La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/03/1994 | CEDH | N°22290/93

CEDH | J.-P.C. contre la FRANCE


SUR LA RECEVABILITÉ de la requête No 22290/93 présentée par J.-P. C. contre la France La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 2 mars 1994 en présence de MM. H. DANELIUS, Président en exercice G. JÖRUNDSSON J.-C. SOYER H.G. SCHERMERS Mme G.H. THUNE MM. F. MARTINEZ L. LOUCAIDES J.-C. GEUS M.A. NOWICKI I. CABRAL BARRETO J. MUCHA D. SVÁBY M

. K. ROGGE, Secrétaire de la Chambre ; Vu l'artic...

SUR LA RECEVABILITÉ de la requête No 22290/93 présentée par J.-P. C. contre la France La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 2 mars 1994 en présence de MM. H. DANELIUS, Président en exercice G. JÖRUNDSSON J.-C. SOYER H.G. SCHERMERS Mme G.H. THUNE MM. F. MARTINEZ L. LOUCAIDES J.-C. GEUS M.A. NOWICKI I. CABRAL BARRETO J. MUCHA D. SVÁBY M. K. ROGGE, Secrétaire de la Chambre ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 15 juillet 1993 par J.-P. C. contre la France et enregistrée le 20 juillet 1993 sous le No de dossier 22290/93 ; Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Le requérant, né en 1941, est actuellement détenu à la maison d'arrêt de Rennes. Devant la Commission, il est représenté par Maître Marie-Laure de Menou, avocate au barreau de Rennes. Les faits, tels qu'ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit. Le 10 décembre 1987, à Bain de Bretagne, eut lieu un vol à main armée, commis par deux hommes masqués au détriment d'un employé de banque, agressé au moment où il descendait de sa voiture porteur d'une sacoche contenant des fonds qu'il avait collectés. Dans les heures qui suivirent le vol, plusieurs personnes furent entendues par la gendarmerie et donnèrent des indications sur le véhicule utilisé par les malfaiteurs ainsi qu'une description générale de leurs caractéristiques physiques. Le 11 décembre 1987, l'un de ces témoins, G., déclara aux gendarmes : "je pense que je pourrais reconnaître cette personne (le malfaiteur) si je la croisais ou voyais sur une photographie". Le 24 mars 1988, le requérant, soupçonné d'avoir participé à ce hold-up, ainsi qu'à deux autres cambriolages commis en septembre 1987 et mars 1988, fut inculpé de vol avec port d'arme. Il demanda à être confronté aux témoins des faits de l'agression commise le 10 décembre 1987. Un an plus tard, le juge d'instruction ordonna la présentation aux témoins d'un album photographique contenant notamment une photographie du requérant. L'album ne fut toutefois pas présenté à G. Par arrêt du 3 juillet 1991, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Caen, statuant sur renvoi après cassation d'un premier arrêt de mise en accusation daté du 10 janvier 1991, prononça le renvoi du requérant devant la cour d'assises de Rennes. Devant la chambre d'accusation le requérant se plaignit de ne jamais avoir été confronté pendant l'instruction ni à la victime du vol ni aux autres témoins mais ce grief fut rejeté au motif que toute confrontation aurait été inutile puisqu'aucune reconnaissance formelle n'était possible en raison du fait que les agresseurs étaient masqués. La chambre d'accusation retint cependant à charge du requérant les éléments suivants : découverte dans son véhicule de plusieurs objets provenant de la voiture volée utilisée lors de l'agression, découverte d'armes et d'argent provenant du vol au domicile d'une co-inculpée, déclarations et aveux concordants de deux autres co-inculpés, après confrontation avec le requérant. A l'ouverture du procès devant la cour d'assises, le requérant demanda au président de faire citer l'ensemble des témoins. Le 31 mars 1992, le président de la cour donna ordre de rechercher tous les témoins afin qu'ils comparaissent à l'audience du lendemain. Tous les témoins comparurent, à l'exception de G. qui ne put être joint. Le président de la cour d'assises donna alors lecture de la déposition de G., faite le 11 décembre 1987. Le requérant fut condamné à 12 ans de réclusion criminelle. Il se pourvut en cassation en invoquant la violation de l'article 6 par. 3 d) de la Convention, du fait de l'absence de comparution de G. à l'audience de la cour d'assises et de la lecture de sa déposition par le président. Par arrêt du 17 février 1993, la Cour de cassation rejeta le pourvoi.
