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08/02/1993 | CEDH | N°20649/92

CEDH | S.T. contre la FRANCE


SUR LA RECEVABILITE de la requête No 20649/92 présentée par S.T. contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 8 février 1993 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN S. TRECHSEL F. ERMACORA A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS Sir Basil HALL M. F. MARTINEZ

Mme J. LIDDY MM. J.C. GEUS M.P. PELLONPA...

SUR LA RECEVABILITE de la requête No 20649/92 présentée par S.T. contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 8 février 1993 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN S. TRECHSEL F. ERMACORA A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS Sir Basil HALL M. F. MARTINEZ Mme J. LIDDY MM. J.C. GEUS M.P. PELLONPÄÄ B. MARXER G.B. REFFI M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 26 octobre 1991 par S.T. contre la France et enregistrée le 18 septembre 1992 sous le No de dossier 20649/92 ; Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :EN FAIT Le requérant, de nationalité turque, est né en 1965 ou 1968 à Pazarik. Il réside actuellement en France. Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit : Le requérant aurait quitté la Turquie en novembre 1987 grâce à l'aide de son frère et de ses amis. Il est entré clandestinement en France le 15 novembre 1987. Le 16 décembre 1987, il a demandé le bénéfice du statut de réfugié politique devant l'OFPRA. A l'appui de sa demande, il exposait avoir milité au sein d'une organisation illégale DEV-YOL dès son plus jeune âge. Le 30 mars 1979, il aurait été arrêté et torturé par la police pendant trois jours pour avoir participé à une cérémonie à la mémoire de militants assassinés de DEV-YOL. Il aurait été relâché, n'étant officiellement âgé que de onze ans. A l'époque, son frère et sa belle-soeur étaient également recherchés par la police pour leur appartenance à l'organisation DEV-YOL. Le requérant aurait par la suite continué à militer au sein de cette organisation puis participé à un cambriolage en 1983. En 1985, l'un de ses complices aurait été arrêté et l'aurait dénoncé sous la torture. Le requérant aurait alors arrêté ses études et commencé à se cacher pour échapper à la police puis aurait enfin décidé de quitter son pays. Le 28 mars 1989, l'OFPRA a rejeté sa demande. La Commission des recours des réfugiés a rejeté le recours du requérant en date du 17 novembre 1989 au motif que les éléments de preuve fournis, notamment les attestations établies par son frère et sa belle-soeur, tous deux réfugiés politiques, n'étaient pas suffisamment convaincants. La Commission des recours des réfugiés a considéré en outre que le fait que ces deux personnes aient obtenu le statut de réfugiés politiques en France n'avait aucune incidence sur la situation personnelle du requérant. Le 6 décembre 1989, la Préfecture de la Marne a invité le requérant à quitter le territoire français dans un délai d'un mois. Le 23 septembre 1991, le requérant a sollicité son admission exceptionnelle au séjour dans le cadre de la circulaire interministérielle du 23 juillet 1991 mais le 27 septembre 1991, la Préfecture de la Marne a rejeté sa demande et a renouvelé son invitation à quitter le territoire dans un délai d'un mois. Le 18 octobre 1991, le requérant a déposé une demande de réouverture de son dossier devant l'OFPRA qui a été rejetée le 19 février 1992 au motif qu'elle avait le même objet et utilisait la même cause juridique que la précédente requête. Le 9 décembre 1991, le requérant a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière, délivré par la Préfecture de Châlons-sur-Marne. Le 13 mars 1992, le requérant a déposé un recours devant la Commission des recours des réfugiés tendant à l'annulation de la décision de l'OFPRA en date du 19 février 1992. Le 27 avril 1992, le Préfet de la Marne a, par arrêté, rapporté son arrêté de reconduite à la frontière du 9 décembre 1991, au motif que la Commission des recours des réfugiés n'avait pas encore statué sur le recours. Cette décision fut notifiée au requérant le 29 mai 1992. Le recours introduit par le requérant, également le 27 avril 1992, tendant à l'annulation dudit arrêté de reconduite à la frontière, fut déclaré sans objet par le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne le 29 avril 1992, la décision entamée ayant été entre-temps rapportée. Le requérant a sollicité une autorisation provisoire de séjour qui lui a été accordée, le 3 août 1992, par la Préfecture de la Marne jusqu'au 2 novembre 1992, dans l'attente d'une décision définitive de la Commission des recours des