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01/03/1990 | CEDH | N°12170/86

CEDH | AFFAIRE JÓN KRISTINSSON c. ISLANDE


En l'affaire Jón Kristinsson*,
La Cour européenne des Droits de l'Homme, constituée, conformément à l'article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention") et aux clauses pertinentes de son règlement**, en une chambre composée des juges dont le nom suit: MM. R. Ryssdal, président, J. Cremona, Thór Vilhjálmsson, F. Matscher, N. Valticos, S.K. Martens, Mme E. Palm,
ainsi que de M. M.-A. Eissen, greffier,
Après en avoir délibér

en chambre du conseil le 22 février 1990,
Rend l'arrêt que voici, ado...

En l'affaire Jón Kristinsson*,
La Cour européenne des Droits de l'Homme, constituée, conformément à l'article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention") et aux clauses pertinentes de son règlement**, en une chambre composée des juges dont le nom suit: MM. R. Ryssdal, président, J. Cremona, Thór Vilhjálmsson, F. Matscher, N. Valticos, S.K. Martens, Mme E. Palm,
ainsi que de M. M.-A. Eissen, greffier,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 22 février 1990,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date:
_______________ Notes du greffier: * L'affaire porte le n° 13/1989/173/229. Les deux premiers chiffres désignent son rang dans l'année d'introduction, les deux derniers sa place sur la liste des saisines de la Cour depuis l'origine et sur celle des requêtes initiales (à la Commission) correspondantes. ** Les amendements au règlement entrés en vigueur le 1er avril 1989 s'appliquent en l'espèce. _______________
PROCEDURE
1. L'affaire a été déférée à la Cour par la Commission européenne des Droits de l'Homme ("la Commission") le 12 avril 1989, dans le délai de trois mois qu'ouvrent les articles 32 par. 1 et 47 (art. 32-1, art. 47) de la Convention. A son origine se trouve une requête (n° 12170/86) dirigée contre la République d'Islande et dont un citoyen de cet Etat, M. Jón Kristinsson, avait saisi la Commission le 10 avril 1986 en vertu de l'article 25 (art. 25).
La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48 (art. 44, art. 48) ainsi qu'à la déclaration islandaise reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour (article 46) (art. 46). Elle a pour objet d'obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l'Etat défendeur aux exigences de l'article 6 par. 1 (art. 6-1).
2. En réponse à l'invitation prescrite à l'article 33 par. 3 d) du règlement, le requérant a exprimé le désir de participer à l'instance et a désigné son conseil (article 30).
3. La Chambre à constituer comprenait de plein droit M. Thór Vilhjálmsson, juge élu de nationalité islandaise (article 43 de la Convention) (art. 43), et M. R. Ryssdal, président de la Cour (article 21 par. 3 b) du règlement). Le 29 avril 1989, celui-ci en a désigné par tirage au sort les cinq autres membres, à savoir M. J. Cremona, M. F. Matscher, M. N. Valticos, M. S.K. Martens et Mme E. Palm, en présence du greffier (articles 43 in fine de la Convention et 21 par. 4 du règlement) (art. 43).
4. Ayant assumé la présidence de la Chambre (article 21 par. 5 du règlement), et après avoir consulté l'agent du gouvernement islandais ("le Gouvernement"), le délégué de la Commission et l'avocat du requérant par l'intermédiaire du greffier, M. Ryssdal a constaté le 2 août 1989 que la présentation de mémoires ne s'imposait pas à ce stade (article 37 par. 1). L'agent du Gouvernement l'avait informé, le 25 juillet, que des négociations auraient lieu sous peu en vue d'une solution amiable du litige. En attendant leur issue, le président a provisoirement fixé au 19 février 1990 la date d'ouverture de la procédure orale.
5. Le 28 décembre 1989, l'agent a communiqué au greffier le texte d'un accord signé par le ministre de la Justice d'Islande, M. Öli T. Gudbjartsson, et par M. Eríkur Tómasson au nom du requérant; il demandait à la Cour de l'entériner et de rayer l'affaire du rôle. Le président a donc annulé l'audience.
Le 22 janvier 1990, le Gouvernement a fourni d'autres documents relatifs au règlement amiable.
6. Consulté par la Cour (article 49 par. 2), le délégué de la Commission a indiqué, le 16 janvier 1990, que ni la radiation du rôle ni les termes de l'accord n'appelaient d'observations de sa part.
7. Le 22 février la Cour a décidé de se passer de débats en l'espèce, après avoir constaté la réunion des conditions à remplir pour déroger de la sorte à sa procédure habituelle (articles 26 et 28).
EN FAIT
