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24/06/1993 | CEDH | N°14556/89

CEDH | AFFAIRE PAPAMICHALOPOULOS ET AUTRES c. GRÈCE


COUR (CHAMBRE)
AFFAIRE PAPAMICHALOPOULOS ET AUTRES c. GRÈCE
(Requête no14556/89)
ARRÊT
STRASBOURG
24 juin 1993
En l’affaire Papamichalopoulos et autres c. Grèce*,
La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à l’article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention")** et aux clauses pertinentes de son règlement, en une chambre composée des juges dont le nom suit:
MM.  R. Bernhardt, président,
F. Gölcüklü,
A. Spielmann,<

br> N. Valticos
R. Pekkanen,
J.M. Morenilla,
F. Bigi,
L. Wildhaber,
J. Makarczyk,
ainsi que...

COUR (CHAMBRE)
AFFAIRE PAPAMICHALOPOULOS ET AUTRES c. GRÈCE
(Requête no14556/89)
ARRÊT
STRASBOURG
24 juin 1993
En l’affaire Papamichalopoulos et autres c. Grèce*,
La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à l’article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention")** et aux clauses pertinentes de son règlement, en une chambre composée des juges dont le nom suit:
MM.  R. Bernhardt, président,
F. Gölcüklü,
A. Spielmann,
N. Valticos
R. Pekkanen,
J.M. Morenilla,
F. Bigi,
L. Wildhaber,
J. Makarczyk,
ainsi que de MM. M.-A. Eissen, greffier, et H. Petzold, greffier adjoint,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 1er février et 28 mai 1993,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date:
PROCEDURE
1. L’affaire a été déférée à la Cour par la Commission européenne des Droits de l’Homme ("la Commission") le 25 mai 1992, dans le délai de trois mois qu’ouvrent les articles 32 par. 1 et 47 (art. 32-1, art. 47) de la Convention. A son origine se trouve une requête (no 14556/89) dirigée contre la République hellénique et dont quatorze ressortissants de cet État, MM. Ioannis et Pantelis Papamichalopoulos, M. Petros Karayannis, Mme Angeliki Karayanni, M. Panayotis Zontanos, M. Nicolaos Kyriakopoulos, M. Constantinos Tsapalas, Mme Ioanna Pantelidi, Mme Marika Hadjinikoli, Mme Irini Kremmyda, Mme Christina Kremmyda, M. Athanas Kremmydas, M. Evangelos Zybeloudis et Mme Constantina Tsouri, avaient saisi la Commission le 7 novembre 1988 en vertu de l’article 25 (art. 25).
La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48 (art. 44, art. 48) ainsi qu’à la déclaration grecque reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour (article 46) (art. 46). Elle a pour objet d’obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l’État défendeur aux exigences de l’article 1 du Protocole no 1 (P1-1).
2. En réponse à l’invitation prévue à l’article 33 par. 3 d) du règlement, les requérants ont manifesté le désir de participer à l’instance et désigné leurs conseils (article 30).
3. La chambre à constituer comprenait de plein droit M. N. Valticos, juge élu de nationalité grecque (article 43 de la Convention) (art. 43), et M. R. Ryssdal, président de la Cour (article 21 par. 3 b) du règlement). Le 29 mai 1992, celui-ci a tiré au sort le nom des sept autres membres, à savoir MM. R. Bernhardt, F. Gölcüklü, A. Spielmann, R. Pekkanen, J.M. Morenilla, F. Bigi et J. Makarczyk, en présence du greffier (articles 43 in fine de la Convention et 21 par. 4 du règlement) (art. 43).
4. Ayant assumé la présidence de la chambre (article 21 par. 5 du règlement), M. Ryssdal a consulté par l’intermédiaire du greffier l’agent du gouvernement grec ("le Gouvernement"), le délégué de la Commission et les conseils des requérants au sujet de l’organisation de la procédure (articles 37 par. 1 et 38). Conformément à l’ordonnance rendue en conséquence, le greffier a reçu le mémoire des requérants le 17 novembre 1992 et celui du Gouvernement le 20. Le 14 décembre, le secrétaire de la Commission l’a informé que le délégué s’exprimerait en plaidoirie.
M. le président Ryssdal se trouvant empêché, M. le vice-président Bernhardt l’a remplacé à la tête de la chambre (article 21 par. 5, second alinéa), et M. L. Wildhaber, suppléant, en qualité de membre de celle-ci (articles 22 par. 1 et 24 par. 1).
5. Ainsi que l’avait décidé le président, qui avait autorisé les avocats des requérants à plaider en grec (article 27 par. 3 du règlement), l’audience s’est déroulée en public le 26 janvier 1993, au Palais des Droits de l’Homme à Strasbourg. La chambre avait tenu auparavant une réunion préparatoire.
Ont comparu:
- pour le Gouvernement
MM. P. Georgakopoulos, assesseur
auprès du délégué de Conseil juridique de l’État,  agent,
V. Kondolaimos, conseiller
auprès du Conseil juridique de l’État,  conseil;
- pour la Commission
M. L. Loucaïdes,  délégué;
- pour les requérants
Me G. Vitalis, avocat,
Me J. Stamoulis, avocat et député
au Parlement européen,  conseils.
