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01/04/1992 | CEDH | N°15901/89

CEDH | O. contre la SUISSE


SUR LA RECEVABILITE de la requête No 15901/89 présentée par D.O. contre la Suisse __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 1er avril 1992 en présence de MM. G. JÖRUNDSSON, Président en exercice de la Deuxième Chambre S. TRECHSEL, Président A. WEITZEL J.-C. SOYER H. G. SCHERMERS

H. DANELIUS Mme G. H. THUNE ...

SUR LA RECEVABILITE de la requête No 15901/89 présentée par D.O. contre la Suisse __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 1er avril 1992 en présence de MM. G. JÖRUNDSSON, Président en exercice de la Deuxième Chambre S. TRECHSEL, Président A. WEITZEL J.-C. SOYER H. G. SCHERMERS H. DANELIUS Mme G. H. THUNE MM. F. MARTINEZ L. LOUCAIDES J.-C. GEUS A.V. ALMEIDA RIBEIRO M. K. ROGGE, Secrétaire de la Deuxième Chambre ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 4 octobre 1989 par D.O. contre la Suisse et enregistrée le 12 décembre 1989 sous le No de dossier 15901/89 ; Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Le requérant, de nationalité néerlandaise, né en 1950 et exerçant la profession de représentant de commerce, réside à Amstelveen (Pays-Bas). Dans la procédure devant la Commission, il est représenté par Maître Jean-Bernard Waeber, avocat au barreau de Genève. Les faits, tels qu'ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit : Le requérant est arrivé en Suisse le 7 octobre 1975 et y a obtenu une autorisation de séjour et de travail en tant qu'artiste et musicien étranger. Au cours de l'année 1976, il a fait la connaissance d'une ressortissante suisse qu'il a épousée, le 28 mars 1977, aux Pays-Bas. Les époux s'installèrent à Genève. Le 30 novembre 1983, le requérant fut arrêté par les autorités judiciaires valaisannes et placé en détention provisoire sous l'inculpation d'infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants. Sur les conseils d'un avocat, qui avait indiqué au requérant que son épouse pourrait être tenue de payer une amende d'environ 50.000 FS à laquelle il était susceptible d'être condamné, les conjoints décidèrent de divorcer. Le divorce fut prononcé le 5 septembre 1984. Toutefois, selon le requérant, l'introduction de la procédure de divorce ne changea en rien les relations affectives des époux. L'ex- épouse du requérant rendait régulièrement visite à son ex-mari au pénitencier cantonal, lieu de sa détention. Le 8 novembre 1984, le tribunal cantonal du Valais, statuant en appel, condamna le requérant à la peine de 4 ans de réclusion, 5 ans d'expulsion du territoire suisse et à une amende de 40.000 FS. Après un séjour en section ouverte aux Etablissements de Crêtelongue, le requérant bénéficia du régime de semi-liberté à la maison d'arrêt du Bois-Mermet, du 24 mars au 27 juillet 1986. La direction de cette maison d'arrêt lui permit de bénéficier de congés réguliers tous les week-ends. Durant cette période, le requérant était employé en qualité de monteur-livreur par l'entreprise N., qui lui délivra un certificat de travail et lui proposa un engagement définitif. Le 1er juin 1986, l'ex-épouse du requérant s'adressa au Conseil d'Etat valaisan, qui devait statuer sur la mise en liberté conditionnelle de son ex-mari, pour demander qu'il soit sursis à l'expulsion afin qu'ils puissent reprendre la vie commune. Le 20 août 1986, le Conseil d'Etat valaisan accorda au requérant la liberté conditionnelle avec une durée d'épreuve de 3 ans et différa la mesure d'expulsion. Le Conseil d'Etat s'est notamment fondé sur le préavis de la direction des établissements pénitentiaires du canton du Valais, ainsi que sur la conduite et le travail du requérant, considérant qu'il offrait des garanties suffisantes pour l'avenir. Il prit également en considération le fait que l'expulsion du territoire suisse mettrait en péril sa vie familiale, et qu'il y avait lieu en conséquence d'accorder au requérant le sursis. Dès sa sortie de prison le 13 octobre 1984, le requérant reprit la vie commune avec son ex-épouse. Le requérant