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30/03/1993 | CEDH | N°18064/91

CEDH | R.H.B. contre l'ESPAGNE


SUR LA RECEVABILITE de la requête No 18064/91 présentée par R.H.B. contre l'Espagne __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 30 mars 1993 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN S. TRECHSEL G. SPERDUTI E. BUSUTTIL G. JÖRUNDSSON A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.-C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS M

me G.H. THUNE Sir Basil HALL MM. F. MARTINEZ ...

SUR LA RECEVABILITE de la requête No 18064/91 présentée par R.H.B. contre l'Espagne __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 30 mars 1993 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN S. TRECHSEL G. SPERDUTI E. BUSUTTIL G. JÖRUNDSSON A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.-C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL MM. F. MARTINEZ C.L. ROZAKIS Mme J. LIDDY MM. J.-C. GEUS M.P. PELLONPÄÄ B. MARXER M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 30 janvier 1991 par R.H.B. contre l'Espagne et enregistrée le 10 avril 1991 sous le No de dossier 18064/91 ; Vu la décision de la Commission, en date du 30 mars 1992, de communiquer la requête ; Vu les observations présentées par le Gouvernement défendeur le 8 juin 1992 et les observations en réponse présentées par la requérante le 23 juillet 1992 ; Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante : EN FAIT La requérante est une ressortissante hindoue née en 1936 et résidant à Madrid. Devant la Commission, elle est représentée par Me Juan Carlos Lara, de Madrid. Les faits de la cause tels qu'exposés par les parties peuvent se résumer comme suit : En 1985, la société japonaise "Orient Watch Co. Ltd" présenta devant le tribunal de 1ère instance N° 8 de Madrid une demande tendant à l'annulation de la marque espagnole No 544606 enregistrée par la requérante en 1970 sous la dénomination "Orient". La société demanderesse fondait son action sur la Convention d'Union de Paris de 1883 relative à la protection des droits de propriété industrielle. Elle alléguait qu'en vertu de cette convention, ratifiée par le Japon et l'Espagne, l'enregistrement dès 1951 au Japon de la marque "Orient Watch Company" lui conférait la propriété de cette marque dans tous les pays parties à ladite Convention et la protégeait contre tout dépôt ultérieur de la même marque. La requérante opposa à la demande trois moyens de droit : la prescription de l'action, la non-authenticité du nom commercial invoqué par la société demanderesse et la priorité de la marque N° 97541 "Creacions Orient" enregistrée en 1934 en Espagne pour des produits du même type que ceux qui font l'objet du litige et dont elle était la propriétaire. Par jugement daté du 9 mai 1988, l'Audiencia Territorial de Madrid, juridiction compétente pour statuer dans ce type de litige, débouta la société demanderesse pour prescription de l'action intentée sans que le tribunal ait à examiner les deux autres moyens invoqués par la requérante. La société demanderesse se pourvut en cassation. Le Tribunal Suprême, par arrêt du 30 avril 1990, cassa le jugement de l'Audiencia Territorial et statua sur le fond du litige. Dans son arrêt, le Tribunal Suprême rejeta en premier lieu l'exception de prescription qui constituait le fondement du jugement de l'Audiencia Territorial. En second lieu, le tribunal déclara que la marque enregistrée au Japon en 1951 était antérieure au dépôt de la marque espagnole en 1970. Toutefois, le Tribunal Suprême ne se prononça pas sur le troisième moyen de défense de la requérante portant sur le point de savoir si l'enregistrement de la marque "Creacions Orient" en 1934 en Espagne était prioritaire à la marque enregistrée au Japon en 1951. Le recours d'"amparo" présenté par la requérante devant le Tribunal constitutionnel fut rejeté par décision du 29 octobre 1990 au motif que la requérante n'avait pas invoqué devant le Tribunal Suprême le moyen tiré de l'antériorité de la marque "Creacions Orient" de 1934.
GRIEFS La requérante se plaint de ce que sa cause n'a pas été entendue équitablement dans la mesure où le Tribunal Suprême statuant sur le fond n'a pas répondu à tous les moyens qu'elle avait soumis à la juridiction du premier degré et en particulier à celui tiré de la priorité de la marque de 1934. Elle invoque l'article 6 par. 1 de la Convention.
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION La requête a été introduite le 30 janvier 1991 et enregistrée le 10 avril 1991. Le 30 mars 1992, la Commission a décidé d'inviter le Gouvernement défendeur à présenter ses observations écrites sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête. Le Gouvernement a présenté ses observations le 8 juin 1992 et les observations en réponse de la requérante sont datées du 23 juillet 1992.
EN DROIT La requérante se plaint que le Tribunal Suprême statuant sur le fond n'a pas examiné tous les moyens qu'elle avait soulevés devant les premiers juges, et en particulier celui tiré de la priorité de la marque de 1934. Elle estime que sa cause n'a pas été entendue équitablement et invoque l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention qui dispose ainsi : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle...".
a. quant à l'abus du droit de recours Le Gouvernement soutient tout d'abord que la requête doit être rejetée comme étant abusive au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. La Commission rappelle que la question de savoir si une requête est ou non abusive, au sens de la Convention, dépend des circonstances particulières de l'affaire. En particulier, elle estime qu'une requête ne pourrait être qualifiée d'abusive que s'il apparaissait à l'évidence qu'elle n'est étayée par aucun fait ou qu'elle sort du champ d'application de la Convention (cf. N° 8317/78, déc. 15.5.80, D.R. 20 pp. 44, 127 ; N° 11208/84, déc. 4.3.86, D.R. 46 pp. 182, 194). Or, en l'espèce, la Commission est d'avis que la requérante a étayé suffisamment son grief selon lequel le Tribunal Suprême n'a pas répondu à un moyen de défense qu'elle estime essentiel dans une procédure à laquelle elle était partie. Dans ces conditions, la Commission est d'avis que la requête ne saurait être considérée comme abusive.
