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07/07/1992 | CEDH | N°16735/90

CEDH | COLOMBANI contre la FRANCE


SUR LA RECEVABILITE de la requête No 16735/90 présentée par Charles COLOMBANI contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 7 juillet 1992 en présence de MM. S. TRECHSEL G. JÖRUNDSSON A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS Mme G.H. THUNE MM. F. MARTINEZ L. LOUCAIDES J.C. GEUS M. K. ROGGE, Secrétaire de la Deu

xième Chambre ; Vu l'article 25 de la Convention...

SUR LA RECEVABILITE de la requête No 16735/90 présentée par Charles COLOMBANI contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 7 juillet 1992 en présence de MM. S. TRECHSEL G. JÖRUNDSSON A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS Mme G.H. THUNE MM. F. MARTINEZ L. LOUCAIDES J.C. GEUS M. K. ROGGE, Secrétaire de la Deuxième Chambre ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 30 mars 1990 par Charles COLOMBANI contre la France et enregistrée le 18 juin 1990 sous le No de dossier 16735/90 ; Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Le requérant, de nationalité française, né en 1922, ancien inspecteur central des impôts, réside à Paris. Les faits, tels qu'ils ont été présentés par les parties, peuvent se résumer comme suit : Par décision du 22 décembre 1982, le Conseil d'Etat rejetait le recours du requérant tendant à obtenir l'annulation de la révocation avec suspension des droits à pension prononcée à son encontre par arrêté du 4 décembre 1979. Saisie d'une première requête (No. 10443/83) sur le fondement des articles 6, 7 et 8 de la Convention, ainsi que de l'article 1 du Protocole N° 1, la Commission, par décision du 15 juillet 1988, a déclaré cette requête irrecevable comme manifestement mal fondée. Dans sa décision, la Commission avait relevé entre autres qu'au vu de l'argumentation développée par le Gouvernement, "en l'absence d'ayants droit l'administration a l'obligation de procéder d'office à l'affiliation rétroactive de l'ancien fonctionnaire au régime général de la Sécurité sociale. En définitive s'effectue alors un transfert d'un régime de protection sociale à l'autre. Toutefois, si le fonctionnaire sanctionné a des ayants droit, l'article L.60 du Code des pensions prévoit que ceux-ci reçoivent pendant la durée de la suspension une pension égale à 50 % de la pension dont aurait bénéficié l'intéressé, destinée à assurer leur subsistance. Il convient de noter à cet égard que l'avantage dont bénéficie l'ayant droit procède directement des droits acquis par le fonctionnaire sanctionné. Cette règle a joué au bénéfice de l'épouse du requérant qui perçoit actuellement une pension du chef de son époux." L'épouse du requérant est décédée le 11 décembre 1989. Le requérant a contracté une seconde union en date du 31 janvier 1990. Il ressort des observations du Gouvernement défendeur, non contestées par le requérant, que celui-ci a alors sollicité son affiliation rétroactive au régime général d'assurance vieillesse de la Sécurité sociale, ce qui lui a été refusé par une décision du ministère de l'Economie et des Finances et du Budget du 6 mars 1990, qui se lit ainsi : " ... L'application de l'article L.65 du Code des pensions civiles et militaires de retraite interdit une telle affiliation, dès lors que votre épouse était titulaire d'une demi pension concédée en application de l'article L.60 du même code. Cette interdiction résulte des termes mêmes de l'article L.65 qui subordonnent l'affiliation rétroactive à la condition que les dispositions de l'article L.60 ne soient pas applicables. La circonstance que le paiement de la pension de l'Etat ait cessé en raison du décès de votre épouse est sans incidence à cet égard. J'ajoute que, saisies de requêtes identiques, les juridictions administratives les ont écartées par simple référence aux dispositions précitées du Code des pensions (cf. jugement du tribunal administratif de Paris du 16 juillet 1982)." Le requérant a ensuite sollicité, par lettre en date du 26 mai 1990, le transfert à sa seconde femme du bénéfice de la pension attribuée à sa première épouse. Cette demande a fait l'objet d'une décision de refus le 14 août 1990. La pension de réversion qui était allouée à la première épouse du requérant l'était sur les fondements des dispositions de l'article L.60 susmentionné du Code des pensions. Ces dispositions ne trouvent à s'appliquer que lorsqu'il existe des ayants-cause au moment de la suspension des droits à pension, et que ces derniers remplissent les conditions fixées (conditions d'âge, par exemple, pour les enfants). Or, la seconde épouse du requérant, qui par définition n'avait pas la qualité d'ayant-cause au moment de la privation des droits à pension de ce dernier, ne pouvait bénéficier des dispositions de l'article L.60 susmentionné. Le requérant a engagé un recours devant le tribunal administratif de Paris contre les décisions précitées des 6 mars et 14 août 1990. Sa requête a été rejetée par jugement en date du 9 janvier 1992. Contre cette décision, le requérant n'a pas recouru au Conseil d'Etat.
GRIEFS Le requérant, qui considère que la Commission a été induite en erreur par les observations du Gouvernement défendeur lors de l'examen de la requête No 10443/83, allègue la violation des articles 7 et 8 de la Convention, ainsi que de l'article 1 du Protocole N° 1.
