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08/04/1991 | CEDH | N°17722/91

CEDH | c. CHE


APPLICATION/REQUÊTE № 17722/91 S v/SWITZERLAND S c/SUISSE DECISION of 8 April 1991 on the admissibility of the application DECISION du 8 avril 1991 sur la recevabilité de la requête
Article 6, paragraph 1 of the Convention Impartiality of a tribunal is tested on both a subjective and an objective basis, and appearances may be of importance Question whether there is a legitimate reason to fear a lack of impartiality and whether thai fear IS objectively justified The impartiality of a judge cannot be put in doubt by the fact that he first decided in summary proceedings on a debt

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APPLICATION/REQUÊTE № 17722/91 S v/SWITZERLAND S c/SUISSE DECISION of 8 April 1991 on the admissibility of the application DECISION du 8 avril 1991 sur la recevabilité de la requête
Article 6, paragraph 1 of the Convention Impartiality of a tribunal is tested on both a subjective and an objective basis, and appearances may be of importance Question whether there is a legitimate reason to fear a lack of impartiality and whether thai fear IS objectively justified The impartiality of a judge cannot be put in doubt by the fact that he first decided in summary proceedings on a debtor's request for provisional execution of a payment claim and later on the merits of the action brought by the debtor Article 19 of the Convention The Commission is not competent to examine alleged errors of fact or law committed by national courts except where it considers that such errors might have involved a possible violation of the rights and freedoms set forth in the Convention Article 6, paragraphe 1, de la Convention L'impartialité d'un tribunal s apprécie selon des critères subjectif et objectif les apparences pouvant revêtir une importance Question de savoir si l'on peut légitimement craindre un manque d'impartialité et si celte crainte est objectivement fondée L impartialité d un juge ne saurait être mise en doute du fait qu 'il se prononce en procedure sommaire sur la main-levee de l'opposition contre un commandement de payer emis sur demande du créancier et, ultérieurement sur le bien-fonde de l'action engagée par le créancier 345
Article 19 de la Convention La Commission ne peut examiner de prétendues erreurs de fait ou de droit commises par le juge national que dans la mesure où ces erreurs pourraient impliquer une violation des droits et libertés garantis par la Convention
THE FACTS
(français voir p 351)
The facts of the case, as submitted by the applicant, may be summansed as follows. The applicant, a Swiss citizen bom in 1918, is a doctor residing at Unterbozberg in Switzerland 1
Particular circumstances of the case
In 1985 the Bdzberg Agncultural Consumers' Cooperative (Landwirtschafthche Konsumgenossenschaft) decided to go into liquidation A loss of approximately 100,000 SFr was calculated, entailing the obligation for each co-operative member to pay a supplementary contnbution (Nachschusspflicht) of 1,500 SFr The issue arose whether the applicant was a member of the Cooperative and therefore obliged to pay The apphcant disputed this, whereupon the Co-operative instituted proceedings requesting execution (Betreibung) of its claim against the apphcant to the amount of 1,500 SFr The apphcant objected thereto The Co-operative then requested the Brugg Distnct Court (Bezirksgencht) provisionally to proceed with the execution (provisonsche Rechtsôffnung ; see below, Relevant domestic law) On 20 March 1987 the President of the Brugg Distnct Court decided in summary proceedings provisionally to grant the execution The apphcant then filed an appeal On 29 September 1987 the Aargau Court of Appeal upheld the appeal and dismissed the request to proceed with the execution In 1988 the Co-operative introduced an action against the applicant before the Brugg Distnct Court for payment of 1,500 SFr In the ensuing proceedings the applicant complained that the President of the Brugg Distnct Court lacked impartiality as he had previously decided on the Co-operative's provisional request to proceed with the execution 346
