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01/04/1992 | CEDH | N°14669/89

CEDH | POUPARDIN contre la FRANCE


SUR LA RECEVABILITE de la requête No 14669/89 présentée par Ivan POUPARDIN contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 1er avril 1992 en présence de MM. S. TRECHSEL, Président de la Deuxième Chambre G. JÖRUNDSSON A. WEITZEL J.-C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS Mme G.H. THUNE MM. F. MARTINEZ L. LOUCAÏDES

J.C. GEUS A.V. D'ALMEIDA RIBEIRO M. K. R...

SUR LA RECEVABILITE de la requête No 14669/89 présentée par Ivan POUPARDIN contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 1er avril 1992 en présence de MM. S. TRECHSEL, Président de la Deuxième Chambre G. JÖRUNDSSON A. WEITZEL J.-C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS Mme G.H. THUNE MM. F. MARTINEZ L. LOUCAÏDES J.C. GEUS A.V. D'ALMEIDA RIBEIRO M. K. ROGGE, Secrétaire de la Deuxième Chambre ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 14 décembre 1987 par Ivan POUPARDIN contre la France et enregistrée le 20 février 1989 sous le No de dossier 14669/89 ; Vu la décision de la Commission, en date du 7 mars 1991, de porter la requête à la connaissance du Gouvernement défendeur et de l'inviter à présenter par écrit des observations sur la recevabilité et le bien- fondé du grief portant sur la durée de la procédure et de la déclarer irrecevable pour le surplus ; Vu les observations présentées par le Gouvernement défendeur le 24 juin 1991 et les observations en réponse présentées par le requérant le 20 août 1991 ; Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Le requérant, né en 1942 au Pecq, est dirigeant de discothèque et domicilié à Roumare. Devant la Commission, il est représenté par Me J.C. Fourgoux, avocat au barreau de Paris. Les faits, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit. En juin et juillet 1975, l'administration fiscale procéda à une vérification des comptes de la société dont le requérant était dirigeant social et qui exploitait un fonds de commerce de bar, restaurant et discothèque. Le 15 septembre 1977, le Directeur des services fiscaux déposa une plainte contre le requérant pour délit de fraude fiscale en matière d'impôts directs et de taxe sur le chiffre d'affaires. Le procureur de la République fit son réquisitoire introductif le 28 septembre 1977. Le requérant fut inculpé le 27 octobre 1977 de fraude fiscale en matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires, de taxe sur les voitures particulières de société et de droit de timbre des quittances et d'omission d'écritures. Le 16 janvier 1978, le juge d'instruction fut remplacé. L'administration fiscale se constitua partie civile le 21 mars 1978. Le 14 avril 1978, le requérant fut entendu par le juge. Le 3 mai 1978, une audition de la partie civile eut lieu et le 10 mai 1978, un témoin fut entendu. Les 20 juin et 8 septembre 1978, le juge délivra des commissions rogatoires aux fins de l'audition du comptable. Le 2 octobre 1978, une confrontation fut organisée entre le requérant et le comptable. Le 16 janvier 1979, le procureur de la République fit un réquisitoire définitif aux fins de renvoi devant le tribunal correctionnel et le juge d'instruction ordonna ce renvoi le 17 janvier 1979. Le 18 janvier 1979, le requérant fit appel de l'ordonnance de renvoi. Le 16 février 1979, une ordonnance de non-admission d'appel fut rendue. Le 16 mars 1979, le requérant fut cité à comparaître devant le tribunal correctionnel pour avoir frauduleusement soustrait à l'établissement et au paiement partiel de la T.V.A., de l'impôt sur le revenu, de la taxe sur les voitures particulières de société et du droit de timbre des quittances au nom de la société. Le 18 mai 1979, le tribunal correctionnel de Rouen annula la procédure au motif que la plainte déposée par l'administration fiscale n'était pas signée et était de fait irrégulière. Le 25 mai 1979, la partie civile et le requérant firent appel de ce jugement. Le 27 novembre 1979, la cour d'appel de Rouen confirma ce jugement. Sur pourvoi de l'administration des impôts, la Cour de cassation cassa cet arrêt le 11 mai 1981 et renvoya l'affaire devant la cour d'appel de Caen. L'audience eut lieu le 18 novembre 1981 et le 3 février 1982, la cour d'appel de Caen déclara le requérant coupable et le condamna à 5.000 F. d'amende et au paiement des impôts fraudés. Sur pourvoi