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04/09/1989 | CEDH | N°13012/87

CEDH | MARTINEZ contre l'ESPAGNE


SUR LA RECEVABILITE de la requête No 13012/87 présentée par Miguel MARTINEZ contre l'Espagne La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 4 septembre 1989 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN S. TRECHSEL G. JÖRUNDSSON A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H. DANELIUS G. BATLINER J. CAMPINOS H. VANDENBERGHE

Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL MM. F. MARTI...

SUR LA RECEVABILITE de la requête No 13012/87 présentée par Miguel MARTINEZ contre l'Espagne La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 4 septembre 1989 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN S. TRECHSEL G. JÖRUNDSSON A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H. DANELIUS G. BATLINER J. CAMPINOS H. VANDENBERGHE Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL MM. F. MARTINEZ C.L. ROZAKIS Mme J. LIDDY M. L. LOUCAIDES M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ; Vu l'article 25 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 20 avril 1987 par Miguel MARTINEZ contre l'Espagne et enregistrée le 19 juin 1987 sous le No de dossier 13012/87 ; Vu le rapport prévu à l'article 40 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Le requérant, né en 1921, est un ressortissant espagnol domicilié à Barcelone. Il est industriel. Les faits de la cause tels qu'ils sont présentés par le requérant peuvent se résumer comme suit : En janvier 1986 le tribunal du travail n° 19 de Barcelone (magistratura de trabajo) condamna le requérant à indemniser de 1.047.000 Pts (environ 52.000 FF) un employé qu'il avait préalablement licencié. Le requérant s'adressa alors au tribunal précité, faisant connaître son intention de faire appel en y joignant un aval bancaire du montant de la consignation à effectuer en application de l'article 154 du Code de procédure en matière des conflits du travail (Ley de Procedimiento Laboral). Conformément à cette disposition, l'employeur qui désire faire appel contre le jugement par lequel il a été condamné au paiement d'une somme, doit consigner au greffe le montant de cette somme. Par ordonnance (providencia) du 1 février 1986 le tribunal du travail n° 19 de Barcelone fit savoir au requérant que, le recours ayant été déclaré dans le respect des formalités légales ("anunciado en tiempo y forma"), il disposait de 10 jours pour former appel. Le recours ayant été présenté dans le délai imparti, le dossier fut transmis au Tribunal central du travail. Par décision (Auto) du 4 novembre 1986 cette juridiction déclara le recours irrecevable en raison de l'absence de la consignation de 2.500 Pts (environ 125 FF) exigée des employeurs désirant faire appel conformément à l'article 181 de la loi sur la procédure en matière de conflits de travail. Le tribunal observait que le requérant était représenté, comme l'exige la loi, par un avocat qui, en tant que praticien du droit, était censé connaître les formalités légales. Le requérant forma alors un recours d'"amparo" fondé tout d'abord sur un moyen tiré de la violation de l'article 14 de la Constitution (principe d'égalité) au motif que l'exigence de consignation de cette somme ne vise que les seuls employeurs. Il soulevait d'autre part un deuxième moyen tiré de la violation de l'article 24 de la Constitution (droit à un procès équitable). Par décision (Auto) du 25 mars 1987 le Tribunal constitutionnel déclara le recours d'amparo irrecevable. Cette décision se fondait notamment sur une jurisprudence constante selon laquelle les exigences accrues imposées aux employeurs dans le cadre des procédures relatives à des conflits du travail ne sont pas contraires au principe d'égalité puisqu'elles visent à rétablir un certain équilibre entre les parties vu les inégalités qui séparent "de facto" employeurs et travailleurs.
GRIEFS Devant la Commission, le requérant se plaint qu'il n'a pas bénéficié du droit à un procès équitable en ce que le Tribunal central du travail a refusé d'examiner son appel en raison d'une simple informalité dépourvue d'importance. Il invoque l'article 6 de la Convention. Il fait valoir par ailleurs que l'imposition d'un devoir procédural particulier - tel la consignation d'une certaine somme - à l'une seule des parties au procès - l'employeur - constitue une discrimination contraire à l'article 14 de la Convention.
EN DROIT
1. Le requérant se plaint d'un excès de formalisme dont aurait témoigné le Tribunal central du travail qui a déclaré irrecevable l'appel du requérant au motif que celui-ci n'avait pas consigné la somme de 2.500 Pts exigée par l'article 181 de la loi sur la procédure en matière de conflits de travail. L'article 6 par. 1 (art. 6-1) reconnaît à toute personne le droit "à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle". La Commission rappelle que le droit à un tribunal est un élément du droit à un procès équitable (arrêt Deweer du 27.2.80, Série A N° 35 p. 25 par. 49). La Commission a toutefois déjà estimé que cette disposition n'interdit pas aux Hautes Parties Contractantes d'édicter une réglementation régissant l'accès des plaideurs à une juridiction de recours (N° 8407/78 déc. 6 mai 1980 D.R. 20 p. 179) pourvu qu'elle ait pour but d'assurer une bonne administration de la justice. La Commission constate d'autre part que le requérant était assisté par un avocat, praticien du droit, qui était censé connaître les formalités légales pour faire appel. Elle observe par ailleurs que la formalité incriminée était clairement établie par la loi et que son accomplissement était d'une extrême simplicité. N'ayant pas fait preuve de la diligence requise, le requérant ne saurait donc prétendre qu'il a fait l'objet d'entraves injustifiées au droit d'accès aux tribunaux et donc d'une atteinte à l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté par application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
2. Le requérant allègue en outre que l'article 181 de la loi sur la procédure en matière de conflits du travail n'exige la consignation du montant précité pour faire appel que des seuls employeurs. Il considère que de ce fait les employeurs sont discriminés par rapport aux travailleurs en ce qui concerne le droit d'accès aux tribunaux au mépris de l'article 14 combiné avec l'article 6 par. 1 (art. 14+6-1) de la Convention. S'il est vrai que l'article 14 (art. 14) de la Convention interdit toute discrimination dans la jouissance des droits et libertés reconnus par la Convention, une différence de traitement n'est pas discriminatoire si elle est fondée sur une justification objective et raisonnable (cf. entre autres N° 5849/72 déc. 1.10.75, D.R. 3 p. 25). La Commission observe à cet égard que les formalités spécifiques imposées par la loi aux employeurs tiennent compte des inégalités de fait qui séparent employeurs et travailleurs ainsi que des conséquences différentes qu'une procédure d'appel peut avoir sur la situation des uns et des autres. De ce fait, la Commission estime que la différence de traitement résultant de la formalité litigieuse est fondée sur une justification objective et raisonnable et répond à un critère de proportionnalité. Cette différence n'est donc pas contraire aux exigences de l'article 14 combiné avec l'article 6 par. 1 (art. 14+6-1) de la Convention. Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté par application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Par ces motifs, la Commission DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire Le Président de la Commission de la Commission (H.C. Krüger) (C.A. Nørgaard)


Synthèse
Formation : Commission
Numéro d'arrêt : 13012/87
Date de la décision : 04/09/1989
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : irrecevable (partiellement)

Parties
Demandeurs : MARTINEZ
Défendeurs : l'ESPAGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1989-09-04;13012.87 ?

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