La Cour a entendu en leurs déclarations, ainsi qu’en leurs réponses à ses questions, M. Kondolaimos pour le Gouvernement, M. Loucaides pour la Commission, Mes Vitalis et Stamoulis pour les requérants.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
6. Tous de nationalité grecque, les requérants sont propriétaires et copropriétaires de terrains dans la région d’Aghia Marina Loimikou, à Marathon d’Attique. Le 16 mars 1963, l’Office grec du tourisme donna son accord pour la construction sur le site d’un ensemble hôtelier; à la demande des intéressés, un cabinet d’architectes américain élabora un projet.
A. Les actions en restitution des terrains litigieux
7. Par une loi du 20 août 1967 (anagastikos nomos no 109, "la loi no 109/1967"), adoptée quelques mois après l’établissement de la dictature, l’État grec céda au Fonds de la marine nationale (Tameio Ethnikou Stolou) un domaine de 1 165 000 m2 à proximité de la plage d’Aghia Marina.
Dix des requérants, propriétaires d’une partie du domaine (165 000 m2 environ), saisirent le procureur près le tribunal de grande instance (Eissageleas Protodikon) d’Athènes, l’invitant à prendre des mesures provisoires et "à rétablir la situation initiale".
Par trois ordonnances du 30 juillet 1968, le procureur accueillit les demandes: les terrains litigieux ne relevaient pas du domaine public forestier, mais constituaient des terres agricoles cultivées par leurs propriétaires. L’une des trois ordonnances fut cependant rétractée pour "manque d’urgence" par le procureur près la cour d’appel d’Athènes, après l’opposition formée par le Fonds de la marine nationale.
Le 12 avril 1969, le ministre de l’Agriculture avisa le Quartier général de la Marine nationale de l’impossibilité de disposer d’une partie du domaine cédé et de la nécessité de prendre des mesures adéquates pour "le rétablissement du droit".
8. Toutefois, loin de restituer les terrains, la Marine nationale entreprit des travaux de construction d’une base navale et d’un lieu de villégiature pour officiers. Un décret royal du 12 novembre 1969 (publié au Journal officiel du 15 décembre 1969) classa toute la région d’Aghia Marina Loimikou comme "forteresse navale".
9. Après la chute de la dictature en 1974, M. Petros Papamichalopoulos, père des requérants Ioannis et Pantelis Papamichalopoulos, saisit le tribunal de grande instance d’Athènes d’une action en revendication de la propriété de trois terrains. Le tribunal statua le 28 février 1976: aux termes de son jugement (no 3031/1976), le demandeur avait effectivement acquis, en 1964, la propriété d’une superficie de 2 500 m2 par acte notarié; il ne s’agissait pas d’éléments du domaine public forestier, mais de parcelles cultivées et possédées successivement de bonne foi depuis 1890 par plusieurs particuliers; dès lors, le Fonds de la marine nationale devait les restituer.
10. La cour d’appel d’Athènes confirma ce jugement le 31 décembre 1976 (arrêt no 8011/1976). Elle estima qu’en 1967, l’État n’avait pas transféré la propriété des terrains litigieux car il ne possédait aucun titre et la présomption de propriété ne jouait qu’à l’égard des forêts et non des terres agricoles.
11. Le Fonds de la marine nationale forma un pourvoi que la Cour de cassation (Areios Pagos) rejeta le 14 juin 1978 (arrêt no 775/1978): les ascendants de M. Petros Papamichalopoulos avaient acquis la propriété de ses terrains par usucapion et conformément au droit romano-byzantin applicable à l’époque (en 1860).
12. Le 17 juillet 1978, M. Petros Papamichalopoulos signifia par huissier de justice les décisions susmentionnées au Fonds de la marine nationale, en vue de leur exécution. Suivi d’un huissier, il se présenta le 28 septembre à l’entrée de la base navale et demanda l’exécution des décisions judiciaires, mais le commandant de la base leur refusa l’accès au motif qu’il avait des ordres dans ce sens et qu’il faudrait une autorisation du Quartier général de la Marine nationale, lequel la refusa. Une démarche engagée auprès du procureur de la Cour de cassation n’aboutit pas non plus.
13. En août 1977, M. Karayannis et les autres requérants introduisirent deux actions en revendication des terrains litigieux devant le tribunal de grande instance d’Athènes. L’État intervint dans la procédure en faveur du Fonds de la marine nationale.
Par deux jugements avant dire droit de 1979 (nos 11903 et 11904/1979), le tribunal ordonna un complément d’instruction. Il estima en outre nécessaire de charger plusieurs experts d’examiner les titres de propriété possédés par les requérants et le Fonds de la marine nationale et de déposer, dans les cinq mois, un avis sur la question de savoir si lesdits terrains appartenaient aux plaignants ou relevaient du domaine forestier cédé par la loi no 109/1967. Toutefois, la procédure demeura pendante.
B. La tentative de récupération en échange de terrains d’égale valeur
14. Le 22 juillet 1980, le ministre de la Défense nationale informa les requérants que l’installation de la base navale empêchait la restitution des terrains litigieux mais qu’une procédure tendant à l’octroi d’autres terrains, en remplacement de ceux occupés par le Fonds de la marine nationale, se trouvait en cours.
