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07/07/1992 | CEDH | N°17413/90

CEDH | S. contre les PAYS-BAS


SUR LA RECEVABILITE de la requête No 17413/90 présentée par W.S. contre les Pays-Bas __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 7 juillet 1992 en présence de MM. S. TRECHSEL, Président de la Deuxième Chambre G. JÖRUNDSSON A. WEITZEL J.-C. SOYER H. G. SCHERMERS H. DANELIUS Mme G. H. THUNE

MM. F. MARTINEZ L. LOUCAIDES ...

SUR LA RECEVABILITE de la requête No 17413/90 présentée par W.S. contre les Pays-Bas __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 7 juillet 1992 en présence de MM. S. TRECHSEL, Président de la Deuxième Chambre G. JÖRUNDSSON A. WEITZEL J.-C. SOYER H. G. SCHERMERS H. DANELIUS Mme G. H. THUNE MM. F. MARTINEZ L. LOUCAIDES J.-C. GEUS M. K. ROGGE, Secrétaire de la Deuxième Chambre ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 20 avril 1989 par W.S. contre les Pays-Bas et enregistrée le 13 novembre 1990 sous le No de dossier 17413/90 ; Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Le requérant est un ressortissant néerlandais, né en 1937. Il est domicilié à Zuidveen-Steenwijk (Pays-Bas). Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit. Le 7 janvier 1980, la police de Steenwijk, agissant dans le cadre d'une instruction criminelle dirigée contre le requérant pour destruction de biens d'autrui, saisit divers objets lui appartenant à titre de pièces à conviction, à savoir deux couteaux à viande dont les lames mesuraient respectivement 175 et 156 mm, trois hachoirs de boucherie, un affiloir et cinq madriers. Le 9 septembre 1981, le ministère public demanda au juge de police de Zwolle d'ordonner que les objets saisis soient confisqués (onttrekking aan het verkeer). Le requérant en fut averti par lettre du même jour. Il lui fut signalé qu'il lui était loisible de comparaître lors de l'audience qui se tiendrait à ce propos le 5 novembre 1981. Par la même lettre, le requérant fut averti de l'abandon des poursuites entamées contre lui. Le 5 novembre 1981, le juge de police ordonna la confiscation des objets saisis, après avoir entendu le requérant. Cette mesure fut prononcée en vertu de l'article 36 par. 6 b) à d) du Code pénal (Wetboek van Strafrecht). Le juge estima qu'il s'imposait que ces objets soient retirés de la circulation car ils étaient d'une nature telle que le fait de les posséder de manière incontrôlée était contraire à la loi ou à l'intérêt général ("zijnde het van zodanige aard, dat het ongecontroleerde bezit daarvan in strijd is met de wet of met het algemeen belang"). Le 17 janvier 1989, le requérant écrivit à la Cour suprême (Hoge Raad), se plaignant de la décision du 5 novembre 1981 qu'il estimait illégale. Par lettre du 1er février 1989, le greffier de la Cour suprême signala au requérant que sa demande ne pouvait être examinée, car elle ne constituait pas une demande de révision au sens de l'article 457 du Code d'instruction criminelle (Wetboek van Strafvordering). Le requérant écrivit encore à la Cour suprême les 25 avril, 29 juin et 24 juillet 1990, en vue d'obtenir la révision de la décision du 5 novembre 1981. Par arrêt du 13 novembre 1990, la Cour suprême déclara la demande de révision irrecevable. Le 1er mai 1991, le requérant introduisit un recours en cassation contre la décision du 5 novembre 1981. Par arrêt du 10 décembre 1991, la Cour suprême déclara le pourvoi irrecevable au motif qu'aucun recours en cassation n'était ouvert contre pareille décision.
GRIEFS Devant la Commission, le requérant se plaint de la décision de confiscation du 5 novembre 1981. Invoquant l'article 1er du Protocole additionnel, il demande la levée de la mesure de confiscation illégale, sa réhabilitation et un dédommagement.
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION La requête, considérée comme introduite le 20 avril 1989, a été enregistrée le 13 novembre 1990 sous le N° de dossier 17413/90. Le 10 janvier 1991, elle a été déclarée irrecevable par la Commission pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l'article 27 par. 3 de la Convention, au motif que le requérant n'avait pas introduit de pourvoi en cassation contre la décision du 5 novembre 1981. Par lettre du 6 mai 1992, le requérant a demandé le réexamen de sa requête, en se fondant sur l'arrêt de la Cour suprême du 19 décembre 1991 déclarant son pourvoi en cassation irrecevable.
