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07/04/1994 | CEDH | N°20913/92

CEDH | G.M-B. contre la FRANCE


SUR LA RECEVABILITÉ de la requête No 20913/92 présentée par G. M-B contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 7 avril 1994 en présence de MM. S. TRECHSEL, Président H. DANELIUS G. JÖRUNDSSON J.-C. SOYER H.G. SCHERMERS Mme G.H. THUNE MM. F. MARTINEZ L. LOUCAIDES J.-C. GEUS M.A. NOWICKI I. CABRAL BARRET

O J. MUCHA D. SVÁBY M. K. RO...

SUR LA RECEVABILITÉ de la requête No 20913/92 présentée par G. M-B contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 7 avril 1994 en présence de MM. S. TRECHSEL, Président H. DANELIUS G. JÖRUNDSSON J.-C. SOYER H.G. SCHERMERS Mme G.H. THUNE MM. F. MARTINEZ L. LOUCAIDES J.-C. GEUS M.A. NOWICKI I. CABRAL BARRETO J. MUCHA D. SVÁBY M. K. ROGGE, Secrétaire de la Chambre ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 7 septembre 1992 par G. M-B contre la France et enregistrée le 5 novembre 1992 sous le No de dossier 20913/92 ; Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT
A. Circonstances particulières de l'affaire Le requérant est un ressortissant français, né en 1953 à Marseille. Il est député européen et réside à Marseille. Dans la procédure devant la Commission, il est représenté par Maître Divier, avocat au barreau de Paris. Les faits, tels qu'il ont été exposés par le requérant, peuvent être résumés comme suit. Suite à la publication d'un ouvrage, en 1990, dénonçant diverses infractions qui auraient été commises au préjudice de la ville de Marseille, à l'occasion de la passation de marchés publics, le requérant mit en demeure la municipalité de la ville d'exercer une action civile en réparation de ce préjudice. Cette mise en demeure étant restée vaine, le requérant demanda au tribunal administratif de Marseille l'autorisation d'intenter l'action en justice au nom de la commune, ce en vertu de l'article L. 316-5 du Code des communes relatif à l'exercice par un contribuable des actions en justice appartenant à la commune. Cette autorisation fut accordée par une décision du tribunal administratif en date du 11 juin 1991 et, le 20 juin 1991, le requérant adressa au juge d'instruction de Marseille une plainte avec constitution de partie civile pour faux en écritures privées et de commerce, usage de faux, ingérence, corruption, trafic d'influence, complicité et recel, visant notamment deux députés, P. et S. Par arrêt du 21 août 1991, la chambre criminelle de la Cour de cassation chargea la chambre d'accusation de la cour d'appel de Lyon de l'instruction de l'affaire, en vertu de l'article 681 du Code de procédure pénale, qui dispose que lorsqu'un élu est susceptible d'être inculpé d'un délit commis dans l'exercice de ses fonctions, l'instruction en est confiée à une chambre d'accusation. Le 27 septembre 1991, le procureur général de la cour d'appel de Lyon requit l'ouverture d'une information notamment contre P. et S. P. exerça un recours contre la décision du tribunal administratif du 11 juin 1991 et la section de l'intérieur du Conseil d'Etat rendit un avis tendant à ce que la décision du tribunal soit annulée. Par décret en date du 21 novembre 1991, le premier ministre annula la décision du tribunal du 11 juin 1991 en tant qu'elle concernait P. Suite à des réquisitions du procureur général tendant à faire constater l'irrecevabilité de la plainte avec constitution de partie civile, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Lyon, par arrêt du 31 janvier 1992, sursit à statuer sur la recevabilité de la constitution de partie civile en ce qu'elle concernait P. et impartit un délai au requérant, partie civile, pour saisir la juridiction administrative compétente d'un recours en appréciation de la légalité du décret du 21 novembre 1991. Le 12 février 1992, le requérant forma un recours pour excès de pouvoir contre ce décret. Par un premier arrêt du 26 juin 1992, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, rappela que le tribunal administratif, saisi d'une demande d'autorisation d'agir au nom de la commune, devait vérifier que "l'action envisagée présent(ait) un intérêt suffisant pour la commune et qu'elle a(vait) une chance de succès". Il rejeta le recours du requérant aux motifs d'une part que la plainte avec constitution de partie civile "ne paraissait pas pouvoir présenter un intérêt suffisant pour la ville de Marseille" et que, d'autre part, les allégations du requérant "n'étaient pas assorties des précisions nécessaires pour en apprécier la portée". Par un second arrêt du même jour, le Conseil d'Etat, sur recours formé par S., annula la décision du tribunal du 11 juin 1991 en tant qu'elle concernait P. et S. et annula également d'autres décisions de ce même tribunal autorisant d'autres contribuables à agir. Le 16 septembre 1992, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Lyon considéra qu'en l'absence de la justification d'un préjudice personnel résultant des faits visés par la plainte du requérant, l'autorisation donnée par