15. Le 16 octobre 1980, le ministre de l’Agriculture invita la préfecture d’Attique de l’Est à céder aux intéressés des terrains d’égale valeur, qui seraient situés dans cette région. Il précisait que même si les décisions judiciaires déjà rendues concernaient certains seulement des particuliers dépossédés en 1967, les actions en justice éventuelles ou pendantes, introduites par d’autres propriétaires, connaîtraient à coup sûr une issue identique.
Nonobstant un décret du 19 juin 1981 réglementant la construction immobilière dans l’aire archéologique "Ramnoudos" de la vallée de Loimiko - qui comprenait les terrains litigieux -, le Fonds de la marine nationale poursuivit, dans l’enceinte de la base navale, la construction d’un complexe hôtelier.
16. Par une décision conjointe du 9 septembre 1981, les ministres de l’Économie, de l’Agriculture et de la Défense nationale instituèrent une commission d’experts. Chargée de sélectionner certains terrains proposés en échange par le ministère de l’Agriculture et d’en estimer la valeur, dont une parcelle à Dionyssos d’Attique (paragraphe 27 ci-dessous), elle formula ses conclusions dans un rapport du 14 janvier 1982.
17. Une loi no 1341/1983, publiée au Journal officiel du 30 mars 1983, reconnut expressément, dans son article 10 (paragraphe 29 ci-dessous), que les particuliers revendiquant la propriété des terrains occupés par le Fonds de la marine nationale pouvaient en demander d’autres en échange, suivant la procédure de l’article 263 du code rural (paragraphe 30 ci- dessous); elle prévoyait, à cette fin, la vérification des titres de propriété selon l’article 246 du même code.
Dans l’exposé des motifs, on pouvait lire:
"[L’]article [10] prévoit la possibilité de régler l’affaire des propriétés comprises dans le domaine (...) cédé par la loi no 109/1967 au Fonds de la marine nationale.
Il s’agit d’une étendue de 165 000 m2 environ. Des particuliers la revendiquent. Certains d’entre eux ont engagé des actions devant les tribunaux civils et obtenu de la Cour de cassation une décision définitive qui les reconnaît comme propriétaires. Considérant que les autres affaires [pendantes] risquent d’aboutir au même résultat et que le paiement d’indemnités constituerait une solution désavantageuse pour l’administration, il faudrait adopter un texte permettant [au restant des particuliers] de remplacer leurs propriétés par d’autres, relevant du domaine public et disponibles, sauf à contrôler au préalable leur qualité de propriétaires.
18. En vertu de ladite loi, les requérants saisirent la deuxième commission d’expropriation (Epitropi apallotriosseon) d’Athènes, composée du président du tribunal de grande instance d’Athènes et d’experts de l’administration. Par une décision no 17/1983, du 19 septembre 1983, elle reconnut leur droit de propriété sur une étendue de 104 018 m2. Elle releva ce qui suit:
"(...) il ressort des débats devant [elle], des écrits et plaidoiries ainsi que des pièces du dossier, que les intéressés (...) possédaient de bonne foi et de manière continue et régulière, depuis des temps immémoriaux jusqu’en 1967, une superficie de [160 000 m2] environ, sise à Aghia Marina Loimikou (...); que la superficie précitée avait depuis longtemps reçu une affectation agricole, comme le prouv[aient] plusieurs éléments (...)"
19. Le 8 décembre 1983, le Fonds de la marine nationale recourut contre cette décision devant le tribunal de grande instance d’Athènes; l’État grec se joignit à lui en intervenant dans la procédure le 25 janvier 1984.
Par un jugement du 31 mai 1984 (no 1890), le tribunal de grande instance déclara le recours irrecevable; d’après lui, seuls l’État ou les intéressés avaient qualité pour agir contre ladite décision et non des tiers comme le Fonds de la marine nationale.
20. La cour d’appel d’Athènes confirma le jugement le 29 décembre 1986.
21. Le ministre de l’Économie introduisit un pourvoi que la Cour de cassation déclara irrecevable le 8 janvier 1988 (arrêt no 5/1988), par les motifs suivants:
"(...) la loi no 1341/1983 a accordé à des tiers (...), qui invoquent des droits de propriété sur l’étendue comprise dans celle, plus grande, cédée au Fonds de la marine nationale, la possibilité de demander l’échange de celle qu’ils revendiquent avec une autre d’égale valeur (...). L’échange aura lieu conformément à la procédure prévue aux paragraphes 3, 4 et 5 de l’article 263 du code rural, c’est-à-dire par décision du ministre de l’Agriculture, après une procédure administrative devant une commission tripartite et conformément à l’article 263 du code rural. (...) Afin d’assurer la réalisation rapide et simple de cet échange, le législateur a donné aux intéressés la possibilité de suivre, pour faire reconnaître [leur qualité de propriétaire], la procédure simple et rapide de l’article 246 du code rural. En adoptant la disposition susmentionnée de l’article 10 de la loi no 1341/1983, il n’a pas entendu permettre la solution du différend qui risquerait de surgir si le Fonds de la marine nationale revendiquait contre des tiers la propriété sur l’étendue cédée par la loi no 109/1967, conformément à l’article 246 du code rural. Le Fonds de la marine nationale devra suivre à cette fin la procédure de droit commun. Cela ressort non seulement du libellé et de l’interprétation grammaticale de la disposition susmentionnée (...), mais aussi de l’objectif fixé par le législateur (...)
