la Commission il est représenté par Me Jacques Emery, avocat à Genève. Le 15 août 1985, le requérant a été inculpé d'incendie intentionnel et placé en détention provisoire. Le 22 août 1985 il a été mis en liberté par arrêt de la chambre d'accusation de Genève. Par décision du 13 novembre 1985 le ministère public a classé la procédure estimant que l'enquête n'avait pas apporté de charges suffisantes à l'encontre de l'inculpé. Le 19 décembre 1985 une nouvelle instruction a été ouverte à l'encontre du requérant pour incendie intentionnel. Le requérant a été placé en détention provisoire du 20 au 24 décembre 1985. Le 22 janvier 1986 le ministère public a classé cette procédure estimant que l'enquête n'avait pas apporté de charges suffisantes. Le 29 avril 1986, le requérant a recouru contre les deux décisions de classement auprès de la chambre d'accusation. Il a conclu à ce que cette juridiction prononce un non-lieu sur les accusations dirigées contre lui et invoqué, entre autres, l'article 6 par. 1 et 2 de la Convention. La chambre d'accusation a rejeté les recours en date du 30 mai 1986. Elle a estimé que "le ministère public (avait) fait un juste usage de son pouvoir d'appréciation, dans la mesure où il (avait) estimé que des indices troublants (avaient) été réunis par la police et le juge d'instruction, insuffisants pour ordonner un renvoi en vue de jugement, mais suffisants pour laisser le dossier ouvert si des faits nouveaux venaient à être connus de l'autorité judiciaire". Le 30 juin 1986, le requérant a introduit auprès du Tribunal fédéral un recours de droit public. Invoquant l'article 6 par. 1 et 2 de la Convention il faisait valoir que la décision de classement le privait de son droit d'être jugé par un tribunal qui décidera du bien-fondé de l'accusation pénale dirigée contre lui. Le 19 septembre 1986, le requérant a été invité à verser jusqu'au 3 octobre 1986 une avance de frais d'un montant de 800 FS. L'ordonnance précisait ce qui suit : "Il vous est loisible d'acquitter ce montant soit en espèces, soit au moyen d'un chèque bancaire non barré, soit encore par virement au compte de chèques postaux 10-674 de la caisse du Tribunal fédéral. Si vous avez recours aux services postaux, l'envoi doit être déposé, le montant versé ou l'ordre de virement donné le dernier jour du délai au plus tard. En cas de doute, il vous incombera de prouver que le délai a été respecté. Si vous donnez un ordre de paiement à une banque, vous devez veiller à ce que celle-ci l'exécute avant l'expiration du délai. A défaut de paiement dans le délai fixé, vos conclusions seront déclarées irrecevables." Le 26 septembre 1986 l'avocat du requérant a donné l'ordre de paiement de la somme susindiquée à sa banque. Il a ensuite reçu un avis de débit indiquant que son compte avait été débité de ladite somme en date du 3 octobre 1986. Par lettre du 9 octobre 1986 la caisse du Tribunal fédéral a informé le requérant qu'elle n'avait reçu l'avance des frais qu'en date du 8 octobre 1986. Elle a invité le requérant à fournir des preuves écrites que le délai avait bien été respecté et informé celui-ci qu'il avait la possibilité de faire une demande de restitution de délai conformément à l'article 35 de la loi fédérale d'organisation judiciaire (*). Le 15 octobre 1986, l'avocat du requérant a communiqué au Tribunal fédéral l'avis d'enregistrement de l'ordre de paiement et l'avis de débit de son compte. Le 29 octobre 1986, le Tribunal fédéral a déclaré le recours irrecevable. Il a constaté que l'avance de frais n'avait été effectuée que le 8 octobre 1986 et que l'avocat du requérant ne prétendait pas "s'être dûment assuré de l'exécution, en temps utile, de son ordre de paiement par la banque, ni ne (formait) une demande de restitution pour inobservation de délai", mais s'était limité à la production des avis et à l'expression de son espoir que tout malentendu se trouverait dissipé.
GRIEFS Le requérant se plaint du classement des accusations dirigées contre lui. Il soutient que cette mesure, prévue par le code de procédure pénale genevois, laisse pendantes lesdites accusations. Il soutient, en outre, que son recours de droit public a été déclaré irrecevable suite à une application par trop formaliste de la réglementation qui impose au justiciable de veiller à ce que sa banque exécute l'ordre de paiement de l'avance de frais de procédure. Le requérant invoque l'article 6 par. 1 de la Convention. ---------- (*) Article 35 : La restitution pour inobservation d'un délai ne peut être accordée que si le requérant ou son mandataire a été empêché, sans sa faute, d'agir dans le délai fixé. La demande de restitution doit indiquer l'empêchement et être présentée dans les dix jours à compter de celui où il a cessé. L'acte omis doit être exécuté dans ce délai.