Convention guarantees to a person charged with a criminal offence the right to have adequate time and facilities to prepare his defence. However, such a nght may also be inherent in Article 6 para. 1 of the Convention which guarantees a fair and public hearing in the determination of a person's civil rights and obligations. Nevenheless. in the present case, the Commission considers that the applicant has not sufficiently substantiated the degree and possible effects of his injunes. As a result, the application must be declared inadmissible as being manifestly ill-founded within the meaning of Article 27 para. 2 of the Convention. For these reasons, the Commission unanimously DECLARES THE APPLICATION INADMISSIBLE.
(TRADUCTION) EN FAIT Les faits de la cause, tels que l« requérant les a exposés, peuvent se rcsumer comme suit Le requérant, ressortissant suisse né en 1918, est un médecin domicilié a Unterbozberg en Suisse. I.
Circonstances particulières de l'affaire
En 1985, la coopérative de consommation agricole de Bôzberg (Landwirtschaftliche Konsumgenossenschaft) décida de déposer son bilan. Elle calcula que sa perte s'élevait a 100.000 francs suisses, ce qui entraînait l'obligation pour chaque membre de la coopérative d'acquitter un complément de cotisation (Nachschusspflicht) de 1.500 FS. La question se posa de savoir si le requérant était membre de la cooperative et donc tenu de payer cette cotisation. Il le contesta, sur quoi la coopérative engagea une procédure en recouvrement (Betreibung) de sa créance contre le requérant pour le montant de 1 500 FS. Le requérant fit oppo^iiion La coopé351
rative demanda alors au tribunal du district (Bezirksgencht) de Brugg la main-levee provisoire de l'opposition (provisonsche Rechtsôffnung , cf infra, legislation interne pertinente) Le 20 mars 1987, le president du tnbunal de district de Brugg décida en réfère la main-levee provisoire Le requérant fit appel Le 29 septembre 1987, la cour d'appel d Aargau fit droit a l'appel et rejeta la demande de main-levee En 1988, la cooperative engagea une action devant le tribunal de district de Brugg pour amener le requérant a payer les 1 500 FS Dans la procedure ulteneure, le requérant s'est plaint de ce que le president de cette juridiction était dépourvu de l'impartialité requise puisqu'il avait auparavant statue sur la demande de la cooperative de main levée provisoire de l'opposition Dans sa decision du 5 décembre 1988, le president du tribunal de district de Brugg fit droit a la demande S'agissant du gnef du requérant sur l'absence d'impartialité du president du tribunal de district, la decision relevé, que selon la junsprudence établie, un juge n'est pas tenu de se récuser s'il a d'abord traite d'une affaire en réfère, puis siège comme juge unique dans une procedure ordinaire L'appel du requérant contre cette decision fut rejeté par la cour d'appel d'Aargau le 25 septembre 1989 Le 12 mars 1990, le Tribunal federal (Bundesgencht) déclara en partie irrecevable le recours de droit public (staatsrechtliche Beschwerde) forme par le requérant et rejeta en partie l'appel comme dépourvu de fondement Le Tribunal federal rendit cette decision le 29 mars 1990 mais, selon une attestation du bureau de poste d'Unterbozberg, le requérant n'en reçut le texte que le 6 avnl 1990 S'agissant de l'impartialité du juge du tnbunal de dtstnct, le Tribunal federal déclara [Traduction] «Il insiste par ailleurs sur la partialité du president du tnbunal de distnct La decision entrepnse affirme que le simple fait que le president du tnbunal a deja siège comme juge dans la procedure de main-levee de l'opposition ne constitue pas, selon la procedure cantonale, un motif de recusation Le requérant ne conteste pas ce raisonnement et ne mentionne aucun autre motif pertinent prouvant la partialité du magistrat » 352
[Allemand] «Sodann halt ег an der Befangenheit des Bezirksgerichtsprasidenten fest Nach dem angefochtenen Entscheid stellt allein der Umstand, dass der Genchtsprâsident auch als Rechtsoffnungsricher gewirkt hat, gamâss der kantonalen Prozessordnung keinen Ausstandsgrund dar. Der Beschwerdefuhrer setzt sich mit dieser Begrundung nicht ausseinander und tut auch sonst keinen slichhaltigen Grund fur eine Befangenheit dar.» S'agissant du complément de cotisation, le tribunal estima qu'il n'était pas arbitraire de supposer que le requérant était des le départ bien au courant de cette obligation II
Législation interne pertinente