(...) En accordant aux seuls ‘particuliers’ (personnes physiques et morales) propriétaires de [ces] terrains (...) le droit de faire reconnaître leur propriété (...), l’auteur de la loi n’a introduit aucune discrimination injustifiée à l’égard du Fonds de la marine nationale et ne l’a pas privé de la protection judiciaire, car ce dernier conserve la possibilité, en suivant la procédure de droit commun, d’obtenir la reconnaissance de son droit de propriété, qui ne lui servira pas cependant à recevoir d’autres terrains car telle n’a pas été la volonté du législateur (...)"
Le 24 juin 1988, la Cour de cassation rejeta, par les mêmes motifs, le pourvoi que le Fonds de la marine nationale avait formé de son côté (arrêt no 1149/1988).
22. Le 25 juillet 1984, un nouveau décret étendit les limites géographiques de la "forteresse navale".
En application de l’article 10 de la loi no 1341/1983, la préfecture de l’Attique de l’Est informa, le 11 septembre 1985, le ministère de l’Agriculture et les requérants que certains des terrains proposés en échange faisaient l’objet d’un statut spécial de propriété; d’autres étaient déjà exploités, d’autres enfin protégés par la législation sur les forêts.
En novembre 1987, le ministère de l’Agriculture suggéra aux intéressés d’accepter des terrains situés dans le département de Pierrie, à 450 km d’Aghia Marina; il invita la préfecture de ce département à prospecter à cette fin. Face au silence de l’administration, trois députés interrogèrent au Parlement, en novembre 1988, les ministres de la Défense nationale et de l’Agriculture sur les suites données à l’affaire. Par une lettre du 25 octobre 1990, la direction de l’Agriculture de Pierrie avoua son impuissance à trouver des terrains appropriés.
C. Les actions en dommages-intérêts
23. Le 2 décembre 1979, les requérants avaient engagé devant le tribunal de grande instance d’Athènes, contre le Fonds de la marine nationale et l’État grec représenté par le ministère de l’Économie, deux actions en dommages-intérêts pour la privation de l’usage de leur propriété. Par deux jugements du 21 juin 1985, le tribunal ajourna l’examen de l’affaire au motif que la vérification des titres de propriété des demandeurs, à l’exception de M. Petros Papamichalopoulos, n’était pas terminée.
24. Auparavant, le Fonds de la marine nationale avait invité le Corps des experts jurés à établir la valeur des biens litigieux. L’expert nommé recueillit auprès du troisième requérant, M. Karayannis, l’avis de tous les propriétaires concernés sur les pièces et documents que lui avait communiqués le Fonds. Le 20 juin 1986, M. Karayannis pria ce dernier de le renseigner sur la nature des pièces mises à la disposition de l’expert. Le 10 mars 1987, le Fonds s’y refusa car "l’affaire revêtait le caractère d’une procédure interne, ce qui excluait l’intervention de tiers".
25. Plusieurs autres actions en indemnité échelonnées jusqu’en 1991 furent ajournées par le tribunal de grande instance d’Athènes ou n’ont pas encore été entendues, selon le cas.
D. Faits postérieurs à la décision de la Commission sur la recevabilité de la requête
26. Le 29 octobre 1991, le ministère de l’Économie demanda par écrit à la Société foncière de l’État (Ktimatiki Etaireia tou Dimossiou) de trouver des terrains pouvant servir à l’échange proposé; il attira en outre son attention sur l’obligation, pour l’État, de verser aux intéressés des montants exorbitants en cas d’échec de cette transaction. Dans sa réponse, la Société foncière de l’État invoqua derechef le manque de terrains disponibles.
27. Par un acte no 131 du Conseil des ministres, publié au Journal officiel du 17 octobre 1991, le conseil d’administration du Fonds de la Défense nationale avait cédé au ministère de l’Économie la propriété de 470 000 m2 appartenant au camp militaire désaffecté Dounis à Dionyssos d’Attique, proche des terrains litigieux (paragraphe 16 ci-dessus). Destinée à la vente, cette superficie fut incorporée au plan cadastral de Dionyssos et baptisée "quartier Semeli". Le 31 mai 1992, la Société foncière de l’État inséra des encarts publicitaires dans la presse.
Le 21 juillet 1992, l’avocat des requérants écrivit à la Société foncière de l’État pour se renseigner sur la possibilité d’attribuer à ses clients le nouveau quartier; le lendemain, il adressa la même lettre à tous les ministres compétents, au président du Conseil juridique de l’État et au directeur du Fonds de la marine nationale. Jusqu’ici les intéressés n’ont pas reçu de réponse, sauf la copie d’une lettre de la direction du ministère de l’Économie chargée des biens publics à la Société foncière de l’État, la "(...) pri[ant] d’agir en raison de sa compétence et d’en informer le demandeur et les autres services publics qui s’occup[ai]ent de l’affaire".
