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25/02/1991 | CEDH | N°15561/89

CEDH | IMBERECHTS contre la BELGIQUE


SUR LA RECEVABILITE de la requête No 15561/89 présentée par Jacques IMBERECHTS contre la Belgique __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 25 février 1991 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN E. BUSUTTIL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL MM. F. MARTINEZ Mme J. LIDDY MM.

L. LOUCAIDES A.V. ALMEIDA RIBEIRO ...

SUR LA RECEVABILITE de la requête No 15561/89 présentée par Jacques IMBERECHTS contre la Belgique __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 25 février 1991 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN E. BUSUTTIL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL MM. F. MARTINEZ Mme J. LIDDY MM. L. LOUCAIDES A.V. ALMEIDA RIBEIRO M.P. PELLONPÄÄ M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 20 juin 1989 par Jacques IMBERECHTS contre la Belgique et enregistrée le 2 octobre 1989 sous le No de dossier 15561/89 ; Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Les faits de la cause, tels qu'ils ont été présentés par le requérant, peuvent se résumer comme suit : Le requérant est un ressortissant belge, né en 1937. Il est médecin généraliste et pratique la médecine homéopathique. Devant la Commission, il est représenté par Me M. De Kock, avocat au barreau de Bruxelles. Le 13 juin 1985, le requérant fut entendu par le bureau du conseil de l'Ordre des médecins d'expression néerlandaise du Brabant à propos des nombreuses analyses médicales demandées à un laboratoire d'analyse. Après avoir procédé à un examen détaillé des analyses demandées pour 31 patients et en avoir débattu avec le requérant, le bureau décida, le même jour, de le renvoyer devant les instances disciplinaires de l'Ordre, sous "l'incrimination d'avoir demandé un trop grand nombre d'analyses, en outre inutiles" (op betichting van het aanvragen van teveel en onnodige onderzoekingen). Par lettre recommandée du 25 juin 1985, le requérant fut invité à comparaître le 11 juillet 1985 devant le conseil provincial de l'Ordre des médecins d'expression néerlandaise du Brabant, pour répondre de ces faits. Le 29 août 1985, le conseil provincial de l'Ordre des médecins d'expression néerlandaise du Brabant, statuant à huis-clos, rendit une sentence infligeant au requérant la peine disciplinaire de la suspension du droit d'exercer l'art médical pendant une durée de six mois, pour avoir demandé un trop grand nombre d'examens et d'analyses médicales qui étaient inutiles et, pour certains, très onéreux. Le conseil provincial rendit sa décision sur base des 31 dossiers médicaux de patients du requérant. Le requérant fit appel de cette sentence. L'appel du requérant fut examiné à l'audience publique du 23 juin 1986 par le conseil d'appel d'expression néerlandaise de l'Ordre des médecins. A cette occasion, le requérant demanda que la cause soit entendue en audience publique, faisant valoir qu'il était possible d'examiner les 31 dossiers médicaux concernés sur base de numéros d'ordre, sans mentionner les noms de patients dont il était question. Après avoir délibéré, le conseil d'appel rejeta la demande du requérant, estimant qu'une procédure publique pourrait violer le secret professionnel médical. Le conseil d'appel constata en effet que même si les noms des 31 patients concernés n'étaient pas mentionnés, ceux-ci pourraient être identifiés par les données contenues dans les dossiers médicaux. Il ajouta que devant le conseil provincial, le requérant avait déposé diverses pièces qui reprenaient formellement les noms et prénoms de certains patients. Le 9 mai 1988, le conseil d'appel annula la sentence du conseil provincial, estimant qu'il y avait eu violation de l'article 6 par. 1 de la Convention en raison de la présence, au sein de ce conseil, de membres du bureau du conseil de l'Ordre qui avaient procédé à l'instruction de l'affaire. Statuant par voie de dispositions nouvelles, le conseil d'appel prononça à charge du requérant une peine disciplinaire de suspension du droit d'exercer l'art médical pendant une durée de six mois pour avoir demandé, en grand nombre, des analyses de laboratoire qui apparaissaient inutiles et onéreuses. Dans sa décision, le conseil d'appel releva, entre autres, qu'il ressortait de son examen de l'affaire que le requérant avait demandé en moyenne 84 tests de laboratoire par patient et que les tests demandés étaient souvent très étendus et non-orientés (zeer uitgebreide en niet-gerichte tests) vers une ou des situations médicales particulières. Il comptabilisa un total de 2625 actes pour les 31 patients concernés et observa