trouva rapidement un emploi en qualité de représentant pour la Suisse d'une entreprise d'importation, de distribution et de vente de lunettes optiques et solaires. C'est lors de ces démarches que le requérant apprit, en automne 1986, qu'il devait obtenir une nouvelle autorisation de séjour puisque son permis n'avait pas été renouvelé pendant sa détention. Le 10 novembre 1986, il a donné mandat à un avocat valaisan d'effectuer les démarches administratives nécessaires en vue d'obtenir un permis de séjour dans le canton du Valais. Le requérant considérait qu'il appartenait aux autorités valaisanes de se prononcer sur son séjour en Suisse puisque le Conseil d'Etat valaisan venait de lui accorder la liberté conditionnelle et le sursis à l'expulsion. Toutefois, les autorités valaisanes étaient d'avis que, le requérant ayant gardé à Genève le centre de ses intérêts puisqu'il y travaillait et y séjournait auprès de son ex-épouse, la demande devait être formulée auprès des autorités genevoises. Dans l'intervalle toutefois, les autorités genevoises ayant constaté que le requérant, démuni d'un titre de séjour valable, se trouvait en séjour irrégulier sur le territoire genevois, avaient pris à son encontre, en date du 14 avril 1987, une décision de renvoi. Après avoir tenté de faire revenir l'autorité genevoise de police des étrangers sur sa décision, le requérant quitta le territoire du canton fin mai 1987 puisque son recours, déposé auprès du Conseil d'Etat du Canton de Genève, était dépourvu d'effet suspensif. Un mois plus tard, le 22 juin 1987, le requérant et son ex-épouse se rendirent aux Pays-Bas pour y contracter mariage pour la seconde fois. Le requérant déposa le même jour un recours contre la décision de renvoi. Par arrêté du 11 novembre 1987, le Conseil d'Etat genevois confirma la décision de renvoi. Le 16 décembre 1987, le requérant saisit le Tribunal fédéral d'un recours de droit administratif afin d'obtenir l'annulation de la décision du Conseil d'Etat genevois et l'autorisation de séjourner à Genève auprès de son épouse. Le 25 avril 1988, le Tribunal fédéral rejeta le recours, de sorte que le requérant ne put retourner dans le canton de Genève. Bien qu'éloigné du territoire du canton de Genève, le requérant demeura en contact avec sa clientèle genevoise par l'intermédiaire de son épouse. Les époux parvinrent à fonder deux sociétés afin de commercialiser les articles d'optique. Les sociétés furent inscrites au registre du commerce de Genève le 21 septembre 1988. Toutefois, en date du 3 octobre 1988, l'Office fédéral des étrangers prononça à l'encontre du requérant une interdiction d'entrée sur le territoire suisse pendant une période de trois ans. Par décision du 10 avril 1989, le Département fédéral de justice et police rejeta le recours du requérant formé à l'encontre de la décision du 3 octobre 1988.
GRIEF Invoquant l'article 8 de la Convention, le requérant se plaint de ce que, par leur décision portant interdiction d'entrée sur le territoire suisse, les autorités suisses ont anéanti tous ses efforts et ses espoirs de poursuivre une vie familiale et professionnelle. Il souligne à cet égard qu'il a passé la période la plus importante de sa vie en Suisse puisqu'il a quitté les Pays-Bas à l'âge de 25 ans pour s'installer en Suisse.
EN DROIT Le requérant se plaint de la décision prononcée à son encontre par les autorités suisses portant interdiction d'entrée sur le territoire suisse pendant une période de trois ans. Il allègue à cet égard la violation de l'article 8 (art. 8) de la Convention. Selon lui, l'ingérence exercée dans son droit au respect de sa vie familiale ne pouvait, dans son cas, trouver sa justification au paragraphe 2 de l'article 8 (art. 8). Aux termes de cette disposition de la Convention : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. La Commission rappelle que si le droit de pénétrer, de résider dans un pays déterminé et de ne pas en être expulsé ne figure pas, en tant que tel, parmi les droits et libertés garantis par la Convention, les Etats contractants n'en