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
A. La Constitution
28. Aux termes de l’article 17 de la Constitution grecque de 1952, applicable à l’époque de l’adoption de la loi litigieuse:
"1. Nul n’est privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique dûment prouvée, dans les cas et suivant la procédure déterminés par la loi et toujours moyennant une indemnité préalable et complète. L’indemnité est toujours fixée par les juridictions civiles; en cas d’urgence, elle peut aussi être fixée provisoirement par voie judiciaire, après audition ou convocation de l’ayant droit, que le tribunal, à sa discrétion, peut obliger à fournir un cautionnement correspondant à celle-ci, selon les modalités prévues par la loi. Avant le paiement de l’indemnité fixée définitivement ou provisoirement, tous les droits du propriétaire restent intacts, l’occupation de la propriété n’étant pas permise.
4. Des lois spéciales règlent les matières concernant les réquisitions pour les besoins des forces armées en cas de guerre ou de mobilisation, ou pour parer à une nécessité sociale immédiate de nature à mettre en danger l’ordre public ou la santé publique."
De son côté, l’article 17 de la Constitution de 1975, actuellement en vigueur, dispose:
"1. La propriété est placée sous la protection de l’État. Les droits qui en dérivent ne peuvent toutefois s’exercer au détriment de l’intérêt général.
2. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dûment prouvée, dans les cas et suivant la procédure déterminés par la loi et toujours moyennant une indemnité préalable complète. Celle-ci doit correspondre à la valeur que la propriété expropriée possède le jour de l’audience sur l’affaire concernant la fixation provisoire de l’indemnité par le tribunal. Dans le cas d’une demande visant à la fixation immédiate de l’indemnité définitive, est prise en considération la valeur que la propriété expropriée possède le jour de l’audience du tribunal sur cette demande.
3. Il n’est pas tenu compte du changement éventuel de la valeur de la propriété expropriée survenu après la publication de l’acte d’expropriation et exclusivement en raison de celle-ci.
4. L’indemnité est toujours fixée par les tribunaux civils; elle peut même être fixée provisoirement par voie judiciaire, après audition ou convocation de l’ayant droit, que le tribunal peut, à sa discrétion, obliger à fournir une caution analogue avant l’encaissement de l’indemnité, selon les dispositions de la loi.
Jusqu’au versement de l’indemnité définitive ou provisoire, tous les droits du propriétaire restent intacts, l’occupation de sa propriété n’étant pas permise.
L’indemnité fixée doit être versée au plus tard dans un délai d’un an et demi après la publication de la décision fixant l’indemnité provisoire; dans le cas d’une demande de fixation immédiate de l’indemnité définitive, celle-ci doit être versée au plus tard dans un délai d’un an et demi après la publication de la décision du tribunal fixant l’indemnité définitive, faute de quoi l’expropriation est levée de plein droit.
L’indemnité, en tant que telle, n’est soumise à aucune imposition, taxe ou retenue.
5. La loi fixe les cas où il y a lieu d’accorder obligatoirement un dédommagement aux ayants droit, pour la perte de revenus provenant de la propriété immobilière expropriée, jusqu’au jour du paiement de l’indemnité.
6. Dans les cas d’exécution de travaux d’utilité publique ou d’un intérêt plus général pour l’économie du pays, la loi peut permettre l’expropriation au profit de l’État de zones plus vastes, se trouvant en dehors des terrains nécessaires à l’exécution des travaux. Cette même loi fixe les conditions et les termes d’une telle expropriation ainsi que les modalités de la disposition ou de l’utilisation, aux fins publiques ou d’utilité publique en général, des terrains expropriés qui ne sont pas nécessaires pour l’exécution du travail envisagé.
B. La loi no 1341/1983 du 30 mars 1983
29. D’après l’article 10 de la loi no 1341/1983,
"Les terrains sur lesquels des tiers font valoir des droits de propriété et qui font partie de la superficie sise à Aghia Marina Loimikou - d’Attique, qui fut cédée au Fonds de la marine nationale en vertu de l’acte législatif 109/1967 (...), peuvent, sur demande des intéressés, faire l’objet d’un échange avec des terrains d’égale valeur, destinés à l’usage public (koinohristes) ou disponibles suivant la législation relative à l’occupation des sols, et conformément à la procédure prévue aux paragraphes 3, 4 et 5 de l’article 263 du code rural.
Pour faire reconnaître leurs droits de propriété sur lesdits terrains, les intéressés peuvent suivre la procédure prévue à l’article 246 du code rural (...)"
C. Le code rural
30. Les paragraphes pertinents des articles 246 et 263 du code rural se lisent ainsi:
Article 246 (modifié par l’article 27 de la loi no 3194/1955)
"Reconnaissance de titre de propriété
1. La Commission d’expropriation compétente, lorsqu’elle est saisie par les intéressés, se prononce sur les titres de propriété des terrains expropriés conformément à la loi 4857 et à l’article 242 du présent code.