que pour un tiers de ceux-ci, les demandes d'analyse s'élevaient à un chiffre allant de 100 à 150 analyses par personne. Il constata en outre que pour l'année 1984, 23172 analyses avaient été demandées au même laboratoire d'analyse. Le conseil d'appel déclara par ailleurs que "lorsqu'un médecin se fait remarquer par le nombre d'analyses de laboratoire, il lui incombe de prouver - puisque ce n'est que lui qui a effectué l'anamnèse et l'examen clinique - que les examens qu'il a demandés étaient utiles et justifiés en vue du diagnostic et de la thérapie ultérieurs" (wanneer aldus een geneesheer zich laat opmerken door zijn aantal labo-analyses is het aan hem aan te tonen, nu hij alleen de anamnese en het klinisch onderzoek verricht heeft, dat de door hem gevraagde onderzoekingen voor verdere diagnose en therapie nuttig en doelgericht waren). Le requérant introduisit un pourvoi en cassation contre les décisions du conseil d'appel des 23 juin 1986 et 9 mai 1988. Invoquant l'article 6 par. 1 de la Convention, il se plaignit du refus du conseil d'appel d'entendre la cause en audience publique, ainsi que du fait que deux membres du conseil provincial avaient cumulé des fonctions d'instruction et de jugement, en siégeant à la fois au bureau et au conseil provincial. Invoquant l'article 6 par. 2 de la Convention, le requérant fit également valoir qu'il avait été invité à justifier toutes les analyses effectuées pour les 31 patients concernés, de sorte qu'il y avait eu renversement du fardeau de la preuve et, dès lors, atteinte à la présomption d'innocence. Il fit enfin valoir que le conseil d'appel n'avait pas répondu à l'un de ses moyens de défense fondé sur le principe de la liberté du choix thérapeutique. Par arrêt du 23 décembre 1988, la Cour de cassation rejeta le pourvoi. En ce qui concerne le grief tiré de l'article 6 par. 2 de la Convention, la Cour de cassation constata qu'il ressortait du contexte de la sentence du 9 mai 1988 que le conseil d'appel avait estimé prouvée la "sur-consommation" (overconsumptie) médicale eu égard au nombre et à la nature des analyses demandées par le requérant et constaté que le requérant n'avait pas prouvé que lesdites analyses étaient utiles et justifiées en vue du diagnostic et de la thérapie ultérieurs ou, comme relevé ailleurs dans la décision attaquée, qu'ils étaient "nécessaires et utiles" (noodzakelijk en nuttig). La Cour de cassation conclut en conséquence que le conseil d'appel n'avait pas méconnu les règles et principes régissant la preuve.
GRIEFS
1. Le requérant se plaint du fait que la procédure d'examen de la procédure disciplinaire engagée contre lui s'est déroulée à huis-clos, en violation de l'article 6 par. 1 de la Convention.
2. Le requérant fait également valoir que lors de l'examen de l'affaire par le conseil provincial, celui-ci était composé pour partie des membres du bureau du conseil de l'Ordre. Observant que ceux-ci avaient procédé à l'instruction de l'affaire et participé à la décision de la renvoyer devant les instances disciplinaires de l'Ordre, le requérant se plaint de n'avoir pas eu droit à un examen de sa cause par un tribunal indépendant et impartial, en violation de l'article 6 par. 1 de la Convention.
3. Le requérant soutient en outre que la manière dont il a été invité à se défendre devant les instances disciplinaires constitue une violation des articles 6 par. 1 et 3 de la Convention. Il explique qu'il a été invité à justifier toutes les analyses effectuées pour 31 patients, sans indiquer celles qui paraissaient poser des problèmes au conseil provincial et au conseil d'appel. Il estime qu'il n'a donc pas été informé de la nature de l'accusation portée contre lui. Comme il a en outre été amené à justifier ses actes dans les 31 cas, il y a également eu un renversement du fardeau de la preuve. Le requérant estime qu'à cet égard, l'article 6 par. 2 de la Convention a été violé.
4. Le requérant fait encore observer que, dans le cadre de la procédure devant le conseil d'appel, c'est le membre-rapporteur qui procède à tous devoirs complémentaires d'instruction, ce qui semble indiquer qu'il exerce les fonctions du ministère public. Si tel est le cas, le fait qu'il fait également partie du conseil d'appel et participe à ses délibérations est contraire à l'article 6 par. 1 de la Convention. Si le membre-rapporteur n'exerce pas les fonctions du ministère public, il n'y a pas d'accusateur et les membres du conseil d'appel sont amenés à cumuler les fonctions de juge et d'accusateur, ce qui est également contraire à l'article 6 par. 1 de la Convention. Le requérant rappelle par ailleurs qu'il pratique la médecine homéopathique, tandis que les médecins membres du conseil d'appel sont des allopathes ayant des opinions négatives vis-à-vis de la médecine homéopathique, ce qui affecte l'impartialité du conseil au sens de l'article 6 par. 1 de la Convention. Enfin, il fait valoir qu'il n'existait, à l'époque où les analyses ont été effectuées, aucune disposition dans le droit national ou international limitant le nombre d'analyses auxquelles peut avoir recours le médecin. Il existait un code de déontologie médicale qui ne contenait que des règles imprécises et générales et qui, n'ayant pas été approuvé par arrêté royal, n'avait pas de force obligatoire. Sa condamnation a donc été contraire à l'article 7 de la Convention.