réfugiés. Il ne ressort pas du dossier à quelle date la Commission des recours a rendu sa nouvelle décision. Un nouvel arrêté de reconduite à la frontière adopté le 2 novembre 1992 a été signifié au requérant le même jour. Le recours administratif introduit par le requérant auprès du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a été rejeté le 3 novembre 1992, au motif notamment qu'à la suite de quatre rejets de demande d'admission au statut de réfugié, le requérant n'avait pas apporté d'éléments de nature à établir que, compte de la situation actuelle en Turquie, il ferait l'objet de traitements proscrits par l'article 3 de la Commission européenne des Droits de l'Homme. Le requérant ayant refusé de s'embarquer a comparu, le 4 décembre 1992, devant le tribunal de grande instance de Bobigny qui l'a condamné à trois mois de prison ferme et trois ans d'interdiction du territoire.
GRIEFS Le requérant expose qu'en cas de retour en Turquie, il risque d'être placé en garde à vue et emprisonné en raison de son appartenance à l'organisation illégale DEV-YOL. Il invoque l'article 3 de la Convention. Le requérant se plaint, en outre, de ce que la Préfecture de la Marne a refusé d'entendre les raisons qui militaient contre son expulsion vers la Turquie, en ne lui accordant pas l'admission au séjour. Il invoque l'article 1 par. 1 a) du Protocole N° 7 à la Convention.
EN DROIT
1. Le requérant allègue qu'en cas de retour dans son pays d'origine il risque d'être placé en garde à vue et emprisonné en raison de son appartenance à l'organisation illégale DEV-YOL. Il invoque sur ce point l'article 3 (art. 3) de la Convention qui dispose : "Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants." La Commission rappelle d'emblée que, selon sa jurisprudence constante, la Convention ne garantit aucun droit de séjour ou d'asile dans un Etat dont on n'est pas ressortissant (voir N° 7256/75, déc. 10.12.76, D.R. 8 p. 161 ; N° 17550/90 et N° 17825/91). Toutefois, selon la jurisprudence des organes de la Convention, la décision de renvoyer un individu dans son pays d'origine peut, dans certaines conditions, se révéler contraire à la Convention et, notamment à son article 3 (art. 2), lorsqu'il y a des raisons sérieuses de croire que cet individu sera soumis, dans l'Etat vers lequel il doit être dirigé, à des traitements prohibés par cet article (cf. Cour Eur. D.H., arrêt Cruz Varas et autres du 20.3.91, série A n° 201, p. 88, par. 69-70). La Commission constate que les autorités françaises ont examiné à plusieurs reprises la demande du requérant tendant à lui faire octroyer le statut de réfugié politique en France et que la décision d'éloigner le requérant du territoire de la France a fait l'objet d'un contrôle exercé par le juge administratif. Par ailleurs, la Commission est d'avis que la seule existence d'une procédure pénale, ne saurait suffire pour démontrer que le requérant se trouverait, à l'heure actuelle, confronté de ce fait à un risque de traitements contraires à l'article 3 (art. 3) de la Convention. Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
2. Le requérant se plaint en outre de ce que la Préfecture de la Marne a refusé d'entendre les raisons qui militaient contre son expulsion vers la Turquie en ne lui accordant pas l'admission au séjour. Il invoque l'article 1 par. 1 a) du Protocole N° 7 (P7-1-1-a) qui dispose : "Un étranger résidant régulièrement sur le territoire d'un Etat ne peut être expulsé qu'en exécution d'une décision prise conformément à la loi et doit pouvoir : a) faire valoir les raisons qui militent contre son expulsion". Toutefois, la Commission relève que cette disposition ne s'applique qu'aux étrangers "résidant régulièrement" sur le territoire en question, et ne peut être invoquée par une personne comme le requérant, qui ne peut se prévaloir d'un titre de séjour, dès lors que sa demande de bénéficier du statut de réfugié politique a été définitivement refusée. Il s'ensuit que cette partie de la requête est également manifestement mal fondée et doit être rejetée conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité, DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.
Le Secrétaire de la Commission Le Président de la Commission (H.C. KRÜGER) (C.A. NØRGAARD)


Synthèse
Formation : Commission
Numéro d'arrêt : 20649/92
Date de la décision : 08/02/1993
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : Partiellement recevable ; Partiellement irrecevable

Parties
Demandeurs : S.T.
Défendeurs : la FRANCE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1993-02-08;20649.92 ?
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