GRIEF Le requérant se plaint de n'avoir jamais été confronté à l'un des témoins au cours de l'instruction et de l'absence de comparution de ce témoin à l'audience de jugement. Il estime qu'il n'a pas bénéficié d'un procès équitable au sens de l'article 6 par. 1 et 3 d) de la Convention.
EN DROIT Le requérant se plaint de ne pas avoir été confronté à l'un des témoins et invoque l'article 6 par. 1 et 3 d) (art. 6-1, 6-3-d) de la Convention. L'article 6 (art. 6) se lit comme suit : "1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ... 3. Tout accusé a droit notamment à : ... d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; ..." La Commission rappelle que les exigences du paragraphe 3 de l'article 6 (art. 6) représentent des aspects particuliers du droit à un procès équitable garanti par le paragraphe 1 (art. 6-1). Le grief du requérant sera donc examiné sous l'angle de ces deux textes combinés. La Commission rappelle ensuite que "les éléments de preuve doivent normalement être produits devant l'accusé en audience publique, en vue d'un débat contradictoire. Il n'en résulte pourtant pas que la déclaration d'un témoin doive toujours se faire dans le prétoire et en public pour pouvoir servir de preuve; en particulier, cela peut se révéler impossible dans certains cas. Utiliser de la sorte des dépositions remontant à la phase de l'instruction préparatoire ne se heurte pas en soi aux paragraphes 3 d) et 1 de l'article 6 (art. 6-1, 6-3-d), sous réserve du respect des droits de la défense. En règle générale, ils commandent d'accorder à l'accusé une occasion adéquate et suffisante de contester un témoignage à charge et d'en interroger l'auteur, au moment de la déposition ou plus tard."(Cour eur. D.H., arrêt Asch du 26 avril 1991, série A n° 203, p. 1O, par. 25 et 27). En outre, faute de pouvoir obtenir la présence d'un témoin dans le prétoire, il est loisible au tribunal, sous réserve des droits de la défense, d'avoir égard aux dépositions recueillies par la police et le magistrat instructeur, d'autant qu'elles peuvent lui avoir semblé corroborées par d'autres données en sa possession (Cour eur. D.H., arrêt Artner du 28 août 1992, Série A n° 242-A, p. 10, par. 22). En l'espèce, la Commission note que tous les témoins dont le requérant demandait l'audition ont été cités et entendus, sauf le témoin G. Elle estime que l'absence de comparution de celui-ci et la lecture par le président de la cour d'assises de sa déposition, n'a pas eu pour conséquence de vicier l'ensemble de la procédure dans la mesure où, au vu des autres éléments de preuve retenus à charge du requérant par l'arrêt de mise en accusation, il n'a pas été démontré par le requérant que le témoignage en question eût été d'une importance fondamentale pour sa défense. Dans ces conditions, la Commission estime qu'il n'apparaît pas qu'il ait été porté atteinte aux droits de la défense tels que garantis par l'article 6 par. 3 d) (art. 6-3-d) de la Convention. Il s'ensuit que la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Par ces motifs, la Commission, à la majorité, DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire de la Le Président en exercice de la Deuxième Chambre Deuxième Chambre (K. ROGGE) (H. DANELIUS)


Synthèse
Formation : Commission (deuxième chambre)
Numéro d'arrêt : 22290/93
Date de la décision : 02/03/1994
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : Partiellement irrecevable

Parties
Demandeurs : J.-P.C.
Défendeurs : la FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1994-03-02;22290.93 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award