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07/07/1992 | CEDH | N°17572/90

CEDH | C. contre la FRANCE


SUR LA RECEVABILITE de la requête No 17572/90 présentée par A.C. contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 7 juillet 1992 en présence de MM. S. TRECHSEL, Président de la Deuxième Chambre G. JÖRUNDSSON A. WEITZEL J.-C. SOYER H. G. SCHERMERS H. DANELIUS Mme G. H. THUNE

MM. F. MARTINEZ L. LOUCAIDES ...

SUR LA RECEVABILITE de la requête No 17572/90 présentée par A.C. contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 7 juillet 1992 en présence de MM. S. TRECHSEL, Président de la Deuxième Chambre G. JÖRUNDSSON A. WEITZEL J.-C. SOYER H. G. SCHERMERS H. DANELIUS Mme G. H. THUNE MM. F. MARTINEZ L. LOUCAIDES J.-C. GEUS M. K. ROGGE, Secrétaire de la Deuxième Chambre ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 26 octobre 1990 par A.C. contre la France et enregistrée le 18 décembre 1990 sous le No de dossier 17572/90 ; Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Le requérant, né en 1934 à Paris, est de nationalité américaine. Homme d'affaires, il partageait sa vie entre la France et les Etats- Unis d'Amérique et est actuellement domicilié en Floride. Devant la Commission, il est représenté par Maître Edith Valay, avocate au barreau de Versailles. Les faits, tels qu'ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit. Le 2 mai 1982, le requérant fut inculpé d'escroquerie et de diverses infractions au droit des sociétés, pour des faits commis entre 1974 et 1982, et placé en détention provisoire. Le 4 mai 1982, le tribunal de commerce du Mans prononça le règlement judiciaire de sa société française. Par arrêt du 10 juillet 1982, la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Angers confirma l'ordonnance de mise en liberté rendue par le juge d'instruction, à une date qui n'a pas été précisée et le requérant rejoignit son domicile américain. Il revint en France pour assister à l'audience du tribunal correctionnel du Mans. A l'issue du délibéré, ce tribunal prononça, le 16 janvier 1987, une condamnation à 15 mois d'emprisonnement ferme sur le fondement de lois dont certaines étaient postérieures aux faits. Il décerna également mandat d'arrêt international contre le requérant, qui apparemment était entre- temps retourné aux Etats-Unis. Le requérant fit appel. La citation à comparaître devant la cour d'appel lui fut envoyée par la voie diplomatique dans les délais, mais la lettre ne fut pas retirée. La cour d'appel d'Angers, estimant non établi que le requérant avait eu connaissance de cette citation, statua par défaut le 5 novembre 1987. Elle estima notamment que "la loi nouvelle, substituant à la notion de bilan inexact celle de compte ne donnant pas une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice, s'applique ainsi à la fois au compte et au bilan, et donc au bilan au sens de la loi ancienne. De plus, les peines encourues au titre de la loi ancienne ou au titre de la loi nouvelle sont les mêmes". Elle considéra par ailleurs que "les premiers juges ont ainsi exactement déclaré (le requérant) coupable de délit assimilé à la banqueroute par emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds, faits prévus par les articles 196 et 197 de la loi du 25 janvier 1985, d'application immédiate comme étant plus douce que la loi du 13 juillet 1967, et punis par l'article 402 du code pénal dans sa rédaction ancienne résultant de la loi du 2 février 1981, dont les dispositions sont plus douces que les dispositions résultant de la loi du 25 janvier 1985 (article 402 nouveau)". La cour d'appel porta la condamnation à 5 ans d'emprisonnement et, après avoir annulé le premier mandat d'arrêt pour des raisons de forme, décerna un nouveau mandat d'arrêt international contre le requérant. Conformément au droit interne, le requérant ne put se faire représenter à l'audience par un avocat. Le requérant forma opposition contre cet arrêt, et l'audience de cette opposition fut fixée au 26 mai 1988. La citation à comparaître ne fut remise au requérant par les autorités américaines que le 31 mai 1988, soit 5 jours après la date d'audience. Par lettre du 24 mai 1988, le nouvel avocat du requérant sollicita le renvoi de l'audience à une date ultérieure afin, notamment, d'améliorer sa connaissance du dossier, et de finaliser une tentative d'accord avec les parties civiles. La cour d'appel d'Angers, par arrêt du 27 juillet 1988, estima que le requérant avait eu connaissance de la date de l'audience puisque ses conseils en avaient demandé le renvoi ; ajoutant que le requérant n'avait fourni aucune excuse pour son absence, les magistrats rejetèrent la demande de renvoi et, statuant par itératif défaut, déclarèrent non avenue l'opposition formée par le requérant et confirmèrent l'arrêt de la cour d'appel du 5 novembre 1987. Le conseil du requérant ne put intervenir au fond. Le requérant se pourvut en cassation contre cet arrêt. Par l'intermédiaire de son avocat, il déposa, devant la cour d'appel d'Angers, une requête de dispense de mise en état, afin de rendre son pourvoi recevable, dans la mesure où il ne s'était pas soumis au mandat d'arrêt international. Par arrêt du 3 mai 1990, la cour d'appel rejeta sa requête. Le 10 mai 1990, la Cour de cassation, constatant que le requérant ne s'était pas soumis au mandat d'arrêt, déclara son pourvoi irrecevable.
GRIEFS
1) Le requérant se plaint tout d'abord d'avoir été condamné sur le fondement de lois de 1983 et 1985, alors que les faits reprochés aient été commis entre 1974 et 1982. Il invoque le principe de non- rétroactivité des lois pénales garanti par l'article 7 de la Convention.