EN DROIT Le requérant se plaint principalement de diverses violations de l'article 6 (art. 6) de la Convention survenues au cours de la procédure disciplinaire engagée contre lui. La Commission est appelée à se prononcer d'abord sur l'applicabilité de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention au cas d'espèce. A cet égard, la Commission relève d'emblée qu'une procédure disciplinaire ne débouche en principe pas sur une décision de caractère civil. Cependant, le retrait ou la suspension du droit d'exercer des activités professionnelles à titre libéral implique une atteinte directe à un droit de nature privée. Dès lors, un recours dirigé contre pareille sanction donne naissance à un litige relatif à un droit de caractère civil (Cour Eur. D.H., arrêt Albert et Le Compte du 10 février 1983, série A n° 58, pp. 15-16, par. 28), de sorte que l'article 6 par. 1 (art. 6-1) trouve à s'appliquer en l'espèce. Par ailleurs, la Commission constate que la Cour a laissé ouverte la question de savoir si l'objet d'une procédure disciplinaire peut être assimilé à une une accusation en matière pénale (Cour Eur. D.H., arrêt Le Compte, Van Leuven et De Meyere du 10 février 1983, série A n° 43, pp. 23-24, par. 53 ; Cour Eur. D.H., arrêt Albert et Le Compte précité, pp. 16-17, par. 30).
1. Le requérant se plaint du fait que la procédure d'examen de la procédure disciplinaire engagée contre lui s'est déroulée à huis-clos, en violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. L'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention se lit ainsi : "1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice." La Commission relève que l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention énonce le principe de la publicité de la procédure tout en prévoyant certaines exceptions à la règle, notamment lorsque, dans des circonstances spéciales, la publicité serait de nature à porter atteinte à l'ordre public ou aux intérêts de la justice et ce, dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal. La Commission rappelle également que la publicité de la procédure visée à l'article 6 par. 1 (art. 6-1) protège les justiciables contre une justice secrète échappant au contrôle du public ; elle constitue aussi l'un des moyens de préserver la confiance dans les cours et tribunaux. Par la transparence qu'elle donne à l'administration de la justice, elle aide à réaliser le but de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) : le procès équitable, dont la garantie compte parmi les principes de toute société démocratique au sens de la Convention (Cour Eur. D.H., arrêt Pretto et autres du 8 décembre 1983, série A n° 71, p. 11 par. 21). La Commission observe en outre que si les Etats membres du Conseil de l'Europe reconnaissent tous le principe de cette publicité, leurs systèmes législatifs et leurs pratiques judiciaires présentent une certaine diversité quant à son étendue et à ses conditions de mise en oeuvre, qu'il s'agisse de la tenue des débats ou du "prononcé" des jugements et arrêts. La Commission observe qu'en l'espèce, le conseil d'appel a rejeté la demande du requérant de tenir une audience en public, au motif qu'une procédure publique pourrait violer le secret professionnel médical. Il constata en effet que même si les noms des 31 patients concernés n'étaient pas mentionnés, ceux-ci pourraient être identifiés par les données contenues dans les dossiers médicaux. Il ajouta que devant le conseil provincial, le requérant avait déposé diverses pièces reprenant formellement les noms et prénoms de certains patients. La Commission relève par ailleurs que l'affaire dont était saisi le conseil d'appel impliquait l'examen des dossiers médicaux des patients du requérant. Au cours de cet examen devaient intervenir des discussions détaillées portant sur des données de ces dossiers médicaux, protégés par le secret médical et concernant, pour chacun des patients, l'anamnèse, l'examen clinique, ainsi que le diagnostic et la thérapie. De telles données sont, de l'avis de la Commission, intimement liées à la vie privée des patients. La Commission estime donc que le conseil d'appel a pu raisonnablement considérer que la protection de la vie privée des patients justifiait, dans les circonstances spéciales de l'espèce, une exception au principe de la publicité des débats, au motif que cette publicité pouvait porter atteinte à l'ordre public. L'examen de ce grief ne révèle donc aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention. Il s'ensuit que le grief est manifestement mal fondé au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
