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10/02/1992 | CEDH | N°18559/91

CEDH | EL AMRANI contre la BELGIQUE


SUR LA RECEVABILITE
de la requête No 18559/91 présentée par Aïcha EL AMRANI contre la Belgique
__________
La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 10 février 1992 en présence de
MM. C.A. NØRGAARD, Président S. TRECHSEL F. ERMACORA E. BUSUTTIL A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL M. F. MARTINEZ Mme J. LIDDY MM. L. LOUCAIDES M.P. PELLONPÄÄ
M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ;
Vu l'artic

le 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamen...

SUR LA RECEVABILITE
de la requête No 18559/91 présentée par Aïcha EL AMRANI contre la Belgique
__________
La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 10 février 1992 en présence de
MM. C.A. NØRGAARD, Président S. TRECHSEL F. ERMACORA E. BUSUTTIL A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL M. F. MARTINEZ Mme J. LIDDY MM. L. LOUCAIDES M.P. PELLONPÄÄ
M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ;
Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 19 juin 1991 par Aïcha EL AMRANI contre la Belgique et enregistrée le 19 juillet 1991 sous le No de dossier 18559/91 ;
Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ;
Après avoir délibéré,
Rend la décision suivante : EN FAIT
La requérante est une ressortissante marocaine, née en 1947. Au moment de l'introduction de sa requête, elle résidait à Bruxelles. Elle est représentée par Me L. Walleyn, avocat à Bruxelles.
Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par la requérante, peuvent se résumer comme suit.
Le 20 juillet 1987, la requérante épousa, au Maroc, un ressortissant marocain, T. En septembre 1987, celui-ci quitta le Maroc pour la Belgique où il obtint un permis d'établissement le 22 septembre 1987.
En octobre 1987, la requérante entra en Belgique et demanda le droit de séjour pour regroupement familial en date du 28 octobre 1987. Une autorisation provisoire de séjour lui fut donnée dans l'attente d'une décision définitive. Cette autorisation, valable pour 3 mois, fut ensuite prolongée de mois en mois. En effet, des questions se posèrent quant à la validité du mariage dans le chef du mari, puis quant à la cohabitation entre les époux.
Le 8 janvier 1989, la requérante déposa plainte contre son mari pour coups et blessures suite à des faits qui s'étaient déroulés le 27 décembre 1988. La requérante se réfugia dans un home pour femmes battues. Le 1er février 1989, le juge de Paix d'Ixelles autorisa la requérante à prendre une résidence séparée.
Entre-temps, le 19 janvier 1989, le ministre de la Justice refusa d'autoriser le séjour de la requérante pour défaut de cohabitation et lui ordonna de quitter le territoire belge. Cette décision fut notifiée à la requérante le 1er février 1989. La requérante introduisit une demande en révision le 6 février 1989.
En juin 1989, les deux enfants de la requérante, nés respectivement en 1973 et 1975 d'un premier mariage et qui étaient restés au Maroc, vinrent rejoindre leur mère en Belgique.
Le 4 avril 1990, le ministre de la Justice rejeta la demande en révision de la requérante, sur avis conforme de la Commission consultative des étrangers rendu, après audience, le 23 janvier 1990. Cette décision fut notifiée à la requérante le 21 juin 1990.
Le 17 mai 1991, le Conseil d'Etat rejeta un recours en annulation que la requérante avait introduit contre la décision de rejet de sa demande en révision. Il considéra qu'il ne suffisait pas qu'un étranger, ressortissant d'un pays non-membre de la Communauté économique européenne, vienne vivre avec son conjoint pour être autorisé à un séjour illimité sur le territoire. Rappelant que le droit au séjour ne vaut que tant que dure la cohabitation, elle considéra que la requérante avait perdu ce droit en cessant de vivre avec son conjoint.
GRIEF
1.Invoquant l'article 8 de la Convention, la requérante se plaint du refus des autorités belges de lui accorder un titre de séjour et de la mesure d'éloignement du territoire ordonnée par ces autorités qui constituent une atteinte à sa vie familiale. Elle explique que cette mesure la prive de son travail, de son logement et de l'enseignement de ses deux enfants mineurs qui sont scolarisés en Belgique. Elle ajoute que cette mesure constitue une sanction du libre choix d'un partenaire qui veut mettre fin, même provisoirement, à la vie conjugale, a fortiori lorsqu'un tel choix est justifié par le comportement fautif du partenaire et confirmé par une autorisation du juge de Paix.