Dans un délai péremptoire de trois mois à compter de la notification de la décision, l’État, ainsi que les intéressés, peuvent attaquer celle-ci devant le tribunal de grande instance territorialement compétent, qui statue en dernier ressort selon la procédure prévue aux articles suivants.
2. Les jugements rendus par les tribunaux de grande instance avant l’entrée en vigueur de la présente loi, et conformément à l’article 246 du code rural, sont susceptibles d’appel dans un délai péremptoire d’un an à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, devant la cour d’appel territorialement compétente (...)
Article 263
4. Les personnes reconnues propriétaires de terrains expropriés sont invitées par le ministre de l’Agriculture (...) à déposer une attestation notariée par laquelle elles déclarent accepter l’échange de terrains opéré selon le paragraphe précédent et renoncer à toute demande d’indemnité.
5. L’attribution susmentionnée de terrains publics, communaux ou coopératifs s’opérera par décision du ministre de l’Agriculture, tenant lieu de titre de propriété et sujette à inscription au registre foncier.
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION
31. Les requérants ont saisi la Commission le 7 novembre 1988. Ils invoquaient l’article 1 du Protocole no 1 (P1-1): l’occupation de leurs terrains, depuis 1967, par le Fonds de la marine nationale serait illégale et ils n’auraient pu à ce jour ni disposer de leurs biens ni recevoir une indemnité.
32. La Commission a retenu la requête (no 14556/89) le 5 mars 1991. Dans son rapport du 9 avril 1992 (article 31) (art. 31), elle conclut à l’unanimité à la violation de l’article 1 du Protocole no 1 (P1-1). Le texte intégral de son avis et des deux opinions concordantes dont il s’accompagne figure en annexe au présent arrêt*.
CONCLUSIONS PRESENTEES A LA COUR
33. Les requérants demandent
"que l’État grec soit obligé de reconnaître [leur] propriété ou copropriété sur la superficie mentionnée (...) et la part de chacun d’entre [eux], exprimée en m2; qu’il soit obligé de restituer à chacun d’entre [eux] cette terre, telle qu’elle est notée dans la décision no 17/1983 de la Commission d’expropriation d’Athènes.
Autrement, que l’État grec soit obligé de [leur] verser, à titre d’indemnité, la somme de 11 639 547 000 drachmes, somme qui sera distribuée à chacun d’entre [eux] selon sa part en tant que propriétaire ou copropriétaire.
Cette somme sera versée à intérêt légal, fixé par la loi grecque, à compter du jour où [la] décision [de la Cour] sera publiée et jusqu’au jour du paiement."
34. Pour sa part, le Gouvernement invite la Cour à "rejeter en entier la requête de Ioannis Papamichalopoulos et des treize autres intéressés contre la République hellénique".
EN DROIT
I. SUR LES EXCEPTIONS PRELIMINAIRES DU GOUVERNEMENT
35. Le Gouvernement allègue que les requérants, sauf les héritiers de M. Petros Papamichalopoulos, ne peuvent se prétendre "victimes" au sens de l’article 25 par. 1 (art. 25-1); ils n’auraient pas non plus épuisé les voies de recours internes comme l’exige l’article 26 (art. 26). Sur l’un et l’autre point, il tire argument de ce que leurs actions en revendication demeurent pendantes devant le tribunal de grande instance d’Athènes (paragraphe 13 ci-dessus).
36. Les deux exceptions préliminaires dont il s’agit se heurtent à la forclusion. En effet, le Gouvernement n’avait pas du tout présenté la première devant la Commission. Quant à la seconde, il ne l’avait formulée que pour les procédures d’indemnisation (paragraphes 23-25 ci-dessus); le délégué le relève à juste titre.
II. SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1 (P1-1)
37. Selon les intéressés, l’occupation illégale de leurs terrains par le Fonds de la marine nationale depuis 1967 a enfreint l’article 1 du Protocole no 1 (P1-1), ainsi libellé:
"Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes."
Le Gouvernement combat cette thèse, tandis que la Commission y souscrit.
38. Le Gouvernement conteste aux intéressés - hormis les héritiers de M. Petros Papamichalopoulos - la qualité de propriétaires, car aucune décision judiciaire ne la leur aurait encore reconnue et la procédure engagée par eux en 1977 n’aurait toujours pas abouti (paragraphe 13 ci-dessus). Il leur impute la responsabilité de ce retard, qu’il attribue à leur refus de faciliter la réalisation de l’expertise ordonnée en 1979 (paragraphe 13 ci-dessus).
39. La Cour ne partage pas cette opinion.
Dès 1968, le procureur près le tribunal de grande instance d’Athènes accueillit les demandes de mesures provisoires formulées par certains requérants (paragraphe 7 ci-dessus). D’autre part, le ministre de l’Agriculture, dans sa lettre du 12 avril 1969, invita le Quartier général de la marine nationale à prendre les dispositions adéquates pour "le rétablissement du droit". Enfin, l’attitude des autorités durant l’année 1980 (paragraphes 14-15 ci-dessus) et surtout l’adoption de la loi no 1341/1983 (paragraphe 17 ci-dessus), ainsi que la décision de la deuxième commission d’expropriation d’Athènes (paragraphe 18 ci-dessus), militent en faveur de la thèse des intéressés.
