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30/06/1992 | CEDH | N°18531/91

CEDH | KEMMACHE contre la FRANCE


SUR LA RECEVABILITE de la requête No 18531/91 présentée par Michel KEMMACHE contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil en date du 30 juin 1992 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président S. TRECHSEL F. ERMACORA E. BUSUTTIL G. JÖRUNDSSON A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS Sir

Basil HALL MM. F. MARTINEZ C.L. ROZAKIS ...

SUR LA RECEVABILITE de la requête No 18531/91 présentée par Michel KEMMACHE contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil en date du 30 juin 1992 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président S. TRECHSEL F. ERMACORA E. BUSUTTIL G. JÖRUNDSSON A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS Sir Basil HALL MM. F. MARTINEZ C.L. ROZAKIS Mme J. LIDDY MM. L. LOUCAIDES J.C. GEUS M.P. PELLONPÄÄ B. MARXER M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 18 juin 1991 par Michel KEMMACHE contre la France et enregistrée le 17 juillet 1991 sous le No de dossier 18531/91 ; Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Le requérant est de nationalité française, né en 1942, et détenu au moment de l'introduction de la requête à la maison d'arrêt de Nice. Dans la procédure devant la Commission, il est représenté par Maître Chantal Méral, avocate au barreau de Paris. Les faits, tels qu'ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit. Par un arrêt du 13 juin 1990, la cour d'assises des Alpes Maritimes a refusé, après le renvoi de l'affaire, de mettre en liberté le requérant au motif que cette détention était nécessaire jusqu'à la prochaine session d'assises et qu'il était régulièrement détenu en vertu de l'ordonnance de prise de corps, rendue en application de l'article 215-1 du Code de procédure pénale et mise à exécution le 11 juin 1990. Le requérant a formé une demande de mise en liberté devant la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, qui, dans un arrêt du 4 juillet 1990, a ordonné sa mise en liberté et son placement sous contrôle judiciaire avec l'obligation de s'acquitter d'un cautionnement de 800.000 francs. Cette décision a fait l'objet d'un pourvoi et le requérant a, dans le même temps, demandé sa libération sans caution ni contrôle judiciaire. Par un arrêt du 26 juillet 1990, la chambre d'accusation a déclaré que cette demande était sans objet dès lors que la liberté avait été accordée par arrêt du 4 juillet 1990. Elle a estimé que cette demande s'analysait comme une demande de suppression du contrôle judiciaire mais que l'affaire paraissait en état d'être jugée à une prochaine session d'assises et "compte tenu des nombreuses vicissitudes connues par cette procédure en raison de l'utilisation par les inculpés de tous les moyens pour en retarder le jugement", il importait "de s'assurer de la représentation de l'inculpé". Le requérant a frappé cette décision d'un pourvoi en cassation et a également formé une autre demande de mise en liberté que la chambre d'accusation a rejeté le 8 août 1990 pour les mêmes motifs. Cet arrêt a fait l'objet d'un nouveau pourvoi et le requérant a parallèlement demandé la mainlevée de son contrôle judiciaire. Cette demande a été rejetée par arrêt de la chambre d'accusation du 5 septembre 1990 qui a notamment déclaré : "Attendu qu'il convient de rappeler que (le requérant) a été renvoyé devant la cour d'assises des Alpes Maritimes par arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Lyon du 13 août 1985 qui a estimé qu'il y avait contre lui charges suffisantes d'avoir commis les crimes" qui lui ont été reprochés "qu'il existe donc contre l'accusé de lourdes présomptions". Cette décision a alors fait l'objet d'un pourvoi en cassation sur le fondement, notamment de la violation des articles 5 et 6 de la Convention. Ce pourvoi a été rejeté le 20 décembre 1990 par un arrêt de la Cour de cassation. Le 10 septembre 1990, le requérant a encore demandé la mainlevée du contrôle judiciaire, demande rejetée par arrêt de la chambre d'accusation du 3 octobre 1990, aux termes duquel elle s'est déclarée incompétente pour statuer sur cette demande et a renvoyé le requérant à mieux se pourvoir. Le requérant a frappé cette décision d'un pourvoi en cassation, dans lequel il a invoqué les articles 5 et 6 de la Convention. Ce pourvoi a été rejeté par un arrêt de la Cour de cassation du 10 janvier 1991. La Cour de cassation a notamment affirmé que la chambre d'accusation "s'est déclarée, à bon droit, incompétente par application de l'article 148-1 du Code de procédure pénale, la cour d'assises devant laquelle (le requérant) avait été renvoyé étant en session le jour où la demande avait été déposée" et que "dès lors que cette juridiction (était) incompétente, il n'importe qu'elle ait statué hors délai".