2. Le requérant se plaint également de la composition du conseil provincial où siégeaient des membres du bureau du conseil de l'Ordre qui avaient procédé à l'instruction de l'affaire et participé à la décision de la renvoyer devant les instances disciplinaires. Il invoque l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention qui garantit le droit à un examen de sa cause par un tribunal indépendant et impartial. La Commission constate que dans sa décision du 9 mai 1988, le conseil d'appel a annulé la sentence rendue par le conseil provincial le 29 août 1985, estimant qu'il y avait eu violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention en raison de la présence de membres du bureau du conseil de l'Ordre au sein de ce conseil provincial. Il mit ainsi à néant la procédure qui s'était déroulée devant le conseil provincial. La Commission est d'avis que le requérant ne peut plus, quant à ce grief, se prétendre victime d'une violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention dans la mesure où le conseil d'appel a, par sa sentence du 9 mai 1988, rendu non avenue la procédure antérieure qui s'est déroulée devant le conseil provincial. Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
3. Le requérant fait aussi valoir que la manière dont il a été invité à se défendre devant les instances disciplinaires constitue une violation de l'article 6 par. 1 et 3 (art. 6-1, 6-3) de la Convention. Il fait, d'une part, valoir qu'il n'a pas été informé de la nature de l'accusation portée contre lui. Il observe, d'autre part, qu'il y a eu renversement du fardeau de la preuve et estime qu'à cet égard, l'article 6 par. 2 (art. 6-2) de la Convention a été violé. La question peut se poser de savoir si une procédure disciplinaire peut mettre en cause une accusation en matière pénale (voir supra). La Commission n'estime cependant pas nécessaire de procéder à l'examen de cette question, le grief devant être rejeté pour défaut manifeste de fondement. La Commission constate d'abord qu'après avoir entendu le requérant le 13 juin 1985 à propos des nombreuses analyses demandées à un laboratoire pour 31 de ses patients, le bureau du conseil de l'Ordre a décidé de renvoyer le requérant devant les instances disciplinaires de l'Ordre sous l'"incrimination" d'avoir demandé un nombre trop grand d'analyses inutiles. Cette décision lui fut communiquée, par lettre recommandée, le 25 juin 1985. Eu égard à ces circonstances, la Commission est d'avis que le requérant a eu connaissance des faits matériels qui lui était reprochés et qu'il a correctement été informé de la nature des "accusations" portées contre lui, c'est-à-dire de la qualification de ces faits. Au surplus, le requérant a bénéficié en appel de nouveaux débats durant lesquels il était parfaitement au courant des "accusations" portées contre lui, "accusations" qu'il a par ailleurs tenté de réfuter point par point. En ce qui concerne la prétendue allégation d'atteinte à la présomption d'innocence garantie par l'article 6 par. 2 (art. 6-2) de la Convention, la Commission relève que le conseil d'appel s'est effectivement exprimé d'une manière qui pourrait être interprétée comme plaçant le fardeau de la preuve sur le requérant, en utilisant ces termes : "lorsqu'un médecin se fait remarquer par le nombre d'analyses de laboratoire, il lui incombe de prouver - puisque ce n'est que lui qui a effectué l'anmnèse et l'examen clinique - que les examens qu'il a demandés étaient utiles et justifiés en vue du diagnostic et de la thérapie ultérieurs". La Commission observe cependant que dans sa décision du 9 mai 1988, le conseil d'appel a également relevé que le requérant avait demandé en moyenne 84 tests de laboratoire par patient et que les tests demandés étaient souvent très étendus et non-orientés vers une ou des situations médicales particulières. Le conseil d'appel a comptabilisé un total de 2625 actes pour les 31 patients concernés et observé que pour un tiers d'entre eux, les demandes d'analyses s'élevaient à un chiffre allant de 100 et 150 analyses par personne. Il