2.Invoquant l'article 13 de la Convention, la requérante se plaint en outre de ne pas avoir bénéficié d'un recours effectif devant une instance nationale pour se plaindre de l'atteinte à sa vie familiale. Elle explique que le ministre ne peut être considéré comme un tribunal indépendant et que le Conseil d'Etat n'a qu'une compétence limitée pour connaître de l'affaire.
EN DROIT
1.Invoquant l'article 8 (art. 8) de la Convention, la requérante se plaint du refus des autorités belges de lui accorder un titre de séjour et de la mesure d'éloignement du territoire ordonnée par ces autorités, qui constituent une atteinte à sa vie familiale.
L'article 8 (art. 8) de la Convention garantit à toute personne "le droit au respect de sa vie privée et familiale".
La Commission rappelle tout d'abord sa jurisprudence constante selon laquelle la Convention ne garantit, comme tel, aucun droit pour l'étranger d'entrer ou de résider sur le territoire d'un pays déterminé ou de ne pas en être expulsé (cf. par exemple N° 11278/84, déc. 1.7.85, D.R. 43 p. 216). Toutefois, la Commission a également estimé que, eu égard au droit au respect de la vie familiale garanti par l'article 8 (art. 8) de la Convention, l'exclusion d'une personne d'un pays où vivent ses proches parents pourrait soulever un problème au regard de cette disposition (voir par exemple N° 12122/86, déc. 16.10.86, D.R. 50 p. 268).
La Commission constate que par décision du 19 janvier 1989, le ministre de la Justice a refusé d'autoriser le séjour en Belgique de la requérante et lui a ordonné de quitter le territoire belge pour défaut de cohabitation avec son époux. Elle relève qu'eu égard aux informations qui lui ont été fournies, il n'apparaît pas que cette situation de fait eût été modifiée. La Commission conclut donc qu'il n'existait au moment de la décision - et qu'il n'existe actuellement - aucune vie familiale au sens de l'article 8 (art. 8) entre ces deux personnes.
La Commission constate en outre que ce n'est qu'après que la décision de refus de séjour ait été notifiée à la requérante en date du 1er février 1989, que les enfants de la requérante, nés d'un premier mariage sont venus rejoindre leur mère en juin 1989. Elle relève également que la requérante n'a pas fait valoir que ceux-ci auraient été autorisés à séjourner sur le territoire de la Belgique. Il n'apparaît donc pas à cet égard que l'interdiction de séjour ait eu pour effet d'éloigner la requérante d'un pays où séjournaient légalement des proches parents. Dans ces circonstances, la Commission parvient donc à la conclusion que la requête doit être, sur ce point, rejetée comme étant manifestement mal fondée, au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
2.Invoquant l'article 13 (art. 13) de la Convention, la requérante se plaint en outre de ne pas avoir bénéficié d'un nouveau recours effectif devant une instance nationale pour se plaindre de l'atteinte à sa vie familiale.
L'article 13 (art. 13) dispose que toute personne dont les droits et libertés reconnus par la Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale.
La Commission rappelle la jurisprudence des organes de la Convention selon laquelle cette disposition exige seulement qu'une personne qui prétend avoir été victime d'une violation de droits et libertés reconnus dans la Convention, puisse recourir à une instance nationale qui a la compétence d'annuler, le cas échéant, la mesure contestée (N° 12573/86, déc. 16.3.87, D.R. 51 p. 283).
La Commission constate que la requérante a pu introduire un recours fondé sur la prétendue violation de l'article 8 (art. 8) de la Convention devant le Conseil d'Etat qui avait compétence pour annuler la décision par laquelle le ministre de la Justice avait rejeté la demande de révision du refus d'autorisation de séjour. Elle relève en outre qu'il ressort de la motivation de la décision du Conseil d'Etat que celui-ci a procédé, de manière indépendante, à un nouvel examen de l'affaire sur base des arguments présentés par les parties à l'instance.
Dans ces conditions, rien ne permet, en l'espèce, de déceler une violation de l'article 13 (art. 13) de la Convention. Il s'ensuit que le présent grief doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé, au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,
DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.
Le Secrétaire Le Président de la Commission de la Commission (H.C. KRÜGER) (C.A. NØRGAARD)


Synthèse
Formation : Commission
Numéro d'arrêt : 18559/91
Date de la décision : 10/02/1992
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : irrecevable (partiellement) ; recevable (partiellement)

Parties
Demandeurs : EL AMRANI
Défendeurs : la BELGIQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1992-02-10;18559.91 ?

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