GRIEFS Le requérant allègue la violation des articles 5 par. 3 et 6 par. 1 et 2 de la Convention. Il estime en premier lieu que la mise en liberté sous contrôle judiciaire et après paiement d'un cautionnement n'était pas justifiée dès lors qu'il s'était présenté spontanément à la maison d'arrêt de Nice le 11 juin 1990, libre et non astreint au contrôle judiciaire, pour être jugé par la cour d'assises et qu'en agissant ainsi il avait prouvé qu'il n'entendait pas se soustraire à la justice. Les conditions qui accompagnent sa libération sont donc, pour lui, contraires à l'article 5 par. 3 de la Convention. En second lieu, le requérant se plaint d'une atteinte au principe du procès équitable au sens de l'article 6 par. 1 de la Convention. Selon lui, la déclaration d'incompétence de la chambre d'accusation, prononcée hors délai le 3 octobre 1990, constitue une nouvelle manifestation de ce que sa cause "n'a pas été entendue équitablement et dans le délai requis par une juridiction indépendante et impartiale". En confirmant l'arrêt de la chambre d'accusation du 3 octobre 1990, la Cour de cassation aurait pris une décision radicalement contraire à un arrêt rendu par elle dans une autre affaire le 24 juillet 1990, arrêt où elle avait déclaré : "c'est à bon droit que la chambre d'accusation s'est déclarée compétente pour examiner une demande de mise en liberté formée par un accusé, dès lors que, à la date où elle a examiné cette demande, la cour d'assises n'était plus en session". Pour le requérant, cet arrêt montre que la chambre d'accusation était compétente et devait en conséquence respecter le délai prévu par l'article 148-2 du Code de procédure pénale. Le requérant estime que ces contradictions démontrent "le caractère manifestement inéquitable d'une telle décision et l'acharnement judiciaire déployé" à son encontre. Le requérant invoque enfin la violation des dispositions de l'article 6 par. 2 de la Convention. Il soutient, en effet, que l'arrêt rendu le 5 septembre 1990 par la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, qui précise "qu'il existe donc contre l'accusé de lourdes présomptions", a manifestement ignoré le principe posé par cet article. En outre, le fait d'avoir à nouveau assorti sa mise en liberté d'une mesure de contrôle judiciaire et de l'obligation de verser un cautionnement montre également que la chambre d'accusation dans sa décision du 4 juillet 1990 ainsi que dans ses décisions postérieures qui refusent la mainlevée du contrôle judiciaire, lui a refusé les garanties consacrées par l'article 6 par. 2 de la Convention.
EN DROIT
1. Le requérant se plaint en premier lieu des conditions dont était assortie sa libération, à savoir le contrôle judiciaire après paiement d'un cautionnement. Il estime qu'elles n'étaient pas justifiées en l'occurrence, dès lors qu'il s'était présenté spontanément à la maison d'arrêt de Nice le 11 juin 1990, libre et non astreint au contrôle judiciaire, pour être jugé par la cour d'assises. La Commission relève que les conditions mises en l'occurrence à la libération du requérant par les autorités judiciaires constituent des mesures de sûreté qui n'impliquent pas privation de liberté. Elles ne relèvent pas, comme telles, de l'article 5 (art. 5) de la Convention. La Commission n'aperçoit donc aucune apparence de violation de cette disposition de la Convention et considère que ce grief doit être rejeté en application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
2. D'autre part, le requérant estime n'avoir pas bénéficié d'un procès équitable au sens de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention dans la procédure portant mainlevée du contrôle judiciaire, aux termes de laquelle par un arrêt du 3 octobre 1990, la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence s'est déclarée incompétente en application de l'article 148-1 du Code de procédure pénale. Il y a lieu de relever à cet égard, qu'en se prononçant comme elle l'a fait dans son arrêt du 3 octobre 1990, la chambre d'accusation n'avait pas à se prononcer sur le bien-fondé d'une accusation en matière pénale au sens de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. Il s'ensuit que ce grief doit aussi être rejeté conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
3. Le requérant se plaint enfin d'une prétendue atteinte au principe de la présomption d'innocence énoncée à l'article 6 par. 2 (art. 6-2) de la Convention. Il soutient en particulier que la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans ses différents arrêts refusant la mainlevée du contrôle judiciaire, n'a pas respecté les garanties consacrées par la disposition susmentionnée. La Commission d'une part note que le requérant, au moment où la chambre d'accusation a rendu différents arrêts entre le 4 juillet et le 3 octobre 1990 relatifs au contrôle judiciaire, n'avait pas encore fait l'objet de condamnation. D'autre part, elle estime que le fait pour la chambre d'accusation d'indiquer dans son arrêt du 5 septembre 1990 qu'il existait de lourdes présomptions, ainsi que le fait d'imposer le versement de fortes sommes à titre de caution et un contrôle judiciaire, ne révèlent aucune atteinte au principe de la présomption d'innocence tel que défini au paragraphe 2 de l'article 6 (art. 6-2) de la Convention. En effet, le premier élément mentionné ci-dessus a servi à donner une base légale à la décision du 5 septembre 1990 ; quant aux deux autres éléments, à savoir le cautionnement et le contrôle judiciaire, ils constituaient les conditions accompagnant la mise en liberté du requérant qui ne sauraient en elles-mêmes se révéler contraires à l'article 6 par. 2 (art. 6-2) de la Convention. Il s'ensuit que cette partie de la requête est également manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Par ces motifs, la Commission, à la majorité, DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire Le Président de la Commission de la Commission (H.C. KRÜGER) (C.A. NØRGAARD)


Type d'affaire : DECISION
Type de recours : Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 10-1) LIBERTE D'EXPRESSION, (Art. 10-2) INGERENCE, (Art. 10-2) PREVUE PAR LA LOI, (Art. 10-2) PROTECTION DE LA REPUTATION D'AUTRUI


Parties
Demandeurs : KEMMACHE
Défendeurs : la FRANCE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Formation : Commission
Date de la décision : 30/06/1992
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18531/91
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1992-06-30;18531.91 ?
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