Selon le Code suisse des saisies et faillites (Schuldbetreibungsund Konkursgesetz), le créancier désireux de recouvrer une créance doit déposer une demande de saisie (Betreibungsbegehren, article 67 du Code). Après quoi, un commandement de payer (Zahlungsbefehl) est émis. Si le débiteur fait opposition (Rechtsvorschlag), la saisie prend fin et le créancier doit engager une procédure judiciaire normale (article 79) Si néanmoins, sur opposition du débiteur, le créancier peut étayer ses prétentions par une décision de justice, il peut demander au tribunal d'annuler l'opposition et de procéder à la main-levée (Rechtsoffnungsbegehren, article 80). Cette demande est généralement examinée en référé : le juge doit statuer contradictoirement et dans les cinq jours suivant le dépôt de la demande par le créancier (article 84). Les parties ne disposent pas de tous les moyens habituels de requête et de défense Si la prétention n'est fondée que sur un document officiel (bffentliche Urkunde) ou peut être étayée par une déclaration signée du débiteur, le créancier peut demander la main-levée provisoire (provisonsches Rechtsoffnungsbegehren, article 82). Une fois la main-levée provisoire ordonnée, le créancier peut demander la saisie provisoire (provisonsche Pfândung) des avoirs du débiteur. Celui-ci peut, en revanche, introduire dans les dix jours une procédure judiciaire pour demander le rejet de cette demande (Aberkennung, article 83), faute de quoi la saisie devient définitive. Le débiteur qui paie la créance dans ces conditions peut toujours engager dans l'année une procédure judiciaire en restitution de paiement (Ruckforderungsklage, article 86) 353
GRIEFS Le requérant se plaint de ce que le président du tribunal du distnct de Brugg a manqué d'impartialité puisque c'est lui qui avait déjà statué sur la demande de saisie déposée par la coopérative, puis décidé dans l'action engagée par la coopérative. Le requérant se plaint en outre de ce que le Tnbunal fédéral a refusé de proroger le délai qui lui était imparti pour déposer son recours de droit public alors qu'il subissait les effets d'un accident de voiture. Il se plaint également, sembJe-t-il, de l'obligation de s'acquitter de la cotisation complémentaire. Il invoque l'article 6 de la Convention. EN DROIT Le requérant se plaint, sur le terrain de l'article 6 de la Convention, des diverses procédures et décisions subséquentes. La Commission rappelle que, conformément à l'article 19 de la Convention, elle a pour seule tâche d'assurer le respect des engagements résultant de la Convention pour les Parties contractantes. En particulier, elle n'est pas compétente pour exammer une requête relative à des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une jundiction interne, sauf si et dans la mesure où ces erreurs lui semblent susceptibles d'avoir entraîné une atteinte aux droits et libertés garantis par la Convention (voir par exemple No 458/59, déc. 29 3.60, Annuaire 3 pp. 223, 237 ; No 5258/7!, déc. 8.2.73, Recueil 43 pp. 71, 77 ; No 7987/77, déc. 13.12.79, D.R. 18 pp. 31,61). Certes, le requérant se plaint aussi, sur de terrain de l'article 6 de la Convention, de l'absence alléguée d'impartialité du juge du tribunal de distnct et de l'insuffisance du temps qui lui a été laissé pour préparer son recours de droit public Dans sa partie pertinente, l'article 6 par. 1 de la Convention se lit ainsi : «Toute personne a droit a ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement., par un tnbunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera,... des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil...» S'agissant du grief du requérant concernant l'absence alléguée d'impartialité du juge du tribunal de district, la Commission rappelle que l'impartialité doit s'apprécier selon un critère subjectif, à savoir ce que pensait le juge dans son for intérieur en telle occasion et aussi selon un critère objectif, en recherchant si le 354