le tribunal administratif d'agir au nom de la commune constituait le seul fondement de la recevabilité de l'action du requérant. Cette autorisation d'agir ayant été annulée par le Conseil d'Etat, elle déclara irrecevable la constitution de partie civile du requérant. Le pourvoi formé par le requérant contre cet arrêt, fondé notamment sur l'article 6 par. 1 de la Convention, fut rejeté par la Cour de cassation le 9 février 1993 aux motifs notamment que la chambre d'accusation avait justifié sa décision et que "lorsque des infractions caus(aient) un dommage à une collectivité publique, un contribuable de cette dernière n'en éprouv(ait) qu'un préjudice indirect et, exception faite du cas prévu par l'article L. 316-5 du Code des communes, ne (pouvait) se constituer partie civile devant les juridictions répressives".
B. Droit interne pertinent Les articles pertinents du Code des communes sont les articles: L 316-5 : "Tout contribuable inscrit au rôle de la commune a le droit d'exercer, tant en demande qu'en défense, à ses frais et risques, avec l'autorisation du tribunal administratif, les actions qu'il croit appartenir à la commune, et que celle-ci, préalablement appelée à en délibérer, a refusé ou négligé d'exercer." L 316-7 : "Le pourvoi devant le Conseil d'Etat est introduit et jugé selon la forme administrative. La commune est mise en cause et la décision a effet à son égard." Mécanisme du régime d'autorisation de plaider antérieur à 1992: La décision prise par le tribunal administratif, acte administratif unilatéral, pouvait être contestée devant la section de l'intérieur du Conseil d'Etat, qui instruisait l'affaire et proposait un projet de décret à la signature du président de la République puis, à partir de 1958, du premier ministre, lesquels ne s'écartaient pas de l'avis émis par la section. Mécanisme du régime d'autorisation de plaider depuis 1992 : Le décret du 26 février 1992, relatif à l'exercice, par un contribuable, des actions en justice appartenant à la commune n'a pas modifié la nature des décisions des tribunaux administratifs, mais celles-ci doivent désormais être contestées devant la section du contentieux du Conseil d'Etat, laquelle exerce sa compétence juridictionnelle en premier et dernier ressort. En outre, la section du contentieux a décidé de remplacer l'exigence de "chances sérieuses de succès" par celle, plus favorable aux demandeurs, de "chance de succès", cette inflexion étant également imposée aux tribunaux administratifs.
GRIEFS
1. Le requérant soutient tout d'abord que l'instance qu'il a introduite devant les juridictions administratives, pour se voir autorisé à se constituer partie civile au nom et pour le compte de la commune, n'a pas satisfait aux prescriptions de l'article 6 par. 1 de la Convention en ce qui concerne l'impartialité et l'indépendance du Conseil d'Etat. Il se fonde ainsi sur la composition et le mode de désignation des membres du Conseil d'Etat et sur les liens de cette juridiction avec l'une des parties. Il fait également valoir l'ambiguïté du double rôle du Conseil d'Etat, organe consultatif de l'administration active d'une part, et organe juridictionnel à l'égard de cette même administration d'autre part.
2. Le requérant se plaint par ailleurs de ce que les décisions du Conseil d'Etat l'empêchent définitivement d'agir en lieu et place de la commune et de se constituer partie civile dans la procédure devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Lyon, en violation de l'article 13 de la Convention.
3. Le requérant souligne en outre le contexte très politisé de l'espèce et allègue la violation des articles 17 et 18 de la Convention, dans la mesure où, selon lui, une obstruction judiciaire aurait été organisée pour détruire ou faire échec à l'application des dispositions de la Convention précédemment évoquées.
4. Par lettre du 6 août 1993, le requérant a introduit une requête complémentaire relative à la procédure devant les juridictions pénales, alléguant, au vu de l'arrêt de la Cour de cassation en date du 9 février 1993, la violation de l'article 1 du Protocole additionnel à la Convention, en ce que le détournement de fonds publics faisant l'objet de cette procédure aurait été réalisé au préjudice des contribuables dont il fait partie.
5. Il invoque également les articles 6 par. 1, 13, 17 et 18 de la Convention eu égard à la procédure devant les juridictions pénales et formule les mêmes griefs que ceux exposés au titre de la procédure administrative.
EN DROIT