Pour les besoins du présent litige, il y a donc lieu de considérer ces derniers comme propriétaires des terrains en cause.
40. L’atteinte alléguée par les requérants a commencé en 1967, avec l’adoption de la loi no 109/1967 (paragraphe 7 ci-dessus). A l’époque, la Grèce avait déjà ratifié la Convention et le Protocole no 1 (P1), le 28 mars 1953; ils étaient entrés en vigueur à son égard le 3 septembre 1953 pour la première et le 18 mai 1954 pour le second. Elle les dénonça le 12 décembre 1969, avec effet au 13 juin 1970 (article 65 par. 1 de la Convention) (art. 65-1), mais sans se trouver pour autant dégagée des obligations résultant d’eux "en ce qui concerne tout fait qui, pouvant constituer une violation de ces obligations, aurait été accompli par elle" auparavant (article 65 par. 2) (art. 65-2); elle les ratifia derechef le 28 novembre 1974, après l’effondrement de la dictature militaire issue du coup d’État d’avril 1967.
Sans doute la Grèce ne reconnut-elle la compétence de la Commission en matière de requêtes "individuelles" (article 25) (art. 25) que le 20 novembre 1985, et seulement pour les actes, décisions, faits ou événements postérieurs à cette date (Annuaire de la Convention, volume 28, p. 10), mais le Gouvernement n’a invoqué à ce sujet en l’espèce aucune exception préliminaire et la question n’appelle pas un examen d’office. La Cour se borne à noter que les griefs des intéressés ont trait à une situation continue, qui subsiste à l’heure actuelle.
41. L’occupation des terrains litigieux par le Fonds de la marine nationale a représenté une ingérence manifeste dans la jouissance du droit des requérants au respect de leurs biens. Elle ne relevait pas de la réglementation de l’usage de biens, au sens du second alinéa de l’article 1 du Protocole no 1 (P1-1). D’autre part, les intéressés n’ont pas subi d’expropriation formelle: la loi no 109/1967 n’a pas transféré la propriété desdits terrains au Fonds de la marine nationale.
42. La Convention visant à protéger des droits "concrets et effectifs", il importe de déterminer si la situation incriminée n’équivalait pas néanmoins à une expropriation de fait, comme le prétendent les requérants (voir, entre autres, l’arrêt Sporrong et Lönnroth c. Suède du 23 septembre 1982, série A no 52, p. 24, par. 63).
43. Il échet de rappeler que le Fonds de la marine nationale s’empara en 1967, en vertu d’une loi édictée par le gouvernement militaire d’alors, d’un large domaine qui comprenait les terrains des intéressés; il y établit une base navale ainsi qu’un lieu de villégiature pour les officiers et leurs familles.
A partir de cette date, les requérants ne purent ni user de leurs biens, ni les vendre, les léguer, les donner ou les hypothéquer; M. Petros Papamichalopoulos, le seul qui eût obtenu une décision judiciaire définitive enjoignant à la Marine nationale de lui rendre sa propriété, se vit même refuser l’accès à celle-ci (paragraphes 11-12 ci-dessus).
44. La Cour note pourtant que les autorités avaient attiré l’attention de la Marine nationale, dès 1969, sur l’impossibilité de disposer d’une partie du domaine (paragraphe 7 ci-dessus). Après le rétablissement de la démocratie, elles cherchèrent des moyens propres à réparer le préjudice causé aux intéressés. Ainsi, elles préconisaient en 1980 sinon de restituer lesdits terrains, du moins de les échanger contre d’autres, d’égale valeur (paragraphes 15-16 ci-dessus). Cette initiative conduisit au vote de la loi no 1341/1983, destinée à régler au plus vite, selon les termes mêmes de l’arrêt de la Cour de cassation du 8 janvier 1988, le problème créé en 1967 (paragraphe 21 ci-dessus). La deuxième commission d’expropriation d’Athènes les ayant tous reconnus propriétaires en 1983 (paragraphes 18-21 ci-dessus), les requérants aspiraient depuis lors à l’attribution des terrains promis. Toutefois, ni ceux d’Attique ni ceux de Pierrie ne purent faire l’objet de l’opération projetée (paragraphe 22 ci- dessus); les requérants essayèrent de récupérer, en 1992, une partie du "quartier Semeli", mais cette démarche n’aboutit pas davantage (paragraphe 27 ci-dessus).
45. La Cour estime que la perte de toute disponibilité des terrains en cause, combinée avec l’échec des tentatives menées jusqu’ici pour remédier à la situation incriminée, a engendré des conséquences assez graves pour que les intéressés aient subi une expropriation de fait incompatible avec leur droit au respect de leurs biens.
46. En conclusion, il y a eu et il y a violation de l’article 1 du Protocole no 1 (P1-1).
III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 50 (art. 50) DE LA CONVENTION
47. Aux termes de l’article 50 (art. 50),
"Si la décision de la Cour déclare qu’une décision prise ou une mesure ordonnée par une autorité judiciaire ou toute autre autorité d’une Partie Contractante se trouve entièrement ou partiellement en opposition avec des obligations découlant de la (...) Convention, et si le droit interne de ladite Partie ne permet qu’imparfaitement d’effacer les conséquences de cette décision ou de cette mesure, la décision de la Cour accorde, s’il y a lieu, à la partie lésée une satisfaction équitable."