8. Deux rapports de police établis en 1984 reprochaient au requérant d'avoir, les 20 et 26 juin de la même année, enfreint le code de la route au volant de sa voiture: la première fois il aurait commis un excès de vitesse, la seconde il n'aurait pas respecté un signal "stop".
9. Ils furent adressés au chef de la police d'Akureyri qui, d'après l'article 32 du code de procédure pénale (loi n° 74 du 21 août 1974), était aussi le "magistrat municipal" (Baejarfogeti) de la ville.
Il lui appartenait de décider d'ouvrir ou non une instruction préparatoire. Toutefois, eu égard au montant de l'amende encourue selon lui (12.000 couronnes islandaises au maximum), il offrit à l'intéressé, en vertu de l'article 112 du même code, la possibilité de régler les deux affaires en payant, dans les deux semaines, une amende de 1.720 couronnes. Cette offre figurait dans deux lettres, des 10 et 12 juillet 1984, signées par M. S.J. à titre de chef adjoint de la police.
10. M. Jón Kristinsson, qui avait contesté devant cette dernière certaines des allégations formulées par elle, déclina la proposition faute de retourner lesdites lettres avec sa signature; il fut cité devant le tribunal correctionnel du district d'Akureyri. Aux termes de l'article 4 du code, les fonctions de pareil tribunal incombaient, en dehors de Reykjavik, aux magistrats municipaux, lesquels avaient pour tâche de mener l'instruction, présider aux débats et statuer.
11. Le 30 août 1984, le requérant se présenta devant M. S.J. qui, en la circonstance, suppléait le magistrat municipal en sa qualité de juge au tribunal de district. Il refusa de régler l'affaire en justice et réitéra les objections qu'il avait soulevées auprès de la police. M. S.J. ouït ultérieurement le témoignage des policiers concernés. Le 7 novembre, l'instruction préliminaire terminée, il transmit le dossier au procureur.
12. Le 23 novembre 1984 celui-ci dressa un acte d'accusation, du chef des deux infractions précitées au code de la route, et saisit le tribunal correctionnel du district d'Akureyri. L'inculpé comparut le 4 décembre. On lui communiqua l'acte d'accusation et il eut l'occasion de discuter le témoignage des policiers. A sa demande, M. S.J., agissant à nouveau comme juge au tribunal de district, ajourna l'audience. Elle reprit le 10 décembre et, le 27, il rendit son jugement en séance publique; déclarant M. Jón Kristinsson coupable des deux contraventions, il le condamnait à 3.000 couronnes d'amende et aux frais.
13. L'intéressé se pourvut devant la Cour Suprême d'Islande. D'après lui, l'instruction avait laissé à désirer et la cause n'avait pas été entendue par un juge impartial, M. S.J. en ayant connu à titre de chef adjoint de la police, puis de juge au tribunal de district; il y avait donc eu violation des articles 2 et 61 de la Constitution islandaise et de l'article 6 (art. 6) de la Convention.
Le 25 novembre 1985, la haute juridiction l'acquitta de la prévention de non-respect du signal "stop" mais confirma, quant à l'autre infraction, la décision attaquée. Elle infligea au requérant une amende de 1.500 couronnes et mit à sa charge les frais des deux instances. Au sujet de la partialité alléguée du juge S.J., elle releva: "Le système judiciaire islandais confère à des magistrats municipaux et de comté, qui exercent parallèlement la fonction de chef de police, les pouvoirs juridictionnels des tribunaux de district situés en dehors de Reykjavik. La décision du tribunal correctionnel de district ne saurait être annulée pour avoir émané de l'adjoint au magistrat municipal d'Akureyri. En outre, aucun fait précis de nature à disqualifier ce magistrat ou son adjoint ne se trouve établi."
14. Le 19 mai 1989, le Parlement islandais a adopté une loi (n° 92/1989) sur la séparation des pouvoirs judiciaire et administratif au niveau des districts. Elle doit entrer en vigueur le 1er juillet 1992; elle confiera l'administration de la police à des agents exécutifs de district, dénommés "magistrats" (syslumadur), et l'examen des affaires pénales à des juges de tribunaux de district, indépendants de l'exécutif.
Le 9 janvier 1990, la Cour Suprême d'Islande a cassé avec renvoi un jugement du tribunal correctionnel de district d'Arnessysla, au motif que le juge concerné était à la fois magistrat de comté suppléant et chef de la police de district qui avait mené l'enquête. Son arrêt a tenu compte du rapport de la Commission en l'espèce.
En conséquence, le président de la République a promulgué le 13 janvier, sur le conseil du ministre de la Justice, une loi provisoire créant de nouveaux postes de juges de district à titre de mesure transitoire.