du requérant et du Directeur général des Impôts, la Cour de cassation, le 25 avril 1983, cassa l'arrêt et renvoya l'affaire devant la cour d'appel d'Amiens. Le 1er février 1985, le conseil du requérant demanda le renvoi de l'audience devant la cour d'appel prévue le 14 février 1985. Le 4 juillet 1985, la cour d'appel d'Amiens déclara le requérant coupable de fraude fiscale et d'omission de passation d'écritures, le condamna à 8 mois d'emprisonnement avec sursis, 10.000 F. d'amende et au paiement des impôts fraudés. Le requérant fit un pourvoi en cassation contre cet arrêt le 8 juillet 1985. Par arrêt du 27 avril 1987, la Cour de cassation cassa sans renvoi l'arrêt de la cour d'appel dans la mesure où elle avait condamné le requérant pour une infraction non comprise dans la prévention et donc excédé ses pouvoirs. Elle considéra toutefois que les peines prononcées étaient justifiées par les autres délits dont le requérant avait, à bon droit, été déclaré coupable. L'arrêt fut notifié au requérant le 16 juin 1987. Le requérant fit un recours en grâce au Président de la République le 21 juillet 1987, recours rejeté le 24 mars 1988.
GRIEF Le requérant se plaint de la durée de la procédure et allègue que sa cause n'a pas été entendue dans le délai raisonnable prévu à l'article 6 par. 1 de la Convention.
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION La requête a été introduite le 14 décembre 1987 et enregistrée le 20 février 1989. Le 7 mars 1991, la Commission a décidé, conformément à l'article 48 par. 2 b) de son Règlement intérieur, de donner connaissance de la requête au Gouvernement français et de l'inviter à présenter par écrit des observations sur la recevabilité et le bien-fondé du grief portant sur la longueur de la procédure au regard de l'article 6 par. 1 de la Convention et de déclarer la requête irrecevable pour le surplus (grief tiré de ce que la procédure n'aurait pas été équitable). Le 6 juin 1991, le Gouvernement a demandé une prorogation de délai au 26 juillet 1991, prorogation qui lui a été accordée le 27 juin 1991 par le Président de la Commission. Les observations du Gouvernement défendeur ont été présentées le 24 juin 1991. Les observations en réponse du requérant ont été présentées le 20 août 1991. Le 1er juillet 1991, la Commission a décidé de renvoyer l'affaire à une Chambre.
EN DROIT Le requérant se plaint de la durée de la procédure. Il invoque sur ce point l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention qui dispose notamment que "toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue ... dans un délai raisonnable par un tribunal ... qui décidera ... du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle". Le Gouvernement soulève tout d'abord une exception d'irrecevabilité tirée du caractère tardif de la requête au sens de l'article 26 (art. 26) de la Convention. Il expose que la décision définitive est l'arrêt de la Cour de cassation du 27 avril 1987, prononcé en audience publique, et que le délai court à partir du prononcé de la décision et non de sa signification. Le Gouvernement se réfère sur ce point à la décision de la Commission sur la recevabilité de la requête No 5759/72 X. c/Autriche (20 mai 1976, D.R. 6 p. 15). Le requérant quant à lui souligne sur ce point qu'il soulevait dans sa requête deux griefs dont l'un, qui a été jugé irrecevable par la Commission le 7 mars 1991, mettait en cause la décision de la Cour de cassation de casser partiellement l'arrêt d'appel sans renvoi. Il en infère que la connaissance de la motivation de la Cour était indispensable à l'introduction de la requête et que c'est la date de la notification de l'arrêt qui doit être prise en compte pour le calcul du délai de six mois. Vu la connexité des griefs se rapportant à une seule et même procédure, la Commission considère que le requérant ne pouvait présenter sa requête à la Commission qu'une fois en possession du texte de l'arrêt de la Cour de cassation et de ses motivations qui lui permettaient d'étayer sa requête. La Commission relève que l'arrêt de la Cour de cassation a été prononcé le 27 avril 1987 et notifié au requérant le 16 juin 1987. Celui-ci a introduit sa requête devant la Commission le 14 décembre 1987. Dès lors, la Commission estime que la date à prendre en considération pour la détermination du point de départ du délai de six mois est celle de la notification de l'arrêt au