ont pas moins accepté de restreindre le libre exercice des pouvoirs que leur confère le droit international général, y compris celui de contrôler l'entrée et la sortie des étrangers, dans la mesure et la limite des obligations qu'ils ont assumées en vertu de la Convention (voir, mutatis mutandis N° 7031/75, déc. 12.7.1976, D.R. 6 p. 124). En l'espèce, le requérant se plaint d'être séparé de son épouse en raison de la mesure d'interdiction d'entrée sur le territoire suisse prise à son encontre. La Commission a toujours considéré que l'expulsion d'une personne d'un pays où vivent des membres proches de sa famille peut équivaloir à une violation de l'article 8 (art. 8). Dans un certain nombre de cas, la Commission a examiné des situations dans lesquelles un homme marié était obligé de quitter le pays dans lequel il vivait avec sa femme. La Commission a considéré, dans ce cas, que la possibilité pour la femme de suivre son mari était un élément à prendre en considération. Ce principe s'applique aussi dans les cas où, comme en l'espèce, l'une des deux personnes concernées est ressortissante du pays qui ordonne l'expulsion de l'autre personne (voir N° 8041/77, déc. 15.12.1977, D.R. 12 p. 197). La Commission doit d'abord déterminer si les relations existant entre le requérant et son épouse bénéficient de la protection de l'article 8 (art. 8), et dans l'affirmative, s'il y a eu ingérence de la part d'une autorité publique. La Commission rappelle qu'une mesure d'interdiction d'entrée ne peut être considérée comme une ingérence dans la vie privée et familiale d'une personne que si cette vie privée et familiale est fermement établie sur le territoire de l'Etat dont il s'agit (voir N° 7289/75 et 7349/76, X. et Y. c/Suisse, déc. 14.7.1977, D.R. 9 p. 57). En outre, l'article 8 (art. 8) ne saurait s'interpréter comme comportant pour un Etat contractant l'obligation générale de respecter le choix, par des couples mariés, de leur domicile commun et d'accepter l'installation des conjoints non nationaux dans le pays (voir, en particulier, Cour eur. D.H., arrêt ABDULAZIZ, CABALES et BALKANDALI du 28 mai 1985, série A n° 94, p. 33 par. 68). En l'espèce, la Commission observe que le requérant n'a pas montré l'existence d'obstacles qui l'auraient empêché de mener une vie familiale dans son propre pays. De plus, il n'est pas allégué que son épouse, de nationalité suisse, n'obtiendrait pas l'autorisation de séjourner aux Pays-Bas et d'y vivre avec son conjoint. La décision attaquée ne crée donc pas un obstacle absolu à la vie commune. Enfin, il y a lieu d'observer qu'au moment où le requérant et son épouse se sont rendus aux Pays-Bas pour y contracter mariage pour la seconde fois, le requérant avait déjà fait l'objet d'une décision de renvoi. Il a donc contracté ce mariage, sinon pour tenter de faire échec à cette décision, du moins en sachant qu'il n'était pas en droit de résider en Suisse. Il apparaît en outre qu'une large part de l'intérêt que le requérant aurait à revenir en Suisse est d'ordre professionnel et, à ce titre, non protégé par la Convention. La Commission considère que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas eu ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie familiale, garanti par l'article 8 (art. 8) de la Convention. Il s'ensuit que la requête est manifestement mal fondée au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Par ces motifs, la Commission, à la majorité DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Secrétaire de la Président en exercice Deuxième Chambre de la Deuxième Chambre (K. ROGGE) (G. JÖRUNDSSON)


Type d'affaire : DECISION
Type de recours : partiellement recevable

Analyses

(Art. 6-1) DELAI RAISONNABLE


Parties
Demandeurs : O.
Défendeurs : la SUISSE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Formation : Commission
Date de la décision : 01/04/1992
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 15901/89
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1992-04-01;15901.89 ?
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