La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/11/1989 | CEDH | N°10959/84

CEDH | AFFAIRE CHICHLIAN ET EKINDJIAN c. FRANCE


En l'affaire Chichlian et Ekindjian*,
_______________ * Note du greffier: L'affaire porte le n° 9/1989/169/225. Les deux premiers chiffres désignent son rang dans l'année d'introduction, les deux derniers sa place sur la liste des saisines de la Cour depuis l'origine et sur celle des requêtes initiales (à la Commission) correspondantes. _______________
La Cour européenne des Droits de l'Homme, constituée, conformément à l'article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention") et aux clauses pertinentes de son r

èglement, en une chambre composée des juges dont le nom suit: ...

En l'affaire Chichlian et Ekindjian*,
_______________ * Note du greffier: L'affaire porte le n° 9/1989/169/225. Les deux premiers chiffres désignent son rang dans l'année d'introduction, les deux derniers sa place sur la liste des saisines de la Cour depuis l'origine et sur celle des requêtes initiales (à la Commission) correspondantes. _______________
La Cour européenne des Droits de l'Homme, constituée, conformément à l'article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention") et aux clauses pertinentes de son règlement, en une chambre composée des juges dont le nom suit: MM. R. Ryssdal, président, J. Cremona, F. Matscher, L.-E. Pettiti, J. De Meyer, N. Valticos, S.K. Martens,
ainsi que de M. M.-A. Eissen, greffier,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 24 novembre 1989,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date:
PROCEDURE
1. L'affaire a été déférée à la Cour par la Commission européenne des Droits de l'Homme ("la Commission") le 12 avril 1989, dans le délai de trois mois qu'ouvrent les articles 32 § 1 et 47 (art. 32-1, art. 47) de la Convention. A son origine se trouve une requête (n° 10959/84) dirigée contre la République française et dont deux ressortissants de cet Etat, M. Ferdinand Chichlian et Mme Jeanne Ekindjian, avaient saisi la Commission le 25 avril 1984 en vertu de l'article 25 (art. 25).
La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48 (art. 44, art. 48) ainsi qu'à la déclaration française reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour (article 46) (art. 46). Elle a pour objet d'obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l'Etat défendeur aux exigences de l'article 6 § 3 a) et b) (art. 6-3-a, art. 6-3-b).
2. En réponse à l'invitation prévue à l'article 33 § 3 d) du règlement, les requérants ont exprimé le désir de participer à l'instance et ont désigné leur conseil (article 30).
3. La chambre à constituer comprenait de plein droit M. L.-E. Pettiti, juge élu de nationalité française (article 43 de la Convention) (art. 43), et M. R. Ryssdal, président de la Cour (article 21 § 3 b) du règlement). Le 29 avril 1989, celui-ci en a désigné par tirage au sort les cinq autres membres, à savoir M. J. Cremona, Mme D. Bindschedler-Robert, M. J.A. Carrillo Salcedo, M. N. Valticos et M. S.K. Martens, en présence du greffier (articles 43 in fine de la Convention et 21 § 4 du règlement) (art. 43). Par la suite, MM. J. De Meyer et F. Matscher, suppléants, ont remplacé M. Carrillo Salcedo, dispensé de siéger par M. le président Ryssdal le 11 octobre (article 24 § 3 du règlement), et Mme Bindschedler-Robert, empêchée (art. 24 § 1).
4. Ayant assumé la présidence de la Chambre (article 21 § 5 du règlement), M. Ryssdal a organisé la procédure écrite le 12 mai 1989 puis, le 28 juin, fixé au 22 janvier 1990 la date des audiences, après avoir consulté l'agent du gouvernement français ("le Gouvernement"), le délégué de la Commission et le conseil des requérants par les soins du greffier (articles 37 § 1 et 38).
5. La recherche d'un règlement amiable a donné lieu, du 19 juillet au 20 novembre 1989, à une série de lettres et d'entretiens téléphoniques entre le Gouvernement, l'avocat des requérants et le greffier.
6. Le 14 septembre, le président a décidé qu'en cas d'échec des négociations les débats se dérouleraient le 20 novembre.
7. Le 20 novembre, le conseil des requérants a communiqué au greffier les termes d'un accord conclu entre ses clients et le Gouvernement. Consulté, le délégué de la Commission n'a soulevé aucune objection.
Gouvernement et conseil des requérants ont renoncé à déposer des mémoires.
8. Le 24 novembre, la Cour a décidé de se passer d'audiences en l'espèce, après avoir constaté la réunion des conditions à remplir pour déroger de la sorte à sa procédure habituelle (articles 26 et 38 du règlement).
EN FAIT
9. De nationalité française, M. Ferdinand Chichlian et Mme Jeanne Ekindjian vivent respectivement à Marseille et à Azas.
10. Le 17 mars 1981, la section économique et financière de la police judiciaire de Toulouse découvrit une somme de 807.000 pesetas en espèces à leur domicile commun.
Ils se virent inculper d'une "infraction à la législation et à la réglementation des relations financières avec l'étranger", consistant dans la "non-remise (...) de devises étrangères" à "un intermédiaire agréé", et ce sur la base de plusieurs articles du code des douanes ainsi que de l'article 7 du décret n° 68-1021 du 24 novembre 1968. Toutefois, le tribunal de grande instance de Toulouse les relaxa le 12 juillet 1982, estimant l'infraction non constituée; il ordonna la restitution de la somme saisie et débouta l'administration des douanes, partie civile.