EN DROIT Le requérant se plaint des décisions de classement des accusations dirigées contre lui. Invoquant l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention il précise que la mesure de classement laisse subsister ces accusations et se plaint qu'aucun tribunal n'a statué sur le bien-fondé de celles-ci. La Commission rappelle d'abord que l'article 6 (art. 6) ne garantit pas un droit absolu à ce qu'un tribunal statue sur le bien-fondé d'une accusation, en ce sens qu'il n'empêche ni les autorités de poursuite d'abandonner une accusation ni le juge de mettre fin à une procédure sans jugement (cf. No 4550/70 Soltikow c/R.F.A., déc. 26.5.71, Recueil 38 p. 123 ; No 7950/77, déc. 4.3.80, D.R. 19 p. 213-217). Toutefois, une décision d'abandonner les poursuites ou de mettre fin à une procédure pourrait soulever des questions à l'égard des dispositions de cet article (art. 6) lorsqu'elle renferme une appréciation de culpabilité sans établissement préalable légal de celle-ci par un tribunal (cf. mutatis mutandis Cour eur. D.H., arrêt Minelli du 25 mars 1983, série A n° 62 p. 17 par. 37 ; No 8269/78, déc. 6.7.79, D.R. 17 p. 171-174). La Commission observe que, vu dans ce contexte, le grief du requérant concerne le déroulement d'une procédure pénale et qu'en cette matière, le recours de droit public au Tribunal fédéral est un recours dont l'exercice est requis pour satisfaire à la condition de l'épuisement des voies de recours internes posée à l'article 26 (art. 26) de la Convention (cf. par ex. No 8224/78 Bonnechaux c/Suisse, déc. 5.12.78, D.R. 15, p. 211). En l'espèce, le requérant a, certes, introduit un recours de droit public au Tribunal fédéral mais ne s'est pas conformé aux conditions de recevabilité de ce recours, à savoir le paiement de l'avance de frais dans le délai qui lui a été imparti. La Commission rappelle sur ce point qu'il n'y a pas épuisement lorsqu'une voie de recours interne a été déclarée irrecevable à la suite d'une informalité (cf. par ex. No 6878/75, Le Compte c/Belgique, déc. 6.10.76, D.R. 6, p. 79). La Commission a également examiné la question de savoir si, compte tenu de la réglementation appliquée au requérant, il n'y a pas eu une circonstance susceptible d'avoir dispensé le requérant de l'obligation d'épuiser les voies de recours internes. La Commission rappelle qu'aucune disposition de la Convention ne s'oppose à ce que les Parties Contractantes réglementent l'accès des justiciables aux tribunaux, pourvu que la réglementation ait pour but d'assurer une bonne administration de la justice (cf. No 727/60, déc. 5.8.60, Annuaire 3 p. 302 ; No 6916/75, déc. 8.10.76, D.R. 6 p. 107). Elle rappelle, en particulier, qu'il appartient aux autorités nationales de fixer les formes et délais que les justiciables doivent respecter pour accéder aux juridictions internes compétentes et que le soin d'interpréter et d'appliquer les dispositions pertinentes du droit interne est laissé aux autorités judiciaires nationales (cf. No 1191/61, déc. 29.9.65, Annuaire 8 pp. 106/155-156). Partant, le contrôle des organes de la Convention en pareille matière se limite à vérifier que les limitations appliquées ne constituent pas un déni de justice. Pour ce qui est de la présente requête, la Commission estime que, vu le choix des modalités de paiement offert au requérant et l'avertissement explicite qui lui a été donné pour le cas où il choisirait de payer l'avance des frais par ordre bancaire, l'application de la réglementation en cause dans le cas concret du requérant ne saurait aucunement constituer un déni de justice. Dès lors, l'application au cas d'espèce de la réglementation concernant l'avance des frais ne constitue pas une circonstance ayant pu dispenser le requérant, selon les principes du droit international généralement reconnus, de l'obligation d'épuiser les voies de recours dont il disposait en droit suisse. Il s'ensuit que le requérant n'a pas épuisé les voies de recours internes et que la requête doit être rejetée conformément à l'article 27 par. 3 (art. 27-3) de la Convention. Par ces motifs, la Commission DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire Le Président de la Commission de la Commission (H.C. KRÜGER) (C.A. NØRGAARD)


Synthèse
Formation : Commission
Numéro d'arrêt : 12978/87
Date de la décision : 06/07/1989
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : irrecevable (partiellement)

Parties
Demandeurs : MILLOT
Défendeurs : la SUISSE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1989-07-06;12978.87 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award