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION
15. Dans sa requête du 10 avril 1986 à la Commission (n° 12170/86), M. Jón Kristinsson prétendait n'avoir pas été jugé par un tribunal impartial au sens de l'article 6 par. 1 (art. 6-1), car le juge qui l'avait condamné avait auparavant connu de l'affaire en qualité de chef adjoint de la police.
16. La Commission a retenu la requête le 13 octobre 1987. Dans son rapport du 8 mars 1989 (article 31) (art. 31), elle conclut à l'unanimité qu'il y a eu violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1). Le texte intégral de son avis et de l'opinion séparée dont il s'accompagne figure en annexe au présent arrêt*.
_______________ * Note du greffier: Pour des raisons d'ordre pratique il n'y figurera que dans l'édition imprimée (volume 171-B de la Série A des publications de la Cour), mais chacun peut se le procurer auprès du greffe. _______________
EN DROIT
17. L'accord conclu le 28 décembre 1989 entre le Gouvernement et le requérant (paragraphe 5 ci-dessus) résume les faits puis se réfère à la loi n° 92/1989 (paragraphe 14 ci-dessus), après quoi il précise que les parties conviennent de régler le litige sur les bases suivantes: "1. Le Trésor islandais remboursera à M. Jón Kristinsson l'amende et les frais acquittés par lui (26.650 couronnes islandaises), plus les intérêts à compter du 12 mai 1986 (53.353 couronnes), soit au total 80.003 couronnes.
2. Il lui remboursera les frais d'avocat exposés par lui devant la Commission européenne des Droits de l'Homme, soit au total 461.130 couronnes après déduction de l'aide financière reçue de ladite Commission.
3. M. Jón Kristinsson s'engage, une fois versés les montants dont il s'agit et en renonçant à toute indemnité ou à tout paiement supplémentaire de la part du Trésor islandais, à se désister de son recours pendant devant la Cour européenne des Droits de l'Homme et à ne pas en introduire d'autres contre le Gouvernement devant les tribunaux, nationaux ou internationaux, à raison des faits décrits plus haut.
4. Il accepte que le Trésor islandais lui paye immédiatement lesdites sommes pourvu que la Cour européenne des Droits de l'Homme consente à rayer du rôle, en vertu de l'article 49 par. 2 de son règlement, l'affaire, dirigée contre le gouvernement islandais, dont l'a saisie la Commission européenne des Droits de l'Homme
5. Le ministre de la Justice invitera le Procureur général d'Islande à faire insérer dans le registre pénal de l'Etat une note relative à M. Jón Kristinsson; elle précisera que le Gouvernement a conclu aujourd'hui avec celui-ci, eu égard à l'opinion exprimée par la Commission européenne des Droits de l'Homme au sujet de sa requête, un règlement prévoyant le remboursement des montants que la Cour Suprême d'Islande, par son arrêt du 25 novembre 1985, lui avait enjoint de payer au Trésor islandais.
6. Les obligations mutuelles assumées ici par le gouvernement islandais et M. Jón Kristinsson deviendront automatiquement caduques si la Cour européenne des Droits de l'Homme refuse l'aval mentionné au paragraphe 4 ci-dessus." (traduction de la traduction anglaise fournie par le Gouvernement)
18. La Cour prend acte du règlement amiable auquel ont abouti Gouvernement et requérant, ainsi que de l'absence d'objection du délégué de la Commission. Elle pourrait y passer outre, eu égard aux responsabilités lui incombant aux termes de l'article 19 (art. 19) de la Convention, si un motif d'ordre public lui paraissait l'exiger (article 49 par. 4 du règlement). Elle n'en aperçoit cependant aucun, vu la réforme législative et le revirement de jurisprudence relevés au paragraphe 14 ci-dessus et compte tenu de ses propres arrêts en la matière (Piersack, 1er octobre 1982, série A n° 53; De Cubber, 26 octobre 1984, série A n° 86; Hauschildt, 24 mai 1989, série A n° 154).
Partant, il échet de rayer l'affaire du rôle en vertu de l'article 49 par. 2 du règlement.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, A L'UNANIMITE,
Décide de rayer l'affaire du rôle.
Fait en français et en anglais, puis communiqué par écrit le 1er mars 1990 en application de l'article 55 par. 2 du règlement.
Signé: Rolv RYSSDAL Président
Signé: Marc-André EISSEN Greffier


Synthèse
Formation : Cour (chambre)
Numéro d'arrêt : 12170/86
Date de la décision : 01/03/1990
Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Radiation du rôle (règlement amiable)

Parties
Demandeurs : JÓN KRISTINSSON
Défendeurs : ISLANDE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1990-03-01;12170.86 ?

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