juge offrait des garanties suffisantes pour exclure a cet égard tout doute legitime (voir entre autres sources Cour eur D H , arrêt De Cubber du 26 octobre 1984, sene A n° 86, pp 13 14, par 24) Pour ce qui est du cntere subjectif, l'impartialité personnelle d'un magistrat se presume jusqu'à preuve du contraire Or, le requérant n'a nullement prouve que le juge en question était anime d'un préjuge personnel Selon le critère objectif, il faut determiner si, hormis le comportement personnel du juge, il existe des faits venfiables pouvant permettre de douter de son impartialité En la matière, même les apparences peuvent revêtir de l'impor tance [1 y va de la confiance que les tnbunaux d'une société démocratique se doivent d'inspirer aux justiciables et surtout aux parties au procès En consequence, doit se récuser tout juge dont on peut légitimement craindre un manque d'impartialité (cf arret De Cubber, loc cit, p 14, par 26) Ceci suppose qu'en décidant s'il y a dans une affaire donnée un motif legitime de craindre qu'un juge manque d'impartialité, le point de vue du plaignant est important, mais non décisif Ce qui est décisif, c'est le point de savoir si cette crainte peut passer pour objectivement fondée En l'espèce, la crainte du manque d'impartialité se fondait sur le fait que le juge de district qui a statue sur la demande introduite par la cooperative contre le requérant avait précédemment deude en réfère de la demande de saisie presentee par la cooperative Ce type de situation peut susciter chez une partie des soupçons sur 1 impartialité d'un juge, soupçons qui sont compréhensibles mais que l'on ne saurait néanmoins traiter nécessairement comme objectivement fondes Tout dépendra des circonstances de l'affaire En l'espèce, la Commission remarque que le juge du tnbunal de district a d'abord ete appelé a examiner si la cooperative pouvait fournir des elements suffisants pour justifier la mam-levee provisoire (cf supra, legislation interne pertinente) En outre, la decision a ete rendue dans les cinq jours suivant le dépôt de la demande Le juge n'a des lors procède qu'a une appreciation sommaire et de pure forme des elements disponibles Cette appreciation différait de l'examen approfondi mené uiteneurement par le juge du tribunal de distna sur le bien-fonde de l'action engagée par la cooperative et ce, selon les règles de la procedure judiciaire En outre, estime la Commission, le caractère provisoire de la procedure en réfère ressort du fait que si la main-levee provisoire est accordée, le débiteur a la 355
possibilité d'engager dans les dix jours une procédure judiciaire ordinaire pour en demander le rejet. Si cette procédure échoue et que ses avoirs sont saisis, il a derechef la possibilité d'engager dans l'année une procédure judiciaire en restitution de paiement De l'avis de la Commission, le simple fait qu'un juge se prononce d'abord de manière sommaire et provisoire sur une demande de main-levée, puis sur une action en justice soulevant le même problème ne saurait en soi justifier des craintes quant a son impartialité. La Commission estime dès lors que, dans les circonstances de l'espèce, le rôle du juge ne peut pas donner lieu a doutes sur son impartialité et que, dès lors, les craintes du requérant ne sauraient passer pour objectivement fondées. Quant à la thèse selon laquelle le requérant n'aurait pas eu suffisamment de temps pour préparer son recours de droit public, en raison de son accident de voiture, la Commission estime que certes, l'article 6 par. 3 b) de la Convention garantit à tout accuse le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, mais que ce droit peut aussi être inhérent à l'article 6 par. I de la Convention qui garantit un procès équitable et public sur les contestations sur les droits et obligations de caractère civil d'une personne En l'espèce néanmoins, la Commission estime que le requérant n'a pas suffisamment etaye la gravite et les effets éventuels de ses blessures. En consequence, la requête doit être déclarée irrecevable comme manifestement mal Fondée au sens de l'article 27 par. 2 de la Convention. Par ces motifs, la Commission à l'unanimité DÉCLARE LA REQUÊTE IRRECEVABLE.
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Type d'affaire : Décision
Type de recours : Partiellement recevable ; Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 6-1) ACCUSATION EN MATIERE PENALE, (Art. 6-1) PROCES EQUITABLE, (Art. 6-3) DROITS DE LA DEFENSE


Parties
Demandeurs : c. CHE

Références :

Origine de la décision
Formation : Commission
Date de la décision : 08/04/1991
Date de l'import : 21/06/2012

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17722/91
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1991-04-08;17722.91 ?

Source

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