EN DROIT Le requérant, fonctionnaire ayant fait l'objet d'une décision de révocation et de suspension rétroactive de ses droits à pension, prétend qu'il y a eu atteinte à ses droits garantis à l'article 1 du Protocole N° 1 (P1-1) en ce qu'au décès de sa première épouse, qui bénéficiait d'une pension de réversion sur le fondement de l'article L.60 du Code des pensions, il n'a pas été affilié rétroactivement au régime général d'assurance vieillesse de la Sécurité sociale par application de l'article L.65 du même code. Il se trouverait ainsi privé de toute ressource. Selon lui, cette situation porterait également atteinte aux dispositions des articles 7 et 8 (art. 7, 8) de la Convention. Le Gouvernement français soulève d'emblée une exception tirée du non-épuisement des voies de recours internes au sens de l'article 26 (art. 26) de la Convention. Subsidiairement, le Gouvernement plaide le défaut manifeste de fondement. Le Gouvernement constate en premier lieu que le requérant n'a pas invoqué au plan interne le moyen tiré de la violation de l'article 1 du Protocole N° 1 (P1-1). Il n'a donc pas mis le juge administratif en mesure de se prononcer sur la conformité des décisions susmentionnées à l'article 1 du Protocole N° 1 (P1-1). En second lieu, le requérant, qui dispose d'un délai de deux mois à compter de la notification du jugement de première instance pour en interjeter appel devant le Conseil d'Etat, n'a pas fait usage de cette voie de droit. Le recours qui consiste en l'occurrence à interjeter appel devant la section du contentieux du Conseil d'Etat du jugement du tribunal administratif doit être regardé comme un recours efficace au sens où l'entend la Cour européenne des Droits de l'Homme (voir en particulier Cour eur. D.H., arrêt Bozano du 18 décembre 1986, série A n° 111, p. 21). Selon le Gouvernement, ce recours présente toutes les garanties d'accessibilité propres aux recours pour excès de pouvoir et l'examen de la jurisprudence de la juridiction administrative française ne fait apparaître aucun élément qui permettrait de douter de l'effectivité de cette voie de droit. Le Gouvernement français rappelle encore que le tribunal administratif de Paris, en rejetant le recours du requérant, a jugé que le requérant était sans intérêt pour agir pour la contestation portant sur la décision du 14 août 1990 et qu'il n'était pas fondé à solliciter son affiliation rétroactive au régime général des assurances sociales par application de l'article L.65 du Code des pensions qui lui a été refusée le 6 mars 1990, dès lors que son épouse avait pu bénéficier de la pension prévue à l'article L.60 du même code. Or, selon le Gouvernement, le Conseil d'Etat n'a jamais eu l'occasion de se prononcer sur le second point c'est-à-dire sur l'application combinée de deux articles du Code des pensions, les articles L.60 et L.65 susmentionnés. Dans ces conditions, pour le Gouvernement, le recours devant la juridiction suprême entre en ligne de compte aux fins de l'article 26 (art. 26) de la Convention, tant en ce qui concerne la légalité de la décision du 6 mars 1990 au regard du droit interne, qu'en ce qui concerne sa compatibilité avec l'article 1 du Protocole N° 1 (P1-1). Cette argumentation n'a pas été contestée par le requérant. La Commission rappelle qu'aux termes de l'article 26 (art. 26) de la Convention, "la Commission ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes, tel qu'il est entendu selon les principes de droit international généralement reconnus". En l'espèce, le requérant, d'une part, a omis de soulever devant le tribunal administratif de Paris les griefs qu'il entend faire valoir devant la Commission au titre de l'article 1 du Protocole N° 1 (P1-1), ainsi qu'au titre des articles 7 et 8 (art. 7, 8) de la Convention. D'autre part, il n'a pas saisi le Conseil d'Etat d'un recours dirigé contre la décision du tribunal administratif du 9 janvier 1992 rejetant son recours. Le requérant n'a, par conséquent, pas épuisé les voies de recours dont il disposait en droit français. De plus, l'examen de l'affaire n'a permis de déceler aucune circonstance particulière qui aurait pu dispenser le requérant, selon les principes de droit international généralement reconnus en la matière, d'épuiser les voies de recours internes. Il s'ensuit que le requérant n'a pas satisfait à la condition relative à l'épuisement des voies de recours internes et que sa requête doit être rejetée, conformément à l'article 27 par. 3 (art. 27-3) de la Convention. Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité, DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire Le Président de la Deuxième Chambre de la Deuxième Chambre (K. ROGGE) (S. TRECHSEL)


Synthèse
Formation : Commission
Numéro d'arrêt : 16735/90
Date de la décision : 07/07/1992
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : irrecevable (partiellement) ; recevable (partiellement)

Analyses

(Art. 10-1) LIBERTE D'EXPRESSION, (Art. 10-2) INGERENCE, (Art. 10-2) PREVUE PAR LA LOI, (Art. 10-2) PROTECTION DE LA REPUTATION D'AUTRUI


Parties
Demandeurs : COLOMBANI
Défendeurs : la FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1992-07-07;16735.90 ?

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