ajoute que pour l'année 1984, 23172 analyses avaient été demandées par le requérant au même laboratoire d'analyses. Dans son arrêt du 23 décembre 1988, la Cour de cassation a estimé qu'il ressortait du contexte de la sentence du 9 mai 1988 que le conseil d'appel avait estimé prouvée la "sur-consommation" médicale, eu égard au nombre et à la nature des analyses demandées par le requérant, et constaté que le requérant n'avait pas prouvé que lesdites analyses étaient utiles et justifiées. La Cour de cassation a conclu qu'il n'y avait pas eu méconnaissance des règles et principes régissant la preuve. La Commission partage cette appréciation de la Cour de cassation selon laquelle le conseil d'appel n'a pas opéré un renversement de la charge de la preuve au détriment du requérant. Eu égard à l'ensemble des faits relevés par le conseil d'appel dans sa sentence du 9 mai 1988, il n'y a pas d'indication que ce conseil, en remplissant ses fonctions, soit parti de la conviction ou de la supposition que le requérant s'était rendu coupable des faits reprochés. L'examen du présent grief ne permet donc pas de déceler l'apparence d'une violation de la Convention et en particulier de l'article 6 (art. 6) de la Convention. Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé, au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
4. Le requérant fait encore observer que, dans le cadre de la procédure devant le conseil d'appel, c'est le membre-rapporteur qui procède à tous devoirs complémentaires d'instruction, ce qui semble indiquer qu'il exerce les fonctions du ministère public. Si tel est le cas, le fait qu'il fait également partie du conseil d'appel et participe à ses délibérations est contraire à l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. Si le membre rapporteur n'exerce pas les fonctions du ministère public, il n'y a pas d'accusateur et les membres du conseil d'appel sont amenés à cumuler les fonctions de juge et d'accusateur, ce qui est également contraire à l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. Le requérant rappelle par ailleurs qu'il pratique la médecine homéopathique, tandis que les médecins membres du conseil d'appel sont des allopathes ayant des opinions négatives vis-à-vis de la médecine homéopathique, ce qui affecte l'impartialité du conseil au sens de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. Enfin, il fait valoir qu'il n'existait, à l'époque où les analyses ont été effectuées, aucune disposition dans le droit national ou international limitant le nombre d'analyses auxquelles peut avoir recours le médecin. Il existait un code de déontologie médicale qui ne contenait que des règles imprécises et générales et qui, n'ayant pas été approuvé par arrêté royal, n'avait pas de force obligatoire. Sa condamnation a donc été contraire à l'article 7 (art. 7) de la Convention. La Commission rappelle qu'aux termes de l'article 26 (art. 26) de la Convention, elle ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes. Cette condition ne se trouve pas réalisée par le seul fait que le requérant a soumis son cas aux différents tribunaux compétents. Il faut encore que le grief soulevé devant la Commission ait été soulevé, au moins en substance, pendant la procédure en question (cf N° 10307/83, déc. 6.3.84, D.R. 37 pp. 113, 127). En l'espèce, la Commission observe que le requérant n'a pas formulé devant la Cour de cassation les griefs qu'il fait à présent valoir devant la Commission. Il n'a en conséquence pas épuisé les voies de recours dont il disposait en droit belge. De plus, l'examen de l'affaire, telle qu'elle a été présentée, n'a permis de déceler aucune circonstance particulière qui aurait pu dispenser le requérant, selon les principes de droit international généralement reconnus en la matière, de soulever ce grief dans la procédure susmentionnée. Il s'ensuit que le requérant n'a pas satisfait à la condition relative à l'épuisement des voies de recours internes et que la requête doit être rejetée, sur ces points, conformément à l'article 27 par. 3 (art. 27-3) de la Convention. Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité, DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire Le Président de la Commission de la Commission (H.C. KRÜGER) (C.A. NØRGAARD)


Synthèse
Formation : Commission
Numéro d'arrêt : 15561/89
Date de la décision : 25/02/1991
Type d'affaire : Décision
Type de recours : irrecevable (partiellement)

Analyses

(Art. 35-1) EPUISEMENT DES VOIES DE RECOURS INTERNES


Parties
Demandeurs : IMBERECHTS
Défendeurs : la BELGIQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1991-02-25;15561.89 ?

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