11. Celle-ci et le ministère public interjetèrent appel. Dans ses conclusions, la première allégua que M. Chichlian avait reconnu avoir "commis le délit", réprimé notamment par l'article 1 - et non plus l'article 7 - du décret précité, "de règlements financiers effectués en France entre non-résident et résident sans passer par l'entremise d'un intermédiaire agréé"; d'après elle, "les magistrats du premier degré" n'avaient pas "examiné tous les éléments de la prévention".
Le 6 janvier 1983, la cour d'appel de Toulouse déclara les requérants coupables d'un tel délit. En conséquence, elle leur infligea six mois d'emprisonnement avec sursis et une amende; en outre, elle prescrivit la confiscation de la somme litigieuse.
12. Les intéressés formèrent un pourvoi en cassation fondé, entre autres, sur l'article 6 (art. 6) de la Convention. Leur moyen unique reprochait à la cour de Toulouse d'avoir utilisé son "pouvoir de requalification pour prononcer contre eux une condamnation du chef d'une infraction étrangère à la prévention initiale et sur laquelle ils n'[avaient] pas été, de surcroît, en mesure de se défendre puisque l'administration des douanes avait, dans ses conclusions d'appel, invoqué (...) l'article 1 du décret n° 68-1021 du 24 novembre 1968, alors qu'elle s'en était tenue, devant les premiers juges, à invoquer (...) l'article 7 de ce texte (...)."
Le 14 novembre 1983, la Cour de cassation rendit un arrêt de rejet ainsi motivé: "(...)
Attendu (...) que la cour d'appel, qui a statué sur les circonstances de l'infraction contradictoirement débattues devant elle, s'est bornée à tirer les déductions de droit conformes aux faits dont elle était saisie et a pu, dès lors, sur les seules déclarations du prévenu, requalifier exactement l'infraction primitive de non-remise des fonds à un intermédiaire agréé visée par l'ordonnance de renvoi;
Qu'en effet, si le juge de la répression ne peut statuer sur d'autres faits que ceux qui lui sont déférés par le titre qui le saisit, il lui appartient de relever les circonstances soumises au débat contradictoire, qui, se rattachant à ces faits et sans rien y ajouter, sont propres à leur restituer leur véritable qualification; que tel est le cas de l'espèce; (...)."
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION
13. Dans leur requête du 25 avril 1984 à la Commission (n° 10959/84), M. Chichlian et Mme Ekindjian invoquaient l'article 6 § 3 a) et b) (art. 6-3-a, art. 6-3-b) de la Convention. Affirmant n'avoir eu connaissance des conclusions d'appel de l'administration des douanes qu'au moment des débats, ils se plaignaient de n'avoir pas été informés, dans le plus court délai, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre eux devant la cour de Toulouse et de n'avoir pas disposé du temps et des facilités nécessaires à la préparation de leur défense.
14. La Commission a retenu la requête le 8 juillet 1988. Dans son rapport du 16 mars 1989 (article 31) (art. 31), elle relève à l'unanimité une infraction aux alinéas a) et b) de l'article 6 § 3 (art. 6-3-a, art. 6-3-b). Le texte intégral de son avis figure en annexe au présent arrêt*.
_______________ * Note du greffier: Pour des raisons d'ordre pratique il n'y figurera que dans l'édition imprimée (volume 162-B de la série A des publications de la Cour), mais chacun peut se le procurer auprès du greffe. _______________
EN DROIT
15. Le 20 novembre 1989, le greffier a reçu de chacun des requérants la déclaration suivante, signée par eux et dont le Gouvernement leur avait proposé le texte le 9 novembre: "Je (...) déclare accepter l'indemnité de 100.000 francs qui m'est proposée par le gouvernement français dans l'affaire qui m'oppose à lui devant la Cour européenne des Droits de l'Homme (...).
Je reconnais que le versement de cette somme constituera le dédommagement intégral et définitif de l'ensemble des préjudices matériels et moraux allégués par moi dans [ma] requête et couvrira également la totalité des frais d'avocat et autres engagés par moi dans cette affaire.
J'accepte donc, moyennant le versement de cette somme, de me désister de cette instance et de renoncer à toute autre action ultérieure de ce chef contre l'Etat français devant les juridictions nationales et internationales.
Je prends acte de ce que le gouvernement français me versera cette indemnité aussitôt après que la Cour aura décidé de rayer cette affaire de son rôle. (...)."
Consulté, le délégué de la Commission n'a soulevé aucune objection.
16. La Cour donne acte au Gouvernement et aux requérants du règlement amiable auquel ils ont abouti. Elle pourrait néanmoins y passer outre, eu égard aux responsabilités lui incombant aux termes de l'article 19 (art. 19) de la Convention, si un motif d'ordre public lui paraissait l'exiger (article 49 § 4 du règlement).
Il n'en va pas ainsi en l'espèce car le litige a trait dans une large mesure à des questions de fait (paragraphes 20-24, 39-40, 52 et 66-72 du rapport de la Commission) et ne soulève pas de problème important d'interprétation de la Convention.
Partant, il échet de rayer l'affaire du rôle en vertu de l'article 49 § 2 du règlement.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, A L'UNANIMITE,
Décide de rayer l'affaire du rôle.
Fait en français et en anglais, puis communiqué par écrit le 29 novembre 1989 en application de l'article 55 § 2 du règlement.
Signé: Rolv RYSSDAL Président
Signé: Marc-André EISSEN Greffier


Synthèse
Formation : Cour (chambre)
Numéro d'arrêt : 10959/84
Date de la décision : 29/11/1989
Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Radiation du rôle (règlement amiable)

Analyses

(Art. 5-2) INFORMATION DANS LE PLUS COURT DELAI, (Art. 6-3-b) FACILITES NECESSAIRES


Parties
Demandeurs : CHICHLIAN ET EKINDJIAN
Défendeurs : FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1989-11-29;10959.84 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award