1. Le requérant allègue tout d'abord la violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention en ce qui concerne l'impartialité et l'indépendance du Conseil d'Etat. L'article 6 par. 1 (art. 6-1) dispose que "toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...)." La Commission doit tout d'abord établir si la procédure en question visait effectivement à ce qu'un tribunal décide d'une contestation sur un droit de caractère civil du requérant. En l'espèce, elle note que le requérant avait demandé l'autorisation d'ester en justice en lieu et place de la commune qui avait négligé de le faire et de porter plainte avec constitution de partie civile. La Commission constate ensuite que le requérant est titulaire d'un droit au sens de la loi interne, puisque l'article L 316-5 du Code des communes permet à tout contribuable d'exercer, avec l'autorisation du tribunal administratif, les actions qu'il croit appartenir à la commune, au cas où l'autorité publique n'estimerait pas opportun d'agir. La Commission estime toutefois que ce droit ne saurait être considéré comme un droit de caractère civil au sens de l'article 6 (art. 6) de la Convention, dans la mesure où il s'agit d'un droit purement procédural visant à obtenir une autorisation d'ester en justice. Dans la mesure où cette procédure ne concerne pas une contestation sur un droit de caractère civil, la Commission conclut que cette partie de la requête est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2).
2. Le requérant se plaint également de l'absence de recours effectif, au sens de l'article 13 (art. 13) de la Convention, contre les décisions du Conseil d'Etat. L'article 13 (art. 13) garantit à toute personne dont les droits et libertés reconnus par la Convention ont été violés, le droit à un recours effectif devant une instance nationale. Dans la mesure où la Commission a considéré que le grief du requérant tiré de l'article 6 (art. 6) de la Convention était incompatible avec cet article, le présent grief doit également être déclaré incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2).
3. Le requérant allègue en outre la violation des articles 17 et 18 (art. 17, 18) de la Convention, libellés comme suit : Article 17 (art. 17): "Aucune des dispositions de la présente Convention ne peut être interprétée comme impliquant pour un Etat (...) un droit quelconque de se livrer à une activité ou d'accomplir un acte visant à la destruction des droits ou libertés reconnus dans la présente Convention ou à des limitations plus amples de ces droits et libertés que celles prévues à ladite Convention." Article 18 (art. 18): "Les restrictions qui, aux termes de la présente Convention, sont apportées auxdits droits et libertés ne peuvent être appliquées que dans le but pour lequel elles ont été prévues." La Commission constate qu'aucun élément n'a été apporté par le requérant pour étayer les griefs qu'il soulève au titre de ces deux dispositions. En outre, au vu des éléments du dossier, la Commission n'aperçoit aucune apparence de violation à cet égard. Il s'ensuit que cette partie de la requête doit aussi être rejetée comme étant manifestement mal fondée au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
4. Par ailleurs, eu égard à la procédure devant les juridictions pénales, le requérant allègue la violation de l'article 1 du Protocole additionnel (P1-1) à la Convention dans la mesure où il estime que le détournement de fonds publics aurait été réalisé au préjudice des contribuables, dont il fait partie. Le premier alinéa de l'article 1 du Protocole additionnel (P1-1) dispose que "Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international." La Commission rappelle toutefois que cette disposition trouve à s'appliquer si le requérant est titulaire d'un "droit" protégé par l'article 1 du Protocole additionnel (P1-1) à la Convention. En outre, "celui qui se plaint d'une atteinte à son droit de propriété doit démontrer qu'un tel droit existait" (No 7655/76, 7656/76, 7657/76, déc. 4.10.77, D.R. 12 p. 111; No 7694/76, déc. 14.10.77, D.R. 12 p. 131). En l'espèce, la Commission note que le requérant ne rapporte aucunement la preuve de l'existence de son droit de propriété. Elle estime, dès lors, qu'il n'est pas fondé, eu égard aux éléments du dossier, à invoquer l'article 1 du Protocole additionnel (P1-1) à la Convention. Il s'ensuit que ce grief doit également être rejeté comme étant manifestement mal fondé au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
5. Enfin, eu égard à la procédure pénale, le requérant allègue aussi la violation des articles 6 par. 1, 13, 17 et 18 (art. 6-1, 13, 17, 18) de la Convention et formule les mêmes griefs que ceux exposés au titre de la procédure administrative. La Commission relève que le requérant n'a apporté aucun élément venant étayer ses allégations selon lesquelles il aurait été porté atteinte à ces droits et ne démontre en rien la violation de ces dispositions. Il s'ensuit que ces griefs doivent être rejetés comme étant manifestement mal fondés au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire de la Le Président de la Deuxième Chambre Deuxième Chambre (K. ROGGE) (S. TRECHSEL)


Synthèse
Formation : Commission (première chambre)
Numéro d'arrêt : 20913/92
Date de la décision : 07/04/1994
Type d'affaire : Décision
Type de recours : Partiellement irrecevable

Parties
Demandeurs : G.M-B.
Défendeurs : la FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1994-04-07;20913.92 ?

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