b. sur l'absence de la qualité de "victime" Le Gouvernement argue du fait que la requérante ne saurait prétendre à la qualité de victime d'une violation de la Convention au sens de l'article 25 (art. 25). La Commission estime toutefois que la requérante peut légitimement s'estimer victime de la décision du Tribunal Suprême qui, en dernière instance, l'a déboutée dans le litige qui l'opposait à la société japonaise "Orient Watch Co. Ltd" au sujet de la propriété de la marque "Orient" et auquel elle a participé de façon active.
c. quant à l'épuisement des voies de recours internes Le Gouvernement fait valoir que la requérante n'a pas épuisé les voies de recours internes et n'a donc pas satisfait à la condition énoncée à l'article 26 (art. 26) de la Convention puisque la requérante est partie principale dans une procédure pour prescription de la marque litigieuse pour non-usage qui est toujours pendante devant les juridictions espagnoles. La Commission constate cependant que la requérante se plaint d'une procédure qui s'est achevée en dernier lieu par le recours d'"amparo" qu'elle a présenté devant le Tribunal Constitutionnel. La Commission relève que la requérante a exercé tous les recours possibles en droit interne susceptibles de remédier aux griefs qu'elle allègue devant la Commission. De ce fait, la Commission estime qu'elle a rempli la condition de l'épuisement des voies de recours internes prescrite par l'article 26 (art. 26) de la Convention et qu'il importe donc peu qu'une autre procédure, même concernant la marque litigieuse, soit en cours devant les tribunaux internes. Par conséquent, la Commission est d'avis que l'exception de non-épuisement des voies de recours internes ne saurait être retenue en l'espèce.
d. quant au fond Quant au fond, le Gouvernement fait remarquer que la requérante et sa famille ont déposé de multiples marques au registre de la propriété industrielle, ce qui explique qu'ils soient impliqués très fréquemment dans des litiges portant sur la propriété desdites marques. Il précise que pendant très longtemps, l'époux de la requérante et la société "Orient Watch Co. Ltd" ont maintenu d'étroites relations commerciales et professionnelles puisque son époux a été le représentant officiel de cette société en Espagne de 1971 à 1985. Le Gouvernement souligne par ailleurs que dans le cadre d'une autre procédure relative à la propriété de la marque "Orient", l'Audiencia Territorial de Grenade, puis le Tribunal Suprême, par décision du 30 mars 1989, ont déclaré que la marque litigieuse "Creacions Orient" ne couvrait que des articles de bijoux fantaisie (bisutería). Le Gouvernement fait observer qu'il y a identité entre cette procédure et celle soumise à la Commission et qu'il ne peut être exigé d'un tribunal qu'il réponde à un problème déjà élucidé dans une décision rendue seulement un an auparavant avec les mêmes parties et portant sur le même objet. Le Gouvernement ajoute par ailleurs que si le Tribunal Suprême n'a pas examiné le moyen tiré de l'antériorité de la marque litigieuse, c'est parce que la requérante était partie défenderesse dans la procédure en cassation. Le Gouvernement fait observer que dans le cadre d'une autre procédure, le Tribunal Suprême de Madrid, par décision du 24 janvier 1991, a rejeté l'allégation selon laquelle l'enregistrement de la marque "Creacions Orient" était antérieur à celui de la marque japonaise. Le Gouvernement indique également que la marque de la requérante ne couvre que des articles de bijoux fantaisie (bisutería) et qu'une procédure relative à la prescription de la marque pour non- usage se trouve pendante devant les juridictions espagnoles. La requérante estime que dans ses observations, le Gouvernement traite de questions qui sont étrangères au grief soumis à la Commission. Elle souligne que la requête ne concerne pas le fond du litige qui l'oppose à la société japonaise, mais le caractère équitable de la procédure, dans la mesure où le Tribunal Suprême n'a pas répondu à l'un des moyens allégués par elle. Elle fait valoir qu'un examen du moyen tiré de l'antériorité de sa marque était d'autant plus important que dans un arrêt ultérieur rendu par le Tribunal Suprême dans une autre procédure, la haute juridiction examinant la question litigieuse a statué en sa faveur. Après avoir procédé à un examen préliminaire des faits et arguments soumis par les parties, la Commission estime que la requête pose de sérieuses questions de fait et de droit qui ne peuvent être résolues à ce stade de l'examen de la requête, mais nécessitent un examen de fond. Dès lors, la requête ne saurait être déclarée manifestement mal fondée au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. La Commission constate en outre que la requête ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Par ces motifs, la Commission, à la majorité DECLARE LA REQUETE RECEVABLE, tous moyens de fond réservés. Le Secrétaire de la Le Président de la Commission Commission (H.C. KRÜGER) (C.A. NØRGAARD)


Synthèse
Formation : Commission
Numéro d'arrêt : 18064/91
Date de la décision : 30/03/1993
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : Partiellement recevable ; Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 13) DROIT A UN RECOURS EFFECTIF, (Art. 3) PEINE DEGRADANTE


Parties
Demandeurs : R.H.B.
Défendeurs : l'ESPAGNE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1993-03-30;18064.91 ?
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