2) Le requérant se plaint également de ne pas avoir bénéficié d'un procès équitable devant la cour d'appel statuant par itératif défaut. Il expose que, n'ayant pas été prévenu à temps de la date de l'audience, il n'a pu assister lui-même à cette audience, ni se faire représenter au fond par un défenseur ; ainsi, n'ayant pas été prévenu dans le plus court délai de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui, il n'a pu bénéficier du temps et des facilités nécessaires pour préparer sa défense, ni faire interroger les témoins. Il invoque l'article 6 par. 1 et par. 3 a), b), c) et d) de la Convention. Le requérant se plaint enfin de la violation de la présomption d'innocence garantie par l'article 6 par. 2 de la Convention, car selon lui la cour d'appel a constamment refusé d'entendre ses arguments.
EN DROIT
1) Le requérant expose tout d'abord que le principe de non- rétroactivité des lois pénales, protégé par l'article 7 (art. 7) de la Convention, a été violé, dans la mesure où il a été condamné sur le fondement de lois de 1983 et 1985, pour des faits susceptibles de constituer des délits de présentation et publication de bilans inexacts ainsi que de banqueroute simple, faits commis entre 1974 et 1982. La Commission rappelle que l'article 7 (art. 7) dispose : "1. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international. De même, il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise." En l'espèce, la Commission relève que les magistrats du tribunal correctionnel et ceux de la cour d'appel d'Angers ont pris soin d'analyser les divers problèmes d'application de la loi dans le temps qui se présentaient à eux. Quant à la qualification de présentation et publication de bilans inexacts, ils ont relevé que certaines dispositions de la loi nouvelle ne s'appliquaient pas puisque les faits étaient antérieurs à ladite loi ; pour les autres dispositions, les magistrats ont affirmé que "la loi nouvelle, substituant à la notion de bilan inexact celle de compte ne donnant pas une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice, s'applique ainsi à la fois au compte et au bilan, et donc au bilan au sens de la loi ancienne. De plus, les peines encourues au titre de la loi ancienne ou au titre de la loi nouvelle sont les mêmes." Quant à la qualification d'infraction assimilée à la banqueroute simple, les magistrats de la cour d'appel ont relevé que : "les premiers juges ont ainsi exactement déclaré (le requérant) coupable de délit assimilé à la banqueroute par emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds, faits prévus par les articles 196 et 197 de la loi du 25 janvier 1985, d'application immédiate comme étant plus douce que la loi du 13 juillet 1967, et punis par l'article 402 du code pénal dans sa rédaction ancienne résultant de la loi du 2 février 1981, dont les dispositions sont plus douces que les dispositions résultant de la loi du 25 janvier 1985 (article 402 nouveau)". La Commission constate que les magistrats n'ont appliqué les dispositions de la loi nouvelle que lorsque les qualifications nouvelles recouvraient des faits déjà punissables sous l'empire de la loi ancienne, ou lorsque les nouvelles sanctions étaient identiques ou plus douces que les sanctions antérieurement prévues. Il ne ressort donc pas du dossier que le requérant a été condamné pour des actes qui, à l'époque où ils ont été commis, ne constituaient pas une infraction, ou étaient punis moins sévèrement que sous l'empire des dispositions nouvelles.
2) Le requérant se plaint ensuite de ne pas avoir bénéficié d'un procès équitable et des droits de la défense. Il expose que, prévenu trop tard de la date de l'audience, il n'a pu assister lui-même à cette audience, ni se faire représenter au fond par un défenseur ; ainsi, n'ayant pas été informé dans le plus court délai de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui, il n'a pu bénéficier du temps et des facilités nécessaires pour préparer sa défense, ni faire interroger les témoins. Il invoque l'article 6 par. 1 et 3 a), b), c) et d) (art. 6-1, 6-3-a, 6-3-b, 6-3-c) de la Convention. Il affirme également que la procédure devant la cour d'appel statuant sur son opposition n'a pas respecté la présomption d'innocence garantie par l'article 6 par. 2 (art. 6-2) de la Convention. En l'état actuel du dossier, la Commission estime ne pas être en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de porter cette partie de la requête à la connaissance du Gouvernement français par application de l'article 48 par. 2 b) du Règlement intérieur de la Commission. Il s'ensuit que la requête doit être rejetée sur ce point pour défaut manifeste de fondement au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité, DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE quant au grief tiré de la violation alléguée du principe de la non-rétroactivité des lois pénales, AJOURNE l'examen de la requête pour le surplus. Le Secrétaire de la Le Président de la Deuxième Chambre Deuxième Chambre (K. ROGGE) (S. TRECHSEL)


Synthèse
Formation : Commission
Numéro d'arrêt : 17572/90
Date de la décision : 07/07/1992
Type d'affaire : DECISION (partielle)
Type de recours : Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 10-1) LIBERTE D'EXPRESSION, (Art. 10-2) INGERENCE, (Art. 10-2) PREVUE PAR LA LOI, (Art. 10-2) PROTECTION DE LA REPUTATION D'AUTRUI


Parties
Demandeurs : C.
Défendeurs : la FRANCE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1992-07-07;17572.90 ?
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