requérant, soit le 16 juin 1987. Le délai de six mois prévu à l'article 26 (art. 26) de la Convention a donc été respecté en l'espèce. L'exception d'irrecevabilité soulevée par le Gouvernement ne saurait par conséquent être retenue. Quant au bien-fondé du grief, le Gouvernement estime qu'aucune violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) ne saurait être constatée. S'appuyant sur une chronologie détaillée de la procédure visant à établir que celle-ci n'a pas connu une durée excessive, il ajoute que l'affaire était particulièrement complexe tant au niveau des faits à élucider que des difficultés de procédure qu'elle comprenait. Il argue du fait que le juge devait établir si le requérant avait échappé ou tenté d'échapper intentionnellement à l'impôt et de ce que le requérant a soulevé à plusieurs reprises des exceptions de nullité qui ont considérablement compliqué l'affaire. Le Gouvernement avance également que le requérant a, par son attitude, contribué à l'allongement de la procédure dans la mesure où il a soulevé des exceptions de nullité devant les juridictions compétentes, qui ont entraîné la nullité de la procédure, puis a formé plusieurs pourvois en cassation. Le Gouvernement ajoute que le fait que la plainte du fisc n'était pas signée a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Caen presque quatre ans après le dépôt de la plainte et que ce fait n'est pas imputable aux autorités judiciaires. Il expose également que le requérant a demandé le renvoi de l'audience devant la cour d'appel d'Amiens, ce qui a retardé la procédure de quatre mois et qu'il a été difficile d'interroger les témoins. Quant au comportement des autorités judiciaires, le Gouvernement fait observer que celles-ci ont fait preuve de la plus grande célérité. Le requérant quant à lui fait observer que l'affaire ne revêtait pas une complexité exceptionnelle puisque, en matière de fraude fiscale, l'entier dossier fiscal est remis au magistrat dont la mission ensuite est de vérifier les éléments fournis par le fisc. Quant à son propre comportement, le requérant fait observer que les décisions judiciaires qui se sont succédé démontrent qu'il n'a fait qu'utiliser normalement les moyens de défense prévus par la loi. Quant au comportement des autorités judiciaires, le requérant estime que l'administration fiscale a contribué à allonger la procédure, comme les autorités judiciaires elles-mêmes. Il estime qu'une instruction d'un an, alors que l'enquête avait déjà été menée par l'administration fiscale, est excessive. Il expose également que l'absence de signature de la plainte a entraîné des décisions contradictoires et que le manque de rigueur des juridictions a donné lieu à deux arrêts de cassation. La Commission note que le requérant a été inculpé le 27 octobre 1977, qu'il a été renvoyé devant le tribunal correctionnel le 17 janvier 1979, que ce dernier a rendu son jugement le 18 mai 1979, et que la Cour de cassation s'est prononcée le 27 avril 1987, par un arrêt qui a été notifié au requérant le 16 juin 1987 et qui constitue en l'espèce la décision définitive. Elle rappelle que le caractère raisonnable de la durée de la procédure doit s'apprécier eu égard notamment à la complexité de l'affaire, au comportement du requérant et à celui des autorités judiciaires (voir Cour Eur. D.H., arrêt Eckle du 15 juillet 1982, série A n° 51, p. 35, par. 80). La Commission estime que la requête pose de sérieuses questions de fait et de droit concernant la durée de la procédure, qui ne peuvent être résolues à ce stade de l'examen de la requête, mais nécessitent un examen au fond. Dès lors, la requête ne saurait être déclarée manifestement mal fondée au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. La Commission constate en outre que la requête ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité, DECLARE LA REQUETE RECEVABLE, tous moyens de fond réservés. Le Secrétaire Le Président de la Deuxième Chambre de la Deuxième Chambre (K. ROGGE) (S. TRECHSEL)


Synthèse
Formation : Commission
Numéro d'arrêt : 14669/89
Date de la décision : 01/04/1992
Type d'affaire : DECISION (finale)
Type de recours : Partiellement recevable

Analyses

(Art. 6-1) DELAI RAISONNABLE


Parties
Demandeurs : POUPARDIN
Défendeurs : la FRANCE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1992-04-01;14669.89 ?
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