48. A titre principal, les requérants sollicitent la restitution des terrains litigieux et une indemnité de 17 459 080 000 drachmes pour privation de jouissance; ils entendent recevoir en outre, en cas de non-restitution, une somme correspondant à la valeur actuelle de leurs propriétés, à savoir, selon leurs estimations, 11 639 547 000 drachmes. Ils semblent revendiquer de surcroît 6 milliards de drachmes, à raison de l’énorme préjudice moral que leur aurait causé pendant vingt-cinq ans le comportement arbitraire de l’État. Ils réclament enfin, au total, plus de 2 milliards de drachmes du chef de leur frais et dépens devant les juridictions nationales et devant les organes de la Convention.
Le Gouvernement conteste le mode de calcul des intéressés; il le trouve "arbitraire et tout à fait illogique". Il souligne que s’ils obtenaient gain de cause devant la Cour européenne, l’arsenal juridique grec leur offrirait une série de recours efficaces qui leur permettraient de se faire indemniser de la perte de leurs propriétés ou de l’usage de celles-ci. Quant à leurs prétentions pour dommage moral, il les estime dépourvues de tout fondement car ils auraient eux-mêmes abandonné les procédures judiciaires qu’ils avaient engagées devant les tribunaux grecs. Enfin, il qualifie d"hypothétiques" les frais et dépens dont ils exigent le remboursement.
Le délégué de la Commission, lui, considère que les éléments fournis par le Gouvernement et les requérants ne constituent pas une base fiable pour l’évaluation exacte du préjudice souffert par les seconds; aucune des méthodes de calcul employées à cette fin ne lui paraît satisfaisante. Il invite dès lors la Cour à réserver la question et à ordonner une expertise; si toutefois elle souhaitait statuer par un seul arrêt sur l’existence d’un manquement et sur la satisfaction équitable, il proposerait d’allouer un montant de 620 775 840 drachmes, plus les frais et dépens.
49. Dans les circonstances de la cause, la Cour estime que la question de l’application de l’article 50 (art. 50) ne se trouve pas en état, de sorte qu’il échet de la réserver en tenant compte de l’éventualité d’un accord entre l’État défendeur et les requérants (article 54 paras. 1 et 4 du règlement).
PAR CES MOTIFS, LA COUR, A L’UNANIMITE,
1. Déclare le Gouvernement forclos à exciper du défaut de la qualité de victime dans le chef des requérants, ainsi que du non-épuisement des voies de recours internes;
2. Dit qu’il y a eu et il y a violation de l’article 1 du Protocole no 1 (P1-1);
3. Dit que la question de l’application de l’article 50 (art. 50) de la Convention ne se trouve pas en état; en conséquence,
a) la réserve en entier;
b) invite le Gouvernement et les requérants à lui communiquer, dans les deux mois, les noms et qualités d’experts choisis d’un commun accord pour évaluer les terrains litigieux et à lui donner connaissance le cas échéant, dans les huit mois suivant l’expiration de ce délai, de tout règlement amiable qu’ils viendraient à conclure avant pareille évaluation;
c) réserve la procédure ultérieure et délègue à son président le soin de la fixer en temps voulu.
Fait en français et en anglais, puis prononcé en audience publique au Palais des Droits de l’Homme, à Strasbourg, le 24 juin 1993.
Rudolf BERNHARDT
Président
Marc-André EISSEN
Greffier
* L'affaire porte le n° 18/1992/363/437.  Les deux premiers chiffres en indiquent le rang dans l'année d'introduction, les deux derniers la place sur la liste des saisines de la Cour depuis l'origine et sur celle des requêtes initiales (à la Commission) correspondantes.
** Tel que l'a modifié l'article 11 du Protocole n° 8 (P8-11), entré en vigueur le 1er janvier 1990.
* Note du greffier: pour des raisons d'ordre pratique il n'y figurera que dans l'édition imprimée (volume 260-B de la série A des publications de la Cour), mais on peut se le procurer auprès du greffe.
MALONE v. THE UNITED KINGDOM JUGDMENT
ARRÊT PAPAMICHALOPOULOS ET AUTRES c. GRÈCE
ARRÊT PAPAMICHALOPOULOS ET AUTRES c. GRÈCE


Synthèse
Formation : Cour (chambre)
Numéro d'arrêt : 14556/89
Date de la décision : 24/06/1993
Type d'affaire : Arrêt (au principal)
Type de recours : Exception préliminaire rejetée (victime) ; Exception préliminaire rejetée (non-épuisement) ; Violation de P1-1 ; Satisfaction équitable réservée

Analyses

(Art. 34) VICTIME, (Art. 35-1) EPUISEMENT DES VOIES DE RECOURS INTERNES


Parties
Demandeurs : PAPAMICHALOPOULOS ET AUTRES
Défendeurs : GRÈCE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1993-06-24;14556.89 ?

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