EN DROIT
1. Ainsi que le requérant l'a relevé dans sa lettre du 6 mai 1992, en se fondant sur l'arrêt de la Cour suprême du 10 décembre 1991, il n'existe pas de voie de recours contre une décision de confiscation (onttrekking aan het verkeer) comme celle rendue le 5 novembre 1981. En conséquence, la Commission estime qu'il échet de réouvrir l'examen de la requête et de remplacer sa décision du 10 janvier 1991 par la présente décision.
2. Invoquant l'article 1 du Protocole additionnel (P1-1), le requérant demande la levée de la confiscation illégale, sa réhabilitation et un dédommagement. L'article 1 du Protocole additionnel (P1-1) dispose que : "Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes." La Commission rappelle d'abord qu'elle a pour seule tâche, conformément à l'article 19 (art. 19) de la Convention, d'assurer le respect des engagements résultant de la Convention pour les Parties contractantes. En particulier, elle n'est pas compétente pour ordonner la levée d'une mesure de confiscation ou la réhabilitation d'une personne, mesures relevant de la compétence des juridictions internes. La Commission constate ensuite que l'ordonnance de confiscation du 5 novembre 1981 était une dépossession du requérant qui doit être examinée eu regard de la deuxième phrase du premier paragraphe de l'article 1 du Protocole additionnel (P1-1) (N° 9615/81, déc. 5.3.83, D.R. 32 p. 231). Il convient donc d'examiner si cette dépossession était ou non "d'utilité publique" et si elle a eu lieu dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Quant à la régularité au regard du droit interne de l'ordonnance que le requérant qualifie d'illégale, la Commission constate que celle- ci a été rendue en vertu de l'article 36 par. b) à d) du Code pénal qui prévoit la possibilité de confiscation, par une décision judiciaire, d'objets ayant une relation directe avec l'infraction saisis dans le cadre d'une instruction pénale, même si celle-ci s'achève par l'abandon des poursuites. Il apparaît donc que la mesure de confiscation était clairement prévue par la législation interne dans un cas comme celui de l'espèce. La Commission relève en outre que le requérant n'a pas étayé ses allégations concernant l'illégalité de l'ordonnance et n'a pas spécifié de quelle manière cette décision n'aurait pas été rendue dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Sur la question de savoir si la dépossession était ou non "d'utilité publique", la Commission observe que le juge de police a ordonné la confiscation des divers objets saisis - couteaux à viande, hachoirs de boucherie, affiloir et madriers -, estimant qu'il s'imposait que ces objets soient retirés de la circulation car ils étaient de nature telle que le fait de les posséder de manière incontrôlée était contraire à la loi ou à l'intérêt général. De l'avis de la Commission, cette mesure, prise à l'égard du requérant à l'issue d'une instruction criminelle pour destruction de biens d'autrui, doit être considérée comme d'utilité publique, car de nature à servir des intérêts généraux spécifiques tels que la protection de l'ordre public, de la sûreté publique, de la santé, des droits et libertés d'autrui ou la prévention des infractions pénales. Dès lors, il n'apparaît pas que la mesure litigieuse ait porté atteinte au droit de propriété du requérant tel qu'il est garanti par l'article 1er par. 1 du Protocole additionnel (P1-1) et que la requête doit en conséquence être rejetée comme manifestement mal fondée. Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité, DECIDE LA REOUVERTURE DE L'EXAMEN DE LA REQUETE ; DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.
Secrétaire de la Deuxième Chambre Président de la Deuxième Chambre (K. ROGGE) (S. TRECHSEL)


Synthèse
Formation : Commission
Numéro d'arrêt : 17413/90
Date de la décision : 07/07/1992
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 10-1) LIBERTE D'EXPRESSION, (Art. 10-2) INGERENCE, (Art. 10-2) PREVUE PAR LA LOI, (Art. 10-2) PROTECTION DE LA REPUTATION D'AUTRUI


Parties
Demandeurs : S.
Défendeurs : les PAYS-BAS

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1992-07-07;17413.90 ?
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